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Toute une vie

Publié le par Rosalie210

Claude Lelouch (1974)

Toute une vie

"Toute une vie" est une grande fresque s'étendant sur trois générations, même si c'est la dernière des trois, celle des années 60-70 qui se taille la part du lion. Il paraît qu'il existait une autre fin d'anticipation allant jusqu'en l'an 2000 mais la version que propose Arte s'arrête en 1974. Claude LELOUCH voit grand, mêlant petite et grande histoire à celle du cinéma pour raconter finalement une simple rencontre amoureuse un peu à la manière de "Les Demoiselles de Rochefort" (1966) ou de "Deux moi" (2019) (les futurs amoureux se croisent sans se voir ou se ratent) mais en beaucoup plus grandiose. Le résultat est toutefois inégal. Autant les premières séquences en noir et blanc évoquant la Belle Epoque, la Grande Guerre et la Shoah sont très réussies évoquant à chaque fois une variante de la rencontre amoureuse dont la dernière est la plus émouvante, autant ça se gâte à partir des années 60. Claude LELOUCH veut tellement mettre d'événements que cela devient un défilé sans plus guère de rapport avec l'histoire de ses personnages: mort de Marylin, assassinat de Kennedy, guerre d'Algérie et du Vietnam, guerre froide, premier pas sur la lune, élections de 1965, mai 68 etc. tout cela est évoqué en quelques secondes sans pour autant dater le film. Car à partir des 16 ans de Sarah (Marthe KELLER) en 1962, on a l'impression d'être en permanence sur un plateau de variétés kitsch des années 70 façon Maritie et Gilbert Carpentier en raison de l'omniprésence de Gilbert BECAUD et de ses chansons que Claude LELOUCH ne sait pas doser. Pas plus que les propos sentencieux du père de Sarah (Charles DENNER) ou les mouvements de caméra ostentatoires dans lesquels il pratique l'auto-citation (le tournoiement autour de Andre DUSSOLLIER sur la plage de Deauville ça rappelle forcément "Chabadabada"). Heureusement, les acteurs sont formidables. J'ai regardé essentiellement ce film pour Marthe KELLER qui interprète trois générations de femmes dont la richissime et blasée Sarah mais Andre DUSSOLLIER est très bon également dans le rôle du petit voyou qui parvient au cinéma par des chemins de traverse (la publicité et le porno). Néanmoins, parvenue à la fin du film je suis restée perplexe sur leurs atomes supposés crochus.

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La Belle verte

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (1996)

La Belle verte

Je me suis laissé prendre par ce film qui m'a rappelé "Candide" pour son caractère de conte philosophique faussement naïf. Sauf qu'à la sortie, il a été largement descendu en flammes par la critique, a connu un succès en demi-teinte en salles et n'a été redécouvert et réhabilité que bien plus tard. Sans doute était-il trop en avance sur son temps. Qu'une réalisatrice de comédies se permette de tailler en pièces la civilisation occidentale considérée comme le modèle à suivre, le nec plus ultra du développement, la Rolls Royce du monde a dû être perçu à l'époque comme un insupportable blasphème par ses têtes pensantes. Mais près de trente ans plus tard, ce monde soi-disant si enviable a perdu de sa superbe avec les effets néfastes du productivisme en terme de santé publique et d'environnement, l'explosion des inégalités sociales, la malbouffe ou encore le mouvement Metoo qui a révélé l'ampleur de l'écrasement des femmes par les hommes à tous les échelons de la société. Le monde "extra-terrestre" inventé par Coline SERREAU ressemble en fait beaucoup à celui des indiens précolombiens que Terrence MALICK a reconstitué dans "Le Nouveau monde" (2006): un monde dans lequel les hommes vivent simplement, sans technologie, sans urbanisme, sans hiérarchie, sans argent, ne produisant que la nourriture (végétarienne) nécessaire pour vivre et consacrant leur temps au développement de leur corps et de leur esprit. Une espèce complètement adaptée et connectée à son environnement naturel comme le montre les "concerts de silence" qui ressemblent beaucoup à de la méditation (chez Terrence Malick, ils pratiquaient une sorte de Qi-Gong). Tout cela évidemment dans un cadre magnifique qu'ils ne cherchent pas à transformer. Sauf que ce monde extra-terrestre est en fait présentée comme une humanité évoluée, donc un futur peut-être possible. On comprend en effet qu'aucun de ses habitants n'aie la moindre envie de se rendre sur la terre, qualifiée "d'arriérée". Et quand Mila (Coline SERREAU) se dévoue, c'est pour mieux faire ressortir l'absurdité de notre monde. Vu par ses yeux, il apparaît toxique à tous les niveaux: nourriture transformée immangeable, eau traitée chimiquement imbuvable, air irrespirable à cause du CO2 et de la nicotine (c'était avant l'interdiction du tabac dans les bars et restaurants), bruit, stress, artificialisation des sols, fascination pour le métal. Mais à la manière d'un François Terrasson, géographe auteur de "La civilisation anti-nature", Coline SERREAU établit le lien avec les émotions et relations humaines, détruites par le stress, le mensonge, le mépris, la cupidité, le goût du pouvoir etc. Les scènes les plus drôles sont celles dans lesquelles Mila utilise ses pouvoirs psychiques pour "déconnecter" les gens de leur société mortifère. Vincent LINDON qui joue (comme d'habitude chez la réalisatrice) le rôle d'une tête à claques devient le principal allié de Mila et dans une tirade bien sentie recadre sévèrement un automobiliste énervé (Francis PERRIN). Les institutions en prennent plein la figure, de même que les loisirs de masse. Même un concert de musique guindé prend une allure beaucoup plus fantaisiste après le passage de la "fée Mila".

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Le Soupirant

Publié le par Rosalie210

Pierre Etaix (1962)

Le Soupirant

"Le Soupirant" est le premier long-métrage de Pierre ETAIX et l'un des plus beaux, avec "Yoyo" (1964). La quintessence du burlesque s'incarne dans le personnage du Pierrot lunaire inventé par Pierre ETAIX. Lunaire au sens propre d'ailleurs puisque sa chambre est recouverte, submergée même par la documentation qui se rapporte aux voyages stellaires. Au-delà du genre burlesque, la lune symbolise les rêveurs inadaptés au monde réel dans nombre de films, des personnages de Leos CARAX à Doc Brown dans "Retour vers le futur III" (1990) en passant par Baptiste dans "Les Enfants du paradis" (1945) disant "c'est mon pays la lune!" Dans "Le Soupirant", Pierre est tellement "dans la lune" qu'il n'entend pas un mot de ce que ses parents tentent de lui dire. L'incommunicabilité au sein de cette famille bourgeoise est d'ailleurs une source de gags désopilants, des bouchons d'oreille insonorisant de Pierre (j'aimerais bien avoir les mêmes!) à la jeune fille au pair qui ne parle pas un mot de français en passant par le subterfuge par lequel le père boit de l'alcool sous le nez de sa femme sans qu'elle ne s'en aperçoive (Pierre ETAIX n'était pas magicien pour rien!) Aussi quand Pierre se lance dans l'entreprise consistant à se trouver une femme, il ne sait évidemment pas s'y prendre et toutes ses tentatives sont un désastre, pour le plus grand plaisir du spectateur car chaque échec est évidemment une source de gags dont l'un des plus réussis repose également sur un tour de passe-passe avec un cigare et un rouge à lèvres. Mais comme Pierre agit non par conviction mais pour faire plaisir à ses parents, il retombe "dans la lune" mais cette fois, elle prend le visage d'une chanteuse inaccessible prénommée "Stella" dont il recouvre sa chambre: une obsession en a remplacé une autre. Pierre parviendra-t-il un jour plutôt que de vouloir décrocher la lune à redescendre sur terre? C'est tout l'enjeu de ce petit bijou de poésie burlesque.

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Les Graines du figuier sauvage (The Seed of the Sacred Fig)

Publié le par Rosalie210

Mohammad Rasoulof (2024)

Les Graines du figuier sauvage (The Seed of the Sacred Fig)

Quand le mouvement "Femme, vie, liberté" vient percuter de plein fouet une famille iranienne aisée dont le patriarche sert un système que rejettent ses filles, cela donne "Les Graines du figuier sauvage". Un immense film, un uppercut qui ne relâche jamais la tension tout au long de ses près de 3h de projection. On peut se demander comment a fait Mohammad Rasoulof pour tourner un film d'une telle ampleur et d'une telle maîtrise dans les conditions que l'on sait. Un film haletant qui m'en a rappelé deux autres: "Mustang" et "Shining" dans lesquels des enfants doivent lutter pour leur survie face à un père potentiellement meurtrier. Comme eux, il s'agit d'un huis-clos familial qui commence normalement avant de basculer dans une dimension de thriller paranoïaque puis dans l'épouvante avec des scènes finales cauchemardesques de course-poursuite labyrinthique. Le film commence par la promotion de Iman comme enquêteur au tribunal de Téhéran qui dans un premier temps met des étoiles dans les yeux de son épouse, Najmeh, laquelle semble complètement endoctrinée par le régime et le patriarcat. Comme un symbole, lorsque les événements révolutionnaires éclatent, elle les regarde par le prisme déformant de la télévision plutôt que de sa fenêtre ou comme ses filles, sur les réseaux sociaux. Les filles justement sont le grand souci de Najmeh. Elle tente de contrôler leurs fréquentations, leurs paroles, leurs accoutrements de façon à ne pas nuire à son mari mais se retrouve vite prise de court par la violence qui se déchaîne dans la rue et frappe de plein fouet une amie de sa fille aînée qu'elle accepte d'accueillir brièvement et de soigner. A partir de ce moment, Najmeh est de plus en plus tiraillée entre son mari qu'elle supplie sans succès d'être plus présent pour leurs filles et celles-ci, de plus en plus révoltées en dépit de leur confinement à la maison. C'est alors que se produit le basculement du film: l'arme de service de Iman qu'il avait déposée dans un tiroir se volatilise. Le soupçon s'introduit aussitôt au coeur de la famille, le régime s'immisçant pour procéder à des interrogatoires glaçants sur les trois femmes. Mais la pression s'intensifie aussi dans l'autre camp lorsque les coordonnées et le visage d'Iman, auteur de nombreuses exécutions sont balancées sur les réseaux (dont le rôle fondamental dans la révolte est bien souligné à l'aide d'images d'archives). Celui-ci devient un homme traqué qui sous prétexte d'aller se cacher loin de Téhéran, devient le geôlier et bourreau de sa propre famille. Mais plus l'étau se resserre, plus la résilience des femmes éclate au grand jour. Des femmes qui ne veulent plus subir et se taire en dérobant les outils de la domination masculine pour mieux s'en libérer. Des femmes qui à l'image des actrices et de nombreuses iraniennes ont envoyé au passage leur voile brûler en enfer. Le changement de ton est palpable. Fini les compromis.

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Au revoir les enfants

Publié le par Rosalie210

Louis Malle (1987)

Au revoir les enfants

"Au revoir les enfants" est un film bouleversant. Un film à la fois juste, précis et d'une très grande sensibilité. Car il est construit au travers du regard de Julien, un enfant plus sensible que les autres (c'est à dire le réalisateur lui-même -il s'agit de ses souvenirs, même s'ils sont romancés-). Les autres, ce sont les camarades du pensionnat religieux où il étudie avec lesquels il n'a guère d'affinités. La première scène où sa mère aimante le serre dans ses bras sur le quai de gare avant le départ nous fait prendre conscience de son innocence, de sa vulnérabilité, de son besoin de tendresse. Elle renvoie à la terrible scène de la fin du film dans laquelle Julien regarde longuement, sans un mot, Joseph, l'ancien homme à tout faire du collège, celui qui a dénoncé à la Gestapo le père Jean et les trois enfants juifs qu'il cachait dont Jean Bonnet qui était devenu son ami, le renvoyant à nouveau dans sa solitude, l'innocence en moins. La scène dans laquelle Julien et Jean se retrouvent seuls, perdus dans la forêt, ce dernier lui demandant s'il n'y a pas de loups (plus tard, il lui dira qu'il a tout le temps peur) est une métaphore assez transparente de l'histoire du film tout entier si celui-ci avait été un conte. Car l'autre aspect frappant du film de Louis MALLE, c'est la précision et la justesse de sa reconstitution de la France de Vichy. Dans "Lacombe Lucien" (1974) qui avait fait scandale, il avait déjà taillé en pièces le mythe résistancialiste et montré le parcours sinueux d'un jeune homme aux motivations primaires. Il reprend le même procédé dans "Au revoir les enfants", avec Joseph qu'il définit comme "le petit cousin de Lucien". Mais il y a beaucoup d'autres personnages secondaires dans "Au revoir les enfants" dont les comportements ou les propos renvoient l'image d'un pays nageant en eaux troubles. Cela va de la religieuse qui dénonce un enfant juif du regard pendant qu'un surveillant (réfractaire du STO) essaye de le cacher à la mère de Julien qui lâche un "il ne manquerait plus que ça" (que nous soyons juifs) à un camarade de classe de Julien qui dit un "Tu crois qu'ils vont nous emmener? On a rien fait, nous, hein?" qui renvoie à une supposée culpabilité intrinsèque des juifs. La culpabilité d'ailleurs imprègne aussi le personnage de Julien (double de Louis MALLE) qui semble suggérer que c'est son regard vers Jean sous l'oeil du chef de la Gestapo qui l'a dénoncé. Le père Jean lui-même, héroïque figure de la Résistance est montré comme un homme en proie aux doutes (la scène de l'hostie le met en face d'un terrible dilemme, trahir Jean Bonnet ou trahir la religion de celui-ci) et faillible (le renvoi de Joseph édicté selon sa ligne de conduite morale est le déclencheur de la tragédie finale). Tant de nuances dans un film où si peu de mots sont prononcés mais où le regard (celui des personnages, celui de la caméra) en dit tant est tout simplement admirable.

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Un été afghan

Publié le par Rosalie210

James Ivory et Giles Gardner (2022)

Un été afghan

Le cinéaste James IVORY me passionne et me questionne. Pourquoi cet américain a-t-il éprouvé un tel besoin de sortir de lui-même, d'aller explorer d'autres contrées et de créer un cinéma aussi "extraterritorial". La réponse se trouve peut-être dans ce documentaire réalisé en 2022. James IVORY alors âgé de 94 ans explique la genèse de sa singularité à travers un voyage effectué en Asie centrale en 1960. A l'origine, il avait décroché une bourse pour réaliser un documentaire sur les miniatures indiennes, mais ne supportant pas le climat étouffant du pays, il a fui dans les montagnes afghanes au climat plus tempéré (d'où le titre en VO, "A cooler climate"). Il a eu alors l'idée d'y tourner des images dans l'idée d'en faire un second documentaire mais finalement, celui-ci n'a jamais vu le jour et les images sont restées à l'état de rushes.

Le spectateur d'aujourd'hui curieux de voir à quoi ressemblait l'Afghanistan en 1960 en sera pour ses frais tant le pays semble avoir peu changé. Dépeint comme figé depuis le Moyen-Age, on constate sa pauvreté extrême, l'insécurité qui y règne hors des villes et la domination sans partage des hommes dans la vie publique. Les femmes n'en sont pas complètement bannies certes contrairement à aujourd'hui mais une bonne partie d'entre elles portent déjà la burqa, les autres dépeintes comme "occidentalisées" se contentant du hijab. De même, le séjour de James IVORY à Bamiyan permet de se rendre compte que le Bouddha a été déjà très endommagé bien avant sa destruction complète en 2001. Enfin le contexte de guerre froide est rappelé. Même si la guerre n'y fait pas encore rage, les deux grands se disputent les faveurs du pays à coup de grands travaux d'infrastructures.

Mais le vrai propos de James IVORY est ailleurs. Durant son voyage, il lit le Babur-Nama, l'autobiographie du premier Moghol des Indes ayant vécu à l'époque de la Renaissance. Il s'identifie à cet homme raffiné venu lui aussi se "rafraîchir" en Afghanistan et aux penchants nettement homosexuels. D'ailleurs, James Ivory prend soin de préciser qu'il a découvert l'existence de Babur dans les oeuvres de E.M. Forster dont on sait qu'il adaptera plus tard plusieurs de ses romans avec le succès que l'on sait. Quant aux documentaires sur les miniatures indiennes, qu'il a achevé celui-là et projeté à New-York, il a été à l'origine de sa rencontre avec Ismail MERCHANT et Ruth PRAWER JHABVALA, les deux autres membres du triangle magique à l'origine de ses plus beaux films. C'est ainsi que les boîtes contenant les pellicules de ce passé deviennent une madeleine de Proust, l'auteur de la recherche du temps perdu étant lui aussi une lecture favorite du cinéaste durant ce temps-là.

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La Crise

Publié le par Rosalie210

Coline Serreau (2001)

La Crise

C'était un bonheur de revoir ce film absolument jouissif. Comme dans "Chaos" (2001), Coline SERREAU ne s'embarrasse pas de préliminaires, elle entre directement dans le vif du sujet en nous plongeant en même temps que son personnage (joué encore une fois par Vincent LINDON) dans un maelstrom de bruit et de fureur. Aussi égocentrique que son avatar de "Chaos" (2001), Victor reçoit coup sur coup deux grosses claques: bim, il est largué par sa femme, bam, il est mis à la porte de son boulot. N'étant pas du genre introspectif, Victor se met en mode "geignard" sauf que personne ne l'écoute. Il serait presque à plaindre si lui aussi ne se fichait pas comme d'une guigne des problèmes des autres. Coline SERREAU s'amuse alors à porter à ébullition son dispositif cacophonique où tout le monde parle et où personne ne s'écoute, le tout sur fond d'instabilité généralisée, tant dans la vie professionnelle que familiale. Son sens de la mise en scène fait merveille, notamment au coeur d'une famille se recomposant sous nos yeux où on se perd malgré les vaillants efforts de Michele LAROQUE. Dans un formidable numéro de "Mme Loyal", elle tente d'expliquer à Victor (vite dépassé tout comme nous) qui est avec qui, qui est l'enfant de qui et qui est le demi-frère ou la semi-soeur de qui. Bon courage pour y comprendre quelque chose! Mais le clou du spectacle, c'est bien sûr le moment d'anthologie où la mère de Victor (jouée par Maria PACOME) annonce à sa famille qu'elle se barre avec un homme plus jeune. Sous chaque mot perce la jubilation de la ménagère qui ayant atteint 50 ans estime qu'elle a assez donné, rien reçu en retour et qu'il est temps d'arrêter les frais et de commencer à vivre pour soi. La soeur de Victor (jouée par Zabou BREITMAN) s'en inspirera pour défendre son indépendance par rapport à un homme qui tente de l'envahir sans son consentement.

Cette satire énergique des travers de la société moderne aborde donc le féminisme sous l'angle du droit des femmes à disposer d'elles-mêmes mais aussi donc les ravages de l'individualisme et également les rapports de classe et le racisme d'une manière qui frappe aujourd'hui par sa pertinence. En effet Victor qui appartient à la bourgeoisie se retrouve flanqué d'un partenaire prolo (Patrick TIMSIT) qu'il méprise. Seulement voilà, Michou est chômeur, lui aussi. Et sans filtre. Lorsque les bourgeois chez qui il s'est invité sont choqués de l'entendre dire qu'il est raciste (non pas parce qu'ils ne le sont pas eux aussi mais parce que ce n'est pas politiquement correct de le dire), il leur rétorque que c'est tellement plus facile d'être contre le racisme quand on habite Neuilly que quand on habite Saint-Denis! Et ce n'est pas la sociologie du vote RN qui dira le contraire! On le voit, Coline SERREAU n'a pas le verbe dans sa poche et sait user de dialogues percutants. Couplé à une mise en scène pleine de vivacité mais jamais brouillonne, son film rappelle la screwball comédie à l'américaine, sauf que le conflit y dépasse celui des sexes pour toucher toutes les fractures de nos sociétés (elle aborde également le conflit entre les générations au travers de la malbouffe, les médecines alternatives etc.) Des comédies de cette trempe, on en redemande!

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Zazie dans le métro

Publié le par Rosalie210

Louis Malle (1960)

Zazie dans le métro

J'étais curieuse de voir comment Louis MALLE avait réussi à adapter le roman de Raymond Queneau que j'ai lu pour la première fois cet été. Je pensais que ça allait donner une bouillie à l'écran. Et ce n'est pas totalement faux. Le style burlesque et cartoonesque qui caractérise "Zazie dans le métro" en version cinéma se prête davantage au court-métrage qu'au long-métrage car sur la longueur, l'hystérie générale devient lassante. C'est d'ailleurs pourquoi dans la génération de Louis MALLE, un Jacques TATI ou un Blake EDWARDS utilisaient le format long pour construire leurs gags sur la durée et pour les insérer dans une histoire pas forcément logique mais qui faisait sens. "Zazie dans le métro" au contraire se perd dans une succession de courses-poursuite sans queue ni tête. Le livre l'était aussi mais son objet, c'était le délire langagier qui présidait également aux "Exercices de style". La transposition au cinéma ne peut pas fournir d'équivalent, même si les mots de Queneau sont repris dans les dialogues. Si le début est plutôt séduisant avec un Philippe NOIRET jeune et charismatique et l'insolence lucide de la petite Catherine DEMONGEOT, la succession continue de séquences surréalistes inspirées manifestement du cinéma burlesque muet ou bien de Tex AVERY finit par devenir répétitive, ennuyeuse et le final "tarte à la crème" avec destruction du décor semble assez gratuit. Par contre, la séquence de la tour Eiffel est très bien mise en scène autour des questions gênantes (pour les adultes) de Zazie autour de la "sessualité" et m'a penser à du Jean COCTEAU (et à "Paris qui dort") (1925).

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Tant qu'on a la santé

Publié le par Rosalie210

Pierre Etaix (1965)

Tant qu'on a la santé

"Tant qu'on a la santé" est un long-métrage d'une heure qui se compose d'une suite de quatre courts-métrages d'une durée d'un quart d'heure chacun. C'était un choix délibéré de la part de Pierre ETAIX. il avait voulu s'adapter au mode de diffusion de l'époque. Les films étaient projetés en boucle (comme c'est le cas aujourd'hui dans les expositions) et les spectateurs pouvaient entrer et sortir quand ils le voulaient. Dans ces conditions, il lui a paru moins préjudiciable de diffuser un film composés de segments indépendants qu'un récit continu d'une heure trente comme "Yoyo" (1964) dont le succès avait été mitigé. Par ailleurs, le choix de ce format permet de revenir aux sources du cinéma burlesque.

Après un générique théâtral façon "Les Enfants du paradis" (1945) dans lequel les spectateurs râlent parce que le générique n'est pas au point, défilent successivement "Insomnie", "Le cinématographe", "Tant qu'on a la santé" et "Nous n'irons plus au bois". Le premier et le second jouent sur deux tableaux: celui de l'émetteur (livre et écran) et celui du récepteur (lecteur et spectateur). Le premier est une comédie horrifique où ce qui arrive au lecteur se répercute aussitôt dans le récit qu'il lit, à moins que ce ne soit l'inverse? En tout cas, Pierre ETAIX s'amuse beaucoup avec les codes du film de vampire façon "Nosferatu le vampire" (1922) et "Dracula" (1931). Dans le second, le spectateur qui entre dans la salle subit toutes sortes de mésaventures qui l'empêchent de profiter de la projection. Quand il y arrive enfin, c'est pour assister au défilé des réclames dans lesquelles Pierre ETAIX tire à boulets rouges sur la société de consommation. J'adore en particulier la mécanique comique imparable qui lui permet de démontrer l'inefficacité des produits ménagers! Transition parfaite avec le troisième film qui est une dénonciation humoristique du stress de la vie citadine durant les trente glorieuses: les oreilles et les poumons sont mis à rude épreuve mais tout le monde est incité à garder le sourire! Cette double contrainte tape dans le mille et la bande-son est une fois de plus brillantissime. Enfin le dernier segment joue sur le conflit d'usage entre un chasseur, un agriculteur et un couple de citadins venus pique-niquer à la campagne, chacun marchant sur les plates-bandes des autres.

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The Apprentice

Publié le par Rosalie210

Ali Abbasi (2024)

The Apprentice

Voilà un biopic passionnant et d'utilité publique! Moins qu'un biopic, il s'agit d'un terrifiant récit d'apprentissage, celui d'un jeune homme sans personnalité qui sous la houlette d'un mentor méphistophélique va finir par dépasser le maître. Le jeune homme sans personnalité, c'est Donald Trump dans les années 70, l'héritier un peu terne d'un promoteur immobilier du Queens, lequel est en délicatesse avec la Justice. Motif? Discrimination raciale au logement. Donald fréquente les night-clubs huppés de New-York afin de dénicher la perle rare qui saura tirer son père (et lui-même) de ce mauvais pas. Il le trouve en la personne de l'avocat véreux Roy Cohn, ex bras droit de Joseph McCarthy, artisan de l'exécution des époux Rosenberg. Un serpent venimeux qui va le prendre sous son aile et lui enseigner l'art cynique de la "gagne" à tout prix soit la base du trumpisme: attaquer, nier, ne jamais s'avouer vaincu. Quant aux méthodes de Roy Cohn pour obtenir gain de cause, elles se résument à corrompre, faire chanter ou traîner en justice. Des méthodes de voyou et de mafieux. Avec un tel maître, Trump gagne effectivement à tous les coups et peut bâtir son empire immobilier véreux. Plus son ascension s'accélère, plus l'homme se déshumanise, y compris avec ses proches, plus son apparence se dégrade vers celle qui est la sienne aujourd'hui. Bref, on assiste à la naissance d'un monstre qui finit même par lâcher son mentor dès que celui-ci commence à montrer des signes de maladie. Car si le film n'est jamais explicite, il laisse entrevoir l'origine de la fascination de Roy Cohn pour Trump. Ceux qui connaissent la mini-série "Angels in America" (2003) se souviennent de Roy Cohn (interprété par Al PACINO) dire "Je suis un hétéro qui se tape des mecs". Donald Trump, c'est le mâle alpha WASP que Roy Cohn a toujours rêvé d'être, lui le juif homosexuel antisémite et homophobe. C'est sa haine de lui-même qui a poussé Roy Cohn dans les bras de Donald Trump jusqu'à ce que celui-ci ne le renvoie dans la catégorie des pestiférés. La scène où il fait désinfecter tout ce que Roy Cohn a pu toucher dans sa demeure fait penser aux propos de Jean-Marie Le Pen dans les années 80 sur les "sidaïques" qu'il fallait enfermer en "sanatorium" parce qu'ils pouvaient soi-disant contaminer par simple contact. Au cas où on ne se souviendrait pas que la désinformation est l'une des mamelles à laquelle s'abreuvent les populistes. Dans les rôles principaux, Sebastian STAN est tout à fait convaincant et Jeremy STRONG est saisissant.

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