Le Chant du Missouri (Meet Me in St. Louis)
Vincente Minnelli (1944)
Si la qualité d'un film se mesurait juste au scénario, "Le Chant du Missouri" serait un épouvantable navet. Il n'y a pas vraiment d'histoire d'ailleurs dans le film qui se résume à de jolies cartes postales célébrant les valeurs et les rites familiaux les plus traditionnels (Halloween, Noël) avec une grande et belle maison, une grande progéniture (5 enfants!), un pater familias chargé de faire vivre son foyer et donc presque toujours absent, une mère au foyer ménagère modèle assistée d'une domestique intégrée dans le cercle familial et un aéropage de petites filles modèles (le seul garçon, on ne le voit presque pas). Il est amusant de constater que cinq ans plus tard, Mervyn LeROY reprendra une partie du casting pour sa version de "Les Quatre filles du Dr March" (1949) avec Mary ASTOR une fois de plus dans le rôle de la mère (dans les systèmes patriarcaux, il n'y a que deux rôles possibles pour une femme, celui de la maman et celui de la putain, rôle que Mary ASTOR a parfaitement endossé dans "Le Faucon maltais") (1941) ainsi que la jeune Margaret O BRIEN dans le rôle de l'une de ses filles.
Il y aurait donc tout pour s'ennuyer ferme devant cette bluette passéiste (le film date de 1944 mais l'histoire se déroule en 1903) sans autre intrigue que de petits flirts parfaitement inintéressants et un déménagement avorté qui confirme s'il en était encore besoin le caractère viscéralement réac de cette famille qui rejette la grande ville pour les charmes de l'entre-soi à la campagne. Mais voilà c'est Vincente MINNELLI qui est aux commandes pour son troisième film "en chanté" (le premier en couleurs) et c'est un régal aussi bien pour l'oeil (l'utilisation des couleurs, notamment dans les gammes de costumes est prodigieuse) que pour l'oreille (les chansons à l'inverse de l'histoire sont toutes très réussies), le tout enlevé par une sublime Judy GARLAND hyper bien mise en valeur. De plus Vincente MINNELLI peut être considéré avec ce film comme le fondateur de la comédie musicale moderne, celle qui intègre les numéros musicaux et chorégraphiés dans le fil de l'histoire, aussi mince soit-elle, une structure qui donnera plus tard avec des scénarios plus étoffés et plus audacieux des chefs d'oeuvre tels que "Chantons sous la pluie" (1952), "Mary Poppins" (1964) ou "Les Demoiselles de Rochefort" (1967).