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Birth

Publié le par Rosalie210

Jonathan Glazer (2004)

Birth

Je comprends pourquoi à sa sortie "Birth" a été rejeté. Il n'est pas aimable et visiblement, Jonathan GLAZER dont c'était le deuxième film aime créer des situations particulièrement inconfortables voire dérangeantes. Depuis, "Birth" a été réhabilité et le sera encore sans doute davantage à l'avenir, maintenant que son réalisateur est mieux compris. Je n'ai pas été vraiment convaincue par le contenu de l'histoire que j'ai trouvé assez artificiel, j'y reviendrai, mais les qualités de mise en scène sont déjà bien là ainsi qu'une prédisposition à proposer des films en forme d'énigmes laissant au spectateur une large place pour se les approprier. Dans "Birth" il y a un travail assez remarquable déjà à cette époque sur la sensorialité, les couleurs et la bande-son qui éclate dès la scène d'introduction noire et blanche, cotonneuse et rythmée par la musique envoûtante de Alexandre DESPLAT (une scène si belle que je me la suis repassée immédiatement et l'émission Blow Up d'Arte la cite en intégralité dans son numéro consacré au film daté de 2014). Il y a ensuite la rencontre entre deux personnes pas très équilibrées. Anna (Nicole KIDMAN alors au summum de sa carrière) qui est sur le point de se remarier sans avoir fait le deuil de époux disparu dix ans plus tôt et Sean (Cameron BRIGHT), un garçon de 10 ans fantomatique qui prétend être la réincarnation de son mari et est obsédé par elle. Cela aurait dû la faire flipper mais au contraire, cela l'entraîne au bord de la folie. Un basculement illustré par une autre scène majeure du film, deux minutes de gros plan sur le visage de Nicole KIDMAN en train de se décomposer lors d'une scène de concert. Le scénario de cette histoire d'amour improbable et sulfureuse, signé de Jean-Claude CARRIERE renvoie aussi bien à celui qu'il a écrit pour Nagisa OSHIMA, "Max mon amour" (1985) qu'aux films de Luis BUNUEL pour lesquels il a travaillé et où tous deux jouent à mettre sans dessus dessous les conventions bourgeoises, milieu symbolisé par le grand appartement où vit Anna, son fiancé Joseph (Danny HUSTON) et sa mère (jouée par Lauren BACALL). Mais je trouve que ce scénario part dans une direction qui ne correspond pas avec celle de la mise en scène. Cette dernière suggère en effet une trame fantastique alors qu'à la fin tout s'explique rationnellement. Ce qui pose un problème étant donné que le comportement de Sean ne peut pas être celui d'un enfant de 10 ans mais correspond à une projection d'adulte dans un corps d'enfant. D'où le caractère dérangeant du film (comme dans "Le Tambour" (1979) en moins provocant cependant). On peut donc voir dans le Sean enfant la vision que se fait Anna de l'amour qu'elle croit avoir perdu et qui ne s'avère être qu'une illusion.

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Les Pires

Publié le par Rosalie210

Lise Akoka et Romane Gueret (2022)

Les Pires

"Les Pires" est un premier film original et d'une brûlante actualité. Qualifié de "La Nuit americaine" (1973) du pauvre, il raconte l'histoire d'un tournage dans une cité défavorisée de Boulogne-Sur-Mer, la cité Picasso. Boulogne-Sur-Mer, toute proche de la ville de M. Madeleine et de la déchéance de Fantine dans "Les Misérables", cela fait aussi penser au film éponyme de Ladj LY tourné dans un autre épicentre du roman de Victor Hugo, Montfermeil qui s'interrogeait déjà sur le pouvoir de la caméra pour renverser les rapports d'oppression. Mais avec un angle bien différent. Pour leur premier film, les réalisatrices Lise AKOKA et Romane GUERET font preuve d'une grande intelligence en faisant une critique acérée des dérives de réalisateurs en quête de sensationnalisme et d'images choc au point d'en oublier toute éthique. A l'heure où l'on interroge de plus en plus ouvertement les abus des réalisateurs lors des tournages longtemps couverts par le droit de tout faire au nom de l'art, le film montre que cela ne concerne pas seulement la prédation sexuelle. La misère sociale et le voyeurisme qu'elle peut susciter est au coeur du film. On y voit un réalisateur flamand que l'on peut considérer comme un avatar de Bruno DUMONT ou des frères Jean-Pierre DARDENNE et Luc DARDENNE filmer plein cadre les parties les plus dégradées des barres de la cité, concocter un scénario qui semble être un pastiche de celui de "Sheherazade" (2018), caster les "pires cas sociaux" comme le fait finement remarquer l'une des recrues, la jeune Maylis qui oppose la muraille de son visage indéchiffrable et la rareté de sa parole à la caméra intrusive du réalisateur. Un choix qui d'ailleurs révolte également les habitants de la cité qui se retrouvent confrontés à une image dégradante d'eux-mêmes ce qui anéantit au passage les efforts des travailleurs sociaux pour les sortir du ghetto. Mais l'aspect le plus sensible de cette critique porte sur les manipulations du réalisateur sur ses acteurs amateurs, en particulier le plus jeune et vulnérable d'entre eux, le petit Ryan (joué avec beaucoup de présence par Timéo Mahaut). Alors que celui-ci est pris en charge pour apprendre à canaliser ses colères incontrôlables, le réalisateur qui connaît les paroles susceptibles de les déclencher les souffle aux autres petits garçons du groupe qu'il filme après leur avoir dit en plus de s'insulter avec leurs propres mots. Le tout dans le but d'extorquer à l'enfant quelques plans bien obscènes. Même comportement envers les adolescents dont il veut tirer une scène d'amour. Si la jeune Lily (Mallory WANECQUE qui crève l'écran et semble bien partie pour faire carrière) affamée d'affection et dévorée par les écrans se laisse prendre à ce jeu de miroirs, Jessy (Loïc Pech) ne supporte pas d'être traité comme un bout de viande et le fait vite savoir. Bref de quoi nourrir une réflexion salutaire.

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100 dollars pour un shérif (True Grit)

Publié le par Rosalie210

Henry Hathaway (1969)

100 dollars pour un shérif (True Grit)

Après avoir vu le film grâce à Arte, je trouve décidément l'original 100 fois (!) meilleur que la copie propre, intellectualisée mais sans âme qu'ont réalisé les frères Joel COEN et Ethan COEN. Je sais qu'ils prétendent s'être inspiré du roman et non du film et qu'une partie de la critique les a encensés pour cela entre autre mais je campe sur mes positions car les deux versions se ressemblent trop pour que cela soit simplement dû à leur source commune. J'en veux pour preuve le clin d'oeil du bandeau ou le passage où Mattie Ross sort de la rivière miraculeusement sèche qui devient sans doute une allusion ironique chez les Coen sauf qu'en fait, on accepte les invraisemblances de ce genre si le film sonne juste par ailleurs et est incarné. La différence pour moi se loge en effet dans les détails et entre les lignes, dans la relation qui se construit entre Rooster Cogburn et Mattie Ross avec le personnage de Leboeuf en intermédiaire. Contrairement à la Mattie des Coen réduite à son rôle de vengeresse désincarnée, celle de Henry HATHAWAY n'a pas abdiqué son humanité si bien que derrière sa quête revendiquée de vengeance s'en cache une autre, implicite qui est la recherche d'un père de substitution (ce qui d'ailleurs entraîne un fin bien différente de celle, glaciale, des Coen). Ca tombe bien, Rooster Cogburn a échoué à en construire une et en particulier à créer un lien avec son fils. Il a donc droit à une seconde chance avec un "garçon manqué". On sourit d'autant mieux devant ses accès de jalousie quand Mattie se détourne trop du "coq" (rooster en VO) pour regarder d'un peu trop près "le boeuf" envers qui elle manifeste une tendresse évidente. Là-dessus John WAYNE nous régale avec une composition pleine de saveur en shérif revenu de tout, borgne, bedonnant et porté sur la bouteille et la gâchette. L'Oscar qu'il a reçu était mérité mais il s'agissait surtout de le couronner pour l'ensemble de sa carrière avant qu'il ne soit trop tard. Comme Ennio MORRICONE dans le domaine de la composition musicale couronné seulement en 2016 à 88 ans, il a payé cher son étiquette d'acteur de films de divertissement alors que plusieurs de ses compositions antérieures auraient dues être récompensées, dans le registre dramatique (comme "La Riviere rouge" (1946) ou "La Prisonniere du desert") (1956) ou dans le registre de la comédie ("Rio Bravo") (1959).

Enfin pour l'anecdote, le film fait jouer dans de petits rôles deux acteurs d'avenir dans le nouvel Hollywood, Robert DUVALL et Dennis HOPPER.

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De son vivant

Publié le par Rosalie210

Emmanuelle Bercot (2021)

De son vivant

Echaudée par "Comme une etoile dans la nuit" (2008) que j'avais trouvé lourd et mélo en plus d'utiliser un vocabulaire de combat dérisoirement inapproprié, je ne me suis pas précipitée sur "De son vivant". Le film de Emmanuelle BERCOT qui comme certaines de ses consoeurs aime bien traiter de sujets sociaux est à double tranchant. D'un côté il cherche à prendre à bras le corps le délicat sujet de la fin de vie. De l'autre, il le fait d'une manière qui n'a rien de réaliste. Tout le monde ou presque aimerait en de pareilles circonstances être accompagné par le docteur Sara qui joue son propre rôle, un oncologue d'une disponibilité et d'une humanité exceptionnelle. Mais outre qu'il s'agit justement d'une exception et qu'il faut aller jusqu'à New-York pour le trouver, il devient le centre d'une série de scènes d'hôpital pas très heureuses entre tables rondes où les soignants chantent et libèrent leur parole et séances de tango censées représenter la "danse de l'individu avec la maladie" sans parler de l'assistante du docteur Eddé (le nom de fiction du docteur Sara), Eugénie (Cecile de FRANCE) qui tombe carrément amoureuse de son patient et outrepasse largement son rôle. Tant d'amour et de compassion conjuguées pour contrebalancer l'horreur de la situation vécue par Benjamin font écran à la dureté de la condition de mourant et même si par expérience personnelle, je sais que l'empathie existe au sein des unités de soins palliatifs, je pense comme l'article du journal Le Monde, qu'une piqûre de rappel de Ingmar BERGMAN ou Maurice PIALAT ne ferait pas de mal. Néanmoins le film touche, essentiellement grâce à la relation fusionnelle que Emmanuelle BERCOT créé entre une mère et son fils. Déjà dans "La Tete haute" (2015), je trouvais qu'elle arrivait à bien diriger Catherine DENEUVE qui s'avère être encore une fois convaincante dans son rôle d'une mère infantilisante mais digne. Face à elle, Benoit MAGIMEL (qu'elle avait également dirigé dans "La Tete haute") (2015) porte le film sur ses épaules et sa prestation a fait date.

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L'Echange des Princesses

Publié le par Rosalie210

Marc Dugain (2017)

L'Echange des Princesses

Le sujet du film -des têtes couronnées ou destinées à l'être- ne m'attirait pas plus que ça. Mais en réalité, il y a un léger pas de côté qui rend le film intéressant. Une cinquantaine d'années avant Marie-Antoinette, le film, tiré du livre de la chercheuse Chantal Thomas qui cosigne également le scénario raconte une histoire très semblable de mariages arrangés dans le but de sceller des alliances diplomatiques entre puissances européennes souhaitant cesser de se faire la guerre. Avant l'Autriche des Habsbourg c'est donc avec l'Espagne que la France a mené une double transaction, d'un côté l'union de la fille du régent Philippe d'Orléans avec l'héritier du trône d'Espagne et de l'autre, celle de Louis XV et de l'infante d'Espagne. Le tout sur fond de jeux de pouvoir entre deux branches de la même famille (le roi d'Espagne, Philippe V est le petit-fils de Louis XIV et donc un Bourbon alors que le régent appartient aux Orléans, cousins des Bourbons dont Louis XV, arrière-petit fils de Louis XIV est le plus jeune descendant). Si les principaux intéressés, des enfants et des adolescents, n'ont pas voix au chapitre, ce sont les filles qui payent le plus lourd tribut. Obligées de s'exiler, leur sort dépend de leur mari mais surtout de l'entourage de celui-ci. Elles apparaissent donc comme de simples pions que l'on déplace au gré des arrangements des uns et des autres, le tout sur un fond crépusculaire d'épidémies et de médecins porteurs de mort qui annonce la fin de la monarchie. Pourtant, ce sont les deux princesses, la petite fille précoce et l'adolescente rebelle qui semblent constituer les seuls êtres vivants au sein d'une cour sclérosée. Si l'argument est au final assez peu consistant pour un long-métrage avec des personnages parfois insuffisamment creusés, la photo est splendide et donne vraiment l'impression de se promener dans un tableau vivant.

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They Shot the Piano Player (Dispararon al pianista)

Publié le par Rosalie210

Fernando Trueba et Javier Mariscal (2024)

They Shot the Piano Player (Dispararon al pianista)

"They shot the Piano Player" est la deuxième collaboration du réalisateur Fernando TRUEBA et du dessinateur Javier MARISCAL après "Chico & Rita" (2010). On y retrouve l'animation et la musique latino mais "They shot the Piano Player" est aussi un film politique au travers d'une enquête sur la disparition d'un pianiste de jazz brésilien virtuose, Francisco Tenório Júnior, à la veille du coup d'Etat en Argentine en 1976. Plus de 30 ans après les faits, le journaliste américain fictif Jeff Harris (l'alter ego de Fernando TRUEBA) qui doit écrire un livre sur la bossa nova découvre un enregistrement du musicien disparu. Subjugué, il part à la recherche de ceux qui l'ont connu et ressuscite l'âge d'or de la musique brésilienne au travers de ses représentants les plus prestigieux dont on entend la voix au travers de leur avatar animé. Même moi qui ne suis pas une spécialiste, j'ai reconnu Chico BUARQUE, Gilberto GIL ou encore Caetano VELOSO. Et si d'autres me sont inconnus, je les connais en réalité à travers leurs oeuvres (Vinicius de MORAES qui accompagnait le pianiste lors de la tournée durant laquelle il a disparu est l'auteur des paroles de "The girl from Ipanema"). Des anecdotes impliquant également de grands noms du jazz afro-américain comme Ella FITZGERALD sont évoquées. Et le parallèle créatif avec la nouvelle vague française (bossa nova se traduit par nouvelle vague), l'influence de Francois TRUFFAUT surtout se retrouve à travers le titre, hommage à "Tirez sur le pianiste" (1960). Mais en parallèle de cette effervescence de sons et de couleurs, le film évoque la terrible période des dictatures militaires s'étant abattues en Amérique latine avec la complicité de la CIA et leur coordination au travers de l'opération condor pour traquer leurs opposants communistes ou supposés tels. Car Tenório n'étant pas politisé, il peut être considéré comme une victime collatérale de ce terrorisme d'Etat se trouvant au mauvais endroit et au mauvais moment, embarqué à cause de son apparence l'assimilant aux révolutionnaires, torturé puis exécuté pour l'empêcher de témoigner de ce qu'il avait vu et vécu. L'enquête de Jeff Harris l'amène donc à reconstituer les lieux de détention, de torture et d'exécution, la disparition des corps, les bébés enlevés à leur mère pour être adoptés par des familles soutenant le régime et les séquelles sur les survivants (la femme de Tenório privée du statut de veuve et des ressources allant avec par exemple). Un peu ardu à suivre par moments avec quelques redites et longueurs mais on y apprend beaucoup, on y voit et y entend beaucoup et on repart avec une question lancinante "Comment tant de douceur et de beauté ont pu cohabiter avec tant de barbarie?".

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Daaaaaali!

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2024)

Daaaaaali!

Un excellent cru que ce dernier film de Quentin DUPIEUX à ranger aux côtés des petites perles surréalistes que sont "Realite" (2015) et "Au Poste !" (2018), mes deux films préférés du réalisateur. Du premier, il partage la structure gigogne brouillant les frontières entre rêve et réalité et emboîtant même les rêves les uns dans les autres: c'est un festival de cadres dans le cadre rempli de réjouissantes surprises. Du second, il reprend l'influence de Luis BUNUEL ce qui est une évidence, les deux artistes surréalistes espagnols ayant étroitement collaboré, notamment sur "Un Chien andalou" (1929). Il pleut des chiens morts dans "Daaaaaali!" mais c'est surtout la trame de "Le Charme discret de la bourgeoisie" (1972) que l'on retrouve dans le dernier Quentin DUPIEUX. Dans le film de Luis BUNUEL, des bourgeois qui essayent de se réunir pour dîner sont interrompus par des situations plus absurdes les unes que les autres. Dans "Daaaaaali!", c'est la petite journaliste jouée par Anais DEMOUSTIER qui tente dans toutes les variations possibles et imaginables d'obtenir un entretien du peintre, lequel le fait capoter là encore de façon systématiquement absurde. Enfin, si le titre étire le nom du peintre, c'est à la fois pour souligner son comportement clownesque et parce chaque a du titre correspond à l'un des six acteurs qui l'interprète. La distorsion de l'espace-temps est l'une des caractéristiques du film de Quentin DUPIEUX. On y voit Dali se rencontrer à deux âges différents ou bien entrer dans un tunnel avec un visage et en sortir avec un autre ou bien trouver le repas si interminable qu'il en sort sur une chaise roulante ou encore (l'une des séquences que j'ai préférée), marcher le long d'un couloir d'hôtel sans pour autant se rapprocher de la journaliste incarnée par Anais DEMOUSTIER. Les différentes incarnations du peintre sont inégales et fort heureusement, Quentin DUPIEUX a laissé la part du lion aux deux meilleures, celle de Edouard BAER, impérial et celle de Jonathan COHEN, incroyablement expressif. Je l'avais détesté dans "Une annee difficile (2022)" mais là il m'a complètement bluffé!

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Vilaine fille, mauvais garçon

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2011)

Vilaine fille, mauvais garçon

Le premier film de fiction de Justine TRIET est un court-métrage réalisé deux ans avant son premier long-métrage, "La Bataille de Solferino" (2013). Il raconte la rencontre de deux losers trentenaires lors d'une soirée chez des amis et leurs pérégrinations nocturnes, point commun avec "La Bataille de Solferino" (2013). Néanmoins ce n'est pas la colère qui constitue l'émotion dominante du court-métrage mais plutôt la tristesse. Laetitia (Laetitia DOSCH) et Thomas (Thomas LEVY-LASNE) connaissent des situations très similaires. Ils n'arrivent pas à se faire une place dans leurs activités artistiques respectives ("Je suis un artiste engagé...nulle part" fait dire Thomas à son personnage dessiné ce qui est une bonne définition du problème) et n'ont pas réellement non plus d'espace privé. Thomas vit avec son père et son grand-père dans un appartement exigu et encombré et Laetitia vit avec son frère schizophrène qui est ingérable. Malgré la différence de tonalité avec "La Bataille de Solférino", l'impossibilité à communiquer s'avère commune aux deux films. Au lieu de se rencontrer, Laetitia et Thomas se retrouvent renvoyés à leurs solitudes respectives. Il faut dire que si l'on est attentif, on observe que Thomas et son personnage dessiné ne font qu'un. Il ne repousse pas Laetitia mais c'est elle qui sous l'emprise de l'alcool lui impose son flot de paroles puis s'invite chez lui alors qu'il reste passif ou met des écrans entre elle et lui. Lorsque Laetitia retourne chez elle au petit matin et s'écroule seule sur son lit, le seul décor chaleureux du film (qui sinon baigne dans un blanc clinique), un coucher de soleil exotique s'avère être du papier-peint, bref une illusion.

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Mortelle randonnée

Publié le par Rosalie210

Claude Miller (1982)

Mortelle randonnée

Je n'avais jamais vu "Mortelle randonnée" et je ne savais rien de son intrigue donc au début j'ai été assez déconcertée par l'artificialité du récit qui semble nager dans un certain onirisme glauque. Cependant, plus on avance dans l'histoire et plus celle-ci se dépouille de ses artifices. Le film raconte une odyssée vers la mort de deux âmes errantes. Un détective qui court après l'obsession d'un deuil impossible et une mystérieuse jeune femme sans attaches et changeant sans cesse d'identité qui vole et sème la mort sur son passage, d'abord volontairement puis tragiquement. Le détective semble si peu interagir avec le monde qu'il est surnommé "l'oeil". En effet il observe, il photographie et tel un passe-muraille, il semble pouvoir entrer partout tout en étant transparent aux yeux des autres. En fait il est quelque part déjà mort ce qui explique qu'il puisse suivre partout et de près la jeune femme sans qu'elle le remarque et même se relever après qu'elle lui ait tiré dessus. Ce fantôme qui m'a fait penser à celui de Bruce WILLIS dans "Sixieme sens" (1999) court après l'illusion de celle en qui il croit reconnaître sa fille disparue et par un effet-miroir, on découvre qu'elle a grandi dans un orphelinat et qu'elle comble son vide existentiel en s'inventant des pères plus rocambolesques les uns que les autres, tirés pour la plupart de films de cinéma (comme celui de "Le Dernier des hommes") (1924). Un autre aspect qui finit par rendre le film profondément mélancolique est que le cheminement des deux personnages ressemble à une chute sans fin. Sautant d'abord d'un palace à l'autre aux quatre coins de l'Europe (Bruxelles, Monte-Carlo, Rome, Baden-Baden, Biarritz), ils terminent leur voyage dans des hôtels miteux et dans une région minière sinistrée, Catherine (le vrai prénom du personnage) finissant même serveuse dans un restaurant ironiquement nommé "Le Miami" se situant au milieu d'une gare en pleine zone industrielle dont on sent qu'il sera son terminus. On finit par prendre en pitié ce personnage condamné à la solitude éternelle puisque dès qu'il se lie à quelqu'un, il lui porte malheur. Isabelle ADJANI fait évoluer son jeu de façon à ce que son personnage, d'abord très froid et insensible devienne de plus en plus las, égaré et désespéré. Quant à Michel SERRAULT il est complètement habité par son rôle de père en deuil dont j'ignorais le caractère autobiographique (double d'ailleurs du scénariste, Michel AUDIARD). Si le film ne fiche pas le cafard c'est parce que comme dans "La Meilleure facon de marcher" (1976), Claude MILLER sait le rendre respirable et même agréable en y injectant des personnages hauts en couleur et des passages de comédie. Du grand art.

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Le Péril jeune

Publié le par Rosalie210

Cédric Klapisch (1994)

Le Péril jeune

"Le Péril jeune" est un film culte de la première moitié des années 90. Plus exactement un téléfilm commandé par Arte dans le cadre d'une collection sur les années lycée et qui s'est autonomisé du lot pour sortir au cinéma avec le succès et la postérité que l'on sait. D'ailleurs à la même époque, Arte avait commandé une autre série de téléfilms sur l'adolescence, "tous les garçons et les filles de leur âge" d'où sont sortis également quelques films importants transposés au cinéma dont "Les Roseaux sauvages" (1994) de Andre TECHINE avec Elodie BOUCHEZ qui jouait également dans "Le Péril jeune". Ces films ont en effet permis d'apporter un renouveau dans le regard porté sur l'adolescence et du sang frais dans le cinéma français. Le casting du film de Cedric KLAPISCH comporte plusieurs futures stars, Romain DURIS en tête qui avait 19 ans, dont c'était le premier rôle et qui crevait l'écran. Cedric KLAPISCH venait de dénicher son Antoine Doinel avec lequel il allait tourner par la suite sept films dont la trilogie de l'auberge espagnole traitant également de thèmes proches. On voit déjà dans "Le Péril jeune" (qui n'était que le deuxième film de Klapisch) s'esquisser une famille de cinéma avec des seconds rôles tels que Zinedine SOUALEM ou Marina TOME et même Renee LE CALM qui prononce la phrase donnant son titre au film. Cedric KLAPISCH lui-même fait plusieurs caméos dans le film ce qui deviendra son habitude.

"Le Péril jeune" est emblématique des films de jeunesse de Cedric KLAPISCH quand celui-ci savait saisir les changements à l'oeuvre dans un quartier, dans la famille ou dans la jeunesse avec justesse et légèreté tout en l'inscrivant toujours dans une certaine mélancolie. Je suis nostalgique de cette période de sa filmographie car je trouve que sa patte s'est depuis considérablement alourdie. L'idée de génie de "Le Péril jeune", outre le refrain "on s'était dit rendez-vous dans 10 ans" qui fait fonctionner le film en flash-backs, l'inscrivant d'emblée dans un cadre nostalgique de jeunesse révolue et de passage de témoin avec l'attente de la naissance d'un enfant, c'est le personnage de Tomasi. Sa disparition le transforme en symbole, l'incarnation de l'adolescent rebelle, fauché au zénith de sa jeunesse ce que les dernières images transcrivent parfaitement. Il s'inscrit dans une lignée qui évoque aussi bien James DEAN que Jim MORRISON d'autant que ce dernier appartient à la même époque que la jeunesse du film, à savoir la première moitié des années 70 marquée par le rock, la contre-culture, l'émancipation des filles mais aussi la montée du chômage de masse et la drogue, bref l'angoisse du "no future" qu'incarne parfaitement Tomasi, cet être solaire qui porte en lui la mort.

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