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Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles)

Publié le par Rosalie210

Terence Fisher (1959)

Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles)

Tout ce que je connais de la Hammer, c'est un extrait de l'un de ses "Dracula" avec Christopher LEE. Quant à Peter CUSHING il est pour moi associé à l'épisode 4 de Star Wars (et à "Rogue One: A Star Wars Story" (2016) où il est ressuscité par la grâce des effets spéciaux), question de génération. Je ne suis pas non plus une spécialiste de l'univers de Sherlock Holmes, que ce soient les romans ou leurs adaptations. Je ne connais que le film de Billy WILDER dans lequel Christopher LEE jouait Mycroft, le frère de Sherlock et la série transposant le mythe dans un univers contemporain. Ce qui m'a frappé donc dans cette adaptation, c'est d'abord son style gothique flamboyant. Les couleurs, la lumière, l'atmosphère, les costumes m'ont fait immédiatement penser à "Les Contrebandiers de Moonfleet" (1955) qui lui est contemporain. Un style repris de nos jours par Tim BURTON: lande désolée nageant dans le brouillard, manoir lugubre, pleine lune, hurlements lointains, éclairs et tonnerre, ruines etc. C'est pourquoi la version du célèbre roman de Conan Doyle par Terence FISHER fait moins penser à un polar qu'à une aventure fantastique, cousine britannique des films américains de Roger CORMAN. D'ailleurs, les deux réalisateurs ont également dirigé des acteurs indissociables du genre: Vincent PRICE pour Roger CORMAN, Christopher LEE associé à Peter CUSHING pour Terence FISHER. Encore que dans "Le chien des Baskerville" le premier ne joue pas le rôle d'un monstre mais du dernier descendant légitime d'une famille en proie à une malédiction. C'est elle que combat Sherlock, joué par un Peter CUSHING qui impressionne avec son visage émacié et son regard presque dément. Le tout s'accorde avec une mise en scène représentant la violence de manière stylisée mais hautement suggestive: la scène de la tarentule, jouant sur l'effet de suspense est encore aujourd'hui assez éprouvante à regarder (sauf si on aime ces araignées), de même la scène d'ouverture impressionne par la brutalité des rapports de classe et de genre.

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Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau

Publié le par Rosalie210

Gints Zilbalodis (2024)

Flow, le chat qui n'avait plus peur de l'eau

Hayao MIYAZAKI n'en finit pas de faire des petits. En témoigne ce très beau film qui s'inspire de ses oeuvres post-apocalyptiques et plus précisément de sa série "Conan, le fils du futur" (1978). Autre inspiration majeure, celle de Alfonso CUARON, notamment dans l'art de faire monter la tension à l'intérieur de plans-séquence. Enfin, l'influence du jeu vidéo est manifeste dans le caractère immersif du film avec une caméra qui rase le sol dans les courses-poursuite, plonge avec le chat ou vole avec les oiseaux. Cependant, les choix de Gints ZILBALODIS sont bien plus radicaux que ceux dont on a l'habitude dans ce type de récit. C'est à une expérience de désanthropisation qu'il nous convie, tant sur la forme que dans le fond. Non seulement les hommes sont totalement absents du film, sinon par les traces qu'ils ont laissé mais celui-ci refuse toute forme d'anthropomorphisme et est donc dépourvu de dialogues. Les héros de l'histoire sont des animaux au comportement réaliste qui tentent de survivre à une brusque montée des eaux, thème d'une brûlante actualité. Le film raconte ainsi la cohabitation forcée à bord d'une barque de fortune entre un chat solitaire, un capybara paresseux, un lémurien collectionneur d'objets qui brillent, un chien labrador séparé de sa meute et un échassier estropié et rejeté par les siens. Leur périple, semé d'embûches suscite des émotions mélangées. La nature est dépeinte comme à la fois merveilleuse et terrifiante, notamment dans l'imprévisibilité et la puissance dévastatrice de ses manifestations alors que l'anthropocène en ruines continue à marquer les paysages et invite à la contemplation et à la rêverie. Quant aux animaux, ils doivent s'adapter pour survivre c'est à dire apprendre à vivre ensemble alors qu'ils appartiennent à des espèces différentes (ce qui remet en question les idées reçues sur la prétendue "loi de la jungle" au profit d'une solidarité qui n'est pas sans rappeler l'arche de Noé), acquérir des compétences pour conduire le bateau et apprivoiser leur environnement ce qui renvoie au titre du film. On remarque également que le réalisateur a voulu effacer les repères spatiaux-temporels. Les ruines, monumentales, sont difficilement datables (on pense autant à l'antiquité grecque qu'à des temples asiatiques) et les animaux viennent d'horizons divers.

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Monsieur Aznavour

Publié le par Rosalie210

Medhi Idir et Grand Corps Malade (2024)

Monsieur Aznavour

Biopic pas transcendant mais pas honteux non plus, "Monsieur Aznavour" est un travail trop scolaire pour emporter pleinement l'adhésion. Son principal défaut à mes yeux est d'avoir voulu mettre un maximum d'éléments de la vie pléthorique du chanteur-acteur alors que le format du cinéma est plutôt fait pour trancher dans le vif. Conséquence: trop de survol, pas assez d'approfondissement ce qui aurait été possible en ayant un point de vue sur l'artiste. Il y avait de quoi faire dix films avec tout ce qui est déballé sur la vie de Charles Aznavour. Pour ma part ce que j'ai trouvé le plus intéressant et réussi est la relation complexe qu'il a eu avec Edith Piaf, d'autant que celle-ci est interprétée de façon convaincante par Marie-Julie BAUP. On assiste à une inversion des rôles traditionnels entre le mentor et son disciple ce qui renvoie à tout ce qui faisait de Aznavour un homme atypique et raillé comme tel. La séquence de la genèse de "Comme ils disent" bien que trop courte acquiert un certain relief à l'aune des stigmatisations subies sur le nom, l'origine, l'apparence physique et la voix. Mais ces passages sont noyés dans un océan de scénettes voulant également raconter les années de vaches maigres et de galères, l'arrivisme d'un ambitieux acharné au travail ou le tandem façon "buddy movie" avec Pierre Roche (Bastien BOUILLON). Quant à Tahar RAHIM, quoi qu'on ait pu dire sur l'aide apportée par les effets spéciaux, il porte le film sur les épaules.

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If....

Publié le par Rosalie210

Lindsay Anderson (1968)

If....

Les spectateurs étrangers ayant en tête l'univers de "Harry Potter" à l'évocation d'un collège anglais avec ses vénérables portraits, ses boiseries, ses uniformes et ses préfets risquent de déchanter. Car c'est plutôt à un camp de concentration dissimulé sous une architecture gothique que ressemble "If....", véritable brûlot contestataire typique de l'esprit de mai 1968. Le réalisateur, Lindsay ANDERSON s'est inspiré d'un film beaucoup plus ancien, celui de Jean VIGO, "Zero de conduite" (1933) traversé par le même souffle libertaire et onirique à l'intérieur d'un système moins éducatif que répressif et carcéral. Les élèves subissent à longueur de journée un lavage de cerveau destinés à en faire de futurs bons petits soldats au service de la sainte trinité du système: l'école, l'église et l'armée. Les représentants de ces trois institutions se contentent cependant d'asséner leurs discours de propagande, laissant leurs hommes de main, les "whips" le soin de faire régner la discipline. Ceux-ci, recrutés parmi les élèves de dernière année ne sont rien d'autre que des kapos fliquant les autres élèves avec sadisme et abusant de leur pouvoir pour satisfaire leurs désirs les plus troubles, même si ceux-ci ne sont que suggérés (on est pas chez Pier Paolo PASOLINI). Un élève leur résiste particulièrement, Michael Travis alias Malcolm McDOWELL qui faisait avec ce film une entrée remarquée au cinéma. Tellement remarquée que Stanley KUBRICK allait lui donner peu après le rôle principal de "Orange mecanique" (1971). Dans "If...." il incarne déjà par sa seule présence magnétique, sa nonchalance et son rictus goguenard une jeunesse de plus en plus remontée à bloc au fur et à mesure que les brimades s'accumulent. Plus le film avance et moins on arrive à distinguer le réel du rêve, tant le film est traversé de fulgurances, certaines en noir et blanc ce qui est plus ou moins accidentel mais accentue le sentiment d'étrangeté d'un film que l'on croit longtemps intemporel jusqu'au final explosif qui semble inéluctable.

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Woyzeck

Publié le par Rosalie210

Werner Herzog (1978)

Woyzeck

J'ai aimé l'atmosphère de "Woyzeck", son alternance entre la place d'une ville typique d'Europe centrale qui enferme les personnages pour toutes les scènes en rapport avec le théâtre social et ses échappées dans une campagne bucolique pour les scènes où les instincts sauvages prennent le dessus. Le travail sur la photographie, brumeuse ou en clair-obscur est fabuleux et plusieurs scènes ressemblent à des tableaux vivants. La scène du meurtre au ralenti est très expressive. Mais le propos m'a paru trop alambiqué. On y voit un soldat (joué par l'acteur fétiche de Werner HERZOG, Klaus KINSKI, complètement halluciné) se faire constamment harceler et humilier par ses supérieurs, par ses pairs, par le médecin militaire du camp qui effectue des expériences douteuses sur lui-même et sur les animaux, par sa femme aguicheuse qui le trompe. Et ce jusqu'à ce qu'il sombre dans la folie meurtrière. Cependant, on a bien peu d'empathie pour le personnage de Klaus KINSKI lequel apparaît frappadingue dès les premières images alors que les propos tenus par ceux qui l'entourent sont alourdis par des considérations philosophiques sur la condition humaine quelque peu hermétiques. Enfin le fait que le seul échappatoire que trouve Woyzeck à ses malheurs soit de commettre un féminicide achève de le rendre complètement repoussant. En résumé j'ai admiré l'esthétique du film mais je suis resté complètement en dehors de ce qui s'y jouait.

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Le cinéma de Jean-Pierre Léaud

Publié le par Rosalie210

Cyril Leuthy (2024)

Le cinéma de Jean-Pierre Léaud

Jean-Pierre LEAUD a été l'icône la plus célèbre de la nouvelle vague avec Jean-Paul BELMONDO. Mais là où le second a dès les premières années de sa carrière navigué entre cinéma d'auteur et cinéma populaire pour finir par choisir ce dernier, Jean-Pierre LEAUD est devenu indissociable de son père de cinéma, Francois TRUFFAUT qui l'a révélé à l'âge de 14 ans dans "Les Quatre cents coups" (1959) avec un rôle, celui d'Antoine Doinel qui s'est transformé en véritable saga. Mais Jean-Pierre LEAUD est lui-même un personnage, reconnaissable de film en film que le réalisateur, Cyril LEUTHY tente de cerner. Il ponctue en effet son film d'intervention d'acteurs de divers âges qui se glissent dans sa peau dont un Michel FAU assez bluffant (de loin, j'ai vraiment cru que c'était Jean-Pierre LEAUD), acteurs qui se demandent comment un jeu aussi décalé que le sien pouvait "passer crème", même s'il lui a valu beaucoup d'incompréhension et une longue traversée du désert dans les années 70 et 80. Celle qui le décrit particulièrement bien, c'est Noemie LVOVSKY qui l'a fait jouer dans "Camille redouble" (2012) le rôle de l'horloger. Parce que malgré son vieillissement, la présence de Jean-Pierre LEAUD nous ramène toujours à l'enfant qu'il a incarné à l'écran en 1959 avec ses yeux écarquillés, sa fébrilité inquiète et son visage longtemps resté juvénile. D'autant qu'à partir de cette année-là, sa vie s'est confondue avec le cinéma et que le spectateur a pu donc le voir grandir et évoluer au fil des années. D'ailleurs, le hasard a si bien fait les choses que seul Jean-Pierre LEAUD peut se targuer d'avoir joué avec les deux stars des enfants des années 70 et 80: Chantal GOYA (dans "Masculin feminin" (1966) de Jean-Luc GODARD quand celle-ci était une jeune idole yé-yé) et DOROTHEE (dans "L'Amour en fuite" (1978), le dernier film du cycle Doinel). Mais le réalisateur pour qui il semble le mieux fait, c'est Aki KAURISMAKI qui l'a fait jouer dans "J'ai engage un tueur" (1990). Son cinéma burlesque pince-sans-rire à la Buster KEATON (même si Kaurismaki est un chaplinolâtre ^^) lui va comme un gant! D'ailleurs à travers "Les Keufs" (1987), le réalisateur rappelle que Jean-Pierre LEAUD pouvait être excellent dans la comédie, loin des personnages de contestataires à la Jean-Luc GODARD ou de dandy à la Jean EUSTACHE ou encore de cinéastes dépressifs dans les années 90 lorsqu'il est redécouvert par toute une génération de réalisateurs en quête de filiation. On découvre également la popularité de Jean-Pierre LEAUD en Asie où son romantisme mystique, celui-là même que Francois TRUFFAUT a tant mis en scène a fait mouche.

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Les Emotifs anonymes

Publié le par Rosalie210

Jean-Pierre Améris (2010)

Les Emotifs anonymes

"Les émotifs anonymes" joue sur l'hypertimidité de son duo de personnages pour créer des situations comiques à même de faire rire. Et ça marche plutôt bien. Isabelle CARRE et Benoit POELVOORDE sont à la fois touchants et désopilants. La scène dans laquelle ils se retrouvent pour la première fois en tête à tête au restaurant est particulièrement tordante, au sens propre d'ailleurs puisque Jean-René doit s'interrompre toutes les dix secondes pour aller aux toilettes changer de chemise jusqu'à l'absurde. Evanouissement, mains moites, sueurs, tremblements, rougissements, toutes ces manifestations corporelles indésirables sont du carburant comique, au même titre que la non-maîtrise de son environnement dans le cinéma burlesque (tomber, se cogner, glisser, casser, s'emmêler...) qui est au coeur de la scène de la chambre d'hôtel. Dans "Les émotifs anonymes", on sourit également devant le contraste entre les mantras assertifs que prononcent Jean-René et Angélique ("j'ai confiance en moi", "je suis un volcan") et leur incapacité à s'affirmer (pour l'une) et à sortir de sa carapace (pour l'autre) avec pour conséquence la solitude et l'échec. Si on ajoute que la passion pour le chocolat les réunit, on obtient tout de même pas mal de traits autistiques chez ces personnages allant de la phobie sociale à l'intérêt restreint dans lequel ils sont experts. Si j'ai trouvé qu'il y avait des facilités scénaristiques et que les personnages secondaires étaient insignifiants, j'ai bien aimé l'univers acidulé très "Charlie et la chocolaterie" dans lequel ils évoluent. Parce que cela fait écho à leur difficulté à sortir de leur coquille pour affronter le vrai monde, comme Willy Wonka. Vivre sous cloche dans un Disneyland de pacotille est un bon moyen de conjurer ses angoisses. Et Angélique de rappeler une évidence trop souvent oubliée: le chocolat se mesure avant d'être une sucrerie à son degré d'amertume.

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Les Deux Anglaises et le continent

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1971)

Les Deux Anglaises et le continent

Un des quelques films de Francois TRUFFAUT que je n'avais jamais vu. Un film très littéraire, follement romantique et d'une grande richesse. Sans doute un nouvel autoportrait déguisé de Francois TRUFFAUT à travers son double, Jean-Pierre LEAUD qu'il dirigeait pour la première fois dans un rôle différent de celui de Antoine Doinel. Autoportrait déguisé aussi à travers l'oeuvre originale de Henri-Pierre Roché publiée en 1956 dont on aperçoit la couverture dans le générique, dont on entend des extraits en voix-off (celle de Francois TRUFFAUT lui-même) alors que son double de fiction, Claude Roc publie dans la même édition au cours du film un roman "l'histoire de Jérôme et de Julien" qui se réfère de façon assez transparente à "Jules et Jim" (1962) qui est aussi à la base un roman de ce même auteur. Les deux romans sont d'ailleurs liés par leur thème principal, celui du triangle amoureux. Mais dans "Les deux anglaises et le continent", ce sont deux soeurs qui sont amoureuses du même homme et le récit, initiatique, est centré sur leur éducation sentimentale et sexuelle. Autre différence majeure avec "Jules et Jim" (1962), l'histoire se déroule à la Belle Epoque et se divise en deux parties. La première qui se déroule en Angleterre ressemble à un roman du XIX° siècle. On se croirait presque chez les soeurs Brontë ou chez Jane Austen ou encore dans le dîner de Babette et d'autres romans contemporains évoquant le puritanisme. D'ailleurs Truffaut lui-même disait que l'histoire du film était celle d'un jeune Proust qui se serait épris de Charlotte et d'Emily Brontë. Sentiments comme transports y sont en effet retenus à l'extrême. Le moindre regard échangé étant alors considéré comme une invitation érotique, il n'est guère surprenant que Ann Brown (Kika MARKHAM) se révèle à travers une voilette ou ne reçoive le premier baiser qu'à travers les barreaux d'une chaise. Quant à sa soeur, Muriel (Stacey TENDETER), elle a la plupart du temps le regard dissimulé derrière des lunettes ou un bandage sous prétexte qu'elle est fragile des yeux. Une maladie que je soupçonne d'être psychosomatique au vu de ce que l'on découvre plus tard, à savoir qu'il s'agit d'un personnage déchiré entre ses pulsions sexuelles et sa culpabilité à les assouvir. Car la deuxième partie, par contraste avec la première se déroule pour l'essentiel à Paris où vont se rendre l'une puis l'autre des deux soeurs afin d'assouvir leur passion pour le jeune homme qui mène une vie de libertin. Néanmoins ce libertinage n'empêche pas Claude d'éprouver des sentiments profonds pour les deux jeunes filles. On est frappés par le respect qu'il leur porte et par son sens de l'écoute. Le jeu amoureux qu'Ann et lui mettent en place rappelle fortement "le mur de Jéricho" de "New York - Miami" (1933) et il ne tombe que lorsque Ann le décide. Même chose pour Muriel, Claude s'assure plusieurs fois de son consentement. Bref, le séducteur se révèle être aussi un gentleman très éloigné de la masculinité dominatrice et toxique qui a gangrené le monde du cinéma comme le reste de la société. Cette approche délicate met particulièrement bien en valeur la fragilité de Jean-Pierre LEAUD et la pudeur de Francois TRUFFAUT, notamment dans sa manière de filmer les étreintes charnelles. C'est pourquoi leurs amours ont beau être malheureuses, impossibles dans le cadre social qui est le leur, elles n'en restent pas moins belles et émouvantes, à l'image d'un film sublimé par sa mise en scène, sa photographie (signée Nestor ALMENDROS) et la musique de Georges DELERUE.

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Les Misères de l'aiguille

Publié le par Rosalie210

Armand Guerra, Raphaël Clamour (1913)

Les Misères de l'aiguille

Misères de l'aiguille ou mystères de l'aiguille? Il est bien difficile de suivre ce film de 1913. Celui-ci est privé d'intertitres, l'image est très dégradée au point d'être parfois aux deux-tiers illisible. Pour ne rien arranger, la fin du film est parasitée par des images venues d'un autre film qui n'a strictement rien à voir. En plus de ces problèmes que l'on peut qualifier de techniques, le peu d'informations que l'on arrive à saisir relève du plus lourd pathos avec une héroïne sur qui les malheurs pleuvent: on la voit rechercher du travail, se faire agresser sexuellement par un alias de Harvey Weinstein qui la renvoie quand elle le repousse puis s'échiner à la tâche à domicile pendant que son mari se meurt. Après avoir déposé au clou ses maigres biens, elle reçoit une mauvaise nouvelle (sans doute l'annonce de son expulsion) qui l'amène au bord du suicide. Heureusement une miraculeuse coopérative ouvrière vient la sauver. Car c'est l'objectif final du film (issu lui même d'une coopérative d'artistes venus du théâtre et du music-hall), faire la propagande d'une oeuvre sociale de charité. Bref rien d'intéressant sinon que l'héroïne, Louise est jouée par MUSIDORA dont c'était la première apparition à l'écran, le film étant réalisé par l'un de ses partenaires au théâtre du Châtelet, Raphael CLAMOUR.

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Un Peuple et son Roi

Publié le par Rosalie210

Pierre Schoeller (2018)

Un Peuple et son Roi

Il y a des éclairs de génie dans "Un peuple et son roi", à l'image de cette pierre de la Bastille qui tombe, faisant symboliquement entrer le soleil dans le quartier populaire du faubourg Saint-Antoine. Comme un mai 1968 avant la lettre ("Let the sun shine, let the sun shine in"). Dans le même esprit, il y a cette petite fille qui danse au milieu des plumes échappées des oreillers éventrés lors de l'assaut des Tuileries du 10 août 1792. Mais le problème, c'est que ces moments visionnaires ne parviennent pas à s'assembler pour former un tout cohérent et puissant qui nous emporte tout en nous éclairant sur une période historique riche et complexe. En effet, où que l'on se tourne, le film apparaît bancal. Sur le plan historique tout d'abord, le film s'intitule "Un peuple et son roi" mais il ne respecte pas le contrat en introduisant un troisième protagoniste: l'assemblée législative. Or cette assemblée, le film en escamote complètement les origines ce qui d'ailleurs explique que la prise de la Bastille soit évoquée sans être expliquée (attaquer un symbole de l'arbitraire royal oui mais pourquoi à ce moment là? Aller prendre de la poudre, oui mais dans quel but?) C'est ennuyeux parce que soit il ne fallait pas en parler du tout, soit il fallait au moins montrer qu'elle était issue d'un vote populaire et qu'elle représentait les aspirations populaires, au moins à ses débuts. Cela aurait permis de mieux comprendre le fossé croissant entre la bourgeoisie (bien représentée à l'assemblée) et les classes populaires (réduites au rang de spectateurs et privées du droit de vote) jusqu'à la rupture définitive de la fusillade du champ de Mars du 17 juillet 1791. Mais on s'éloignait sans doute trop du sujet. Autre problème majeur, l'escamotage quasi complet du clergé et de la noblesse, les ordres privilégiés qui tout autant que le roi étaient au coeur du pouvoir sous l'Ancien Régime. Dans le film de Pierre SCHOELLER, on a l'impression que le roi gouverne seul et qu'il est la seule cible des soulèvements populaires. Or le film escamote complètement la grande peur, jacquerie qui s'est répandue dans la majorité des campagnes françaises à la suite de la prise de la Bastille et a conduit à l'abolition des privilèges puis à l'adoption de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le versant sombre des émeutes populaires comme les massacres de septembre 1792 est également ignoré. De même que le rôle des soldats fédérés dans l'assaut des Tuileries. Il faut dire que les personnages issus du peuple sont à une exception près des artisans et ouvriers parisiens. Et l'exception, c'est un vagabond pas vraiment représentatif de la paysannerie française (et puis choisir Gaspard ULLIEL, ça fait très "Jacquou le croquant"). On a donc une vision de l'histoire abusivement simplifiée. Car sur le plan romanesque, ce n'est guère plus convaincant. Pierre SCHOELLER tente de relier petite et grande histoire en suivant toute une série de personnages, célèbres ou anonymes mais fatalement, il s'éparpille. Plus ennuyeux encore, il alterne des scènes qui se veulent épiques (mais qui manquent d'ampleur, faute de moyens?) et des joutes oratoires très statiques à l'assemblée. C'est dommage au regard de la qualité du casting (Olivier GOURMET est une fois de plus excellent tout comme Laurent LAFITTE dans le rôle d'un Louis XVI dépassé par les événements) et le réalisateur fait un effort louable pour mettre en avant le rôle des femmes (les lavandières jouées par Adele HAENEL et Izia HIGELIN). Mais il est noyé sous le poids d'une Histoire trop lourde pour ses frêles épaules.

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