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Romeo + Juliette (William Shakespeare's Romeo + Juliet)

Publié le par Rosalie210

Baz Luhrmann (1996)

Romeo + Juliette (William Shakespeare's Romeo + Juliet)

Je pensais que "Romeo + Juliette" était un film anecdotique alors qu'il ne l'est pas du tout. C'est au contraire une transposition riche et passionnante du chef d'oeuvre de William Shakespeare à l'ère contemporaine. Dans une démarche très semblable à celle d'un dramaturge ou d'un metteur en scène d'opéra (ce qu'il était à l'origine), Baz LUHRMANN a cherché à revivifier une œuvre qui s'est retrouvée au fil du temps coupée de ses racines populaires. Or les œuvres de Shakespeare ont une universalité qui leur permet de franchir l'espace et le temps. Mieux encore, elles ont un caractère juvénile parfaitement transposable à notre époque comme l'ont montré les brillants exemples de "West side story" (1960) ou de "My Own Private Idaho" (1991).

Comme dans "West side story" (1960), le "Romeo + Juliette" de Baz LUHRMANN situe son histoire d'amour impossible sur fond de guerre des gangs dans un milieu urbain pluriethnique dégénéré/décadent/dégradé. Mais au lieu de New-York, l'intrigue est transposée sur la côte ouest, dans un quartier de Los Angeles fictif prénommé "Verona Beach". Quartier dans lequel les excès ne se réduisent pas au mode de vie "sex, drugs and rock and roll" des personnages mais s'étendent à la mise en scène survitaminée et à l'imagerie baroque et kitsch qui semble sortir des clips heighties de Madonna avec leur iconographie religieuse ostentatoire et sulfureuse. On ne compte plus les bijoux et tatouages, l'un des plus spectaculaires se trouvant sur le dos du père Laurence (Peter POSTLETHWAITE). Le film décline d'ailleurs toutes les formes du show: show business (les Montaigu et les Capulet sont des stars), TV show qui commente l'intrigue sous forme de reportage/fait divers, méga show du bal costumé des Capulet, où se produit un hallucinant Mercutio (Harold PERRINEAU) drag-queen et où Tybalt (John LEGUIZAMO) aborde des cornes évocatrices en diable ^^. Autres références qui me sont venues à l'esprit, le maniaco-dépressif "Spring Breakers" (2012) qui fait alterner de grandes séquences orgiaques hystériques sur la plage et des sas de décompression cafardeux et "Mad Max" (1979) notamment pour la séquence d'exil à Mantoue qui semble se dérouler dans un univers post-apocalyptique désertique et motorisé. La séquence de la première rencontre entre Roméo et Juliette à travers un aquarium est particulièrement inspirée tout comme leurs costumes respectifs. C'est en effet l'époque où Leonardo DiCAPRIO arborait une gueule d'ange qui n'allait pas tarder à exploser dans "Titanic" (1997). Et Claire DANES n'est pas en reste dans le genre beauté éthérée. En effet le film oppose de manière systématique l'eau (la pureté des sentiments du couple) et le feu, la sécheresse, l'aridité. Mais la séquence que je trouve la plus ébouriffante est celle des morts respectives des "chefs de bande" charismatiques Mercutio et Tybalt menée à un train d'enfer.

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Angèle et Tony

Publié le par Rosalie210

Alix Delaporte (2011)

Angèle et Tony

C'est une "simple" histoire d'amour et pourtant le film m'a laissé un souvenir inoubliable et je l'ai revu avec autant de plaisir que d'émotion. A quoi tient donc cette capacité à se démarquer à partir d'un canevas archi-rebattu, celui du mariage de la carpe et du lapin? En partie au fait d'inscrire les personnages dans un contexte socio-économique âpre mais surtout à l'impressionnante justesse des acteurs. J'avais déjà vu jouer Clotilde HESME mais je ne connaissais pas Grégory GADEBOIS qui a été révélé par ce film et qui est si convaincant que beaucoup ont cru qu'il était un vrai marin-pêcheur! La première joue une ex-taularde paumée mais qui a la rage de s'en sortir et le second essaie également de surnager au cœur de la crise qui frappe l'industrie de la pêche.

Dans ce film, ce sont avant tout les corps qui parlent. Angèle est une sorte d'animal sauvage, gauche, brusque, cynique et nihiliste. Tony qui l'a rencontrée par petites annonces (matrimoniales) interposées, est perplexe devant cet ovni. Pudique et distant, il l'héberge mais repousse ses avances, lui apprend les rudiments du métier, cherche à comprendre ce qu'elle fait là, ce qu'elle lui veut. N'étant pas un prix de beauté ni un bon parti, il a peur qu'elle se serve juste de lui pour les besoins de sa réinsertion. Elle aussi a peur qu'il ne la rejette en apprenant son passé. Avares de mots, ils se tournent autour, se jaugent, se provoquent. Il y a notamment une scène qui s'est gravée dans ma mémoire, c'est celle où Tony la plaque contre un mur dans un élan dont il est impossible de démêler la part d'agressivité et la part de désir. Angèle en est suffisamment secouée pour que l'on voit enfin autre chose se dessiner derrière la fébrilité et la dureté de son comportement. Petit à petit, la glace fond et les deux êtres se rapprochent. Le fait que Clotilde HESME et Grégory GADEBOIS soient amis dans la vraie vie (ils ont fait le conservatoire ensemble) joue certainement dans la complicité que l'on sent passer entre eux.

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Herbes flottantes (Ukigusa)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1959)

Herbes flottantes (Ukigusa)

Il n'y a pas que les cinéastes anglo-saxons qui ont fait un remake en couleurs dans les années 50 d'un de leurs anciens films des années 30 en noir et blanc (pour mémoire les deux exemples les plus célèbres sont ceux de Leo McCAREY avec ses deux versions de "Elle et lui" et Alfred HITCHCOCK avec celles de "L'homme qui en savait trop"). "Herbes flottantes" qui date de 1959 est en effet le remake par Yasujiro; OZU de son film "Histoires d'herbes flottantes" (1934). Comme pour ses homologues anglo-saxons, les deux versions sont tout à fait remarquables et témoignent à 20 ans de distance d'évolutions aussi bien techniques, esthétiques que sociétales dans un schéma repris à l'identique.

Le titre, "herbes flottantes" est une notion issue du bouddhisme qui signifie l'impermanence de toute chose. Celles-ci sont changeantes, évanescentes, flottantes, il faut accepter de lâcher prise pour se laisser porter par le courant plutôt que d'essayer de le contrôler. Sur la tombe de Yasujiro OZU qui était adepte du bouddhisme zen est d'ailleurs inscrit le kanji "mu" qui signifie justement "impermanence". Au sens strict, le monde flottant désigne les quartiers de plaisirs et de divertissements des grandes villes japonaises à l'époque d'Edo et toutes les activités qu'ils abritaient dont le théâtre kabuki. C'est donc ce dernier qui fait l'objet du titre du film d'Ozu. Une petite troupe vient en effet rendre visite à un village de pêcheurs 12 ans après son dernier passage. Ce n'est pas exactement la durée qui sépare les deux films d'Ozu mais cela permet de mesurer le temps passé. Outre l'utilisateur splendide de la couleur, les cadrages et la mise en scène admirables, la subtilité des sons et des variations d'atmosphère (les cigales japonaises au crissement entêtant sous le cagnard sont remplacées par le tintement des carillons qui accompagnent un regain de fraîcheur avant la tombée d'une pluie diluvienne), l'alternance de moments franchement comiques et d'autres beaucoup plus dramatiques, ce qui frappe dans ce film, c'est une crudité inhabituelle chez Ozu que ce soit en terme de violence ou de sexualité. Voir des amoureux s'embrasser ou passer la nuit ensemble était inimaginable dans les films en noir et blanc d'un cinéaste connu pour son extrême pudeur. On y voit d'ailleurs un fils s'affirmer par rapport à un père "loser", défaillant et plein de complexes, la famille restant le sujet privilégié des films de Ozu. Le film réunit par ailleurs la fine fleur des acteurs et actrices de l'époque, de Machiko KYÔ à Ayako WAKAO et il y a même un clin d'œil à Toshiro MIFUNE.

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Un été avec Coo (Kappa no coo to natsu-yasumi)

Publié le par Rosalie210

Keiichi Hara (2007)

Un été avec Coo (Kappa no coo to natsu-yasumi)

"Un été avec Coo" est un grand film d'animation japonais qui à l'image de ceux de Hayao MIYAZAKI ("Mon voisin Totoro" (1988), "Le Voyage de Chihiro") (2001) et de Isao TAKAHATA ("Pompoko") (1996) permet de réfléchir aux rapports que l'homme entretient avec ses semblables et avec la nature. Si les japonais ont tout comme les occidentaux dévasté leur environnement, ils n'ont pour autant jamais oublié les croyances animistes de leur culture d'origine. Ce sont ces croyances qui sont "ranimées" par le bestiaire fantastique des studios Ghibli (les Totoros, les Tanukis, les Dieux courroucés et putrides de "Princesse Mononoké" (1997) et de "Le Voyage de Chihiro") (2001)).

Le Kappa appartient au même folklore shintoïste. Il s'agit d'une petite créature/esprit anthropomorphe mi-tortue, mi-grenouille vivant dans les points d'eau (fleuves, lacs, étangs) avec une bouche en forme de bec et un creux au milieu de la tête appelé "assiette" dont l'humidité est essentielle à sa force vitale. S'ils sont à l'origine décrits comme des vampires, des violeurs ou des cannibales, c'est la forme moderne, mignonne et bienveillante qui est présentée dans le film, celle qui se montre d'une extrême politesse avec les humains et aime le concombre et le poisson. Comme pour les autres yokais (créatures fantastiques), le constat est sans appel. Le Japon moderne en malmenant la nature a détruit ses esprits. Coo s'avère être un fossile "ranimé" par accident qui découvre qu'il est peut-être le dernier de son espèce.

En effet le film n'a rien de folklorique et est au contraire d'une impressionnante profondeur avec une subtilité et une sensibilité assez incroyables. En ces temps troublés où les dégâts que les sociétés "modernes" infligent à la nature sont en train de se retourner contre elles, il est d'une clairvoyance totale en montrant de manière limpide que c'est à eux-mêmes que les hommes se font du mal en maltraitant ainsi le vivant. A la solitude de Coo répond celle de celui qui l'a ranimé et adopté, Kôichi qui est de ce fait mis au ban de son école et harcelé avec sa famille par les médias. L'ambivalence de cette famille vis à vis de la célébrité est d'ailleurs assez révélatrice du genre de mirage dans lesquels se vautrent les sociétés contemporaines. Pour échapper à la curiosité malsaine qu'il suscite et conserver les restes de son père que les humains se sont appropriés, Coo se retrouve dans la même situation que "King Kong" (1932), film auquel Keiichi HARA se réfère visiblement quand il fait escalader à Coo la tour de Tokyo après une cavale en forme de cauchemar urbain. Cavale durant laquelle le seul être totalement intègre vis à vis de Coo, lui aussi une ancienne victime sauvée par Kôichi trouve la mort. Une séquence bouleversante qui m'a fait penser à la nouvelle de Jiro Taniguchi "Avoir un chien" dans le recueil "Terre de rêves".

Mais malgré ses moments durs et son constat implacable sur la nature humaine, montrée dans ses aspects souvent les moins reluisants (intolérance, cruauté, bassesse, égoïsme), le film fait une large place à la complicité qui unit Kôichi et Coo et qui n'est pas sans rappeler le film de Steven SPIELBERG "E.T. L'extra-terrestre" (1982). Kôichi est un être complexe qui évolue tout au long du film en acceptant peu à peu sa nature d'enfant différent de la norme ce qui le conduit à se rapprocher de la pestiférée de sa classe, Kikuchi et à voir le monde autrement. La petite sœur de Kôichi est également admirablement croquée. Alors peut-être que le design des personnages (hors Coo) est moins "finalisé" que dans les studios Ghibli, il n'en reste pas moins que "Un été avec Coo" est une œuvre admirable.

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Le Quai des brumes

Publié le par Rosalie210

Marcel Carné (1938)

Le Quai des brumes

"Le Quai des brumes" est le premier grand film du duo formé par Marcel CARNÉ et Jacques PRÉVERT. Avant la "gueule d'Atmosphère" et le "Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour", c'est le "T'as d'beaux yeux tu sais" qui l'a fait entrer dans l'histoire. Les beaux yeux de la toute jeune et magnétique Michèle MORGAN filmés en gros plan et célébrés par la gouaille du non moins charismatique Jean GABIN font oublier que "Le Quai des brumes" c'est d'abord une histoire d'insoumission. Il faut dire qu'il ne faisait pas bon filmer l'histoire d'un déserteur à la veille de la seconde guerre mondiale. Les studios de la UFA sous la botte nazie refusèrent le film qui devait y être tourné (pour cause de contrat liant Gabin à la firme) et en France, le représentant du ministère de la guerre demanda à ce que le mot qui fâchait ne soit pas prononcé. Donc tout se déroule dans le sous-entendu autour d'un personnage qui dérange loin de l'image du "cinéma de papa" que Marcel CARNÉ a ensuite incarné aux yeux d'une partie de la nouvelle vague et de ses héritiers.*

"Le Quai des brumes" est un parfait représentant de ce réalisme poétique qui fera la renommée du duo Carné/Prévert, créateurs d'une atmosphère unique: des dialogues désenchantés et percutants (dans un autre genre que ceux de Michel AUDIARD dont Gabin a été aussi un fameux interprète!), des images en gros plan ciselés à l'aide d'éclairages aussi beaux que ceux des photos Harcourt, des décors somptueux nimbés de pluie et de brume imaginés par Alexandre TRAUNER et des intrigues sombres placées sous le sceau d'une sinistre fatalité.

* Lorsque les Inrockuptibles ont publié leur classement des 100 plus beaux films du cinéma français, ils ont opéré une sélection dogmatique en ostracisant tous les films de Marcel CARNÉ. Pourtant la nouvelle vague n'était pas composée que de jeunes coqs désireux de s'affirmer en rejetant de façon systématique ce qui existait avant eux. Jacques DEMY qui est porté aux nues par toute cette clique snobinarde a pourtant manifesté son amour pour le cinéma de Carné et de Prévert en reprenant la célèbre phrase d' ARLETTY dans "Les Demoiselles de Rochefort" (1966), "Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un si grand amour".

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La Tête contre les murs

Publié le par Rosalie210

Georges Franju (1959)

La Tête contre les murs

Si les USA ont a leur actif plusieurs grands films d'hôpital psychiatrique (dont le plus connu est "Vol au-dessus d un nid de coucou") (1975) ce n'est pas un sujet qui semble passionner les cinéastes français. Il existe cependant ce très beau film aussi poétique que désespéré qui réunit deux talents: Jean-Pierre MOCKY qui avait alors trente ans et Georges FRANJU dont c'était le premier long-métrage de fiction. Le projet d'adapter au cinéma le roman de Hervé Bazin (qui avait été lui-même interné sur demande de sa famille) revient à Mocky mais les producteurs de l'époque, le jugeant trop jeune lui demandèrent de faire appel à un réalisateur confirmé. "La Tête contre les murs" doit beaucoup esthétiquement à Georges FRANJU qui en fait un brouillon de son futur chef d'oeuvre "Les Yeux sans visage" (1960). Outre le casting (Pierre BRASSEUR déjà dans un rôle de médecin, Edith SCOB dans un petit rôle mettant en valeur sa fragilité), on retrouve cet étonnant mélange de réalisme clinique venu du documentaire et d'onirisme flirtant avec le fantastique notamment dans les scènes nocturnes. Comme dans "Les Yeux sans visage" (1960), l'oppression exercée par les autorités médicales se traduit visuellement par des animaux en cage avec une grande volière remplie d'oiseaux. Mais le film doit tout autant à Jean-Pierre MOCKY. Un Mocky jeune aussi beau que mélancolique, pas encore provocateur mais déjà révolté, écorché vif. François Gerane, son personnage est passionnément épris de liberté mais il est fragile et idéaliste si bien que chaque tentative d'évasion se termine par un retour à la case départ. C'est que son père (Jean GALLAND) et le médecin "traitant", le Dr. Varmont (Pierre BRASSEUR) veillent, ce dernier se vantant du fait que personne ne puisse lui échapper. La discussion qu'il entretient avec son confrère, le Dr. Emery (Paul MEURISSE) dégage deux conceptions du traitement à réserver aux internés, débat que l'on retrouve aussi dans le cas des personnes incarcérées et de façon générale, dans celui de tous les inadaptés sociaux. Le Dr. Varmont pense avant tout à empêcher ses malades de nuire pour protéger la société alors que le Dr. Emery croit leur réinsertion possible. Mais l'humanisme du Dr. Emery semble inaccessible à la plupart des malades. Mocky a confié à Charles AZNAVOUR un rôle marquant, celui de l'épileptique et mélancolique Heurtevent (quel beau nom!) qui lorsqu'il comprend qu'il ne pourra jamais faire partie des patients du Dr. Emery ne parvient à s'échapper que dans la mort.

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Ma vie en rose

Publié le par Rosalie210

Alain Berliner (1997)

Ma vie en rose

Pink is the new black. En tout cas pour les banlieusards conformistes vivant dans des lotissements pavillonnaires standardisés sous la surveillance les uns des autres. J'ai beaucoup pensé à l'Edward de Tim BURTON en revoyant "Ma vie en rose". Parce que c'est la même histoire d'un "fondamentalisme" social taillé au cordeau qui ne supporte aucune fantaisie, aucun écart. Le "freak" n'y a pas sa place et en cela, cette banlieue est métaphorique de la société toute entière.

Edward et Ludovic sont deux innocents sacrifiés sur l'autel des conventions. Edward le gothique avait pour malheur d'avoir des ciseaux à la place des mains. Ludovic est un petit garçon qui se ressent fille, aime le rose, la série Pam et les robes de princesse et veut vivre en conformité avec son genre psychique. Non seulement c'est naturel pour lui mais c'est essentiel. Et c'est ce qui provoque la zizanie dans sa famille et l'ostracisation de son entourage. Car si les garçons manqués peuvent à la rigueur être tolérés, les "filles manquées" elles n'ont tout simplement pas droit à l'existence. Cette inégalité de traitement est révélatrice du fait que l'un des piliers de la société conservatrice que ce soit en France ou aux USA est une conception stéréotypée de la masculinité qui passe par une phobie de tout ce qui est féminin (des cheveux longs au rose en passant par les bijoux, le maquillage etc.) Le film souligne très bien la cause de cette phobie qui est la confusion entre le transsexualisme et l'homosexualité, vue comme une calamité. Ludovic se fait ainsi traiter de "tapette" parce qu'il veut épouser un garçon. Mais lui ne se vit pas comme un garçon donc s'agit-il vraiment d'homosexualité? (Guillaume GALLIENNE se pose la même question dans "Les Garçons et Guillaume, à table !") (2013).

Le film pose donc des questions pertinentes, bénéficie d'une distribution impeccable que ce soit Georges du FRESNE dans le rôle de Ludovic ou Michèle LAROQUE et Jean-Philippe ÉCOFFEY dans le rôle de parents aimants mais incapables de prendre la mesure des enjeux puis désemparés et broyés par la grande machine normalisatrice multiforme (école, travail, logement) qui menace de détruire leur vie et leur amour pour Ludovic. L'hypocrisie des habitants de leur quartier qui agissent sournoisement pour les chasser tout en feignant de les accepter est bien relatée même si leur portrait individuel n'est pas très fin. Enfin le film bénéficie d'une chanson-titre bien trouvée de Dominique Dalcan chantée par Zazie et qui fait écho au titre ainsi que d'une esthétique binaire oscillant un réel de plus en plus terne au fur et à mesure de l'avancée de l'intrigue et un imaginaire hyper-kitsch inspiré d'une série girly "Pam" qui est le refuge de Ludovic. La fin, un peu trop appuyée est cependant maladroite.

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Le Cercle rouge

Publié le par Rosalie210

Le Cercle rouge

Après "Le Samouraï" (1967) et sa citation extraite du Bushido (le code d'honneur des samouraï) « Il n’y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï. Si ce n’est celle d’un tigre dans la jungle… Peut-être… » Jean-Pierre MELVILLE poursuit dans la voie du polar zen avec "Le Cercle rouge" qui fait référence cette fois à une citation attribuée au Bouddha « Quand des hommes, même s'ils l'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux et ils peuvent suivre des chemins divergents. Au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge.» La présence d'un Alain DELON plus hiératique que jamais lie les deux films ainsi que l'épure des dialogues et une stylisation des actions tendant vers l'abstraction. Les scènes d'appartement font plus que jamais ressortir le vide que ce soit celui du malfrat Corey, abandonné à la poussière depuis cinq ans ou celui du commissaire Mattei ( BOURVIL dans un contre-emploi dramatique pour lequel il a récupéré son prénom au générique), d'une blancheur clinique où celui-ci accomplit toujours les mêmes gestes, véritables rituels millimétrés. La mise en scène dans son ensemble est admirable de précision et de sobriété. Par exemple, la façon dont on comprend que l'ancien comparse Corey, Rico (André EKYAN) s'est enrichi sur son dos et lui a volé sa petite amie est d'une économie de moyens qui en redouble l'impact.

Mais ce "film en creux", taiseux, méticuleux et d'une froideur chirurgicale est traversé par des éclairs cauchemardesques qui le relient au film précédent de Melville "L'Armée des ombres (1969). Le délirium tremens de Jansen (Yves MONTAND) dont l'appartement est aussi inhabité que celui des autres personnages en est un parfait exemple. La figure circulaire d'où on ne peut s'échapper est également commune aux deux films. La façon dont Philippe Gerbier revit son exécution renvoie aux rôles quasi interchangeables de flics et de voyous dans "Le cercle rouge". Le film est également hustonien en ce qu'il célèbre d'une part l'amitié virile tout en étant hanté par l'échec et la fatalité.

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My Lady (The Children Act)

Publié le par Rosalie210

Richard Eyre (2017)

My Lady (The Children Act)

J'ai voulu voir ce film pour Emma THOMPSON qui est une de mes actrices préférées. Et c'est effectivement son principal atout car pour le reste le film souffre d'une réalisation très plate et d'un scénario confus. En fait il semble qu'en cours de route, le film change de direction mais sans en assumer les conséquences. La première partie qui est de loin la plus intéressante nous montre le travail qu'effectue la juge aux affaires familiales Fiona Maye et les délicates décisions de justice qu'elle doit prendre mettant en jeu des questions morales et religieuses qui s'opposent parfois aux lois. C'est ainsi qu'elle est appelé à trancher sur le cas d'Adam Henry, un jeune garçon leucémique membre des témoins de Jéhovah qui refuse la transfusion sanguine qui pourrait le sauver. En choisissant un cas limite, celui d'un adolescent qui est à 3 mois de sa majorité, le film (adapté d'un livre) analyse les limites de la notion "d'intérêt supérieur de l'enfant", principe international traduit au Royaume Uni par le Children Act de 1989 (titre en VO du film). En effet la deuxième partie du film s'attache à décrire les conséquences "humaines" malheureuses de la décision de justice. Mais hélas, il le fait de façon extrêmement peu convaincante. D'une part il fait de Adam un jeune homme dont la vie semble tellement vide après l'effondrement de son système de valeurs qu'il ne trouve pas mieux que de harceler la juge sans lui dire clairement ce qu'il veut exactement d'elle (une mère? Une confidente? Une amante? Sans doute les trois.) Mais Fiona Maye est tout aussi trouble que consternante dans sa façon de lui opposer une fin de non-recevoir glaçante sans répondre à ses questions alors qu'elle s'est permis une intrusion peu professionnelle dans sa chambre d'hôpital pour prendre sa décision, intrusion dont elle refuse ensuite d'assumer les conséquences. Comme sa vie personnelle est aussi vide que celle d'Adam (un mariage qui part à vau l'eau, pas d'enfant, un dérivatif dans la musique qui ne suffit pas à percer sa cuirasse), on peut se demander ce qu'elle fuit exactement.

Cela aurait pu être passionnant mais sans doute qu'il aurait fallu beaucoup de courage au romancier et au réalisateur pour sortir des non-dits et affronter tout ce qu'aurait impliqué une relation intime entre les deux personnages que ce soit en terme de barrière sociale, de croyance ou d'âge. Rien de tout cela n'advient, on patauge dans la semoule avant une fin terriblement convenue qui "évacue le problème" posé par le jeune homme. Frustrant.

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Reservoir Dogs

Publié le par Rosalie210

Quentin Tarantino (1992)

Reservoir Dogs

Le premier film de Quentin TARANTINO en tant que réalisateur est parfaitement représentatif de l'ensemble de son œuvre. La filiation avec son deuxième film "Pulp Fiction" (1994) est frappante que ce soit dans les personnages (des truands en costume sombre dont l'un, Vincent Vega semble être apparenté au Vic Vega de "Reservoir Dogs" joué par Michael MADSEN), sa narration éclatée façon puzzle (grandement inspirée du "Rashômon" (1950) de Akira KUROSAWA), ses longs dialogues d'ouverture disséquant la pop culture (l'analyse du texte de "Like a Virgin" dans "Reservoir Dogs", les différences entre fast food européens et américains dans "Pulp Fiction"), sa violence graphique, son juke-box d'enfer, véritable machine à recycler les standards vintage, son "plan-signature" en contre-plongée depuis le coffre d'une voiture.

Cependant "Reservoir Dogs" est un film bien plus fermé que "Pulp Fiction" (1994). Et ce pour au moins trois raisons:
- Le film est en grande partie un huis-clos théâtral qui se déroule dans un garage.

- Ce huis-clos en forme d'impasse mexicaine se dénoue en tragédie shakespearienne.

- L'absence d'échappatoire est renforcée par un casting 100% masculin et une intrigue 100% nihiliste (les personnages n'ont pas d'identité mais des surnoms, leurs relations sont délétères ou basées sur le mensonge).

Il existe néanmoins un décalage entre la tragédie que vivent les personnages et ce que le spectateur en perçoit, décalage lié au traitement ludique (certains diront jouissif) qu'en fait Quentin TARANTINO. Mais si le film est clivant (culte pour certains qui en redemandent, détestable pour d'autres qui ne supportent pas ce déferlement de vulgarité, de machisme, de racisme et d'hémoglobine), il n'est pas pour autant irréfléchi. D'abord parce que le film narre l'histoire de l'échec d'un casse (comme dans "L'Ultime razzia" (1956) de Stanley KUBRICK qui utilise également la narration éclatée) suivi d'un règlement de comptes qui se termine en massacre généralisé. On ne peut pas dire que Tarantino fait l'apologie du crime et des criminels, d'ailleurs ce sera la même chose dans les films suivants. Ensuite la manière dont la violence est filmée est paradoxale car elle n'est pas montrée frontalement (comme dans l'insoutenable "Salò ou les 120 jours de Sodome" (1975)) mais suggérée. Si la séquence dite du "découpage de l'oreille" est si marquante, c'est parce qu'elle fonctionne sur un décalage complet entre la légèreté de la musique et de la chorégraphie et l'horreur de la situation qui est celle d'un tortionnaire sadique s'amusant avec sa victime même si l'acte en lui-même reste hors-champ. Cet art du décalage est au cœur du cinéma de Tarantino. On le retrouve par exemple dans la séquence d'ouverture de "Inglourious Basterds" (2009) avec son nazi courtois et faussement badin prenant un verre juste au-dessus des juifs terrés qu'il vient débusquer."Pulp Fiction" (1994) en offre une belle variante avec l'histoire de la montre de Butch cachée pendant la guerre du Vietnam dans un endroit intime du corps humain pour ne pas tomber aux mains des ennemis.

Pour finir, "Reservoir dogs" est une illustration du flair de Harvey KEITEL pour choisir de tourner dans les premiers films de grands cinéastes (après "Who s That Knocking at My Door" (1967) de Martin SCORSESE et "Les Duellistes" (1977) de Ridley SCOTT). Il a d'ailleurs également produit le film ce qui l'a considérablement aidé à élargir son budget.

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