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La Vie d'O'Haru femme galante (Saikaku ichidai onna)

Publié le par Rosalie210

Kenji Mizoguchi (1952)

La Vie d'O'Haru femme galante (Saikaku ichidai onna)

"La Vie d'O'Haru, femme galante" est le film qui révéla Kenji MIZOGUCHI en occident et lui valut le lion d'argent au festival de Venise en 1952, quatre ans seulement avant sa mort. Il faut dire que le cinéma japonais commençait à peine à être découvert hors de l'archipel puisque le film de Kenji MIZOGUCHI n'était que le deuxième à obtenir un tel degré de reconnaissance (le premier, "Rashômon" (1950) de Akira KUROSAWA avait reçu le lion d'or seulement l'année précédente). Si les deux films ont pour point commun de posséder une intrigue se déroulant dans le Japon féodal (contrairement à Yasujiro OZU et Mikio NARUSE qui situent les leurs dans le Japon contemporain et qui furent découverts bien plus tard), Akira KUROSAWA est le grand peintre du samouraï alors que Kenji MIZOGUCHI est le grand cinéaste de la condition féminine japonaise avec un thème récurrent, celui de la prostituée. Kenji MIZOGUCHI avait assisté à la vente de sa soeur à une maison de geishas par leur père et était un client régulier des lieux de plaisir. Il avait donc des liens particuliers avec le milieu.

"La Vie d'O'Haru, femme galante" est une authentique tragédie. On y assiste à un long flashback durant lequel l'héroïne se souvient des événements qui l'ont amené à se prostituer. Contrairement aux idées reçues, ce n'est ni pour des raisons morales (O'Haru a des principes auxquels elle est forcée de renoncer les uns après les autres sous le poids des contraintes qui pèsent sur elle) ni sociales (elle est issue de la noblesse). Deux facteurs expliquent sa progressive déchéance: le système social japonais patriarcal et ultra rigide et une malchance qui transforme son destin en véritable fatalité. Le point de départ de son chemin de croix est sa brève aventure avec un homme de basse condition (joué par l'acteur fétiche de Akira KUROSAWA, Toshiro MIFUNE) qu'elle aime et dont elle est aimée. Mais il est interdit de suivre son coeur et ses désirs et O'Haru paiera sa "faute" toute sa vie. Chassée du palais impérial avec ses parents, elle est vendue plusieurs fois par son père et endosse différents rôles plus humiliants les uns que les autres: mère porteuse pour un daimyo dont l'épouse est stérile, apprentie-geisha, prostituée à son compte, mendiante. Entre ces différents stades de déchéance, elle trouve des emplois plus gratifiants comme employée d'un drapier, apprentie-nonne et épouse d'un commerçant mais rien de tout cela ne dure bien longtemps. S'il y a un fil directeur dans la vie de O'Haru, c'est bien l'exil, l'exclusion et la solitude. Elle ne parvient jamais à trouver sa place, étant systématiquement chassée des fonctions qu'elle occupe, soit parce qu'elle est rattrapée par son passé soit parce qu'elle ne sait pas "rester à sa place" et dérange ceux qui l'emploient. Son destin révèle la profonde hypocrisie du système japonais qui l'exploite comme objet sexuel et mère porteuse tout en rejetant sur elle l'entière responsabilité de sa déchéance et en la chassant au nom de "l'honneur de la maison" qu'elle souillerait de sa présence. Les quelques hommes qui s'attachent à elle sont soit eux-mêmes victimes du système hiérarchique impitoyable, soit frappés par le malheur.

Cette destinée tragique est cependant exempte de tout pathos. C'est lié à la mise en scène très esthétique de Kenji MIZOGUCHI notamment la composition de ses cadres et ses travellings ainsi qu'au jeu retenu de Kinuyo TANAKA qui incarne l'héroïne aussi bien à 20 qu'à 60 ans (alors qu'elle avait la quarantaine à l'époque). Les conventions du théâtre japonais transposées au cinéma donnent au film un caractère épuré et presque abstrait, instaurant une distance avec le spectateur alors même que les événements dépeints s'apparentent à du réalisme social. Une des séquences du film est reprise quasi à l'identique dans "Le Voyage de Chihiro" (2001) de Hayao MIYAZAKI. Il s'agit de la séquence où un client déverse des monceaux d'or sur le sol de la maison de geishas où est employée O'Haru provoquant une ruée du personnel sur les pièces répandues au sol et une servilité confinant au ridicule jusqu'à ce que cet or s'avère être de la fausse monnaie. Une manière de dénoncer l'argent corrupteur, considéré comme un fléau social au même titre que l'honneur, la hiérarchie et le patriarcat.
 

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Serial Mother (Serial Mom)

Publié le par Rosalie210

John Waters (1994)

Serial Mother (Serial Mom)

« Serial Mother » , film culte de la première moitié des années 90 est une satire vitriolée de l’american way of life, mélange de "Desperate Housewives" (2004) et de thriller hitchcockien avec une bonne dose d’humour absurde. Le personnage central de l’histoire est Beverly Sutphin (Kathleen TURNER), l’archétype de la mère au foyer irréprochable qui joue à la perfection son rôle de vitrine souriante de la famille américaine modèle. Celle qui trie ses déchets, offre un verre aux éboueurs, se rend aux réunions parents-professeurs avec un cake aux fruits maisons, à l’église le dimanche et adore les petits oiseaux. Évidemment derrière c’est le grand vide à l’origine d’une névrose carabinée laquelle se transforme en folie meurtrière. Le sexe et la violence bannis en façade des lotissements de banlieue proprets se déchaînent dans les magazines et à la TV avant de se déverser comme une benne à ordures par l'arrière-cour (la poubelle étant la métaphore qui ouvre le film). La moindre incartade vis à vis du code social et moral et c’est le zigouillage en règle. Beverly utilise tout ce qui lui tombe sous la main. Son téléphone et des lettres anonymes tout d'abord pour harceler la voisine qui a eu le toupet de lui griller sa place de stationnement. Le flot d'injures jusque là réprimées précède le passage à l'acte violent avec des ciseaux, un tisonnier, un climatiseur, une voiture ou une bombe à gaz. Le ton est volontiers outrancier et le mauvais goût, assumé ce qui souligne l’obscénité de la société américaine qui fait du fric sur ses pulsions morbides (Serial Mom devient une star, une marque que l’on s’arrache pour des droits d'adaptation TV ou pour des produits dérivés et si le dernier meurtre a lieu sur une scène en plein concert, ce n’est pas par hasard). Le procès devient lui-même une parodie où Beverly mène tout le monde par le bout du nez. Si certains passages font mouche, le film est toutefois inégal, la farce grotesque aussi subtile qu’un gros pudding s’avérant indigeste sur 1h30.

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Les Poupées russes

Publié le par Rosalie210

Cédric Klapisch (2005)

Les Poupées russes

En 2005, Cédric KLAPISCH donnait une suite à "L Auberge espagnole" (2002) pour ce qui allait finalement devenir une trilogie, conclue avec "Casse-tête chinois" (2013). "Les Poupées russes" censé se dérouler cinq ans après "L'Auberge espagnole" (2002) nous révèle un Xavier (Romain DURIS, le Antoine Doinel du réalisateur) proche de la trentaine dont la vie est complètement "en vrac". Tout comme le film, plus primesautier que jamais avec ses nombreux effets de montage, incrustation, split screen, film dans le film qui donnent l'impression d'une vie éparpillée façon puzzle.

Après avoir échappé à un destin tout tracé dans "L'Auberge espagnole" (2002), 'Les Poupées russes" montre un Xavier qui ne parvient pas à quitter l'adolescence. Son instabilité est aussi bien géographique (il squatte chez les amis, est souvent entre deux trains), professionnelle (il est un écrivain toujours un peu sur la corde raide, obligé de baratiner banquiers et éditeurs pour obtenir des boulots alimentaires ou rallonges financières sur fond d'air de pipeau ^^) et enfin sentimentale (son désordre amoureux donne lieu à d'hilarants quiproquos). Ses amis de "L'Auberge espagnole" du moins ceux dont la vie est un peu développée (Isabelle alias Cécile DE FRANCE, Martine alias Audrey TAUTOU, Wendy alias Kelly REILLY et William alias Kevin BISHOP) sont globalement plus stables que lui sur le plan professionnel mais tout aussi perdus sur le plan personnel (sauf William, et encore, son histoire avec la ballerine russe Natacha jouée par Evguenia OBRAZTSOVA a quelque chose d'irréel et il a la nausée le jour de son mariage). Par rapport à "L'Auberge espagnole" (2002) qui représentait l'âge des possibles et des expérimentations, "Les Poupées russes" établit un premier bilan qui fait naître derrière la légèreté de façade une sourde mélancolie. Ce qui est le plus important est ce qui se dit en creux, les questionnements liés à l'incapacité d'avancer et de construire faute de parvenir à choisir (c'est à dire à renoncer). C'est particulièrement frappant dans la deuxième moitié du film quand Xavier a la possibilité d'établir une vraie relation avec Wendy (Kelly REILLY est particulièrement émouvante) mais qu'il ne parvient pas à renoncer à sa chimère de la "femme parfaite" incarnée par une Célia (Lucy GORDON) insaisissable.

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Blanches colombes et vilains messieurs (Guys and dolls)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1955)

Blanches colombes et vilains messieurs (Guys and dolls)

"Blanches colombes et vilains messieurs" est une œuvre à la fois impersonnelle et incohérente. Impersonnelle car il s'agit de la commande d'un producteur, Samuel GOLDWYN qui a fait des choix surprenants. Au lieu de s'assurer les services d'un spécialiste de la comédie musicale comme Stanley DONEN ou Vincente MINNELLI, il a désigné un réalisateur très éloigné du genre, Joseph L. MANKIEWICZ et qui n'est parvenu à aucun moment à exprimer sa personnalité propre (plutôt intellectuelle et ironique avec un intérêt prononcé pour les conflits de classes sociales). Au niveau du casting, c'est tout aussi fouillis avec un mélange peu harmonieux entre d'une part des professionnels chevronnés ayant joué dans la comédie musicale sur les planches de Broadway et des premiers rôles totalement novices dans le genre comme Marlon BRANDO et Jean SIMMONS, les deux têtes d'affiche. La mayonnaise ne prend pas et on a l'impression le plus souvent d'avoir deux films différents juxtaposés. Sans parler de Frank SINATRA qui semble se demander ce qu'il fait là et est totalement éteint. Paradoxalement, les meilleurs moments sont ceux de Marlon BRANDO et Jean SIMMONS qui s'en sortent bien et s'avèrent même inventifs et dynamiques malgré leurs rôles stéréotypés alors que les comédiens professionnels ronronnent dans une routine mécanique profondément ennuyeuse. Si l'on ajoute que les chorégraphies pompées sur le spectacle sentent la poussière (quand elles ne sont pas tout simplement vulgaires), que les décors en studio font ringards et que le scénario est insignifiant, il est clair que cette comédie musicale est un pur produit commercial mal fagoté mais bankable puisque ayant rencontré un grand succès à sa sortie et ayant des fans encore aujourd'hui. Mais si vous aimez vraiment les films de Joseph L. MANKIEWICZ, passez votre chemin. En revanche si vous aimez Marlon BRANDO, vous pouvez vous risquer à subir ces 2h30 de purge pour les quelques moments sympas où il apparaît en poussant la chansonnette.

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Le Conte de la princesse Kaguya (Kaguya-hime no monogatari)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (2013)

Le Conte de la princesse Kaguya  (Kaguya-hime no monogatari)

"Le conte de la princesse Kaguya" est le dernier film de Isao TAKAHATA qui a terminé sa carrière en apothéose avec ce qui est l'un de ses plus beaux films. Tiré du folklore japonais (plus exactement d'un conte du dixième siècle transmis oralement), l'histoire de la princesse née dans un bambou venue de la lune (comme notre Cyrano) a été adaptée sous de multiples formes (dont un ballet "Kaguyahime" représenté il y a une dizaine d'années à l'Opéra Bastille). Celle de Isao TAKAHATA se distingue d'abord par sa forme, éblouissante. Le film est une succession d'estampes animées plus ou moins détaillées. Si l'aquarelle domine le paysage, certaines scènes parmi les plus marquantes relèvent de l'art de l'esquisse. Tout cela au service d'un récit fort dont le caractère fantastique et onirique se combine avec une grande volonté de réalisme (visible notamment dans l'animation de Kaguya bébé). Bien que se déroulant dans le Japon médiéval, les thèmes abordés sont d'actualité que ce soit le statut de la femme et sa soif de liberté face au patriarcat ou l'opposition entre nature édenique, réceptacle d'une vie authentique faite de joies simples et culture urbaine rigide et castratrice. La scène de fuite éperdue de Kaguya hors de la ville et de la réalité rappelle sur un mode fantasmatique celle du premier épisode de "Heidi" (1974) (série sur laquelle Isao TAKAHATA et Hayao MIYAZAKI ont travaillé) où celle-ci se dépouillait de ses couches de vêtements superposés en arrivant dans les Alpes. On retrouve en effet dans ce film la touche Isao TAKAHATA, mélancolique et fataliste. Comme dans "Le Tombeau des lucioles" (1988) auquel on pense beaucoup, le sort de la princesse est scellé dès l'origine et ses explosions de bonheur au contact de la nature (et de l'homme qu'elle aime, un simple charbonnier qu'elle a côtoyé enfant avant d'être séparée de lui pour mener une vie de princesse qui ne lui apporte pas le bonheur) ont d'autant plus d'intensité que l'on connaît à l'avance son destin tragique.

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Léo le dernier (Léo the Last)

Publié le par Rosalie210

John Boorman (1970)

Léo le dernier (Léo the Last)
Léo le dernier (Léo the Last)Léo le dernier (Léo the Last)
Léo le dernier (Léo the Last)Léo le dernier (Léo the Last)

La première partie de la vie de Léo, un petit garçon enfermé dans un corps d'adulte se déroule entre les 4 murs de sa somptueuse propriété de Notting Hill. Prince déchu, dernier membre de sa lignée (d'où le titre du film), il s'ennuie à mourir dans une vie d'exilé qui n'a pas de sens. Neurasthénique, il passe son temps à observer avec une longue-vue la vie des oiseaux dont il envie la liberté. Jusqu'au jour où il découvre qu'en face de chez lui, vivent des afro-caribéens très pauvres dont il se met à suivre le quotidien. On est alors quelque part entre "Fenêtre sur cour" (1954) pour l'assouvissement de la pulsion scopique du voyeur et "La Vie des autres" (2004) par le fait qu'il s'attache à eux, se sent concerné par leurs problèmes et leur détresse et veut intervenir pour les aider. Longtemps passif et impuissant car pris au piège de ses contradictions (il brandit un sabre en se proclamant pacifiste, il provoque la mort d'une des personnes qu'il veut sauver en le gavant de nourriture), il finit par briser la glace (à tous les sens du terme) et par franchir la barrière pour sortir la jeune Salambo Mardi (Glenna FORSTER-JONES) du piège de la prostitution dans laquelle elle est tombée suite à l'arrestation de son compagnon Roscoe (Calvin LOCKHART).

Léo, c'est ce doux rêveur milliardaire à la Frank CAPRA qui veut donner sa fortune aux pauvres et ainsi renverser les barrières sociales et raciales. Il conserve intacte son innocence en dépit des vautours de tous poils qui l'entourent et pompent son énergie vitale. Une scène très révélatrice du fossé qui le sépare du milieu qui lui a été assigné à la naissance (l'aristocratie dégénérée) est celle de la cérémonie new-âge de bain collectif naturiste dans la piscine censé lui redonner sa vitalité. Pendant que les autres s'extasient, lui se sent juste mouillé et gêné. Il en va de même lors des scènes d'orgie dont il s'exclue toujours. Logique qu'après avoir intrigué pour s'emparer de son héritage ou pour le manipuler afin de prendre le pouvoir ils tentent de le faire interner lorsqu'il décide de changer sa rue à défaut de pouvoir changer le monde. La principale retouche consistant à abattre sa maison qui barrait la rue et à redistribuer les biens restant entre les habitants. Tout un symbole.

Entre ironie et tendresse, John BOORMAN réalise une fable humaniste très personnelle sur le métissage et la justice sociale. Son film (prix de la mise en scène à Cannes) est lui-même un étonnant melting-pot de cultures et de tons, entre flegme british, bouffonnerie italienne et musiques afro-américaines (c'est l'un des rares films d'auteur de l'époque à avoir ainsi mis au premier plan des acteurs noirs). Léo et sa communauté d'adoption partagent un même destin d'immigrés et finissent par s'unir pour sortir de leurs exclusions respectives. Marcello MASTROIANNI est exceptionnel dans le rôle de ce Léo lunaire d'une douceur infinie. Injustement oublié, indisponible en DVD, ce film doit absolument être redécouvert.

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Le Fantôme de l'Opéra (Phantom of the Opera)

Publié le par Rosalie210

Arthur Lubin (1943)

Le Fantôme de l'Opéra (Phantom of the Opera)
Le "Fantôme de l'opéra" de Arthur LUBIN réalisé en 1943 est la réactualisation par les studios Universal de leur film de 1925 avec Lon CHANEY. L'intérêt de ce remake est donc avant tout technologique. Il s'agissait d'attirer le public avec une édition prestige très coûteuse mettant en avant la couleur avec l'utilisation du technicolor trichrome (déjà employé sur "Le Magicien d'Oz" (1939) ou "Autant en emporte le vent") (1939) et le son avec d'importantes séquences d'opéra filmées. Mais ces atouts comportent leurs revers. Si la couleur met bien en valeur les magnifiques décors de 1925 réemployés pour l'occasion, ils en chassent tout le mystère. L'architecture de l'opéra Garnier avec ses loges, ses alcôves, ses recoins et ses souterrains se prête naturellement à la rêverie et au fantastique à condition de rester dans la pénombre. Or ce qui prime ici, c'est au contraire la lumière, celle du spectacle. Peut-être que les événements extérieurs ont également joué, le contexte de guerre ne se prêtant pas à la production de films d'épouvante. Mais les séquences d'opéra filmées sont longuettes et ennuyeuses, surtout pour un spectateur d'aujourd'hui pour qui les nouveautés de l'époque sont devenues ringardes. Les touches d'humour avec les deux prétendants de Christine (Nelson EDDY qui joue Anatole le baryton et Edgar BARRIER qui joue Raoul le policier) se disputent ses faveurs contribuent encore plus à reléguer le pauvre fantôme à l'arrière-plan. Un fantôme qui n'a rien de bien effrayant comparé à celui de Lon CHANEY. Reste que Claude RAINS ("L'Homme invisible" (1933) et le pathétique méchant du film "Les Enchaînés (1946)" de Alfred HITCHCOCK) dégage une belle mélancolie douloureuse notamment quand il joue la berceuse provençale qui sert de leitmotiv au film. L'histoire du vol de son concerto (réelle ou supposée) est reprise dans "Phantom of the Paradise" (1974) la géniale version opéra-rock de Brian De PALMA. Dans un premier jet du scénario, Christine (Susanna FOSTER) devait être sa fille (cachée) ce qui aurait été plus crédible compte tenu de l'importante différence d'âge entre les deux acteurs et de l'aspect très humain du fantôme (Lon CHANEY était beaucoup plus monstrueux, un vrai squelette vivant).  

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L'Homme qui n'a pas d'étoile (Man without a Star)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1955)

L'Homme qui n'a pas d'étoile (Man without a Star)

Je préfère 1000 fois "L'homme qui n'a pas d'étoile" à "Duel au soleil" (1946), le précédent western réalisé par King VIDOR. En effet si "Duel au soleil" (1946) porte la marque (franchement détestable) du producteur David O. SELZNICK, on sent l'influence de Kirk DOUGLAS sur "L'homme qui n'a pas d'étoile". On discute encore pour savoir quel rôle exact il a pu jouer dans le film (il était connu pour s'immiscer dans leur réalisation ce qui n'allait pas sans provoquer des frictions). King VIDOR n'étant pas exactement un socialiste progressiste, l'ébauche de critique du capitalisme sauvage d'une brûlante actualité est certainement due à l'acteur dont la filmographie est parsemée de films très critiques vis à vis de la société de consommation, du spectacle ou vis à vis des inégalités sociales. Même si "L'homme qui n'a pas d'étoile" s'inscrit dans un schéma de western ultra-classique (initiation d'un jeunot par un aîné aguerri, esprit pionnier de conquête, guerre entre éleveurs de bétail pour l'appropriation de l'eau et de la terre) il préfigure l'époque du western crépusculaire. Le héros, Dempsey Rae appartient à un type d'hommes condamné à disparaître, celui du lonesome cowboy épris de liberté qui voit la civilisation inexorablement le rattraper comme Tom Doniphon dans "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962). Cependant cet individualisme/anarchisme libertaire se combine à une soif de justice qui lui fait prendre le parti des petits fermiers face aux gros entrepreneurs terriens partisans de l'open range même s'il combat de toutes ses forces le symbole de propriété privée que représente la clôture de barbelés. En effet la prédation capitaliste libérale est montrée comme plus dévastatrice socialement et écologiquement que la petite propriété privée (ce qui est exact). Il est dit noir sur blanc dans le film qu'un excès de têtes de bétail dans un même lieu va raser la prairie. Mais Reed Bowman (Jeanne CRAIN) la propriétaire du Triangle cynique et sans scrupules venue de l'est s'en fiche, seul le profit à court terme l'intéresse et après, elle recommencera ailleurs, laissant derrière elle une terre brûlée et stérile. Quant à ceux qui se sont installés avant elle et veulent défendre leurs biens, elle paie des régisseurs-amants-mercenaires pour les éliminer. La seule alternative féminine à cette viriliste en jupons est Idonee, la prostituée au grand cœur, une figure traditionnelle du western. Claire TREVOR (une habituée du rôle puisqu'elle avait à peu près le même dans "La Chevauchée fantastique" (1939)) lui donne toutefois beaucoup de panache et constitue avec Dempsey le second personnage remarquable du film bien que pris tout comme lui dans une impasse existentielle.

Malgré ce sous-texte grave, le film se présente sous la forme d'un divertissement
léger avec son tube irrésistible de Frankie Laine et se caractérise également par d'étonnantes ruptures de ton. Le festival Kirk DOUGLAS n'y est pas pour rien, celui-ci cabotinant à mort dans certains passages du film. Mais sa prestation est tellement virtuose et dynamique qu'on lui pardonne volontiers de s'être visiblement fait un peu trop plaisir sur le plateau. La scène où Jeff (William CAMPBELL) apparaît déguisé en cowboy d'opérette fait penser à celle de "Retour vers le futur III" (1990) où Marty se retrouve dans une situation identique.

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Emma l'entremetteuse (Emma)

Publié le par Rosalie210

Douglas McGrath (1996)

Emma l'entremetteuse (Emma)


"Emma l'entremetteuse" est une adaptation américaine du roman de Jane Austen "Emma" surfant sur la austenmania de la seconde moitié des années 1990. Il y a d'ailleurs un clin d'œil appuyé à "Orgueil et Préjugés" (1995), la mini-série de la BBC avec la reprise à l'identique d'une musique et d'une danse de bal mettant en relation Emma et l'homme qu'elle aime sans le savoir. Il est par ailleurs assez évident que le film lorgne du côté de celui de Ang LEE qui avait réussi une superbe adaptation de "Raison et sentiments" (1995) en collaboration avec Emma Thompson.

Néanmoins le film de Douglas McGRATH fait pâle figure aux côtés de ces références. Le roman de Jane Austen n'offre certes guère de faits saillants et se concentre sur une étude de mœurs et sur l'évolution intérieure des protagonistes principaux. Il faut donc de la subtilité pour accrocher l'intérêt du spectateur. Or je me suis ennuyée pendant les 3/4 du film qui se contente d'une restitution plate et littérale donc superficielle du roman. Et le casting n'aide pas. Gwyneth PALTROW était alors à la mode mais son jeu limité transforme Emma en caricature. Elle ne donne jamais corps à ce personnage peu sympathique au départ (snob, hypocrite, immature, intrusif voire manipulateur) mais qui est censé évoluer. Il lui sert de prétexte à exhiber ses éternels tics de jeu (sourire charmeur, moue et froncement de sourcil). Face à elle, Jeremy NORTHAM est bien meilleur, il est même le seul à m'avoir sortie de ma torpeur mais il n'a pas l'âge du rôle ce qui ne permet pas de saisir en quoi il pallie les déficiences éducatives de Emma en jouant un rôle de père de substitution auprès d'elle. Dans les deux cas les considérations économiques ont clairement prévalu (offrir des acteurs bankables à tout prix même s'ils étaient trop jeunes, non british etc.) Il en va de même
pour les autres personnages. Ils sont tout simplement inexistants car peu mis en valeur, mal caractérisés et donc eux aussi caricaturaux. Harriet Smith, l'indécise influençable jouée par Toni COLLETTE (aussi peu british que sa partenaire de jeu) devient juste une grosse gourde, le séducteur Frank Churchill est ridiculisé par la perruque que semble porter Ewan McGREGOR sur la tête et il faut attendre les 2/3 du film pour comprendre qu'Elton le chasseur de dot est vicaire.

 

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Le Déshabillage impossible

Publié le par Rosalie210

Georges Méliès (1900)

Le Déshabillage impossible

Court-métrage de Georges MÉLIÈS réalisé en 1900, "Le déshabillage impossible" se situe dans la lignée de "Escamotage d une Dame au Théâtre Robert-Houdin" (1896). Il s'agit d'un numéro d'illusionnisme utilisant le même trucage cinématographique consistant à arrêter la caméra puis à reprendre le tournage après avoir effectué un changement hors-champ, tout l'art consistant en la qualité du raccord qui doit donner l'illusion d'une continuité temporelle. Et ainsi de suite, les raccords se multipliant comme deux glaces se renvoyant leur reflet à l'infini.

Dans ce court-métrage, un homme (Georges MÉLIÈS lui-même) tente de se déshabiller pour aller se coucher mais d'autres vêtements repoussent sur lui aussitôt comme par magie, l'arrêt caméra lui permettant de revêtir entretemps de nouveaux habits. Encore lui faut-il reprendre exactement dans la même posture que celle du plan précédent pour que l'illusion fonctionne et c'est une technique de précision. La repousse des habits sur près de 2 minutes se prolonge peut-être un peu trop mais la chute (escamotage du lit) est bien trouvée.

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