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L'Ami de mon amie

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1987)

L'Ami de mon amie

"L'Ami de mon amie" est le dernier des six films du cycle des "Comédies et proverbes" réalisés par Éric ROHMER dans les années 80. Il illustre à la perfection le proverbe "les amis de mes amis sont mes amis" mais aussi la définition géographique du cinéma comme science de disposition des corps dans un espace. Il s'agit en effet de l'histoire des trajectoires sentimentales entrecroisées de quatre jeunes gens gravitant dans le même milieu dans le cadre de la ville nouvelle de Cergy Pontoise. L'unité de lieu autant que celle de l'atmosphère estivale contribue à enfermer les personnages dans une ambiance de village où tout le monde se connaît et ne cesse de se croiser alors même que Cergy, issu d'une politique volontariste a hérité d'une architecture des années 60-70 pas vraiment à taille humaine et qui a très mal vieillie. Mais au lieu de ne montrer que les aspects oppressants de cette utopie urbaine, Éric ROHMER utilise astucieusement les contrastes du paysage comme révélateur de ses personnages et tout particulièrement de Blanche (Emmanuelle CHAULET). Sa situation sentimentale aride au début du film est reflétée par son cadre de travail austère à la mairie de Cergy et encore plus par son appartement de la tour Belvédère du quartier Saint-Christophe aménagé par Ricardo Bofill (les délires monumentaux rétro-futuristes de ce dernier parsèment la région IDF du 14° arrondissement de Paris à Noisy-Le-Grand avec la cité Abraxas filmée dans "Brazil") (1985). Grâce aux "amis de son amie", Léa (Sophie RENOIR), nettement plus fun et nomade dans son approche de la vie au point de servir de fournisseuse de contacts masculins ^^, Blanche se dégèle même si elle se trompe longtemps de cible, poursuivant une chimère alors que l'amour lui tend les bras. Et se dégel est symbolisé par les espaces de loisirs de Cergy, sa célèbre base aménagée mais également la nature qui l'environne et qui offre encore quelques recoins qui semblent être "originels" (ce n'est pas un hasard si la scène de révélation amoureuse s'y déroule). Même s'ils sont en réalité artificiels puisque retouchés par l'homme, ce sont ces lieux qui semblent être restés les plus vivants comme l'a montré récemment le documentaire "L'Ile au trésor" (2018) qui leur attribue même une mémoire. Quant au dénouement fondé sur un quiproquo, il est très drôle et plein d'ironie devant ces couples censés être fondés sur la recherche de l'âme soeur mais qu'un jeu de couleurs nous présente comme étant le fruit d'une recomposition à partir d'éléments interchangeables.

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Agent secret (Sabotage)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1936)

Agent secret (Sabotage)

"Agent secret" (le titre en VO "Sabotage" est bien plus pertinent) fait partie de la période britannique de Alfred HITCHCOCK et a été tourné après "Les 39 marches" (1935) et "Quatre de l'espionnage" (1936). Mais contrairement à ces deux derniers films "Sabotage" est un drame austère d'une noirceur absolue. Si le principal point faible du film réside dans l'écriture bâclée des personnages et une interprétation dans l'ensemble peu convaincante, la mise en scène est déjà au sommet. En témoigne deux scènes restées dans les annales. D'une part celle où le jeune Steve transporte sans le savoir au cœur d'un Londres bondé une bombe dont nous savons à la minute près quand elle doit exploser et où en lui faisant subir divers contretemps (et en insérant sadiquement de nombreux plans d'horloge montrant l'heure qui tourne) Alfred HITCHCOCK joue avec nos nerfs. Cette scène a acquis par ailleurs au XXI° siècle un caractère prophétique: impossible de ne pas penser en voyant le bus exploser aux attentats de juillet 2005 qui avaient notamment soufflé l'étage supérieur d'un autobus à impériale à Tavistock Square et fait 56 morts (dont 14 parmi les passagers du bus)*. Et de l'autre celle de la scène d'explication à table entre Verloc (l'auteur de l'attentat) et son épouse (Sylvia SIDNEY) qui a découvert qu'il était responsable de la mort de son petit frère. La mise en scène (qui pallie le jeu terne des acteurs) suggère si habilement son envie de meurtre à elle et son envie de suicide à lui qu'il devient impossible de savoir qui a accompli le geste fatal. A la limite, ce qui est le plus expressif dans ce passage, c'est le couteau, ou plutôt la caméra qui l'anime. Si le personnage de Verloc (Oskar HOMOLKA) est assez opaque (en dehors de l'argent, on ne comprend pas vraiment ses motivations), celui de son épouse donne une idée assez déprimante de la condition de la femme, celle-ci apparaissant résignée et dépendante. Triste constat.

* Hitchcock pensait qu'il avait eu tort de faire mourir un enfant parce qu'il trouvait que c'était une manipulation détestable des sentiments des spectateurs (qui d'ailleurs ont rejeté le film à l'époque précisément pour cette raison). Mais cela contribue à donner à la scène son caractère réaliste dans lequel on peut reconnaître les sociétés d'aujourd'hui.

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Les Nouveaux chiens de garde

Publié le par Rosalie210

Gilles Balbastre et Yannick Kergoat (2012)

Les Nouveaux chiens de garde

A sa sortie, le documentaire, librement adapté du livre éponyme de Serge Halimi sorti en 1997 et réactualisé en 2005 a été critiqué pour ses prises de position tranchées, s'en prenant aussi bien à la droite qu'à la "gauche caviar". Mais en le revoyant, je suis frappée surtout par sa pertinence, sa clairvoyance. Car ce qu'il décrit va au-delà d'une critique de la collusion entre hommes politiques, capitaines d'industries et journalistes aux ordres. Il décrit une lutte des classes de moins en moins larvée entre une élite qui sous le masque d'une apparente diversification des médias contrôle en réalité tous les rouages de l'information par le jeu de la concentration d'entreprises et de l'uniformité sociale (le film met en évidence l'interchangeabilité de ces hommes et de ces femmes issus du même milieu social et passé par le moule des mêmes grandes écoles ou universités prestigieuses) et une masse dangereuse qu'elle cherche à manipuler pour la dépouiller de ses acquis sociaux. Avec pour enjeu la "réforme" de la société française, la rhétorique progressiste étant devenue dans leur bouche une novlangue dissimulant un projet en réalité réactionnaire. En effet ce que cette élite a en ligne de mire, c'est l'Etat-providence de l'après-guerre mis en place par une Résistance dans laquelle les communistes exerçaient une forte influence. C'est cet héritage (services publics, sécurité sociale, régimes spéciaux) qu'il s'agit de liquider à coup de "réformes" néo-libérales présentées comme les seuls remèdes raisonnables face au chômage et au déficit. Et face à la résistance des classes moyennes et populaires, on brandit les supposées "rigidités" de la société française avec pour cible les fonctionnaires, accusés de s'accrocher à leurs "privilèges" et les syndicats ouvriers et jeunes des "quartiers" présentés comme de nouveaux barbares ne sachant exprimer leur colère que par la violence.

Mais ce constat salutaire permettant de mettre sur le devant de la scène des voix quasi absentes des médias (et pour cause) n'est pas pour autant un pensum rébarbatif. Au contraire, les réalisateurs ont opté pour un ton résolument satirico-ludique avec des incrustations et des effets de montage, de mise en abîme et de bande sonore hilarants. C'est ainsi que l'on suit avec autant d'amusement que d'effarement le parcours de Michel Field, ex-rebelle rentré dans le rang, celui du vieux briscard Alain Duhamel mangeant à tous les râteliers, les renvois d'ascenseurs entre le triumvirat Lagardère-Elkabbach-Drucker ou Isabelle Giordano et l'entreprise pour laquelle elle offre des prestations rémunérées, la réaction moqueuse de Anne Sinclair et de Christine Ockrent, femmes de ministres niant la continuité de la main-mise du pouvoir sur les médias depuis la fin de l'ORTF ou bien au contraire assumant à l'image de Franz-Olivier Giesbert qu'il est bien normal que "le pouvoir (du capital) s'exerce (sur les médias)". On se régale également devant l'obséquiosité du "journalisme de compagnie" devant les puissants au travers de l'exemple de Laurent Joffrin et de Jacques Chirac ou des révélations concernant les "experts", ces économistes, chercheurs, universitaires présentés comme des spécialistes objectifs alors qu'ils sont des émissaires des milieux économiques chargé de répandre la doxa libérale (les experts d'un autre avis sont quant à eux écartés des médias ce que le documentaire montre également). Et tout ce beau monde de se retrouver une fois par mois au dîner du Siècle à l'hôtel Crillon, place de la Concorde pour accorder leurs violons (et défendre leurs intérêts de classe) dans l'omerta la plus complète. A l'aune de ce documentaire de 2011, on comprend mieux pourquoi le débat démocratique est singé par de faux "contradicteurs" (Ferry/Julliard par exemple) en réalité copains comme cochons, pourquoi un Fillon ou un Delevoye cherchent à comprendre qui "les ont balancé" plutôt que de faire amende honorable devant les français ou bien pourquoi un Yves Calvi a autant de haine vis à vis des gilets jaunes, les enjoignant à se calmer avec le même ton condescendant (qui sent son mépris de classe) qu'en son temps David Pujadas à l'égard de Xavier Mathieu, le porte-parole syndical de Continental. Un ton mordant qui tranche avec celui, velouté et précautionneux employé avec les patrons. L'image du chien remuant la queue devant le su-sucre du maître et montrant les dents devant l'intrus s'impose tout naturellement.

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L'homme à la tête de caoutchouc

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1901)

L'homme à la tête de caoutchouc

Un des courts-métrages les plus fameux de Georges MÉLIÈS dans lequel celui-ci utilise plusieurs trucages maîtrisés à la perfection: fond noir, arrêt caméra, surimpression, jeu sur la perspective et le cadre dans le cadre pour créer l'illusion d'une tête coupée (la sienne) qui gonfle et se dégonfle comme un ballon actionné à l'aide d'un soufflet par un apothicaire (lui-même). Contrairement à ce que pensait l'historien du cinéma George Sadoul, ce n'est pas la caméra qui s'approche du sujet mais à l'inverse le sujet qui s'approche (ou s'éloigne) de la caméra à l'aide d'un chariot monté sur rails. Georges MÉLIÈS qui se plaçait du point de vue du spectateur de son théâtre Robert Houdin n'imaginait pas en effet qu'il pouvait bouger la caméra. Quant au gag final, il créé un effet de surprise, à la fois burlesque et terrifiant qui fait penser à un cartoon. Les corps vivants chez Georges MÉLIÈS subissent en effet toutes sortes de transformations impossibles dans la réalité mais abondamment utilisées dans le cinéma d'animation burlesque: aplatissement, démembrement, éclatement, dédoublement, lévitation, grossissement, rapetissement, disparition, réapparition etc.

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Les Aventures du Baron de Münchhausen (The Adventures of Baron Munchausen)

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1988)

Les Aventures du Baron de Münchhausen (The Adventures of Baron Munchausen)


Une quinzaine d'années avant ses déboires avec Don Quichotte, Terry GILLIAM s'était déjà embarqué dans une grosse galère avec un héros à sa (dé)mesure en la personne de Karl Friedrich Hieronymus Freiherr von Münchhausen, mercenaire allemand dans l’armée russe, qui combattit les troupes turques avant de devenir l'un des mythomanes les plus célèbres de la littérature grâce à Rudolf Erich Raspe qui coucha par écrit ses prétendus "exploits" et Gustave Doré qui les illustra. Terry GILLIAM s'est approprié ce matériau originel (le choix de John NEVILLE pour incarner le baron est une référence directe à Gustave Doré dont il s'est beaucoup inspiré) en y ajoutant son imagination débridée, sa créativité visuelle et sa soif de liberté. Son film est donc un nouvel épisode métaphorique (après "Bandits, bandits…" (1981) et "Brazil") (1985) de sa lutte don quichottesque contre les moulins à vents des studios incapables de contrôler ce rêveur aux projets mégalomanes (autrement dit synonymes de gouffre financier). La scène où le baron s'envole toujours plus haut dans le ciel avec la belle Vénus toute droit sortie du coquillage de Botticelli (Uma THURMAN âgée de 18 ans dans son premier rôle) avant d'être brutalement ramené sur terre par le dieu Vulcain (Oliver REED) et la jeune Sally (Sarah POLLEY) est assez représentative de son rapport au monde ("Brazil" (1985) contient des scènes iconiques identiques). On peut en dire autant de la scène "fauchée" pour cause de dépassement de budget (mais qui est l'une de mes préférées) sur la lune, magnifique hommage à Georges MÉLIÈS et incroyable délire sur la dualité corps/esprit (Robin WILLIAMS comme Robert De NIRO dans "Brazil" (1985) y avance masqué, il est pourtant excellent). Car même si Terry GILLIAM est selon le journal le Monde un "maudit rêveur", il est aussi extraordinairement persévérant, réussissant toujours au final à concrétiser ses projets. C'est tout le sel du dénouement du film. Alors que le baron, surgissant sur une scène de théâtre tel un acteur a semblé tout au long du film n'offrir à son auditoire avide d'évasion (comme on a pu souvent le constater dans les périodes de guerre) qu'un dérivatif illusoire, voilà que lorsqu'ils se décident à ouvrir les portes de leur ville assiégée, ils découvrent que les turcs se sont enfuis, illustrant la phrase de Dumbledore à la fin des "Reliques de la mort", "Bien sûr que tout cela se passe dans ta tête Harry mais pourquoi faudrait-il en conclure que ce n'est pas réel?"

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La Folle histoire de l'espace (Spaceballs)

Publié le par Rosalie210

Mel Brooks (1987)

La Folle histoire de l'espace (Spaceballs)

Il n'est pas si simple de faire une parodie qui tienne la route (je me souviens du consternant "Le Silence des Jambons" (1993) avec un Billy ZANE qui s'était particulièrement fourvoyé dans le rôle de "Joe Di Fostar" ah ah ah). "La Folle histoire de l'espace" est pour filer la métaphore sexuelle de son titre original "Spaceballs" d'un autre "calibre". Bien sûr le film parodie avec soin et jubilation les films de SF les plus populaires des années 70-80 mais il y ajoute en plus une couche de satire clairvoyante voire prophétique sur les mutations d'une industrie hollywoodienne concentrée entre quelques mains, abandonnant toute ambition créative au profit d'une exploitation marchande tous azimuts des mêmes succès. Voir les sept nains ainsi catapultés (en 1987!) dans l'univers Star Wars ne peut que faire penser à une anticipation du rachat de la franchise par Disney en 2012 alors que les incursions dans la saga Indiana Jones, les Transformers ou la scène la plus culte de "Alien, le huitième passager" (1979) avec John HURT qui reprend son rôle emblématique de Kane va au-delà du cross-over: cette dernière séquence rappelle que le ver est littéralement dans le fruit ^^. Et c'est ainsi que le film multiplie les placements de produits les plus voyants et les plus grotesques de la princesse "Vespa" à "Pizza the Hutt" (qui rappelle moins son modèle de grosse limace visqueuse que M. Creosote, le monstre insatiable symbolisant la consommation à outrance du "Monty Python : Le Sens de la vie" (1982)) cousin du vorace et vomitif sans-visage de Hayao MIYAZAKI). "Spaceballs" se décline d'ailleurs en une multitude de produits dérivés, une séquence entière du film prenant la forme d'un télé-achat dans une boutique que l'on croirait toute droit sortie d'un parc Disneyland (quand je dis que ce film était prophétique ^^). Mel BROOKS le réalisateur qui joue également le rôle du président Esbroufe (et de Yahourt/Yoda) fait d'ailleurs un gros plan sur les vidéos de ses précédents films. Quant à l'inénarrable Rick MORANIS dans le rôle de "casque noir" (échangé lors d'une séquence dans le désert contre un casque colonial et des culottes courtes dignes des aventures de Tintin ou d'un autre sketch des Monty Pythons dans "Monty Python : Le Sens de la vie" (1982)), il fait penser à tous les dictateurs-nabots de la terre qui à force d'avoir (au sens propre) la grosse tête sont juste ridicules.

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Les Femmes du 6e étage

Publié le par Rosalie210

Philippe Le Guay (2010)

Les Femmes du 6e étage

"Les femmes du 6ème étage" est à la fois un film bien ancré dans une réalité historique et sociologique et un "feel good movie" utopique tout à fait comparable à la série "Downton Abbey" (2010). Le réalisateur, Philippe LE GUAY est le beau-frère de Dominique de Villepin et son père a exercé la même profession (agent de changes) que Jean-Louis, le personnage principal de son film. Le cadre de l'histoire est extrêmement réaliste avec son immeuble parisien haussmannien du 16° matérialisant la hiérarchie sociale comme le faisait "Pot Bouille" de Emile Zola ou le dessin de Bertall gravé par Lavieille représentant les cinq étages du monde parisien en 1845. On retrouve donc au rez-de-chaussée la loge de la concierge, aux premiers étages, les grands appartements bourgeois et dans les combles, les chambres de bonnes, exigües et sans confort. De nombreux vieux immeubles conservent encore de nos jours leur point d'eau froide et leurs toilettes à la turque sur le pallier, désaffectés la plupart du temps. D'autre part, l'afflux de domestiques espagnoles en remplacement des paysannes bretonnes correspond à l'époque décrite qui est celle du début des années 60, quand la France du général de Gaulle et des trente Glorieuses accueillait par millions des immigré(e)s venu(e)s d'Espagne et du Portugal, pays alors miséreux sous la férule des dictateurs Franco et Salazar.

C'est dans ce cadre réaliste remarquablement dépeint que le réalisateur installe son intrigue qui oppose de façon quelque peu manichéenne un couple de bourgeois français coincés/frustrés et leurs enfants tête à claques et les bonnes de l'immeuble qui compensent leurs conditions de vie rudes et précaires par de la solidarité et de la convivialité, le tout épicé d'ibérisme caliente. Le réalisateur évite cependant le monolithisme, il y a de la diversité au sein de chaque groupe. L'épouse de Jean-Louis, Suzanne (Sandrine KIBERLAIN) est une provinciale complexée qui singe le milieu dans lequel elle vit mais qui se rend compte que son existence est d'une totale vacuité. L'une des bonnes, Carmen, est communiste et athée (Lola DUEÑAS) alors que les autres sont des grenouilles de bénitier. L'aspect le plus utopique du film concerne la métamorphose de Jean-Louis qui en tombant amoureux de sa bonne, Maria (Natalia VERBEKE) prend tellement plaisir à partager la vie haute en couleurs du 6ème étage qu'il décide de s'y installer puis de tout larguer pour changer de vie. Dans la réalité les "amours ancillaires" étaient plus proches de l'exploitation sexuelle que du romantisme de gare. Mais Fabrice LUCHINI est très bon alors on ferme les yeux sur le fait qu'une fois de plus on nous décrit une histoire d'amour entre une jeune femme et un homme qui pourrait être son père.

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Clean

Publié le par Rosalie210

Olivier Assayas (2004)

Clean

"Clean" est l'un de mes films préférés, un film que j'ai vu plusieurs fois au cinéma et que je me suis par la suite acheté en DVD. C'est lié sans doute au fait qu'il atteint une certaine perfection dans le dosage des divers éléments qui le composent. Car si le réalisateur, Olivier ASSAYAS aborde l'un de ses thèmes fétiches qui est d'analyser la manière dont des personnages rebelles au système dominant et épris d'idéaux font pour reprendre pied dans la réalité, il le fait avec beaucoup de sensibilité. La présence de Maggie CHEUNG dans le rôle principal n'y est sans doute pas étrangère. Son personnage, vraisemblablement inspiré de Yoko Ono est une revenante des années "sex, drugs and rock and roll". Son compagnon, Lee, chanteur de rock adulé y a laissé la peau mais c'est elle que l'on accuse et qui doit en assumer les conséquences puisqu'elle doit se reconstruire dans un monde hostile. Enfin, presque. Car l'autre beau personnage du film, c'est Albrecht (Nick NOLTE, magnifique), le père de Lee qui porte un poids de culpabilité sur les épaules aussi lourd que celui d'Emily. Certes, il n'est pas montré du doigt mais on devine qu'il souffre d'avoir perdu son fils (ou plutôt de ne jamais avoir réussi à le rencontrer). Il tente donc de se racheter en prenant soin de son petit-fils, Jay et en aidant sa mère mise au ban de la société. L'une des plus belles scènes du film est la course éperdue d'Emily à la gare, d'abord pour fuir Albrecht qui l'a blessée en lui racontant que Jay n'était pas prêt à la revoir puis sa volte face lorsqu'elle comprend qu'il lui a en fait tendu la main. Et c'est à la suite de cette prise de conscience en mouvement qu'ils se parlent à nouveau et qu'Albrecht lui confie qu'il croit au pardon et à la capacité des gens à changer.

Parallèlement à cette éprouvante rédemption dans laquelle Emily cherche un équilibre (revoir son fils tout en trouvant un travail qui lui convienne), le film est émaillé de passages plus légers dans lesquels elle fait face aux fantômes de son sulfureux passé incarnés par une galerie de personnages féminins pittoresques: une admiratrice de ses années de présentatrice sur le câble quelque peu étouffante (Laetitia SPIGARELLI), son ex devenue une femme d'affaires froide et cynique (Jeanne BALIBAR) et enfin une amie un peu borderline, Elena (Béatrice DALLE dans son propre rôle ^^?).

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Elle s'appelait Sarah

Publié le par Rosalie210

Gilles Paquet-Brenner (2010)

Elle s'appelait Sarah

Le titre français évoque la chanson de Jean-Jacques GOLDMAN "Comme toi" ("Elle s'appelait Sarah, elle n'avait pas huit ans, sa vie c'était douceur, rêves et nuages blancs. Mais elle n'est pas née comme toi ici et maintenant".) Mais je préfère le titre en VO du roman de Tatiana de Rosnay "Sarah's key" dont le film de Gilles PAQUET-BRENNER est l'adaptation. Parce que tout est affaire de clé dans ce récit. Celle qui déverrouille le cadavre caché dans le placard, métaphore des secrets enfouis qui empêchent de vivre. C'est ce qui relie les deux parties du récit, celui d'un événement historique "traumatique" (la rafle du Vel d'Hiv en juillet 1942) devenu le symbole de la participation active de la France à la Shoah et celui de sa mémoire qui resurgit 60 ans après avoir été mise sous le boisseau. A l'échelle nationale, c'est même moins, le film rappelle le moment-clé que fut le discours commémoratif de Jacques Chirac en juillet 1995 reconnaissant la collaboration de l'Etat français aux crimes des nazis et montre le travail colossal mené par le Mémorial de la Shoah pour répertorier les 76 mille juifs déportés de France (moins de 2500 revinrent) et leur redonner une identité (mur des noms, pièce des photographies des 11 mille 400 enfants de moins de 16 ans déportés, listes diverses: convois, écoles, adresses personnelles, Justes de France).

Mais le film n'étant pas un documentaire mais l'adaptation d'un roman, il articule la reconstitution des événements tragiques de juillet 1942 et leurs conséquences avec des destins particuliers. Sarah est donc une enfant fictive qui symbolise le sort des 4000 enfants arrêtés ce jour là, plus particulièrement le coeur de cible de la rafle qui étaient les juifs étrangers, polonais en premier lieu. Enfin jusqu'à un certain point puisqu'en parvenant à s'échapper avant d'être déportée, elle symbolise l'exception (aucun des enfants du Vel d'Hiv déporté n'est revenu, très peu ont pu s'enfuir du Vel d'Hiv et des camps de transit). Elle endosse alors un autre rôle, celui de la culpabilité du survivant qui se mure dans le silence et ne transmet pas son identité à sa descendance. De plus celle-ci rejaillit sur une famille française, les Tézac qui s'est embourgeoisée sur le dos des familles juives que l'on a délogé et spolié avant de les massacrer. Elle aussi se mure dans le silence et l'oubli. Jusqu'à ce qu'une journaliste américaine, Julia Jarmond mariée au fils Tézac ne mette les pieds dans le plat et ouvre grand le placard à secrets (le film la montre d'ailleurs ouvrant les rideaux d'un appartement que les policiers français referment en 1942). Un personnage extrêmement judicieux quand on sait que c'est un historien américain, Robert Paxton qui en 1973 a démantelé le mythe du double jeu du maréchal Pétain et mis en évidence que la collaboration était une initiative française. Plus récemment il a répondu à Eric Zemmour qui défendait la thèse (dans "Le Suicide français" paru en 2014) d'un maréchal sacrifiant les juifs étrangers pour mieux sauver les juifs français. La distanciation permise par la nationalité, un rapport différent à l'histoire (que l'on songe à la rapidité avec laquelle les américains ont évoqué le trauma de la guerre du Vietnam) et l'accès facilité aux archives allemandes sont autant de facteurs qui ont permis aux USA de jouer auprès de la France ce rôle d'historiens de la mémoire.

Le film de Gilles PAQUET-BRENNER, prenant et remarquablement interprété (mention spéciale à Mélusine MAYANCE et Kristin SCOTT THOMAS à qui le rôle de Julia va comme un gant mais aussi à Michel DUCHAUSSOY dans un rôle court mais marquant ou encore Niels ARESTRUP à contre-emploi) donne beaucoup de sensorialité (cris, aboiements de hauts-parleurs, chaleur étouffante, manque de sommeil, soif, fièvre, absence d'hygiène) à la reconstitution de la rafle vue à la hauteur d'une enfant qui ne comprend pas ce qui se passe et de ce fait commet une erreur fatale en ce qu'elle déplace le fardeau de la culpabilité des vrais coupables (les nazis et leurs complices français) sur ses épaules. Quant au travail de mémoire effectué par Julia, il est indissociable des enjeux autour de ce qui se passe dans son ventre: elle veut accoucher du secret alors que son mari fuyant (Frédéric Pierrot) préfère l'escamoter tandis que le fils de Sarah (Aidan Quinn) après le choc initial finit par l'intégrer à son histoire.

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Quartet

Publié le par Rosalie210

James Ivory (1981)

Quartet

"Quartet" de James IVORY (d'après le roman semi-autobiographique de Jean Rhys) est un sombre mais magistral récit d'emprise psychologique qui décortique avec finesse les tortueux ressorts d'une relation malsaine entre trois personnages avec un quatrième en arrière-plan. Trois plus un et non quatre car sinon il y aurait au moins parité et donc davantage d'égalité. Tandis que le film explore deux niveaux d'emprise: celle qu'exerce un couple bourgeois britannique sur une jeune fille créole privée de ressources après l'arrestation de son mari et celle que l'homme bourgeois exerce sur les femmes, y compris la sienne. L'inégalité fondée sur l'origine, la classe sociale et le genre se rejoignent ainsi impitoyablement.

La manière dont le couple de prédateur piège sa proie rappelle par certains aspects "Les Yeux sans visage" (1960) de Georges FRANJU. En effet il s'agit dans les deux cas de se faire passer pour des bienfaiteurs en offrant un toit à une jeune fille en détresse pour mieux l'utiliser et la jeter ou la détruire par la suite. La femme du couple joue les rabatteuses de gibier pour son mari affamé de chair fraîche. Mais elle-même est sous son emprise car c'est l'homme qui définit les règles du jeu, ce que démontrait déjà Agnès VARDA dans "Le Bonheur" (1965). C'est ainsi que le syndrome de Stockholm dont est victime Marya (Isabelle ADJANI qui a obtenu pour le rôle le prix d'interprétation à Cannes) qui tombe amoureuse de son tortionnaire fait écho à la soumission de Lois (Maggie SMITH) aux caprices de "HJ" (Alan BATES) qu'elle veut garder à tout prix. Derrière l'artiste mondaine cynique et hautaine perce l'amertume de la femme bafouée, avilie et humiliée qui cherche à sauver les apparences. Sous le vernis du mécénat se cache ainsi un sombre trafic de prostitution qui ne dit pas son nom. Mais à défaut de le dire, James IVORY montre dès les premières images le sort qui attend Marya avec en contrebas de sa chambre d'hôtel (plan annonciateur de sa chute) une "grue" qui lève un client. Et le dénouement sans issue la montre sur le point de passer entre les mains d'un autre pseudo "protecteur".

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