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Règlements de comptes à O.K. Corral (Gunfight at the O.K. Corral)

Publié le par Rosalie210

John Sturges (1957)

Règlements de comptes à O.K. Corral (Gunfight at the O.K. Corral)

Un classique du western dont l'intérêt repose sur l'amitié virile entre le shérif incorruptible Wyatt Earp (Burt LANCASTER) et l'ex-dentiste devenu chasseur de primes Doc Holliday (Kirk DOUGLAS). Tiré de faits réels plusieurs fois racontés au cinéma, le duel l'ayant opposé avec ses frères et Doc Holliday aux Clanton est depuis entré dans la légende. En témoigne la popularité de l'expression "règlements de comptes à O.K. Corral" ou la célébrité des noms de lieux (la ville de Tombstone en Arizona devenue un lieu touristique pour nostalgiques de l'univers western, le cimetière de Boot Hill associé aujourd'hui à celui qui se trouve à Disneyland dans son "Frontierland"). La célèbre chanson du film, interprétée par Frankie LAINE a contribué à donner au film son lyrisme au détriment de la réalité historique (car la fusillade ne s'est pas déroulée dans un enclos mais dans la rue). Si le personnage de Earp est assez lisse, celui, autodestructeur de Holliday est plus intéressant, notamment dans sa relation compliquée avec Kate (Jo Van FLEET) qui l'accuse non sans raison de lui préférer Wyatt Earp. Pour tenter de lever les ambiguïtés, le scénario flanque dans les pattes de Earp une joueuse de poker (Rhonda FLEMING) certes bien mise en valeur mais qui une fois l'hétérosexualité du shérif démontrée disparaît de l'image. On aperçoit aussi Dennis HOPPER dans un rôle secondaire où il est sous-exploité malgré un charisme assez évident. Et que dire de Lee VAN CLEEF qui n'apparaît que quelques minutes au début du film mais marque les esprits! Bref on est typiquement dans une oeuvre maîtrisée où ont convergé nombre de talents mais bridée par les conventions de l'époque. Les fans de western aimeront, les autres risqueront de rester sur leur faim.

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Second tour

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (2023)

Second tour

Mi satire politico-médiatique, mi fable philosophique, "Second tour" est moins abouti que le précédent film de Albert DUPONTEL, "Adieu les cons" au niveau du rythme et de l'écriture des personnages (pas toujours bien définis ou bien manquant de crédibilité). Néanmoins, il ne manque pas de sel, alliant sens de l'observation et esprit critique. Ainsi le duo de journalistes mis au placard formé par Mlle Pove (Cecile de FRANCE) et Gus (Nicolas MARIE) au langage délicieusement incorrect leur vaut trois scènes de recadrage avec leur supérieure pète-sec où le comique de répétition joue à plein. La parodie de BFMTV avec ses premiers de la classe tête à baffes est tout aussi drôle avec ce gimmick final en forme de ouf de soulagement sur la stabilité de la bourse en dépit des rebondissements de la campagne électorale ("business as usual"). Les petits détails qui font mouche comme l'attitude du journaliste politique en coulisses qui est impoli envers sa maquilleuse et envers le candidat qu'il interroge sans écouter sa réponse donne un aperçu plus efficace de la crise démocratique que nous traversons que tous les discours. Mais l'objectif de Albert DUPONTEL n'est pas seulement le cassage en règle du système. Il propose une alternative et la phrase d'incipit qui ouvre le film "pour changer le système il faut appartenir au système" se concrétise dans le fait que le candidat favori pour la présidentielle, un clone de Macron joué par Albert DUPONTEL n'est pas ce qu'il paraît. Il est double, à tous les sens du mot. C'est le dévoilement de son secret qui amène le récit du côté de la fable, en rendant hommage au passage à deux films sortis quarante-quatre ans plus tôt: "La Gueule de l'autre" (1979) et "Bienvenue Mister Chance" (1979). Comme dans le film de Hal ASHBY, un "idiot du village" remet une société à la dérive d'aplomb. Et en ces temps de désastre environnemental, le fait qu'il soit jardinier (apiculteur plus exactement) n'a contrairement à lui rien d'innocent.

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Le Corbeau (The Raven)

Publié le par Rosalie210

Roger Corman (1963)

Le Corbeau (The Raven)

Tout d'abord, j'ai dû vérifier avant d'emprunter le titre à la médiathèque que je ne n'avais pas fait de confusion avec une autre comédie horrifique, "Le Croque-mort s'en mele" (titre video) (1963) réalisé la même année, avec le même trio d'acteurs et par la même société de production, l' AIP American International Pictures mais avec un autre réalisateur, Jacques TOURNEUR. Je n'avais pas trouvé ce dernier terrible d'ailleurs. J'ai préféré "Le Corbeau" de Roger CORMAN en dépit d'évidentes limites budgétaires (relatives car si Roger CORMAN est célèbre pour ses tournages à l'économie, il a bénéficié de moyens confortables pour ses films adaptés de Edgar Poe), esthétiques (effets spéciaux datés qui piquent parfois les yeux) et dans la direction d'acteurs qui part dans tous les sens.

Le film est un peu envers le poème de Edgar Poe ce que "La Folie des grandeurs" (1971) est à la pièce de théâtre "Ruy Blas" de Victor Hugo, à savoir une parodie qui transforme la tragédie en une comédie pleine de dérision. Si tous les gags sont loin de faire mouche, le surjeu d'un Vincent PRICE inconsolable devant la dépouille de sa défunte finit par faire sourire quand on découvre la nature vénale de celle-ci, un remède sans faille au romantisme noir. Le corbeau qui jure comme un charretier et veut son vin avant de révéler un Peter LORRE en roue libre, agaçant au possible un Boris KARLOFF dont la prestance et la diction parfaite révèle à quel point il aurait été à sa place chez Shakespeare étonne. Sauf que leurs duels infantiles ont pour enjeu non "to be or not to be" mais "qui est le plus fort" (et le sort que réserve le Dr Scarabus à la baguette du Dr Bedlo fait très "concours de bistouquettes"). Enfin si "Le Corbeau" est la cinquième adaptation de l'oeuvre de Edgar Poe par Roger CORMAN qui lui a consacré un cycle de films ayant influencé de près ou de loin nombre de réalisateurs (entre autres Mario BAVA, Dario ARGENTO, George LUCAS, Tim BURTON et Francis Ford COPPOLA, assistant-réalisateur sur plusieurs d'entre eux), c'est aussi sa deuxième collaboration avec le jeune Jack NICHOLSON (26 ans) qui bien qu'étant censé jouer les jeunes premiers montre lors d'une scène son côté sombre avec un visage grimaçant qui deviendra célèbre près de vingt ans plus tard dans "Shining" (1980).

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L'Affaire Thomas Crown (The Thomas Crown Affair)

Publié le par Rosalie210

Norman Jewison (1968)

L'Affaire Thomas Crown (The Thomas Crown Affair)

"L'Affaire Thomas Crown" est un film policier divertissant et charmant grâce au glamour de ses deux interprètes (Steve McQUEEN et Faye DUNAWAY) qui jouent à "Arrête-moi si tu peux" (2002) et à toutes sortes d'autres jeux risqués sur fond d'érotisme. Par leur classe et leur goût de l'aventure, ils m'ont tous deux fait penser à James Bond ce qui est logique car le premier choix de casting pour jouer Thomas Crown était Sean CONNERY. De même le côté ludique du film lorgne vers Alfred HITCHCOCK au point qu'on croirait voir surgir l'ombre de Eva Marie SAINT (pressentie pour le rôle de Vicki Anderson) dans la scène de vente aux enchères. Néanmoins, si Vicki Anderson a un rôle actif à jouer contrairement à celui souvent décoratif des James Bond girls des années 60, elle n'est pas pour autant à égalité avec son partenaire et son rôle n'est pas dénués de clichés. Je pense notamment au fait qu'elle fonde son enquête sur la séduction et non sur la recherche de preuves. Ou encore le fait que lors de la partie d'échecs, si la caméra adopte plusieurs fois le point de vue de Thomas Crown observant avec désir tel ou tel détail, tel ou tel geste de sa partenaire, l'inverse ne se produit jamais. En langage actuel, on dirait que cette célèbre séquence est un monument de "male gaze".

Le film n'est donc moderne qu'en apparence et cela se retrouve sur la forme. Si les chorégraphies géométriques des casses et du jeu d'échecs se répondent avec bonheur, la gestion des split-screen est moins heureuse. Cette technique venait d'être découverte et Norman JEWISON en met partout sans que cela soit justifié. L'aspect tape-à-l'oeil de la mise en scène se retrouve aussi dans la bande-son omniprésente voire parfois envahissante (composée par Michel LEGRAND dont c'était la première collaboration dans une production hollywoodienne) dont on retient surtout la chanson "Les moulins de mon coeur".

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L'Exorciste (The Exorcist)

Publié le par Rosalie210

William Friedkin (1973)

L'Exorciste (The Exorcist)

Comme "Les Dents de la mer" (1975), "L'Exorciste" (1972) est un film dont j'avais vu des bribes tant il a infusé dans le cinéma et au-delà. L'ouverture de l'album "Tubular Bells" de Mike OLFIELD, l'affiche inspirée du tableau surréaliste de René Magritte "L'Empire des Lumières" où s'affrontent le jour et la nuit d'où se détache l'ombre de la haute silhouette de Max von SYDOW ou encore les plans de contorsions physiques du personnage de Regan (Linda BLAIR) instaurent une familiarité avec un film qu'aujourd'hui pourtant peu ont réellement vu. Un film que ses images les plus célèbres sont loin d'épuiser tant il contient de mystères et de symboles dont nous n'avons pas forcément la clé (ou une clé simpliste) comme l'escalier, la vierge profanée, les flashs mentaux ou le rêve du père Karras (Jason MILLER). Pour ma part, le film m'inspire quelques réflexions:
- L'importance que joue le "retour du refoulé" dans le film. Ce n'est pas par hasard si la première séquence qui se déroule en Irak montre des fouilles archéologiques menées notamment par le père Merrin (Max von SYDOW) qui aboutissent à l'exhumation d'une statue de démon. L'Irak est l'un des berceaux de l'humanité, aussi ces fouilles peuvent être interprétées comme un retour aux sources et ce retour aux sources s'accompagne de la redécouverte du mal et de tout ce qui lui est associé, chassé de la civilisation occidentale par la religion chrétienne mais aussi par le rationalisme scientifique, lui-même très lié à la philosophie des Lumières. Est-il alors surprenant que le film montre des représentants de ces deux institutions (l'Eglise et la Science) face au retour en force de ce mal, insidieusement suggéré par la rengaine obsédante de "Tubular Bells"?
- La nature de ce mal est forcément le négatif de tout ce que n'est pas la Science, la Raison et la Religion. Elle relève de l'inconscient (ultra-présent dans le film qui fonctionne comme un long cauchemar) c'est à dire toutes les forces obscures et incontrôlables tapies en l'homme qui ne sont ni rationalisables par la Science ni moralisables par la Religion. C'est bien pour cela qu'elles représentent "l'altérité" dans un monde que ces pensées rendent binaires et manichéen: l'Orient contre l'Occident mais aussi l'homme contre la femme. Car les institutions fonctionnent selon le modèle du patriarcat et c'est justement son délitement au niveau familial dans les années 70 (la mère de Regan est séparée du père et élève sa fille seule) qui ouvre une brèche dans lequel le mal va s'engouffrer. La femme (puissante sexuellement) associée au démon dans le christianisme l'est aussi dans la médecine en tant qu'être irrationnel (c'est à dire sensible aux émotions) face à un homme qui ne serait que raison. Ainsi l'hystérie est intrinsèquement lié au féminin par le langage puisque hystéra signifie utérus en grec.
- Il y a donc un parfait continuum dans le film entre le supplice qu'inflige la médecine à Regan et celui que lui inflige la religion: une véritable crucifixion. "L'Exorciste" décrit de façon clinique puis sataniste l'acharnement thérapeutique vain des institutions patriarcales sur une très jeune fille dont il n'aura échappé à personne qu'elle est à la veille de sa puberté, donc de ses règles et de son éveil sexuel. Tout cela étant refoulé au profit de la vision puritaine (seule acceptable) de la jeune fille -dont la statue de la Vierge est l'émanation avant sa profanation éloquente - cela se manifeste d'une manière monstrueuse. Un monstre qui ne peut être vaincu que de deux façons: en tuant Regan (l'autre) ou en laissant entrer le monstre en soi. Car si "L'Exorciste" est si puissant, il ne le doit pas seulement a ses moments-chocs mais aussi à l'étirement extrême des séquences de "traitement", mettant au supplice le spectateur à qui il n'épargne aucun détail.

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Les 3 vies d'Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2012)

Les 3 vies d'Agnès

Documentaire réalisé en 2012 et proposé en bonus dans le coffret DVD Tout(e) Varda, "Les 3 vies d'Agnès" fait référence aux trois activités artistiques auxquelles elle a consacré sa vie: la photographie, le cinéma et les arts plastiques auxquels elle préférait l'expression "arts visuels". Chacune de ses activités a occupé le devant de la scène de façon chronologique d'où "les 3 vies". Agnes VARDA avait en effet une formation de photographe qui l'a entraîné vers le cinéma qu'elle a pratiqué à partir du milieu des années cinquante et son premier film "La Pointe courte" (1954) précurseur de la nouvelle vague sous diverses formes et formats avant qu'au milieu des années 2000 elle ne diversifie encore plus le champ de ses activités. Il est cependant évident qu'il y a toujours eu une circulation entre toutes ces formes d'art, son cinéma se nourrissant de son oeil de photographe tout en préfigurant ses installations par leur mise en scène de l'hétérogénéité. C'est évident dès "La Pointe courte" (1954) qui alterne entre passages documentaires et passages de fiction, les deux grands genres entre lesquels Agnes VARDA n'a cessé de naviguer durant toute sa carrière. A l'autre bout du spectre, "Les Plages d'Agnes" (2007) fonctionne sur le principe du collage, du patchwork alors que dans "Visages, villages" (2017), elle revient à ses premières amours de photographe, épaulée par JR comme un passage de relai.

En dépit de son titre et de son ouverture sur des photographies (dont certaines déjà évoquées dans "Les Plages d'Agnes" (2007) comme l'exposition à Avignon consacrées à celles du TNP de Jean VILAR), le documentaire évoque surtout la troisième vie de Agnes VARDA, fonctionnant comme un catalogue d'expositions de l'artiste. Un art du fragment, que ce soit au travers d'une série de portraits et miroirs brisés, un recueil de témoignages ("Quelques veuves de Noirmoutier") (2006) que l'on écoute séparément alors qu'un grand écran les relie tous ou encore le travail de mémoire effectué à l'occasion de l'hommage aux Justes de France en 2007. Un travail de mémoire également présent lors de l'évocation de la rétrospective de l'oeuvre de, Agnes VARDA en Chine en 2012, plus de cinquante ans après son premier voyage sous l'ère Mao. Comme le rappelle l'artiste, la révolution culturelle a détruit une grande partie du patrimoine culturel de la Chine mais également nombre de souvenirs personnels. Si bien que les photographies et objets rapportés du voyage de 1957 constituent une sorte d'exhumation de vestiges d'un passé perdu. S'y ajoute une réflexion sur les différences de perception de ses installations en France et en Chine et sur la délicate question de la traduction des témoignages. La permanence de quelques totems comme la cabane, revisitée façon pagode sert de fil rouge entre tous les éclats de l'artiste. Un documentaire passionnant donc pour tous les fans de Agnes VARDA et plus généralement d'art tous azimuts.

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Christmas Carole

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1966)

Christmas Carole

Agnes VARDA a eu une longue et prolifique carrière mais ce que l'on sait moins, ce sont tous les projets auxquels elle a dû renoncer, essentiellement par manque de financement. "Christmas Carole" fait partie de ceux-là. Il s'agit d'un bout d'essai tourné dans le but de convaincre un producteur-distributeur de se lancer dans le projet, Agnes VARDA n'ayant pas obtenu l'avance sur recettes. De ces quelques minutes de film, on retient l'esthétisme des plans, le discours critique envers la société de consommation, une vision avant-gardiste de la jeunesse (on se croirait déjà en 1968) et un Gerard DEPARDIEU de 17 ans qui crève l'écran dans son premier rôle. Car on ne le souligne pas assez, Agnes VARDA a été une défricheuse de talents. Jacques DEMY et elle avaient misé sur Harrison FORD dix ans avant qu'il ne perce au cinéma et elle a fait débuter Yolande MOREAU dans "7p., cuis., s. de b., ... a saisir" (1984) puis "Sans toit ni loi" (1985). Ces choix avant-gardistes s'ils paraissent évidents aujourd'hui lui ont coûté cher. C'est ainsi précisément à cause de la prestation de Gerard DEPARDIEU jugée sans valeur par les fils du producteur-distributeur que le film ne s'est pas fait. S'en sont-ils mordu les doigts par la suite?

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La Vie de château

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (1966)

La Vie de château

C'est avec un grand plaisir que j'ai découvert le premier film de Jean-Paul RAPPENEAU qui a bénéficié d'une remarquable conjugaison de talents (Alain CAVALIER et Claude SAUTET au scénario, Michel LEGRAND à la musique, Pierre LHOMME à la photographie sans parler du casting trois étoiles) sans que pour autant il se noie dedans. En effet on retrouve dans cette pétillante comédie le sens du rythme et du mouvement du réalisateur de "Cyrano de Bergerac" (1990). "La vie de château" transpose dans un contexte franco-français la comédie hollywoodienne sophistiquée à la Ernst LUBITSCH (on pense à "To Be or Not to Be" (1942) forcément, vu le thème) et la screwball comédie à la Howard HAWKS. Outre son rythme trépidant, "La vie de château" est une comédie du remariage tout à fait dans la lignée de celles analysées dans le livre de Stanley Cavell. Une comédie dans laquelle un homme plutôt pantouflard joué par Philippe NOIRET va devoir sortir de sa réserve (au propre et au figuré) pour reconquérir sa femme (Catherine DENEUVE) qui s'ennuie et qui est convoitée à la fois par un héros de la résistance et par un officier allemand. Le film est en effet précurseur en osant traiter la seconde guerre mondiale - sujet encore sensible au milieu des années 60 - sur le ton de la comédie, près d'un an avant "La Grande vadrouille" (1966)*. Bien aidé par des seconds rôles truculents (Pierre BRASSEUR dans le rôle du beau-père fermier et Mary MARQUET dans celui de la mère châtelaine sont irrésistibles), le film raconte la métamorphose d'un planqué en héros au moment crucial du débarquement anglo-américain du 6 juin 1944. Un rôle qui en préfigure un autre pour Philippe NOIRET mais sur un mode tragique: celui de Julien Dandieu dans "Le Vieux fusil" (1975). Quant à Catherine DENEUVE, s'il peut paraître étonnant de la voir jouer dans un registre convenant mieux a priori à sa soeur, Francoise DORLEAC (qui avait été d'abord pressentie), elle a pu mettre en avant une élégance naturelle et un débit mitraillette n'ayant rien à envier à une Rosalind RUSSELL. Le générique de début, montage de photos du visage ou de parties du visage de l'actrice par Walerian BOROWCZYK l'élève déjà au rang de mythe alors qu'elle n'en était qu'au début de sa carrière.

* Les deux films sont sortis la même année mais "La vie de château" en janvier et "La grande vadrouille" en décembre.

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Catherine Deneuve, à son image

Publié le par Rosalie210

Claire Laborey (2023)

Catherine Deneuve, à son image

Pour les 80 ans de Catherine DENEUVE fêtés le 22 octobre 2023, Arte lui consacre un cycle de six films et un documentaire inédit. Celui-ci revient sur les plus de soixante ans de carrière de l'icône du cinéma français avec un titre malin qui fait référence à la polysémie du terme. Comme Greta GARBO, Catherine DENEUVE apparaît aux yeux des cinéastes et des cinéphiles comme une page blanche à noircir de rêves. Son masque de blonde froide et impassible qui aurait tout à fait pu lui ouvrir les portes du cinéma de Alfred HITCHCOCK en fait aussi quelqu'un de mystérieux dont on a envie de sonder les profondeurs. C'est ce que fait à sa manière Roman POLANSKI dans "Repulsion" (1965) qui rappelle quelque peu "Vertigo" (1946) à ceci près qu'au lieu de montrer un homme névrotiquement amoureux d'une image figée et mortifère qui lui échappe, il montre des hommes se faisant prendre au piège par une folle furieuse cachée sous son apparence angélique. Dans le site web, la Kinopithèque, l'article consacré à "Répulsion" évoque " le piège de l’image qu’est le cinéma pour les belles femmes : elles sont enfermées dans la pellicule et ne peuvent échapper à leur destin de fantasmes masculins". Et d'évoquer "Belle de jour" (1966) de Luis BUNUEL qui a énormément contribué à façonner Catherine DENEUVE comme un fantasme sur pattes bien que le premier pygmalion de l'actrice ait été Jacques DEMY, lui qui en a fait une princesse placée sur un piédestal. On comprend mieux son désir de liberté par la suite avec un appétit de cinéma insatiable où elle a pu jouer à casser cette image. Le film montre le rôle émancipateur joué par Francois TRUFFAUT qui lui a donné des rôles actifs: aventurière très masculine dans "La Sirene du Mississipi" (1969), directrice de théâtre dans "Le Dernier metro" (1980). D'une certaine manière "Potiche" (2010) retrace bien ce parcours qui a fini par imposer Catherine DENEUVE comme une femme de tête, capable de se renouveler sans cesse "aveugle, muette, amputée, meurtrière, vampire, mère de famille, fille mère, lesbienne, alcoolique" et en même temps, parfaitement reconnaissable de rôle en rôle. Le film qui fait intervenir de nombreux réalisateurs ayant travaillé avec elle (Arnaud DESPLECHIN, Andre TECHINE, Benoit JACQUOT, Nicole GARCIA etc.) insiste sur sa manière de travailler comme membre d'un tout et en se jetant dans le vide sans préparation. C'est sans doute pour cela qu'elle est si peu une actrice de composition mais plutôt d'appétit pour les films.

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Voici le temps des assassins

Publié le par Rosalie210

Julien Duvivier (1956)

Voici le temps des assassins

"Voici le temps des assassins" de Julien DUVIVIER est rempli de qualités, particulièrement dans son écriture et sa mise en scène qui font revivre une époque révolue avec beaucoup de détails. L'évocation du marché des halles grouillant d'activité et celle du restaurant où se pressent des clients plutôt fortunés mais à la moralité discutable relève d'un art d'orfèvre. Ce naturalisme contraste violemment avec l'intrigue principale d'une noirceur si absolue, si caricaturale qu'elle finit par nous embarquer dans une autre dimension. Nombre de films parlants de Julien DUVIVIER reposent sur un canevas misogyne récurrent dans lequel un ou plusieurs braves types qui vivaient en parfaite harmonie se font retourner le cerveau et les sens par une ou plusieurs garces jusqu'à ce que mort s'ensuive. Même quand la femme n'est pas une garce, elle est ontologiquement autre et donc celle par qui le drame arrive (comme dans "Marie-Octobre") (1958). Mais "Voici le temps des assassins" et sa galerie de monstres en jupon dépasse le stade de la simple misogynie et en devient presque fantastique. Les dernières scènes qui laissent une grande place aux cris d'animaux (ceux d'un corbeau et ceux du chien) et se déroulent dans l'obscurité et dans un lieu désert hors de la ville vont d'ailleurs en ce sens. Certes, Julien DUVIVIER n'est pas Georges FRANJU mais plusieurs de ses meilleurs films reposent sur le surgissement d'une inquiétante bestialité au coeur de l'homme. La mère de Chatelin (Germaine KERJEAN) qui élève ses poulets au fouet en est le meilleur exemple. Quant au personnage de Jean GABIN, s'il apparaît longtemps dans le film comme un élément de savoir-vivre et de pondération, il finit sous le poids des événements par montrer un côté de sa personnalité plus trouble et on se dit que son mauvais génie, joué par une Daniele DELORME à la fois manipulatrice et sous emprise représente non l'autre mais bien une part sombre de lui-même, le restaurateur devenant une sorte de Cronos qui mange ses propres enfants. Alors oui, à première vue le film est daté, tellement d'ailleurs qu'à la fin un passage célèbre "une cuisine bien française, une cuisine bien de chez nous, une cuisine tricolore, messieurs, vive la France!" Mais à première vue seulement.

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