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La Casaque verte (The Whip)

Publié le par Rosalie210

Maurice Tourneur (1917)

La Casaque verte (The Whip)

Il est très difficile d'évaluer ce film muet de Maurice Tourneur réalisé en 1917 tant il est tronqué et abîmé. Il manque des images dans chaque plan ce qui souvent entraîne des "jump-cuts" involontaires et des coupures son. Il manque le début, la fin et des séquences entières entre deux scènes. De plus la qualité de l'image est mauvaise.

Dans ces conditions, le film paraît assez incohérent et les personnages sont difficiles à suivre. Heureusement on arrive à saisir le fil directeur. Grosso modo il s'agit d'une succession de machinations ourdies par un couple d'intrigants manipulé par un bookmaker véreux pour nuire au propriétaire du cheval Whip et à sa fille Diana qui le monte. Leurs plans qui incluent les pires méthodes (corruption, production de faux documents, sabotages, chantage) sont assez outranciers mais personne ne semble deviner leur jeu ce qui rend l'intrigue assez peu crédible. La mise en scène est en revanche éblouissante passée les premières scènes assez statiques. La séquence de course-poursuite à suspense entre un train et une voiture qui cherche à le doubler pour sauver le wagon du cheval bloqué sur les voies fait penser à du D.W. Griffith avec une utilisation remarquable du montage alterné. Maurice Tourneur qui travaillait alors aux USA était d'ailleurs considéré comme son égal, à juste titre.

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Le Petit Lord Fauntleroy (Little Lord Fauntleroy)

Publié le par Rosalie210

Alfred E. Green et Jack Pickford (1921)

Le Petit Lord Fauntleroy (Little Lord Fauntleroy)

"Le petit Lord Fauntleroy" est le premier roman de littérature pour la jeunesse écrit par Frances Hodgson Burnett. Elle fait partie de tous ces auteurs et auteures qui construisent une littérature spécifiquement destinée aux enfants au XIX° siècle. "Le petit Lord" tout comme "Princesse Sara" acquit une renommée mondiale et durable, en témoigne ses nombreuses adaptations cinématographiques et télévisuelles (1914, 1921, 1936, 1974, 1980, la série animée japonaise de 1988, la version russe inédite en France de 2003).

Celle de 1921 (la deuxième donc) se caractérise par la performance d'actrice de Mary Pickford qui joue à la fois la mère de Cédric et Cédric grâce à des trucages et effets qui permettent aux deux personnages d'être réunis à l'écran et à Cédric de paraître plus petit que les adultes. Une fois de plus Mary Pickford est convaincante dans un rôle d'enfant de 10 ans (elle en a alors 29). De plus elle est travestie en garçon, poursuivant au cinéma une tradition bien ancrée dans le monde du théâtre depuis ses origines. Chez les grecs, les élisabéthains ou les japonais, le travestissement était lié à l'interdiction faite aux femmes de se produire sur scène. Mais à partir du moment où les deux sexes ont eu le droit de monter sur les planches, le travestissement a acquis un caractère plus ludique et transgressif. En endossant deux rôles, celui d'une mère conventionnelle douce et soumise et celui d'un jeune garçon androgyne libre et spontané, Mary Pickford ne fait finalement que traduire le dualisme de l'œuvre originale entre tradition (l'aristocratie de l'Angleterre victorienne) et modernité (les self-made-men de l'Amérique issus des classes populaires et moyennes: la marchande de pommes, M. Hobbes, Dick...) dont le mélange final fait encore l'attrait du livre. aujourd'hui. 

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Human Flow

Publié le par Rosalie210

Ai Weiwei (2017)

Human Flow

"Qui trop embrasse mal étreint": le film de Ai Weiwei en forme d'état des lieux mondial de la pire crise des réfugiés depuis la fin de la seconde guerre mondiale est éclaté, fourre-tout, décousu. Par conséquent, il a tendance en dépit de ses 2h20 à survoler ses sujets (au sens propre comme au figuré) voire à s'égarer dans le hors-sujet lorsqu'il traite par exemple de la question des murs et des frontières plutôt que celle des réfugiés. Certes les deux questions se recoupent mais par exemple les palestiniens des territoires occupés ne sont pas des réfugiés contrairement à ceux qui sont partis vivre dans les pays voisins. Or le documentaire s'attarde un moment sur la bande de Gaza dont la problématique n'est pas la même que celle des cohortes de migrants fuyant leur pays exangue ou au contraire à feu et à sang. Il en est de même lorsqu'il mélange les réfugiés politiques et les migrants économiques qui ne relèvent pas des mêmes flux d'immigration ni des mêmes procédures d'admission (dans le cas de la frontière américano-mexicaine par exemple).

Mais en dépit de ce manque de rigueur, il atteint quand même sa cible qui est d'alerter l'opinion publique des pays développés sur l'effroyable tragédie qui se joue à leurs portes. Comme l'explique Ai Weiwei, la procédure de demande d'asile qui fonctionnait bien en Europe lorsque les réfugiés étaient peu nombreux n'a pu faire face à leur afflux massif. La réaction de la plupart des pays qui a été de se barricader est une bombe à retardement qui nourrit les catastrophes de demain. Comme le rappelle le film, ceux qui choisissent de s'exiler ne le font pas de gaieté de cœur mais parce qu'ils n'ont pas le choix. La faim, la pauvreté, la guerre, les persécutions les contraignent à tout quitter pour tenter de sauver leur vie ou en trouver une meilleure ailleurs. Et pendant qu'ils croupissent dans des no man's land souvent dans des conditions indignes (les tentes détrempées alignées le long d'une gare à la frontière entre la Grèce et la Macédoine font frémir), leurs enfants grandissent privés de tout et notamment d'éducation. Un terreau idéal comme le rappelle le film pour toutes les formes d'exploitation y compris la radicalisation.  

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Les Pépites

Publié le par Rosalie210

Xavier de Lauzanne (2016)

Les Pépites

Ce documentaire est une véritable pépite, en effet. Non il ne s'agit pas d'un feelgood movie (expression que je déteste parce qu'elle impose un ressenti) ni d'un film larmoyant comme j'ai pu le lire ici et là. Et ce même si on voit des enfants exposer face caméra leurs blessures physiques et psychiques. Cette prise de parole fait partie du processus de résilience dont le film se fait le témoin.

Car sa grande force est de relier le passé au présent et l'individuel à l'histoire collective à l'aide d'archives photographiques et filmées. En cela je rejoins la critique des Inrocks pour qui le film dépasse l'enregistrement d'une histoire édifiante pour devenir un vrai film de cinéma. Les pépites ce sont aussi bien les bienfaiteurs que leurs protégés. Ils sont reliés par une même histoire de destruction et de reconstruction. Christian De Pallières a vu le château familial partir en fumée à la fin de la seconde guerre mondiale alors qu'il était enfant. Déraciné, il a pris la route avec sa famille jusqu'au moment de sa retraite en 1996 où il s'est fixé au Cambodge. A cette époque, le pays subissait encore les effets dévastateurs de la dictature Khmer Rouge qui entre 1975 et 1979 avait décimé le pays et pulvérisé ses structures sociales et familiales. Au point que le traumatisme a été transmis à la génération suivante sous forme de carences et de maltraitances de toutes sortes. La décharge de Phnom Penh où le couple de retraités découvre des milliers d'enfants tentant de survivre dans la crasse et la puanteur est le fruit de cette histoire monstrueuse.

L'intelligence des De Pallières est d'avoir évité l'écueil du paternalisme à relents néo-colonialistes et ce en dépit du fait qu'ils sont devenus les Papy et Mamy de tous ces enfants (ils en ont d'ailleurs adopté). Ils ont joué le rôle de tuteur de résilience en se mettant à l'écoute de leurs besoins: un repas, une douche, un uniforme, une instruction et un refuge pour les plus maltraités d'entre eux. Mais surtout ils ont donné beaucoup d'amour. On est frappé par le contraste entre les enfants en grande souffrance et les adultes autonomes et construits qu'ils sont devenus. D'autant plus que les De Pallières ont été jusqu'au bout de leur mission de passeur en développant la formation professionnelle au sein du centre qu'ils ont construit et qu'ils ont légué à certains de leurs anciens protégés pour qu'ils poursuivent leur travail auprès des plus déshérités.

Symboliquement, plusieurs scènes montrent les anciens enfants chiffonniers devenus gérants du centre et les De Pallières se promenant sur le site de la décharge désormais fermé. Un lieu en voie de cicatrisation avec par dessus sa pollution une pellicule de verdure rappelant que la nature reprend toujours ses droits, même quand elle a été profondément abîmée. Un dessin d'enfant clôture le film de la même façon. Il montre deux moitiés d'une jeune fille, celle d'avant et celle d'après.

Ce documentaire est une véritable pépite, en effet. Non il ne s'agit pas d'un feelgood movie (expression que je déteste parce qu'elle impose un ressenti) ni d'un film larmoyant comme j'ai pu le lire ici et là. Et ce même si on voit des enfants exposer face caméra leurs blessures physiques et psychiques. Cette prise de parole fait partie du processus de résilience dont le film se fait le témoin.

Car sa grande force est de relier le passé au présent et l'individuel à l'histoire collective à l'aide d'archives photographiques et filmées. En cela je rejoins la critique des Inrocks pour qui le film dépasse l'enregistrement d'une histoire édifiante pour devenir un vrai film de cinéma. Les pépites ce sont aussi bien les bienfaiteurs que leurs protégés. Ils sont reliés par une même histoire de destruction et de reconstruction. Christian De Pallières a vu le château familial partir en fumée à la fin de la seconde guerre mondiale alors qu'il était enfant. Déraciné, il a pris la route avec sa famille jusqu'au moment de sa retraite en 1996 où il s'est fixé au Cambodge. A cette époque, le pays subissait encore les effets dévastateurs de la dictature Khmer Rouge qui entre 1975 et 1979 avait décimé le pays et pulvérisé ses structures sociales et familiales. Au point que le traumatisme a été transmis à la génération suivante sous forme de carences et de maltraitances de toutes sortes. La décharge de Phnom Penh où le couple de retraités découvre des milliers d'enfants tentant de survivre dans la crasse et la puanteur est le fruit de cette histoire monstrueuse.

L'intelligence des De Pallières est d'avoir évité l'écueil du paternalisme à relents néo-colonialistes et ce en dépit du fait qu'ils sont devenus les Papy et Mamy de tous ces enfants (ils en ont d'ailleurs adopté). Ils ont joué le rôle de tuteur de résilience en se mettant à l'écoute de leurs besoins: un repas, une douche, un uniforme, une instruction et un refuge pour les plus maltraités d'entre eux. Mais surtout ils ont donné beaucoup d'amour. On est frappé par le contraste entre les enfants en grande souffrance et les adultes autonomes et construits qu'ils sont devenus. D'autant plus que les De Pallières ont été jusqu'au bout de leur mission de passeur en développant la formation professionnelle au sein du centre qu'ils ont construit et qu'ils ont légué à certains de leurs anciens protégés pour qu'ils poursuivent leur travail auprès des plus déshérités.

Symboliquement, plusieurs scènes montrent les anciens enfants chiffonniers devenus gérants du centre et les De Pallières se promenant sur le site de la décharge désormais fermé. Un lieu en voie de cicatrisation avec par dessus sa pollution une pellicule de verdure rappelant que la nature reprend toujours ses droits, même quand elle a été profondément abîmée. Un dessin d'enfant clôture le film de la même façon. Il montre deux moitiés d'une jeune fille, celle d'avant et celle d'après.

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Eyes Wide Shut

Publié le par Rosalie210

Stanley Kubrick (1999)

Eyes Wide Shut

Dernier film de Kubrick fidèlement adapté d'un roman d'Arthur Schnitzler "Rien qu'un rêve", "Eyes Wide Shut" est une oeuvre magistrale sur la pulsion érotique et son dévoiement par les élites sociales qui en ont fait un instrument de pouvoir.

"Eyes Wide Shut" ("Les yeux grands fermés") est construit sur une série de dualités en constante interactions. La première de ces dualités est évidemment sociale. Il y a deux mondes dans "Eyes Wide Shut": celui de l'arc-en-ciel et ses lumières multicolores qui symbolise la masse. Et celui de l'élite décadente, une petite société secrète se livrant à des rituels occultes sataniques. Bill et Alice Hartford (Tom Cruise et Nicole Kidman) bien qu'aisés appartiennent au premier monde mais ils sont inexorablement attirés par le second. Chacun d'eux rêve de transgresser les limites pour y pénétrer. "Bill" utilise son fric et son insigne pour se frayer un passage sans jamais parvenir à faire illusion (il est démasqué à la soirée parce qu'il est venu en taxi alors que les grands de ce monde se déplacent en limousine). Quant à "Alice", elle regarde un peu trop du côté du miroir. Les tentateurs et tentatrices qu'ils rencontrent au bal organisé par l'un des riches clients de Bill, Ziegler (joué par Sydney Pollack) leur promettent le 7eme ciel qui se trouve non "Under the Rainbow" mais "Over the Rainbow".

Mais comme chaque réalité est porteuse de son contraire, on suit la nage en eaux troubles de ce couple entre des dualités aux limites de plus en plus poreuses. Le rêve et la réalité s'entremêlent, le présent côtoie le passé (la valse de Vienne 1900, la Renaissance vénitienne), le mariage monogame subit les assauts de la débauche anonyme, les masques s'allient avec la nudité comme la lumière avec l'obscurité et le mensonge avec la vérité. Chaque proposition sexuelle que reçoit Bill possède un pendant morbide qui prend la forme d'un cadavre, du VIH ou d'une overdose. Car la dualité majeure du film est bien entendu celle d'Eros et de Thanatos. L'orgie satanique et ses incantations inversées est une représentation frappante de l'anti-ciel qui exploite et détruit la pulsion sexuelle à des fins mercantiles. On est fasciné par l'impression de vertige qui se dégage de la mise en scène et notamment tous ces travelling labyrinthiques qui ne semblent jamais finir. Même si Bill et Alice finissent par se retrouver non seulement "lucky to be alive" mais chauffés à blanc par leur plongée dans la dialectique du désir.

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L'Oiseau bleu (The Blue Bird)

Publié le par Rosalie210

Maurice Tourneur (1918)

L'Oiseau bleu (The Blue Bird)

Maurice Maeterlinck est une figure de proue du mouvement symboliste de la fin du XIXeme siècle et du début du XXeme siècle. Outre le livret de sa célèbre pièce "Pelléas et Mélisande" mise en musique par Debussy, il est internationalement connu pour "L'Oiseau bleu", une pièce de théâtre pour enfants qui fut transposée à l'écran dès 1910. Le film de Maurice Tourneur date de 1918. C'est sans doute la version la plus réussie de cette œuvre onirique et animiste que l'on compare souvent à "Alice au pays des merveilles" ou au "Magicien d'Oz" avec une touche de Dickens et de Grimm en plus.

Il n'y a pas vraiment d'intrigue dans "L'Oiseau bleu". Il s'agit d'un voyage imaginaire effectué par deux enfants de bûcheron, Tyltyl et Mytyl à la recherche d'un oiseau bleu capable de rendre la santé à la fille de leur voisine. Après avoir traversé le miroir (sous forme d'un diamant qu'il faut tourner), ils découvrent l'âme qui se cache dans les objets et animaux familiers de leur maison. Un passage qui fait penser aux gluons de la géniale série des années 80 "Téléchat". Avec eux, ils se rendent au pays du souvenir où ils retrouvent leurs grands-parents et leurs frères et sœurs, au palais de la nuit où se cachent les pires tourments, au jardin des bonheurs simples de la vie, dans la forêt et au pays de l'avenir des enfants pas encore nés où ils découvrent leur futur petit frère.

Pour traduire l'atmosphère de cet univers, Tourneur et son équipe utilisent tous les moyens que leur offre le cinéma en matière de lumières, de trucages, de montages pour un résultat visuellement splendide. Certaines séquences s'inspirent du théâtre d'ombres chinoises, d'autres des ballets russes, d'autres encore ressemblent à des tableaux avec l'usage du cadre dans le cadre. Hélas la pellicule est abîmée par endroits, altérant certaines images.

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Tous au Larzac

Publié le par Rosalie210

Christian Rouaud (2011)

Tous au Larzac

Avant Notre Dame des Landes il y a eu le Larzac. Deux luttes décalées dans le temps mais qui ont la même origine. La France des 30 glorieuses est aussi celle de l'aménagement du territoire. Au nom d'une supposée modernité, les grands projets mégalo fleurissent, imposés de façon autoritaire par un Etat ultra-centralisé. La mode est au béton, aux bagnoles et au nucléaire, support de la politique de grandeur voulue par le général de Gaulle. Son dauphin, George Pompidou lui succède en 1969 et continue dans la même voie. C'est dans ce contexte que le secrétaire d'Etat du ministre de la Défense annonce en 1971 l'extension du camp militaire du Larzac de 3000 à 17 000 hectares:

« Qu'on le veuille ou non, la richesse agricole potentielle du Larzac est quand même extrêmement faible. Donc je pense qu'il était logique de considérer que l'extension du Larzac ne présentait que le minimum d'inconvénients. Alors la contrepartie c'est le fait qu'il y a quand même quelques paysans, pas beaucoup, qui élevaient vaguement quelques moutons, en vivant plus ou moins moyenâgeusement, et qu'il est nécessaire d'exproprier. »

Ce discours que l'on entend dans le documentaire de Christian Rouaud révèle l'unilatéralisme d'une décision prise d'en haut et le mépris dans lequel l'Etat tient les paysans. Des manières qui ne sont pas sans rappeler celles de la colonisation algérienne où les indigènes avaient été chassés sans ménagement de leurs terres par l'Etat pour qu'elles soient réattribuées aux colons. Et de fait, le documentaire s'ouvre sur le témoignage d'un paysan qui se décrit lui-même comme un "indigène." Un paysan qui se décrivait avant la lutte selon les clichés qui collent au monde de la terre: peu éduqué, conservateur, catholique, individualiste. Mais qui face à l'adversité va faire à retardement sa "révolution soixante-huitarde" suivant en cela les traces de ceux qui avaient participé à la Résistance pendant la seconde guerre mondiale.

En effet face à la toute-puissance de l'Etat et à son bras armé qui les harcèle, les paysans concernés par l'expropriation vont entrer en résistance. Qu'ils soient de souche (les "pur porc") ou fraîchement installés , ils vont s'unir en signant le "pacte des 103" fermiers qui s'engagent à ne jamais céder leur terre à l'armée quel qu'en soit le prix. Mieux encore, ils vont être rejoints par une ribambelle de soutiens à priori aux antipodes d'eux et avec lesquels ils vont apprendre à cohabiter: maoïstes, hippies, écologistes, objecteurs de conscience. En s'ouvrant au monde, le Larzac devient ainsi à la fois le Woodstock français (l'affiche du film fait penser à un détournement de celle de "Full Metal Jacket" avec son mouton peace and love affublé d'un casque rempli de slogans) et le laboratoire de l'altermondialisme. José Bové est d'ailleurs un des leaders du mouvement avant d'aller démonter le McDo de Millau ou faucher le maïs OGM. Les zadistes de tous poils sont les héritiers des Larzaciens et sont d'ailleurs soutenus par une partie d'entre eux.

On est fasciné par la vitalité des témoignages de ces David qui durant 11 ans luttèrent contre Goliath avec détermination et inventivité. Ayant choisi la désobéissance civile non-violente à la manière de Gandhi, opposant la légitimité de leur combat à la légalité de l'Etat, ils multiplièrent les manifestations à Rodez et à Paris, le lâcher de brebis en pleine ville, les occupations illégales de fermes, la construction (illégale également) d'une bergerie, la publication d'un journal, l'achat de terres, l'infiltration dans le camp militaire pour détruire des documents relatifs à l'expropriation etc. Face à eux, l'armée sur la défensive semblait en état de siège alors que l'Etat tentait par tous les moyens de passer en force, de diviser le mouvement et de le pénaliser. En vain. 


 

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Peter's friends

Publié le par Rosalie210

Kenneth Branagh (1992)

Peter's friends

"On s'était dit rendez-vous dans 10 ans,
Même jour, même heure, même pomme,
On verra quand on aura 30 ans,
Sur les marches de la place des grands hommes."

Parmi tous les tubes des eighties qui parsèment "Peter's friends" celui-ci aurait eu parfaitement sa place bien qu'il ne soit pas anglo-saxon. Car voilà une bande-son tout sauf décorative, qui commente l'action et en souligne les enjeux. Le "You're my best friend" de Queen pour accompagner les retrouvailles d'une bande de trentenaires qui ne se sont pas vus depuis 10 ans et se retrouvent en 1992 ou le "Everybody wants to rule the world" de Tears for fears pour le générique qui égrène 10 ans de ravages du thatchérisme ou encore le "Girls want to have fun" de Cindy Lauper pour la croqueuse d'hommes qu'est Sarah, tous ces titres ancrés dans la mémoire collective nous plongent dans la nostalgie d'une période révolue faussement légère.

Car "Peter's friends", le troisième film de Kenneth Brangh est ce qu'on peut appeler une comédie mélancolique. Contrairement à l'avis de certains critiques, je ne pense pas que la mise en scène du film soit "sans originalité". Elle se distingue au contraire par sa fluidité et son rythme enlevé. Je l'ai dit dans un avis précédent, Branagh est un cinéaste énergique qui aime le mouvement. Cela lui permet de ne jamais se laisser enfermer dans des cases. Par un mouvement subtil de va et vient, ses personnages très typés et qui nous offrent leur lot de scènes comiques (la nymphomane, l'intello coincée, l'hystérique, l'alcoolique, la vedette névrosée...) se glissent hors du moule pour devenir tout simplement humains, notamment lors d'une séquence finale poignante qui rappelle que les années 80 strass et paillettes étaient aussi les années sida.

Beaucoup de films (britanniques ou non) ultérieurs essayeront de copier la recette du film choral de Branagh, certains avec succès comme le "4 mariages et un enterrement" de Mike Newell, sorti en 1994. Mais aucun ne parviendra à atteindre ce degré de subtilité. 

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Quelque part dans la nuit (Somewhere in the night)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1946)

Quelque part dans la nuit (Somewhere in the night)

"Quelque part dans la nuit", le deuxième film de Mankiewicz sorti en 1946 appartient au genre du film noir par son atmosphère nocturne (comme le titre l'annonce), les lieux de l'action, glauques, et son intrigue alambiquée (ce n'est pas le "Grand Sommeil" mais l'héroïne a quelque chose de Lauren Bacall par son look et ses attitudes).

Mais surtout "Quelque part dans la nuit" est déjà un film personnel. Il est construit autour d'un puzzle identitaire comme bon nombre des films ultérieurs de Mankiewicz. Sauf qu'ici, ce n'est pas un ou plusieurs tiers qui résolvent l'énigme. C'est le personnage principal qui se prend lui-même pour objet d'enquête. Amnésique à la suite d'une blessure de guerre, il part à la recherche d'un lui-même réduit à l'état de traces et dans lequel il ne se reconnaît pas. Le film s'ouvre alors sur une dimension plus intime et explore les thèmes de la renaissance, de la quête identitaire, du double et du libre-arbitre. Ayant failli mourir, le héros revient à la vie dans une nouvelle peau et sous un nouveau nom. Mais il est une coquille vide. Et ce qu'il découvre sur son passé lui fait horreur. Il revient sur les pas de celui qu'il a été et qui est bel et bien mort pour changer la nature de ses actes. On assiste ainsi au dédoublement du héros. Larry Cravat avait vendu son âme pour 2 millions de dollars et perdu sa femme, George Taylor remet l'argent à la police, livre tous ses complices et retombe amoureux d'une femme qui s'apparente à une sœur jumelle de celle qu'il a perdu. Si l'on file la métaphore du nom du héros (George "Tailleur" ou bien Larry "Cravate"), on peut dire qu'il effectue des retouches pour que sa vie s'adapte à sa nouvelle personnalité. On peut juste déplorer le manque de charisme de l'acteur qui interprète George Taylor/Larry Cravat cela limite la portée du film et c'est bien dommage.

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120 battements par minute

Publié le par Rosalie210

Robin Campillo (2017)

120 battements par minute

Les films français qui évoquent les années sida ("Les nuits fauves" de Cyril Collard en 1992,"Les témoins" d'André Téchiné en 2007 et dix ans après "120 battements par minute" de Robin Campillo) ont en commun un sentiment d'urgence qui poussent les personnages à vivre plus vite et plus fort que la normale. "120 battements par minute" réussit en prime l'exploit de traduire cette intensité dans sa sa mise en scène alors qu'il s'agit d'un film rétrospectif (ce que n'étaient pas "Les Nuits fauves", film-testament d'un réalisateur alors en phase terminale de la maladie et témoin direct de cette époque).

"120 battements par minute" choisit l'angle militant pour traiter son sujet. A une époque où le sida était encore tabou donc dissimulé et où les groupes les plus touchés (homosexuels, toxicomanes, prostitué(e)s, hémophiles) étaient stigmatisés ou sacrifiés sur l'autel de la "raison d'Etat" (le scandale du sang contaminé), l'association "Act-Up" décidait avec ses opérations coups de poing de jeter un maximum de pavés dans la mare pour être vue et entendue, quitte à verser dans l'outrance. Le film saisit avec une grande justesse le contraste saisissant entre les réunions compassées des pouvoirs publics et des laboratoires et l'énergie fiévreuse et enragée des militants qui leur balancent à la figure des cendres ou du (faux) sang. Il les montre également faisant de la prévention sauvage pour briser l'omerta dans les lycées. Le film est aussi une plongée immersive au cœur des réunions très animées de l'association et ses méthodes proches de la démocratie directe. Enfin il relie cet engagement collectif à des destins individuels. Le personnage le plus fascinant à cet égard est celui de Sean joué par l'extraordinaire acteur argentin Nahuel Perez Biscayart. Comme dans "Au Revoir Là-Haut" d'Albert Dupontel, il interprète un personnage sensible et révolté fauché en pleine jeunesse.

Agnès Varda (qui dans "Cléo de 5 à 7" filme un tableau d'Hans Baldung Grien intitulé "La jeune fille et la mort" dont s'est inspiré Cyril Collard pour "Les nuits fauves") disait que l'art en général et le cinéma en particulier traitaient des deux plus insondables mystères de l'humanité: celui du sexe et celui de la mort. "120 battements par minute" lie inextricablement Eros et Thanatos, des scènes intimes crues (pas seulement physiques mais aussi morales) à la mort qui rôde, l'un se nourrissant de l'autre et lui donnant son sens.

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