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L'Invaincu (Aparajito)

Publié le par Rosalie210

Satyajit Ray (1956)

L'Invaincu (Aparajito)

"L'Invaincu" est la suite de "La Complainte du sentier" (1955). Elle n'était pas prévue à l'origine mais le succès du premier film conduisit Satyajit RAY à réaliser une trilogie se faisant le miroir des transformations de la société indienne. Dans cet opus de transition, on voit en effet la famille d'Apu continuer à se déliter sous le poids du passé, de l'ignorance et du déracinement. Leur déménagement dans la ville sainte de Bénarès, baignée par les eaux du Gange ne leur apporte pas les bienfaits attendus. La symbolique de l'eau sacrée qui s'avère être un poison mortel est de ce point de vue lourde de sens et souligne l'obscurantisme religieux. Et le retour à la campagne s'avère être un recul dans l'ambiance du premier film avec le poids de la famille et des traditions qu'il faut perpétuer.

Mais Apu ne veut plus de ce destin qui, il le pressent, va le conduire à sa perte comme pour sa soeur et son père. Il ne veut plus rester en dehors de l'histoire en marche, symbolisée par la train. L'école et les opportunités qu'elle offre sera sa planche de salut, lui permettant de s'échapper à Calcutta pour y faire des études et s'inventer une autre vie, tracer son propre chemin plutôt que de suivre le sentier du premier film. Mais ce faisant, il laisse sa mère en arrière qui accablée par ses malheurs successifs n'a plus que lui au monde et dépérit en constatant qu'il lui échappe. C'est ce choix douloureux et le déchirement qui en résulte qui constitue le coeur battant du film. En montant à la ville, en se séparant de sa famille et en refusant de reprendre le métier de son père, Apu s'occidentalise, au grand dam du public indien de l'époque que ce comportement individualiste (qui est aussi un réflexe de survie) a pu choquer. Ajoutons que s'il est moins stupéfiant de beauté que "La Complainte du sentier" (1955), "L'invaincu" n'est pas avare de fulgurances poétiques que ce soit la fascination que la vie grouillante au bord du Gange filmée dans un style néoréaliste peut exercer sur le spectateur, l'envol de corbeaux au moment de la mort du père où ces plans terribles sur le visage douloureux de la mère qui contemple l'aube de la vie de son fils et les lucioles de son crépuscule à elle. L'interprétation de Karuna Banerjee est si possible encore plus poignante que dans le premier film.

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Spring Breakers

Publié le par Rosalie210

Harmony Korine (2012)

Spring Breakers

"Spring Breakers" est un film qui m'a beaucoup marqué lorsque je l'ai vu l'année de sa sortie. J'ai d'ailleurs eu grand plaisir à le revoir sur Netflix en constatant qu'il était toujours aussi bien fichu. Pour résumer, "Spring Breakers" est un trip halluciné aux couleurs clinquantes et fluorescentes, un film hypnotique scandé par des rimes visuelles (les séquences clippées façon MTV ou rap bling-bling, le retour à la réalité dans le bus) et sonores (les flingues qu'on recharge, le bruit des détonations, le mantra "Spring Breakers pour la vie") qui raconte la virée de quatre filles prêtes à tout pour rompre avec la monotonie de leur quotidien et faire durer le plaisir. Plaisir consistant surtout à transgresser les limites et à se défoncer de toutes les manières possibles. Le film nous abreuve donc dans un premier temps d'images d'orgies de drogue, d'alcool et de sexe jusqu'à ce que qu'après avoir été arrêtées pour le braquage qui a payé leurs vacances, les filles tombent sous la coupe d'un caïd de la drogue (joué par James FRANCO) armé jusqu'aux dents ^^ mais paradoxalement tendre qui paye leur caution et les prend sous son aile, les menant de plus en plus loin dans sa vie de gangster, du moins celles qui sont prêtes à aller jusqu'au bout de la nuit avec lui. Les autres font demi-tour et connaissent une redescente douloureuse qui s'apparente à un sevrage. Film toxicomaniaque, "Spring Breakers" souligne d'une manière troublante une jeunesse américaine schizophrène. Côté pile, l'univers Disney dont les actrices sont issues, côté face, ces mêmes actrices se dévergondant en mode bimbo dans ce qui s'apparente à un carnaval trash. le spring break est en effet aux USA ce moment de relâche après les examens du printemps où les étudiants partent s'éclater au soleil de Floride avant de retourner au monde réel.

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Nous nous sommes tant aimés (C'eravamo tanto amati)

Publié le par Rosalie210

Ettore Scola (1974)

Nous nous sommes tant aimés (C'eravamo tanto amati)

Trois hommes, Antonio un prolétaire (Nino MANFREDI), Gianni un bourgeois (Vittorio GASSMAN) et Nicola un intellectuel (Stefano SATTA FLORES) amoureux de la même femme, Luciana (Stefania SANDRELLI) traversent trente années d'histoire de l'Italie, de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à l'époque du tournage du film au début des années 70. Leur amitié forgée au sein de la Résistance ne résiste pas au rouleau compresseur de la réalité. Leurs idéaux subissent le même sort, résumé dans cette remarquable phrase-bilan pleine d'amertume "nous voulions changer le monde et c'est le monde qui nous a changé". Ettore SCOLA entremêle destins individuels et histoire collective dans ce qui est l'un de ses plus beaux films, travaillé plus que jamais par le passage du temps. Car il y ajoute un troisième ingrédient fondamental qui soude l'individuel et le collectif: le cinéma italien dont il retrace également l'évolution sur trente années autour de quelques jalons essentiels et sous diverses formes. "Le Voleur de bicyclette" (1948) de Vittorio DE SICA est présent en filigrane tout au long du film parce qu'il résume le parcours des trois hommes. Unis par une même cause au début du film, ils se retrouvent séparés par une infranchissable barrière sociale (et morale) à la fin. De même, lorsqu'il voit enfin en chair et en os 1974 Vittorio DE SICA, l'idole pour lequel il a sacrifié son confort matériel et sa vie personnelle, Nicola subit une terrible désillusion et refuse finalement de le rencontrer. Celle-ci se réfère au fait qu'après avoir été porté aux nues pour sa contribution à la naissance du néoréalisme (décrié par la bourgeoisie), Vittorio DE SICA a été accusé de faire du cinéma commercial et bourgeois à partir des années 60, donc d'avoir trahi ses idéaux. Il est d'ailleurs décédé avant la sortie du film qui lui est dédié (un symbole de la fin de l'âge d'or de ce cinéma?) De manière plus ludique, la reconstitution de la scène de la fontaine de Trevi de "La Dolce vita / La Douceur de vivre" (1960) qui est étroitement insérée dans l'histoire des protagonistes du film puisque Luciana y fait de la figuration (elle n'aura jamais mieux et sa place dans le film symbolise son échec professionnel) est un régal pour le cinéphile car on y voit Federico FELLINI et Marcello MASTROIANNI dans un exercice d'autodérision assez jouissif (le premier est confondu avec Roberto ROSSELLINI, le second tente d'échapper à son étiquette de "latin lover" en portant des lunettes noires ^^). Enfin, Michelangelo ANTONIONI est étroitement lié à l'histoire d'Elide (Giovanna RALLI), la femme bourgeoise de Gianni épousée par intérêt qui se reconnaît dans le personnage joué par Monica VITTI dans "L Éclipse" (1962). Ridicule au début du film, Elide devient de plus en plus émouvante au fur et à mesure que ses efforts pour être à la hauteur des attentes de son mari (sur le plan physique et intellectuel) se heurtent à une froide indifférence et une absence de communication symbolisée par les cadres vides qu'elle accroche au mur.

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Impitoyable (Unforgiven)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1992)

Impitoyable (Unforgiven)

"Impitoyable" c'est le western désenchanté par excellence, celui qui enterre tout un pan du genre dans un magnifique contre-jour funèbre sur fond de coucher de soleil. Les "héros" (?) y sont vieux et fatigués. Leurs idéaux, inscrits sur une pierre tombale ou sur un panneau à l'entrée d'une petite ville y tombent en lambeaux. Le biographe (chantre?) ironiquement chargé d'écrire l'histoire de quelques légendes de l'ouest dans la plus pure tradition de John FORD se retrouve bien en peine de tirer quelque chose de glorieux de la sordide et pathétique réalité qui se déroule devant ses yeux. Celles de cowboy, (ex) hors la loi, chasseur de primes ou shérif qui ont renié leur rôle et sombré dans l'impuissance c'est à dire dans la violence. Dès les premières scènes, on est prévenus: la violence surgit à la suite du rire d'une prostituée devant la taille ridicule de "l'engin" que l'homme exhibe devant elle. Défigurée pour avoir osé transgresser un système fondé sur le virilisme, elle est qui plus est victime d'une autre forme de violence par le biais du shérif qui croit régler le problème par une transaction compensatrice envers le proxénète en laissant totalement de côté la victime considérée comme une marchandise endommagée qui logiquement devant ce déni d'humanité et de justice crie vengeance. Voilà comment en quelques scènes, Clint EASTWOOD règle ses comptes avec la mythologie du genre ainsi qu'avec son image de réac misogyne voire facho sur les bords forgée notamment au contact des films tournés avec ses mentors, Sergio LEONE et Don SIEGEL ainsi que dans ses premières réalisations. Son point de vue est en effet à la fois très humain et très critique. Très humain car ses personnages n'ont rien de héros, ils sont plein d'imperfections pour ne pas dire souvent totalement pathétiques (Munny aussi fiévreux que ses porcs qui se traîne au sol sous les coups du shérif par exemple ou Ned qui s'avère incapable de tirer). Très critique car tout le monde en prend pour son grade à commencer par le shérif, brillamment interprété par Gene HACKMAN dont les méthodes barbares ébranlent sa fonction de représentant de la loi et de l'ordre à l'image de sa maison mal construite ou le tueur English Bob (Richard HARRIS) qui tombe méchamment du piédestal qu'il tentait de faire forger à la gloire de ses exploits. Lesquels se résument encore et toujours à un concours de bites. Quant aux exécutions, elles sont volontairement ramenées à leur niveau le plus crade, le plus écoeurant avec tel homme qui n'en finit plus d'agoniser en criant, le bide transpercé ou tel homme qui se fait tirer dessus en pleine défécation. Histoire d'empêcher qu'une nouvelle légende puisse pousser sur le tas de merde semble nous dire Clint EASTWOOD.

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Blancanieves

Publié le par Rosalie210

Pablo Berger (2012)

Blancanieves

"Blancanieves" c'est une version années 1920 de Blanche-Neige* qui emprunte son vocabulaire au cinéma muet et au "Freaks" (1932) de Tod BROWNING, le tout transposé dans l'Andalousie de la corrida et du flamenco. Comme les mythes, les contes sont plastiques et peuvent donc être accommodés à toutes les sauces. Celle de Pablo BERGER est un bel objet d'art très élégant, très travaillé mais qui manque de sens et d'incarnation. L'ensemble donne une terrible impression de formol, le réalisateur semblant plus obsédé par la forme de son film que par son contenu. Les personnages relèvent de la simple imagerie alors que leurs relations pouvaient donner lieu à une exploration de thématiques subversives qui sont à peine effleurées (l'impuissance du père, la marâtre manipulatrice et castratrice, la relation trouble de Carmen avec les nains, la nécrophilie avec un parallèle qui apparaît notamment à la fin avec "Vertigo") (1958). Reste outre la photographie, un art du découpage cinématographique et des transitions assez bluffant qui donne lieu à de belles idées de mise en scène: le mauvais présage lors de la corrida, la superposition du visage de la mère et de celui de la marâtre ou encore la robe blanche de communion qui devient celle, noire du deuil.

* Avec quelques réminiscences de "Cendrillon" et de "La Belle au bois dormant" dedans.

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Soul

Publié le par Rosalie210

Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Soul

"Soul", le dernier-né des studios Pixar qui devait initialement sortir au cinéma le 19 juin 2020 se retrouve finalement sur la plateforme de streaming Disney + pour noël. Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle car jusqu'à présent ce système sans doute trop individualiste a échoué à créer une mémoire collective. Or les films Pixar font partie d'un précieux patrimoine qu'il serait dommage de voir ainsi privatisé.

Cette réflexion faite, le film se situe dans la continuité des précédents opus de Pete DOCTER, "Monstres & Cie" (2002), "Là-haut" (2008) et surtout "Vice-versa" (2015). Très conceptuel et métaphysique, il m'a fait penser à la pièce de théâtre "L'Oiseau bleu" de Maurice Maeterlinck qui date du début du XX° siècle et a été plusieurs fois adapté au cinéma. Elle relate le voyage de deux enfants au pays des morts mais également au pays des "pas encore-nés". De fait l'histoire de "Soul" raconte la rencontre entre une âme neuve pas encore incarnée mais qui n'attend rien de la vie avant même de l'avoir commencée et d'un homme pas encore tout à fait mort qui s'y accroche désespérément parce qu'il pense ne pas encore avoir vraiment vécu. Pour enrichir encore ce canevas, le titre "soul" (âme) se réfère également à la musique jazz dont le héros qui est afro-américain (une première chez Pixar) est passionné.

Sur le plan formel, le film est comme "Vice-versa" (2015) novateur en trouvant des traductions graphiques de concepts ou d'expériences cérébrales, psychologiques ou sensorielles comme la déconnexion de soi (transe ou névroses), l'EMI et l'au-delà (pas d'enfer ni de paradis mais un grand tout cosmique dans lequel les âmes se fondent) sans parler d'un mélange de personnages métaphysiques en 2D qui font penser aux tableaux de Picasso en version stylisée et d'autres en 3D. Sur le plan narratif, c'est plus confus avec de nombreuses bonnes idées pas pleinement exploitées et des passages convenus. La fin en particulier est très politiquement correcte. Bref "Soul" est un chaudron bouillonnant mais pas un film pleinement abouti.

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La Complainte du sentier (Pather Panchali)

Publié le par Rosalie210

Satyajit Ray (1955)

La Complainte du sentier (Pather Panchali)

Lorsqu'en 2013 je suis allée voir (et revoir tant elle était riche) l'exposition "Musique et cinéma" à la cité de la Musique, il y avait deux extraits de films indiens musicaux mais aux antipodes l'un de l'autre: "Devdas" (2002) représentait la magnificence et la démesure du film de studio bollywoodien avec un extrait mêlant danse et chanson alors que "La complainte du sentier" bercé par le sitar deRavi SHANKAR au contraire se distinguait par son caractère naturaliste. L'influence du néoréalisme italien est en effet palpable dans le film qui est tourné en décors réels, avec des acteurs amateurs et peu de moyens ainsi que celle de Jean RENOIR que Satyajit RAY rencontra au moment où il tournait "Le Fleuve" (1951) à Calcutta et qui lui donna la confiance nécessaire pour tourner son premier long-métrage en dehors des canons en vigueur dans son pays. Les personnages de "La complainte du sentier" sont pris comme ceux de "Une partie de campagne" (1946) entre le marteau (de la nature lorsqu'elle se déchaîne) et l'enclume (de la société).

Néanmoins ces influences revendiquées qui sont aussi des repères pour le cinéphile occidental (ce n'est pas un hasard si Satyajit RAY a été primé à Cannes pour le film) n'empêchent pas le film d'avoir son identité propre, irréductible. "La complainte du sentier" est un film magnifique qui capture l'essentiel de la vie, avec ses joies et ses peines d'une famille très pauvre vivant dans un petit village du Bengale perdu dans la forêt au début du XX° siècle. En dépit de quelques signes de modernité venus de la ville (fils électriques et train), les personnages vivent hors du temps, selon des coutumes séculaires. Mais l'incapacité manifeste du père à subvenir aux besoins de sa famille et notamment à entretenir la maison de ses ancêtres ainsi que l'absence de solidarité des voisins pourtant mieux nantis finit par ébranler cette famille dans ses fondements et la pousser à l'exil, donc au changement (d'où le fait logique que "La complainte du sentier" soit devenu le premier volet d'une trilogie). Les deux enfants, Durga et Apu qui se retrouvent coincés entre un père qui fuit ses responsabilités et une mère au contraire accablée par les soucis matériels tentent de s'en sortir comme ils le peuvent. Alors qu'en tant que garçon, Apu est le mieux loti (il va par exemple à l'école), c'est sa soeur qui s'avère la plus énergique et débrouillarde* bien que pourtant son destin ne cesse de s'assombrir. Apu saura s'en souvenir le moment venu.

* C'est la seule à s'inquiéter par exemple de la vieille tante Indir qui bien que n'ayant que la peau sur les os est considérée comme un boulet par la mère qui ne cesse de la chasser de la maison.

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The Householder

Publié le par Rosalie210

James Ivory (1963)

The Householder

"The Householder" ("Le chef de famille") est le premier film du fameux trio composé du réalisateur James IVORY (qui n'avait alors réalisé que des documentaires), du producteur Ismail MERCHANT et de la scénariste Ruth PRAWER JHABVALA qui a adapté son propre roman. Contrairement aux films ultérieurs du trio situés en Inde, plus multiculturels et multiethniques (et plus pessimistes aussi quant à leur issue en raison des séquelles douloureuses de la colonisation) "The Householder" est centré sur la culture indienne et n'a presque que des protagonistes indiens. Il faut dire que l'influence de Satyajit RAY qui a soutenu la production du le film se fait sentir. D'une certaine manière, il est une figure tutélaire pour le trio. Autre lien important avec l'Inde, la rencontre avec la dynastie Kapoor, Shashi KAPOOR étant présent dans la plupart des films tournés en Inde par Ivory et ses deux proches collaborateurs. Comme plus tard dans leurs films anglais, la fidélité à des acteurs-fétiches est une marque du cinéma d'Ivory. De même l'indianité de "The Householder" n'empêche pas d'y reconnaître la thématique favorite du cinéaste: parvenir à être soi-même dans un monde régi par des conventions aliénantes. Il raconte en effet comment un mariage arrangé se transforme peu à peu en mariage d'amour en dépit des défaillances du "chef de famille" qui ne se sent pas taillé pour le rôle car trop timide pour s'imposer face à un employeur et un bailleur cupides et une mère envahissante.

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Ed Wood

Publié le par Rosalie210

Tim Burton (1994)

Ed Wood

"Ed Wood" est un double biopic: officiellement il raconte l'histoire "du plus mauvais réalisateur de tous les temps" et de son émouvante amitié dans les années cinquante pour une ancienne gloire hollywoodienne du cinéma d'épouvante des années 30 ayant sombré dans l'oubli et la toxicomanie, Bela LUGOSI, le "Dracula" (1931) de Tod BROWNING. Officieusement, il s'agit d'un autoportrait dans lequel Tim BURTON évoque à travers Bela LUGOSI sa propre étrangeté et sa relation à son mentor, Vincent PRICE, autre star du genre tombée dans disgrâce (hormis sa voix, très utilisée dans les années 80 pour des bandes annonces ou des clips comme "Thriller" de Michael JACKSON). Si contrairement à Ed Wood, Tim BURTON est un réalisateur doué et reconnu en dépit d'une filmographie inégale, il n'en partage pas moins avec son homologue des fifties un goût prononcé pour la marge et les freaks en tous genres (savoureuse galerie de gueules et de physiques hors-normes, de l'ex-catcheur Tor à l'efféminé Bunny interprété par Bill MURRAY). Wood lui-même avait des penchants considérés comme déviants dans les années cinquante puisqu'il aimait se travestir. "Ed Wood" qui appartient au genre des méta-films reconstituant une période révolue de l'histoire des studios comme par exemple "Boulevard du crépuscule" (1950) ou "The Artist" (2011) partage avec eux le même noir et blanc rétro et classieux. Et s'il délaisse les classiques pour les séries Z, il montre que les créateurs qu'ils soient géniaux ou tâcherons méritent un égal respect dès lors que leur travail estl'expression de leur intégrité. C'est le sens de la rencontre entre Ed Wood et Orson WELLES qui sont confrontés aux mêmes problèmes de financement et d'ingérence des producteurs dans leur travail. Ajoutons que si Johnny DEPP offre une prestation qui a le mérite de la sobriété (par rapport à d'autres Burton) en indécrottable rêveur, c'est Martin LANDAU qui crève l'écran en offrant une composition extraordinaire de véracité justement récompensée. La relation filiale qui se noue entre lui et Wood est la colonne vertébrale du film, permettant au premier d'effectuer une sortie digne et nourrissant les réalisations du second d'une sincérité qui compense leur aspect cheap.

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Orphée

Publié le par Rosalie210

Jean Cocteau (1950)

Orphée

"Orphée" c'est "Le Sang d un poète" (1930) appliqué à une figure mythologique qui fascinait Jean COCTEAU et sans doute à laquelle il s'identifiait. Transposé dans le milieu littéraire germanopratin des années cinquante symbolisé par Juliette GRÉCO, le mythe d'Orphée vu par Cocteau ne prend pourtant son essor que lorsqu'il passe de l'autre côté du miroir pour rencontrer "la mort au travail" (définition du cinéma lui-même). En effet Orphée (Jean MARAIS) est un poète qui se nourrit de messages de l'au-delà (messages qui font penser à ceux qu'envoyaient les résistants par la BBC pendant la guerre). C'est aussi un Narcisse amoureux de son reflet, cet autre lui-même qu'il ne peut rencontrer qu'aux enfers. La pauvre Eurydice est reléguée au rang d'empêcheuse de créer en rond, "bonne femme" obsédée par "la layette et les impôts". On aurait envie de gifler Cocteau devant tant de misogynie crasse mais heureusement il y a les superbes images poétiques expérimentales qui sauvent l'ensemble ainsi que la profonde mélancolie émanant de spectres qui pourtant transgressent l'ordre établi en tombant amoureux des vivants. La princesse (Maria CASARÈS) amoureuse éperdue d'Orphée et son valet, Heurtebise (François PÉRIER, impérial) dont les sentiments poignants pour Eurydice me touchent au plus profond de moi à chaque fois que je revois le film.

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