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La Guerre des Etoiles (Star Wars)

Publié le par Rosalie210

George Lucas (1977)

La Guerre des Etoiles (Star Wars)

Depuis sa première sortie en 1977 le premier film de la saga Star Wars a connu plusieurs mutations. Il a tout d'abord changé de titre: "La Guerre des étoiles" (ou plutôt si le titre avait été correctement traduit, "Les guerres de l'Etoile" ce qui a autrement plus de sens!) est devenu "Un nouvel espoir", l'épisode IV d'une saga qui en comporte à ce jour neuf (sans parler des films qui en sont dérivés). Il est ensuite aujourd'hui introuvable sous sa forme originelle (du moins officiellement). Son créateur, George LUCAS a décidé pour la ressortie de la trilogie au cinéma en 1997 d'effectuer des incrustations numériques tout à fait dispensables (et discutables car elles jurent avec le reste du film et brouillent l'identité spatio-temporelle dans lequel il a été conçu) et même de changer le sens d'une scène-clé, celle où Han Solo tue Greedo dans la Cantina. Dans la version d'origine il tire le premier alors qu'à partir de 1997, il réagit au tir de Greedo ce qui le place en situation de légitime défense (et depuis la scène a été encore modifiée pour brouiller les pistes). Ce révisionnisme affectant le cowboy de l'espace me fait penser à celui qui a un moment donné a touché Lucky Luke qui ne pouvait plus fumer ni tirer. Imaginez le même traitement appliqué aux westerns de John FORD ou de Sergio LEONE!

Malgré ces vicissitudes, le film de George LUCAS n'est pas devenu par hasard l'une des références incontournable de la planète cinéma. Il réunit les codes du conte ("Il y a bien longtemps dans une galaxie lointaine, très lointaine" résonne exactement comme "Il était une fois" et il y a de nobles chevaliers, une princesse et des forêts… de météorites), ceux du mythe (dont l'unicité à travers les âges et les cultures a été mise en évidence par Joseph Campbell dans son ouvrage "Le héros aux mille et un visages". Ainsi Luke dans la plus pure tradition du récit initiatique quitte son quotidien pour vivre des aventures fabuleuses et s'accomplir en tant que héros) et enfin ceux de plusieurs genres cinématographiques: le space opera, le western (déjà cité plus haut), le film historique (l'anéantissement d'une planète, les combats entre engins spatiaux, les uniformes des officiers de l'Empire et leurs cérémonies renvoient au nazisme et à la seconde guerre mondiale) et le film de sabre japonais (George LUCAS est un admirateur de Akira KUROSAWA et l'influence de celui-ci est très forte). S'y ajoute une forte dimension mystique. "Un nouvel espoir" est un film "réenchanteur" qui affirme haut et fort la supériorité des forces de l'esprit (puisées dans les religions occidentales et orientales) sur la technologie. Enfin le casting n'est pas pour rien dans la réussite du film. Luke, le chevalier blanc est campé par un Mark HAMILL à la candeur émouvante, Han Solo le space cowboy a contribué à propulser le charismatique Harrison FORD au firmament des étoiles ^^ et Leia la princesse au caractère bien trempé et aux célèbres macarons est pour toujours associée à Carrie FISHER a qui le personnage a terriblement pesé. Obi-Wan Kenobi, le mentor spirituel est une sorte de résurrection des premiers moines du désert auquel Alec GUINNESS apporte toute sa classe. Enfin leur antithèse, le chevalier noir Dark Vador est entré dans la légende des plus grands méchants de l'histoire du cinéma.

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La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1958)

La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Voir où George LUCAS a puisé l'âme de sa saga "Star Wars" n'est pas très compliqué. Il suffit de bien observer la forme du casque de Dark Vador, les postures des maîtres Jedi et leurs sabres… laser (et je ne parle même pas de la Force) pour comprendre qu'il est autant allé chercher son inspiration du côté du pays du soleil levant que dans le livre de Joseph Campbell "Le Héros aux mille et un visages". La première scène de la "Forteresse cachée" est quasiment reprise telle quelle dans "Star Wars: Episode IV - A New Hope" (1977) avec son étendue désertique dans laquelle errent non les héros mais les comparses, chargés de servir et de divertir la galerie avec leurs comportements grotesques (cupidité, veulerie etc.) Cette ouverture marque d'ailleurs un tournant dans la filmographie de Akira KUROSAWA qui après les échecs successifs de ses films adaptés de grandes oeuvres littéraires s'essaye avec brio à un cinéma d'inspiration plus populaire. Ce récit d'aventures picaresques tourné dans de splendides décors naturels et ponctué de scènes d'action spectaculaires et admirablement filmées (voir la scène où le général Makabe alias Toshiro MIFUNE se lance à la poursuite de ses ennemis le sabre levé) se paye en plus le luxe d'être féministe. La princesse Yuki (Misa UEHARA) est une guerrière (comme l'est également la princesse Leia qui incarne l'âme de la rébellion et finit générale) et si elle doit se faire passer pour muette afin de voyager incognito, sa langue est en réalité bien pendue et elle n'a pas les yeux dans sa poche. Le fait d'être traquée par le clan adverse est une chance pour elle car il lui permet de quitter sa tour d'ivoire et d'observer le monde tel qu'il est, le meilleur et le pire des hommes. Elle est également très critique envers les mentalités féodales (et patriarcales) japonaises, notamment le sens du sacrifice, de la loyauté et de l'honneur poussé jusqu'à ses extrémités les plus mortifères. La manière dont elle bouscule les deux généraux, Makabe et Tadokoro (Susumu FUJITA) dans leurs certitudes (alors qu'elle n'a que 16 ans, soit l'âge auquel Greta Thunberg est devenue célèbre mais je dis ça je ne dis rien) s'avère décisive pour l'issue de l'histoire.

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L'Invasion des profanateurs de sépulture (Invasion of the body snatchers)

Publié le par Rosalie210

Don Siegel (1956)

L'Invasion des profanateurs de sépulture (Invasion of the body snatchers)

"L'invasion des profanateurs de sépulture" (traduction erronée du titre original "L'invasion des voleurs de corps") est l'un de ces films-matrice culte que j'ai découvert par le biais de ce qu'on appelle l'intertextualité au cinéma. En l'occurrence une scène entière de "Retour vers le futur" (1985) qui reprend celle, très célèbre, de l'autoroute. Et si je cite le film de Robert ZEMECKIS c'est parce qu'il a bien compris le sens de celui de Don SIEGEL. La scène en question se déroule au moment où Marty découvre Hill Valley en 1955. Or Hill Valley, comme Santa Mira est une petite ville américaine californienne typique de l'American way of life. Un panneau publicitaire à elle seule. Reste à savoir ce qui se cache derrière. Car ce qui rapproche aussi les deux micro-sociétés, c'est leur repli sur elles-mêmes comme s'il existait une barrière invisible qui les séparaient du reste du monde et comme s'il fallait s'en défendre (si elle devient visible alors on parle de gated community). Pas étonnant que ces communautés à la façade trop lisse pour être vraie soient hautement paranoïaques et si vulnérables à la psychose collective. La figure de l'alien, forcément hostile camoufle la peur encore plus profonde de l'ennemi de l'intérieur, celui qui sans faire de bruit prend possession de vous et vous prive de votre identité. Sauf que ceux qui ont le plus peur d'en être privés sont ceux qui n'en ont pas, ceux qui sont des coquilles vides malléables au lavage de cerveau. Lequel tournait dans les années 50 autour d'une peur primale des rouges et de tous ceux susceptibles d'être "contaminés" par les idées communistes, prétexte à une vaste épuration de la société américaine de ses "indésirables". Car dans son autobiographie, Don SIEGEL est très clair là-dessus. Ce qui menace les habitants de Santa Mira n'est pas le communisme mais l'embrigadement, symbolisé par la production de copies conformes aux originaux, sauf qu'il s'agit d'objets manufacturés et non plus d'êtres humains capables de ressentir et de penser par eux-mêmes. De vrais pantins obéissant aux ordres d'une autorité supérieure (ce n'est pas par hasard qu'il y a tant de flics dans le film). Bref les "cosses de l'espace" désignent en réalité une maladie bien américaine (et bien humaine): la peur panique de la différence, une émotion hautement manipulable. Car derrière son adhésion aux codes du genre de SF de série B, le film de Don SIEGEL est une oeuvre politique très clairvoyante sur la société américaine*.

* Me viennent à l'esprit des films comme "Blue Velvet" (1986) de David LYNCH, "Invasion Los Angeles" (1988) de John CARPENTER, "Edward aux mains d argent" (1990) de Tim BURTON "The Truman Show" (1998) de Peter WEIR qui chacun à leur manière décrivent la face cachée, monstrueuse et dictatoriale de l'Amérique puritaine.

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Du côté de la côte

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1958)

Du côté de la côte

Il fut un temps où Jean-Luc GODARD ne fermait pas la porte à Agnès VARDA. Où même, il la célébrait. Ainsi à propos de son court-métrage sur la Riviera "Du côté de la côte" réalisé en 1958, il disait " Journal d’une femme d’esprit, quand elle vadrouille entre Nice et Saint-Tropez, d’où elle nous envoie une carte-postale par plan pour répondre à son ami Chris Marker. (…) Je n’oublierai jamais le merveilleux panoramique aller-retour qui suit une branche d’arbre tordue sur le sable pour aboutir aux espadrilles rouges et bleues d’Adam et d’Ève." (Les Cahiers du Cinéma n° 92, février 1959)

Le père de
Agnès VARDA était grec, fondateurs de Nikaia (Nice), Antipolis (Antibes), Massilia (Marseille) et Agathé (Agde mais on sort un peu du sujet puisque l'administration française l'a placée du côté du Languedoc-Roussillon et non de la région PACA). Agnès Varda affectionnait les plages. "La Baie des Anges" (1962) était par ailleurs le deuxième film de son mari, Jacques DEMY. Par un savant télescopage qui ressemble à une association d'idées chère au surréalisme, elle évoque dans ce film de commande (on est dans le contexte des 30 Glorieuses) divers aspects contrastés du littoral azuréen en 1958: le carnaval et autres vestiges grecs, les vieux paysans et leurs animaux, derniers témoins d'une société traditionnelle en voie d'extinction, les hôtels de luxe, témoins du développement touristique de la Riviera au XIX° auprès d'une clientèle fortunée internationale, notamment artistique (peintres, écrivains etc.), leurs héritiers à l'image couchée sur papier glacé ou pellicule photographique (Brigitte Bardot, Bardot, Brigitte Bejo, Bejo ^^), le tourisme de masse de la seconde moitié du XX° siècle avec ses plages bondées et ses tentes au milieu des arbres. Mais comme dans la plupart de ses films, Agnès VARDA mélange cet aspect documentaire avec une rêverie poétique où la côte d'Azur devient celle d'Adam, un jardin d'Eden que les touristes recherchent mais qui en sont séparés par des grilles infranchissables.

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Pension d'artistes (Stage Door)

Publié le par Rosalie210

Pension d'artistes (Stage Door)

"Pension d'artistes" est comme l'année précédente "Mon homme Godfrey" (1936) un grand cru de Gregory LA CAVA. Il se distingue par son fabuleux casting d'actrices, ses dialogues brillants et sa grande résonnance contemporaine. En effet bien que réalisé en 1937, "Pension d'artistes" évoque l'ère "#Me Too" dans le monde du spectacle hollywoodien, sans doute parce qu'en 80 ans, la distribution inégalitaire des rôles sociaux n'a guère changé. Aux hommes, les postes de pouvoir, dont celui de faire et de défaire les carrières au gré de leur bon plaisir. Aux femmes, les postes de subordonnées contraintes de se soumettre à un mécénat qui ressemble furieusement à une promotion canapé. Les scènes entre le producteur Anthony Powell (Adolphe MENJOU) et les jeunes actrices sont extrêmement révélatrices, qu'il les fasse attendre pour rien ou qu'après avoir fait son "marché" il ne tente de les séduire avec de fallacieuses promesses tout en s'assurant de leur soumission (la censure l'empêche de leur sauter dessus comme Harvey Weinstein mais on y pense forcément d'autant que les poses devant le canapé sont suggestives).

A cet aspect d'inégalité des sexes, Gregory LA CAVA ajoute comme dans "Mon homme Godfrey" (1936) une dimension d'inégalités sociales. La riche héritière Terry Randall (Katharine HEPBURN) décroche un rôle convoité parce que son père a graissé quelques pattes alors qu'elle répète d'une manière désespérément atone et s'embrouille avec tout le monde. Bref, face à la concupiscence et à la corruption, le talent qui devrait être le seul critère du choix des actrices (avec la motivation) ne pèse pas bien lourd et les âmes trop fragiles comme celle de Kay Hamilton (Andrea LEEDS) le paieront au prix fort.

Mais le film de La Cava, en dehors d'une séquence franchement dramatique (et très émouvante) se tient constamment dans un entre-deux doux-amer comme pouvait l'être "La Garçonnière" (1960) de Billy WILDER qui était une féroce et drolatique satire sociale tout en étant tendre et mélancolique. Face au joug masculin, la pension de Mrs Orcutt où logent les aspirantes actrices est un espace de liberté où les énergies se libèrent et les personnalités s'expriment sans retenue, avec une verve d'enfer. Le personnage de Jean à la langue particulièrement acérée a ainsi été pour Ginger ROGERS une façon de montrer une autre facette de son talent.

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Mon homme Godfrey (My Man Godfrey)

Publié le par Rosalie210

Gregory La Cava (1936)

Mon homme Godfrey (My Man Godfrey)

Gregory LA CAVA est l'un des maîtres de la comédie américaine au même titre que Howard HAWKS, Leo McCAREY, Ernst LUBITSCH ou George CUKOR. Cependant contrairement à eux il a été oublié, surtout en Europe alors qu'il a réalisé quelques pépites de l'âge d'or d'Hollywood.

"Mon homme Godfrey" est son film le plus célèbre et le plus célébré tant par la qualité du scénario, l'écriture des dialogues que par l'excellence de l'interprétation. A la trame classique de la screwball comédie (la guerre des sexes), Gregory LA CAVA superpose un enjeu de classe. Il faut dire que le film a été réalisé en 1936, pendant la grande crise que traversaient les USA. Dès les premières images, il annonce la couleur en faisant coexister de grands immeubles bourgeois et une décharge publique avec des cabanes de SDF. Le malaise se renforce lorsque Cornelia Bullock (Gail PATRICK) vient proposer à Godfrey, l'un des SDF (William POWELL) en échange de 5 dollars de se prêter à un "jeu" qui m'a fait penser à "Le Dîner de cons" (1998) en ce que le clochard fait partie d'une liste "d'objets" à ramener comme trophée d'un concours pensé par des bourgeois désoeuvrés. Godfrey refuse l'humiliant marché et envoie bouler la bourgeoise dans un tas d'ordures. Une belle remise en place qui suscite l'enthousiasme de la sœur cadette Irène (Carole LOMBARD). Pour ses beaux yeux, Godfrey accepte de lui faire gagner le concours puis d'entrer au service de la famille en tant que majordome. On passe ainsi d'une peinture de la misère la plus extrême à celle de la bourgeoisie la plus décadente avec "God"frey en position d'observateur extérieur. Car on le comprend très vite, Godfrey est un transfuge social qui s'est donné pour mission (divine?) de rétablir un peu de justice et d'humanité dans tout ce bazar. Ce n'est pas un révolutionnaire (on est aux USA!) mais un homme bon qui veut utiliser son expérience pour aider son prochain en sortant les pauvres de la misère et en responsabilisant les riches. C'est aussi un homme échaudé par une expérience amoureuse malheureuse qui n'a pas très envie de "replonger" dans son milieu d'origine, incarné par des femmes aussi envahissantes que frappadingues: la mère et son ridicule Carlo pique-assiette (j'ai longtemps cru qu'il s'agissait du toutou de la famille, c'est dire ^^), Cornelia qui utilise son intelligence à des fins perverses et Irène qui s'avère stupide, capricieuse et hystérique. Le forcing de cette dernière face aux réticences de Godfrey a autant plus de saveur que Carole LOMBARD et William POWELL rejouent en quelque sorte leur histoire: ils étaient divorcés dans la vraie vie après avoir (brièvement) formé un couple mal assorti dont elle était l'élément extraverti et lui, l'élément réservé.

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Le Terminal (The Terminal)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2004)

Le Terminal (The Terminal)

L'aéroport international d'une grande métropole mondiale (ici c'est JFK mais cela pourrait être tout aussi bien Roissy où s'est déroulée l'histoire vraie dont s'est inspiré Steven SPIELBERG) est un parfait concentré de toutes les problématiques contemporaines. C'est un lieu de passage et de transit bourré de sas et de points de contrôle. C'est un lieu cosmopolite où s'exerce cependant la souveraineté étatique avec sa douane, sa police des frontières, ses règlementations complexes et parfois kafkaïennes. C'est un lieu de foultitudes anonymes où cependant chacun est renvoyé à sa solitude et où s'exerce une hiérarchie sociale et raciale qui est le miroir de celle de la société: les WASP dans les bureaux de dirigeants et les minorités ethniques à la cuisine et au nettoyage des sols.

C'est dans ce lieu ouvert et clos à la fois que Steven SPIELBERG construit une fable humaniste qui lorgne clairement du côté de Frank CAPRA mais aussi de Robert ZEMECKIS. Comment ne pas penser à "Forrest Gump" (1994) et à "Seul au monde" (2001) devant un Tom HANKS dont l'inadaptation au monde n'est cette fois pas due à un QI légèrement inférieur à la moyenne ou à de longues années d'isolement sur une île déserte mais à son statut d'apatride "krakozhien" (Etat fictif d'Europe centrale dont le nom fait penser à Cracovie en Pologne) et sa méconnaissance de la langue anglaise. Bien que traité sur le mode de la comédie, la perte de la nationalité est une authentique tragédie qu'ont vécu des millions de personnes condamnées à errer d'un pays à l'autre dans l'espoir d'être acceptées quelque part, notamment les juifs allemands dans les années 30 (c'est le sujet du roman de Erich Maria Remarque "Les Exilés"). C'est pourquoi il ne faut pas s'y tromper: sous sa légèreté apparente (qui l'a fait un peut trop vite cataloguer comme un "film mineur" dans la filmographie de Steven SPIELBERG comme s'il fallait obligatoirement faire sérieux pour traiter de sujets graves), "Le Terminal" est un film engagé, politique. Il montre comment un étranger traité en paria parvient à retisser du lien social dans un lieu impersonnel et atomisé au point de créer une micro-société plus juste, plus solidaire et plus égalitaire. Peut-être que le seul reproche que je ferais au scénario est de ne pas avoir tranché entre un personnage transparent à la Tintin créé pour permettre l'identification du spectateur et un vrai personnage doté d'une identité propre. La chute de l'histoire m'a parue de ce fait décevante.

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Le passé ne meurt pas (Easy Virtue)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1928)

Le passé ne meurt pas (Easy Virtue)

"Easy virtue", film muet de Alfred HITCHCOCK un peu écourté et abimé par le temps introduit déjà tous ses thèmes de prédilection. Tiré d'une pièce de théâtre de Noël Coward ("Brève rencontre", adapté au cinéma par David LEAN est son œuvre la plus célèbre), il s'agit d'un film de procès. Même lorsque celui-ci semble prendre fin au bout de 20 minutes, il continue implicitement jusqu'au dénouement où il refait surface avec le même plan du juge qu'au début. La structure du film est en effet cyclique et sans issue. La "bonne" société patriarcale y juge une fausse coupable, à l'aune d'apparences accablantes: elle a osé poser pour un peintre qui la courtisait ouvertement et lui a légué sa fortune donc il est forcément son amant et il l'a débarrassé de son mari CQFD. Ce passé la poursuit (thème aussi récurrent chez Alfred HITCHCOCK que celui du faux coupable) jusque sur la Riviera où elle tente de refaire sa vie avec un nouveau prétendant. Mais celui-ci s'avère être un homme faible d'esprit vivant sous la coupe d'une génitrice abusive (combien de marâtres et de mère castratrices chez Alfred HITCHCOCK?) qui rejette l'intruse et finit par percer son secret avec un petit coup de pouce de la presse à scandales. Bref si le thème de la femme de petite vertu (ou jugée comme telle et de ce fait perdue de réputation) est complètement obsolète aujourd'hui, et l'histoire, pas exempte de longueurs en dépit de la brièveté du film, la mise en scène brillante de Alfred HITCHCOCK suffit à relever le niveau et l'actrice principale, Isabel JEANS (ex-épouse de Claude RAINS, le futur mari sous influence matriarcale dans "Les Enchaînés" ^^) (1945) est très émouvante, notamment dans sa réplique finale lorsqu'elle s'offre aux caméras à la sortie du tribunal et qu'elle leur dit "Shoot ! There is nothing left to kill !" ce qui a été traduit par "Allez-y, mitraillez-moi, je suis déjà morte!".

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Jabberwocky

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1977)

Jabberwocky

J'ai rarement vu une restauration produire des effets aussi spectaculaires que dans "Jabberwocky", le premier long-métrage réalisé par Terry GILLIAM. En effet celui-ci en dépit d'un budget modeste a créé un magnifique univers visuel qui s'était terni avec le temps. En retrouvant son éclat, l'image révèle des paysages ruraux de chateaux-forts nimbés d'une somptueuse lumière. Les mêmes que ceux de "Monty Python sacré Graal" (1975), l'œil du peintre en prime. Cela n'empêche pas de reconnaître le style Gilliam, récurrent de film en film, celui des courtes focales et des contre-plongées qui écrasent les personnages sous l'architecture, bouchent la vue et déforment les perspectives et les traits jusqu'à la caricature. Le Moyen-Age dépeint par Gilliam est pictural et en même temps il s'en dégage une impression de réalisme comme dans le film antérieur des Monty Python. C'est lié à une intimité avec cette époque dans ce qu'elle a de plus "terre-à-terre" c'est à dire sa violence et sa saleté. Celles-ci deviennent d'ailleurs les supports d'un long gag où la tribune royale d'un tournoi est progressivement recouverte de sang et de morceaux de chair sans que les personnages ne s'en émeuvent (un type de gag non-sensique récurrent chez les Python*). Mais de la saleté au sens propre à la saleté au sens figuré il n'y a qu'un pas et la crasse ou la poussière qui recouvre les dirigeants qui utilisant leurs vassaux comme de la chair à canon n'a rien de gratuit. A travers le Moyen-Age, Terry GILLIAM critique en réalité le fonctionnement de la société britannique des années 70 touchée par la crise et le chômage et désormais rétive comme le reste de l'Europe à l'immigration de travail venue des pays pauvres. Quant au "monstre" (emprunté à un autre univers de l'absurde, celui de Lewis Carroll) qui terrorise la contrée, il est cyniquement instrumentalisé pour manipuler les masses puisque les habitants n'ont guère envie de s'aventurer à l'extérieur et apaisent leurs angoisses en… consommant. Il est presque dommage que Terry GILLIAM finisse par le montrer (d'autant que ce n'est pas une réussite, contrairement aux plans où la caméra adopte son point de vue et où il est donc invisible) car comme le magicien d'oz, il aurait pu tout aussi bien n'être qu'une illusion.

* Une partie d'entre eux participent au film en tant qu'acteurs. Michael Palin interprète le rôle principal et le regretté co-fondateur des Python Terry Jones y joue un petit rôle, celui du braconnier qui apparaît en introduction et est la première victime du monstre.

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Lulu femme nue

Publié le par Rosalie210

Solveig Anspach (2013)

Lulu femme nue

Même si l'histoire de "Lulu femme nue" semble à première vue peu originale, le regard de la réalisatrice Sólveig ANSPACH est quant à lui singulier. Tout d'abord c'est celui d'une survivante, d'une résiliente. Dans "Haut les cœurs" (1999), elle avait porté à l'écran sa propre histoire de femme atteinte par le cancer se battant pour donner la vie avec déjà Karin VIARD dans le rôle principal. Cette expérience sous-tend l'histoire (fictionnelle cette fois, adaptation d'une bande dessinée d'Etienne Davodeau) de "Lulu femme nue" qui n'est pas malade physiquement mais qui a perdu son identité (d'où le surnom "Lulu" comme le "Babou" du "Le Prénom") (2011) et par là même le goût de l'existence dans un mariage aliénant. Elle incarne le mal être de l'épouse et de la mère de famille de la société patriarcale qui lui dénie toute liberté et toute autonomie. La première scène du film est éloquente puisqu'alors qu'elle tente de se faire belle pour un entretien d'embauche dans les toilettes de l'entreprise, elle s'entend dire qu'elle est ici "chez les hommes". Des hommes qui à l'image du recruteur et de son mari dénient sa démarche en l'humiliant sur son âge et son accoutrement comme s'il fallait être désirable et bien habillée pour être compétente. C'est alors qu'inconsciemment, cette femme brimée se révolte en ratant son train: elle ne rentrera pas chez elle ce soir. Ni le lendemain en dépit des coups de pression de son mari qui lui coupe les vivres et la harcèle au téléphone. Elle ira plutôt respirer au bord de la mer et aller à la rencontre d'autres paumés, d'autres solitaires, d'autres "déchets de la société" rejetés sur le bas-côté. Parmi eux il y a Charles et ses drôles de frères toujours flanqués à ses basques. Charles qui a l'idée de jeter son téléphone boulet par dessus bord et avec lequel elle échange des sourires rayonnant à la fête foraine. Il n'a ni biens matériels ni statut à lui offrir puisqu'il est repris de justice et vit dans un camping mais à son contact doux et tendre, elle retrouve l'envie de partager des moments d'intimité avec un homme. Mais comme elle est rattrapée par sa sœur et sa fille, elle s'en va plus loin et là elle fait la connaissance dans des circonstances un peu rocambolesques d'une dame âgée, Marthe (Claude GENSAC) qui n'en peut plus de vieillir dans la solitude. Toutes deux viennent en aide à Virginie, une troisième femme, très jeune celle-là mais qui ploie sous le joug d'une patronne de bar tyrannique (Corinne MASIERO).

Ce qui m'a particulièrement plu dans ce film, c'est sa finesse d'observation. Alors que certains passages semblent plutôt relever du burlesque quelque peu fantaisiste (les deux frères de Charles), certaines des situations évoquées sont très réalistes comme celle de l'acte manqué (qui n'a jamais raté un train parce qu'il ne voulait pas en réalité le prendre?) ou de la jeune employée se faisant houspiller par sa patronne (j'ai entendu des propos du même type que "tu appelle ça nettoyer des verres?" dans une boulangerie proche de chez moi).

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