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Le Scaphandre et le Papillon

Publié le par Rosalie210

Julian Schnabel (2007)

Le Scaphandre et le Papillon

"Le Comte de Monte-Cristo" écrit en 1845 par Alexandre Dumas fait partie de mes livres préférés depuis l'adolescence. Moins pour son histoire de vengeance que pour la relation qui unit Valentine de Villefort à son grand-père, M. Noirtier, presque entièrement paralysé à la suite d'une attaque sans que son intelligence n'en soit affectée. Elle parvient à établir la communication avec lui grâce à ses clignements de paupière. A l'aide d'un dictionnaire qu'elle récite dans l'ordre alphabétique jusqu'à ce qu'il l'arrête, lettre par lettre, elle peut traduire sa pensée en formant des mots puis des phrases. Un dispositif qui demande beaucoup de temps, d'intuition et de patience mais qui permet à Noirtier de surmonter son impuissance corporelle pour intervenir de façon décisive dans l'intrigue. 

Il n'est guère surprenant que "Le Comte de Monte-Cristo'" soit un livre-totem pour Jean-Dominique Bauby (Mathieu Amalric) et Noirtier, son double fictionnel. Ex-rédacteur en chef du magazine "Elle", Bauby fut atteint à la suite d'un accident cardiovasculaire en 1995 du "syndrome de l'enfermement" décrit par Dumas au XIX° siècle, une pathologie neurologique rare diagnostiquée en 1947 qui laissent intactes les facultés intellectuelles et la conscience tout en paralysant entièrement le corps à l'exception des paupières et des yeux. Bauby se décrit ainsi comme un esprit libre (le papillon) dans un corps sarcophage (le scaphandre). Grâce à l'aide décisive de femmes dévouées (une orthophoniste jouée par Marie-Josée Croze et une assistante scripturale jouée par Anne Consigny), il parvient  à rédiger un livre autobiographique (dont le film est l'adaptation) en utilisant les mêmes outils communicationnels artisanaux que Noirtier (depuis l'informatique a permis aux victimes du locked-in syndrome d'écrire leurs textes de façon autonome en enregistrant leurs mouvements d'iris). 

Pour permettre au spectateur de s'immerger pleinement dans la perception du monde de Bauby après son accident, le réalisateur choisit de tourner en caméra subjective et de suivre fidèlement le livre, c'est à dire le fil de la pensée non linéaire de son auteur dont les seules libertés résident dans l'imagination et la mémoire. Si les personnages du film ne peuvent pas entendre la voix intérieure de Jean-Dominique, le spectateur lui, le peut et se régale en suivant les méandres d'une pensée en mouvement riche et alerte qui ne s'apitoie jamais sur son sort, nous fait sourire bien souvent avec des remarques pleine d'à-propos tant sur lui-même que sur les autres et s'évade régulièrement dans des souvenirs ou des rêveries qui témoignent de son appétit de vivre (comme une scène orgiaque de dégustation de fruits de mer entrecoupée de baisers avec son assistante, plaisirs sensoriels qui lui sont désormais inaccessibles).

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L'Ange des maudits

Publié le par Rosalie210

Fritz Lang (1952)

L'Ange des maudits

Quel est le point commun entre Nicholas Ray et Fritz Lang? Avoir réalisé à la même époque un western tournant autour d'un ranch ou d'un saloon tenu par une femme à poigne dirigeant des hommes. Femme interprétée par une star mythique de cinquante ans, Joan Crawford chez Nicholas Ray, Marlène Dietrich chez Fritz Lang. Mais la comparaison s'arrête là. Avec ses gangsters, sa femme fatale et sa sombre histoire de vengeance, le troisième et dernier western de Fritz Lang est en réalité un film noir en technicolor transposé dans le décor du grand ouest américain. Enfin, pas tout à fait car l'essentiel de l'intrigue se déroule en intérieur. Pourquoi pas, d'autant que le ranch "Chuck a Luck" ressemble a un club d'initiés (comme pour le château de "Eyes wide Shut" il faut y entrer sur recommandation pour en faire partie) précédé d'une réputation qui lui donne une véritable aura et filmé dans un cadre qui a de la gueule. Mais il est dommage que les acteurs masculins, que ce soit Arthur Kennedy dans le rôle du vengeur Vern Haskell ou Mel Ferrer dans celui du bandit Frenchy n'aient pas l'étoffe de leurs rôles. On se demande ce que Altar (Marlène Dietrich) peut bien leur trouver pour se laisser aussi facilement embobiner par Vern (dont on ne comprend pas s'il ne fait que l'utiliser ou s'il éprouve quelque chose à son égard) allant jusqu'à se sacrifier pour sauver Frenchy. Masochisme? Goût douteux pour les "bad boys"? On peut également souligner qu'à la différence du film de Ray, les personnages de Lang n'assument pas leur passé qui est effacé à leur entrée au ranch ce qui les prive de tout avenir. Cela va bien avec le fatalisme de l'histoire mais pas avec le genre du western, un cadre urbain et nocturne aurait mieux convenu.

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Jeux interdits

Publié le par Rosalie210

René Clément (1952)

Jeux interdits

Une balade mélancolique et déchirante, une petite fille qui serre le cadavre de son chien dans ses bras et ne veut pas le lâcher, une cimetière de petits animaux composé à partir des croix arrachées aux tombes humaines: "Jeux interdits" parle de la mort à hauteur d'enfant avec une sensibilité admirable. Une mort omniprésente tout au long du film. La seconde guerre mondiale était alors encore toute proche et le monde rural très pauvre et frustre dépeint par René Clément, encore une réalité. Car la rencontre de Paulette, la petite parisienne (Brigitte Fossey, bouleversante) et de Michel le petit campagnard (Georges Poujouly, tout aussi émouvant)*, c'est aussi celle de deux expériences d'enfants confrontés à la mort. Le début dépeint dans un style quasi documentaire le drame de l'Exode de 1940 avec ses bombardements aveugles destinés à provoquer la panique et à empêcher les renforts militaires de parvenir jusqu'au front. C'est ainsi que Paulette se retrouve brutalement privée de ses parents et de son chien qu'elle ne se résout pas à abandonner. Elle est recueillie par la famille de Michel, plus pour des histoires de rivalités avec leurs voisins que par compassion. Il faut dire que le mode de vie de ces paysans est rude et qu'ils sont habitués à la mort comme le montre l'exemple du grand frère de Michel (qui n'est d'ailleurs ni hospitalisé, ni même soigné, ce qui souligne le dénuement des campagnes où le seul repère est la religion catholique). Mais face à cette terrible réalité, les deux enfants qui s'attachent viscéralement l'un à l'autre se créent un monde à eux, à l'écart de l'horreur où ils peuvent apprivoiser la mort, la ramener à leur hauteur, quitte à transgresser les lois. Le film devient alors une série de moments de pure grâce poétique dans la lignée de "La Nuit du chasseur" ou "Du silence et des ombres". La terrible séquence de fin montre crûment la violence faite aux enfants lorsqu'ils sont arrachés à leur monde pour être plongés dans celui, froid, impersonnel et démesuré des adultes.

* René Clément s'est avéré un cinéaste hors-pair pour diriger les acteurs et en particulier les enfants.

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Vous n'avez encore rien vu

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (2012)

Vous n'avez encore rien vu

Avec l'audacieux Alain Resnais, ça passe ou ça casse. Quand ça passe, c'est génial ("L'Année dernière à Marienbad", "Muriel ou le temps d'un retour", "l'Amour à mort", "Mélo", "Smoking/No Smoking", "On connaît la chanson", "Les Herbes folles" etc.). Mais parfois ça se casse un peu la figure. Et de mon point de vue ^^ "Vous n'avez encore rien vu" fait partie de la seconde catégorie. Son dispositif est brillant mais il tourne un peu à vide. Alain Resnais s'est fait plaisir en citant ses propres films (un titre qui fait référence à "Tu n'as rien vu à Hiroshima", un couple en quête d'absolu dont le membre survivant finit par rejoindre l'autre dans la mort comme dans "L'Amour à mort"), en réunissant ses comédiens fétiches, en faisant jouer des extraits d'une pièce de théâtre qu'il a aimé à la folie par des duos issus de trois générations différentes (celle des années quarante avec Pierre Arditi et Sabine Azéma, celle des années soixante avec Lambert Wilson et Anne Consigny et enfin celle des années quatre-vingt avec Vimala Pons qui a droit à une captation vidéo filmée par Denis Podalydès). Mais cet éternel recommencement, ce temps cyclique cher à Resnais finit par s'enrayer parce que le style et le contenu de la pièce sentent la poussière voire la naphtaline. De même que pour "Je t'aime, je t'aime", j'ai du mal à adhérer aux drames (petit) bourgeois. Même déconstruits, destructurés, maquillés sous des atours de tragédie antique. Ecouter un Orphée faire sa crise da jalousie parce que Eurydice ne lui arrive pas vierge entre les bras, et celle-ci de devoir pleurer, supplier et se justifier peut passer dans le contexte d'écriture de la pièce (les années 40) mais est insupportablement anachronique dit par la bouche d'acteurs ayant la vingtaine dans les années 2010. L'audace, cela aurait été de mettre un grand coup de pied aux fesses de la pièce datée d'Anouilh et de donner à Eurydice l'occasion de rendre coup pour coup à Orphée au lieu de devoir porter seule la culpabilité d'avoir un "passé qui ne passe pas". Parce que la femme qui a un passé a du vécu et c'est ce qui lui a été si longtemps interdit. Et lorsque cet interdit a été levé, les hommes le lui ont fait chèrement payer. Et ça, cela reste un impensé du film de Resnais.  Pour une fois, son aspect ludique (les multiples mises en abyme, l'interaction entre les arts du théâtre, du cinéma et de la vidéo, le vrai-faux testament du double d'Alain Resnais dans le film, Antoine d'Anthac joué par Denis Podalydès qui était prêt à prendre la relève au cas où Alain Resnais aurait cassé sa pipe pendant le tournage) ne suffit pas à contrebalancer ce fond réactionnaire.

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Rocketman

Publié le par Rosalie210

Dexter Fletcher (2019)

Rocketman

J'ai été globalement déçue par le film que j'ai trouvé à la fois convenu, poussif et sans relief. L'idée de renouveler le genre très codifié du biopic à l'aide de la comédie musicale était bonne mais je n'ai pas trouvé le résultat magique alors que j'adore la plupart des chansons d'Elton John. Il manque un grain de folie dans les chorégraphies qui les auraient rendues plus percutantes et un point de vue moins lourdement psychologisant sur l'artiste. Non que ses traumatismes d'enfance ne soient pas importants mais cela ne suffit pas à expliquer son génie. Car on nous présente surtout Elton comme un être névrosé et dépressif pour expliquer son besoin d'évasion dans un univers extravagant et coloré (en plus du fait que le déguisement et le théâtre sont de bons remèdes à la timidité). L'indifférence de ses parents qui ne l'ont pas désiré est montrée comme étant à l'origine de sa soif d'exister ainsi que de ses multiples addictions (qui ont pour fonction de combler le vide affectif). Ok mais sa flamboyance ne peut s'expliquer seulement en réaction à un environnement mortifère. Par exemple ses relations amicales et amoureuses sont survolées alors qu'elles sont essentielles dans sa créativité. Idem sur ses sources d'inspiration. Car son travail de composition n'est jamais véritablement abordé, c'est plutôt la bête de scène et les affres du show business qui sont mis en avant. Ce qui manque aussi beaucoup à mon sens, c'est une véritable contextualisation historique. En effet être homosexuel en Angleterre dans les années 70-80 n'était pas aussi évident qu'aujourd'hui et la difficulté de s'affirmer différent ne peut se résumer aux quelques propos péremptoires de la mère ou au comportement masculiniste du père. L'iconoclasme d'Elton John bouscule l'ensemble de la société. Enfin seule la première partie de sa carrière est couverte par le film, c'est frustrant. Dans le genre, j'ai préféré "Bohemian Rhapsody" (2017) qui est inégal mais fait mieux ressentir l'énergie et le talent de chaque membre du groupe.

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Moulin Rouge

Publié le par Rosalie210

Baz Luhrmann (2001)

Moulin Rouge

Cela vaut la peine de ne pas s'arrêter au premier quart d'heure d'un film dont on voit alors surtout les défauts (le côté hystérique du montage, les effets visuels pas toujours de bon goût et un jeu outrancier du côté des personnages secondaires). Cela vaut le coup parce que Baz Luhrmann dépoussière dans "Moulin Rouge" la comédie musicale d'une manière aussi audacieuse et intelligente qu'il l'avait fait pour le drame de Shakespeare "Romeo + Juliette". Bien que cette référence ne soit pas revendiquée par la réalisateur "Moulin Rouge" ressemble à une version baroque, pop-rock et barrée de "La Traviata" avec Christian dans le rôle d'Alfredo et Satine dans celui de Violetta. Ce n'est certainement pas par hasard que Ewan Mc Grégor et Nicole Kidman ont marqué les esprits, le premier chantant divinement bien, la seconde déployant son charisme dans de superbes chorégraphies, avec notamment la reprise du "Diamonds are a girl's best friend" chanté et dansé par Marilyn Monroe dans "Les Hommes préfèrent les blondes" (mélangé au "Material Girl" de Madonna) et  une dernière demi-heure bollywoodienne de folie. Mais j'ai trouvé remarquable aussi l'abattage de Jim Broadbent (Horace Slughorn dans la saga Harry Potter) dans le rôle de Harold Zidler. le propriétaire du cabaret-club. Son interprétation du "Like a Virgin" de Madonna a largement sa place aux côtés de la séquence introductive de "Réservoir Dogs" dans les annales de l'exégèse de ce tube éternel.

Car c'est dans la réinvention des standards de la pop culture que le film atteint le nirvana ^^. Chacune est un vrai petit bijou, drôle, décalé, surprenant et le plus fort dans tout cela c'est que cela ne jure jamais avec le cadre Belle-Epoque que ce soit pour Madonna, David Bowie, Nirvana, Police, Elton John ou Freddy Mercury (ces deux derniers par leur sens de la démesure et leur extravagance se seraient bien entendu avec Baz Luhrmann, je le sens). Mine de rien, Baz Luhrmann confère à cette culture populaire ses lettres de noblesse en lui donnant la dimension d'un opéra et à l'inverse, il revitalise celui-ci d'une manière aussi flamboyante que le titre que porte le show du film "Spectacular, Spectacular".

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Beijing Bicycle (Shiqi sui de dan che)

Publié le par Rosalie210

Wang Xiaoshuai (2001)

Beijing Bicycle (Shiqi sui de dan che)

"Beijing Bicycle" est sorti au début des années 2000 alors que la Chine amorçait sa décennie de croissance exponentielle couronnée par les jeux olympiques de Pékin en 2008. C'est donc l'instantané d'un pays en mutation (comme "Slumdog Millionaire" (2008) pour l'Inde, autre géant démographique émergent) à un moment clé de son histoire que nous offre le film. On y voit le capitalisme libéral le plus débridé symbolisé par les gratte-ciel, les hôtels de luxe, les salons de massage côtoyer les taudis alors que la bicyclette, alors encore reine du pavé reste un signe extérieur d'ascension sociale très convoité pour une large part de la population. Le héros, Gui est un adolescent qui débarque tout juste de sa campagne natale et qui se retrouve plongé dans une jungle (urbaine mais aussi économique) dont il ne comprend pas les règles. S'ensuit une série de mésaventures liées à l'ignorance de Gui qui se fait exploiter sans vergogne par l'entreprise qui l'emploie. Celle-ci finit par le jeter sans ménagement après que celui-ci se soit fait voler son vélo qu'il était sur le point d'acquérir avec son labeur. Comme l'identité du voleur n'est jamais clairement établie dans le film, il est tout à fait possible que ce soit l'entreprise elle-même qui ait volé l'engin au moment où elle allait en perdre la propriété pour ensuite le receler et se faire encore de l'argent dessus. A cette âpreté du gain sans scrupules (la scène tragi-comique où Gui se fait doucher malgré lui puis ensuite réclamer le prix de la douche) répond l'obstination de Gui qui refuse qu'on lui tonde la laine sur le dos. Ce qui lui vaut d'être considéré comme "un petit malin" alors qu'il veut juste faire son travail et que son contrat soit honoré.

Gui part donc à la recherche de son vélo qui peut s'il le retrouve lui rendre son travail (une intrigue qui rappelle celle du "Le Voleur de bicyclette" (1948) de Vittorio DE SICA). Son chemin croise celui d'un autre adolescent, Jian, celui qui a acheté d'occasion le vélo volé (avec de l'argent volé à ses parents!). C'est l'occasion de faire le portrait de la classe sociale urbaine laborieuse qui vit dans les taudis mais rêve de changer sa condition quitte à employer des moyens peu scrupuleux. Le vélo permet à Jian de s'intégrer dans un groupe et de gagner la fille de ses rêves. Il n'est donc pas plus prêt que Gui à y renoncer ce qui donne lieu à des mano a mano particulièrement âpres, signe d'une atomisation des structures sociales (famille comprise) et de la poussée de l'individualisme chez les jeunes prêts à tout pour avoir leur place au soleil.

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Romeo + Juliette (William Shakespeare's Romeo + Juliet)

Publié le par Rosalie210

Baz Luhrmann (1996)

Romeo + Juliette (William Shakespeare's Romeo + Juliet)

Je pensais que "Romeo + Juliette" était un film anecdotique alors qu'il ne l'est pas du tout. C'est au contraire une transposition riche et passionnante du chef d'oeuvre de William Shakespeare à l'ère contemporaine. Dans une démarche très semblable à celle d'un dramaturge ou d'un metteur en scène d'opéra (ce qu'il était à l'origine), Baz LUHRMANN a cherché à revivifier une œuvre qui s'est retrouvée au fil du temps coupée de ses racines populaires. Or les œuvres de Shakespeare ont une universalité qui leur permet de franchir l'espace et le temps. Mieux encore, elles ont un caractère juvénile parfaitement transposable à notre époque comme l'ont montré les brillants exemples de "West side story" (1960) ou de "My Own Private Idaho" (1991).

Comme dans "West side story" (1960), le "Romeo + Juliette" de Baz LUHRMANN situe son histoire d'amour impossible sur fond de guerre des gangs dans un milieu urbain pluriethnique dégénéré/décadent/dégradé. Mais au lieu de New-York, l'intrigue est transposée sur la côte ouest, dans un quartier de Los Angeles fictif prénommé "Verona Beach". Quartier dans lequel les excès ne se réduisent pas au mode de vie "sex, drugs and rock and roll" des personnages mais s'étendent à la mise en scène survitaminée et à l'imagerie baroque et kitsch qui semble sortir des clips heighties de Madonna avec leur iconographie religieuse ostentatoire et sulfureuse. On ne compte plus les bijoux et tatouages, l'un des plus spectaculaires se trouvant sur le dos du père Laurence (Peter POSTLETHWAITE). Le film décline d'ailleurs toutes les formes du show: show business (les Montaigu et les Capulet sont des stars), TV show qui commente l'intrigue sous forme de reportage/fait divers, méga show du bal costumé des Capulet, où se produit un hallucinant Mercutio (Harold PERRINEAU) drag-queen et où Tybalt (John LEGUIZAMO) aborde des cornes évocatrices en diable ^^. Autres références qui me sont venues à l'esprit, le maniaco-dépressif "Spring Breakers" (2012) qui fait alterner de grandes séquences orgiaques hystériques sur la plage et des sas de décompression cafardeux et "Mad Max" (1979) notamment pour la séquence d'exil à Mantoue qui semble se dérouler dans un univers post-apocalyptique désertique et motorisé. La séquence de la première rencontre entre Roméo et Juliette à travers un aquarium est particulièrement inspirée tout comme leurs costumes respectifs. C'est en effet l'époque où Leonardo DiCAPRIO arborait une gueule d'ange qui n'allait pas tarder à exploser dans "Titanic" (1997). Et Claire DANES n'est pas en reste dans le genre beauté éthérée. En effet le film oppose de manière systématique l'eau (la pureté des sentiments du couple) et le feu, la sécheresse, l'aridité. Mais la séquence que je trouve la plus ébouriffante est celle des morts respectives des "chefs de bande" charismatiques Mercutio et Tybalt menée à un train d'enfer.

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Angèle et Tony

Publié le par Rosalie210

Alix Delaporte (2011)

Angèle et Tony

C'est une "simple" histoire d'amour et pourtant le film m'a laissé un souvenir inoubliable et je l'ai revu avec autant de plaisir que d'émotion. A quoi tient donc cette capacité à se démarquer à partir d'un canevas archi-rebattu, celui du mariage de la carpe et du lapin? En partie au fait d'inscrire les personnages dans un contexte socio-économique âpre mais surtout à l'impressionnante justesse des acteurs. J'avais déjà vu jouer Clotilde HESME mais je ne connaissais pas Grégory GADEBOIS qui a été révélé par ce film et qui est si convaincant que beaucoup ont cru qu'il était un vrai marin-pêcheur! La première joue une ex-taularde paumée mais qui a la rage de s'en sortir et le second essaie également de surnager au cœur de la crise qui frappe l'industrie de la pêche.

Dans ce film, ce sont avant tout les corps qui parlent. Angèle est une sorte d'animal sauvage, gauche, brusque, cynique et nihiliste. Tony qui l'a rencontrée par petites annonces (matrimoniales) interposées, est perplexe devant cet ovni. Pudique et distant, il l'héberge mais repousse ses avances, lui apprend les rudiments du métier, cherche à comprendre ce qu'elle fait là, ce qu'elle lui veut. N'étant pas un prix de beauté ni un bon parti, il a peur qu'elle se serve juste de lui pour les besoins de sa réinsertion. Elle aussi a peur qu'il ne la rejette en apprenant son passé. Avares de mots, ils se tournent autour, se jaugent, se provoquent. Il y a notamment une scène qui s'est gravée dans ma mémoire, c'est celle où Tony la plaque contre un mur dans un élan dont il est impossible de démêler la part d'agressivité et la part de désir. Angèle en est suffisamment secouée pour que l'on voit enfin autre chose se dessiner derrière la fébrilité et la dureté de son comportement. Petit à petit, la glace fond et les deux êtres se rapprochent. Le fait que Clotilde HESME et Grégory GADEBOIS soient amis dans la vraie vie (ils ont fait le conservatoire ensemble) joue certainement dans la complicité que l'on sent passer entre eux.

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Herbes flottantes (Ukigusa)

Publié le par Rosalie210

Yasujiro Ozu (1959)

Herbes flottantes (Ukigusa)

Il n'y a pas que les cinéastes anglo-saxons qui ont fait un remake en couleurs dans les années 50 d'un de leurs anciens films des années 30 en noir et blanc (pour mémoire les deux exemples les plus célèbres sont ceux de Leo McCAREY avec ses deux versions de "Elle et lui" et Alfred HITCHCOCK avec celles de "L'homme qui en savait trop"). "Herbes flottantes" qui date de 1959 est en effet le remake par Yasujiro; OZU de son film "Histoires d'herbes flottantes" (1934). Comme pour ses homologues anglo-saxons, les deux versions sont tout à fait remarquables et témoignent à 20 ans de distance d'évolutions aussi bien techniques, esthétiques que sociétales dans un schéma repris à l'identique.

Le titre, "herbes flottantes" est une notion issue du bouddhisme qui signifie l'impermanence de toute chose. Celles-ci sont changeantes, évanescentes, flottantes, il faut accepter de lâcher prise pour se laisser porter par le courant plutôt que d'essayer de le contrôler. Sur la tombe de Yasujiro OZU qui était adepte du bouddhisme zen est d'ailleurs inscrit le kanji "mu" qui signifie justement "impermanence". Au sens strict, le monde flottant désigne les quartiers de plaisirs et de divertissements des grandes villes japonaises à l'époque d'Edo et toutes les activités qu'ils abritaient dont le théâtre kabuki. C'est donc ce dernier qui fait l'objet du titre du film d'Ozu. Une petite troupe vient en effet rendre visite à un village de pêcheurs 12 ans après son dernier passage. Ce n'est pas exactement la durée qui sépare les deux films d'Ozu mais cela permet de mesurer le temps passé. Outre l'utilisateur splendide de la couleur, les cadrages et la mise en scène admirables, la subtilité des sons et des variations d'atmosphère (les cigales japonaises au crissement entêtant sous le cagnard sont remplacées par le tintement des carillons qui accompagnent un regain de fraîcheur avant la tombée d'une pluie diluvienne), l'alternance de moments franchement comiques et d'autres beaucoup plus dramatiques, ce qui frappe dans ce film, c'est une crudité inhabituelle chez Ozu que ce soit en terme de violence ou de sexualité. Voir des amoureux s'embrasser ou passer la nuit ensemble était inimaginable dans les films en noir et blanc d'un cinéaste connu pour son extrême pudeur. On y voit d'ailleurs un fils s'affirmer par rapport à un père "loser", défaillant et plein de complexes, la famille restant le sujet privilégié des films de Ozu. Le film réunit par ailleurs la fine fleur des acteurs et actrices de l'époque, de Machiko KYÔ à Ayako WAKAO et il y a même un clin d'œil à Toshiro MIFUNE.

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