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Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

Publié par Rosalie210

Robert Stephens, Maggie Smith, Toby Stephens et Christopher Stephens en 1972

Robert Stephens, Maggie Smith, Toby Stephens et Christopher Stephens en 1972

Chapitre 3:

Le démon intérieur de Toby Rochester

" Une comédie sur la consommation d'alcool ["Trahisons" de Harold Pinter], en particulier lors d'une conversation avec un certain Robert ne peut qu'inévitablement faire ressurgir des fantômes pour le fils de Robert Stephens, acteur de théâtre d'une puissance saisissante qui a gâché son talent en raison d'une dépendance qui a fini par le tuer. (…) Je lui demande, si, en plus d'hériter de la physionomie et des talents de ses parents, il craint la présence en lui des gènes autodestructeurs de son père. Il soupire, fait une pause et s'y reprend à plusieurs fois avant de répondre: "Je pense avoir réglé le problème" (Mark Lawson, "Fils Prodigue", 31/05/2007).

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

La première fois que j'ai vu la mini-série "Jane Eyre" de Susanna White, j'ai ressenti une émotion profonde qui m'était familière en regardant jouer Toby Stephens. Lui-même me semblait vaguement familier, sans que je puisse immédiatement savoir pourquoi. Depuis, j'ai lu un grand nombre d'articles essayant de retrouver à travers lui les traits de son père (illustre en Angleterre) et de sa mère (illustre dans le monde entier, surtout depuis qu'elle a interprété Minerva McGonagall dans les films adaptés de la saga "Harry Potter"). Une problématique commune à tous les enfants d'acteurs célèbres mais compliquée par l'aliénation paternelle. Toby Stephens aurait pu faire sien le passage où dans le rôle de Rochester, il raconte l'histoire de sa femme folle, Bertha Mason " Sa mère avait fait plusieurs séjours dans un asile d'aliénés où elle se trouvait encore, victime d'une maladie mentale qui se transmettait comme une malédiction de génération en génération" (épisode 3).

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

Je devais avoir une vingtaine d'années quand j'ai découvert les comédies de Billy Wilder. Elles me sont rapidement devenues indispensables parce qu'elles étaient drôles, intelligentes et qu'elles donnaient de l'espoir. Et à cette période de ma vie, l'espoir était ce dont j'avais le plus besoin. Aussi lorsque le Champo, un cinéma du quartier latin mit à l'affiche "La vie privée de Sherlock Holmes", un film du cinéaste que je ne connaissais pas encore, je me précipitais pour le voir. Je n'en ressortis pas indemne. Le film que l'on peut considérer aujourd'hui comme le chef-d'oeuvre crépusculaire de Billy Wilder était le contraire de mes attentes, il distillait un profond désespoir, une mélancolie douloureuse, si authentique cependant qu'il me toucha profondément. Comme son titre l'indique, il sonde l'intériorité du célèbre personnage de fiction et révèle ses failles à base de sexualité réprimée et de toxicomanie. Ce que je ne savais pas à l'époque, c'est que le personnage et son interprète, Robert Stephens, ne faisaient qu'un, le miroir tendu à ce dernier par Billy Wilder et ses exigences maniaques sur le plateau provoquant chez lui une crise existentielle d'une telle gravité qu'il fit une tentative de suicide en plein tournage. Il a d'ailleurs rebaptisé le film (auquel il consacre un chapitre entier dans son autobiographie) "La malheureuse vie privée de Sherlock Holmes". Ce fut le point de départ d'un engrenage infernal d'autodestruction qui ruina sa carrière, sa vie personnelle, sa santé et écourta sa vie. 

Robert Stephens dans "La vie privée de Sherlock Holmes" (1970).

Robert Stephens dans "La vie privée de Sherlock Holmes" (1970).

Billy Wilder (on le comprend) ressortit traumatisé du tournage car il était persuadé que c'était parce qu'il avait poussé à bout Robert Stephens que celui-ci avait tenté de mettre fin à ses jours.

Billy Wilder (on le comprend) ressortit traumatisé du tournage car il était persuadé que c'était parce qu'il avait poussé à bout Robert Stephens que celui-ci avait tenté de mettre fin à ses jours.

Robert Stephens était incapable de regarder ses problèmes en face, il a passé sa vie à les fuir, à les enfouir, à les nier. Sa vie, qu'il a raconté dans une autobiographie "Le chevalier errant ou les mémoires d'un acteur vagabond" (1995, l'année de son décès) est une perpétuelle fuite en avant. Le titre parle de lui-même: Robert Stephens y insiste sur le fait qu'il n'a jamais réussi à se fixer, à avoir de maison et à se sentir chez lui quelque part, sinon peut-être sur les planches mais interpréter des rôles n'est-ce pas aussi une façon de s'évader de soi-même?

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

Le fait qu'il ait grandi dans un foyer toxique, non désiré (sa mère lui a raconté comment elle avait essayé de l'avorter elle-même avec un crochet et du gin p 3) et maltraité (" J'ai grandi sans argent, sans amour et sans perspectives", p 2) a sans doute joué un rôle fondamental dans son déracinement, son manque de confiance en lui, son besoin pathologique de reconnaissance, le développement de ses troubles maniaco-dépressifs et son incapacité à élever les enfants qu'il avait semé sur sa route, les abandonnant les uns après les autres quand ils étaient petits. Ce qui s'est avéré finalement être un moindre mal car lorsqu'il les a retrouvés à l'âge adulte, il leur a transmis sa propre toxicité. Il s'est ainsi posé en rival de Toby lorsqu'il est entré à la Royal Shakespeare Company en 1991 (son fils jouait également pour la RSC). Il jalousait son talent, déclenchant chez ce dernier un conflit de loyauté qui a certainement contribué à aggraver les deux grands problèmes qui se sont posés dans sa vie: l'aspect erratique de sa carrière et l'alcoolisme, tous deux directement hérités de son père.

 

Le come-back fracassant de Robert Stephens après 20 ans d'éclipse dans le rôle de Falstaff (Heny IV) en 1991 puis dans celui du roi Lear en 1993, toujours pour la RSC (deux ans plus tard, peu de temps avant sa mort qu'il ne voulait pas voir venir il était fait chevalier d'où le titre de son autobiographie).
Le come-back fracassant de Robert Stephens après 20 ans d'éclipse dans le rôle de Falstaff (Heny IV) en 1991 puis dans celui du roi Lear en 1993, toujours pour la RSC (deux ans plus tard, peu de temps avant sa mort qu'il ne voulait pas voir venir il était fait chevalier d'où le titre de son autobiographie).

Le come-back fracassant de Robert Stephens après 20 ans d'éclipse dans le rôle de Falstaff (Heny IV) en 1991 puis dans celui du roi Lear en 1993, toujours pour la RSC (deux ans plus tard, peu de temps avant sa mort qu'il ne voulait pas voir venir il était fait chevalier d'où le titre de son autobiographie).

Toby Stephens jouant Coriolan pour la RSC en 1994, l'une de ses plus grandes performances.
Toby Stephens jouant Coriolan pour la RSC en 1994, l'une de ses plus grandes performances.

Toby Stephens jouant Coriolan pour la RSC en 1994, l'une de ses plus grandes performances.

Vers l'âge de 16-17 ans, Robert Stephens a quitté le "foyer" familial pour se consacrer au théâtre qu'il avait découvert à l'école. Celle-ci ayant repéré son talent pour la récitation en vers (faculté dont Toby a également hérité), elle l'envoya exercer son élocution auprès d'un professeur qui jouait dans un théâtre amateur de Bristol, ville dont Robert était originaire. Puis il se mit à jouer et monter de petites pièces dans des clubs de théâtre. A cette occasion, il découvrit sa première drogue dure, le "cocktail létal de théâtre et de sexe." (p 10). D'après Toby (dans un article du Télégraph daté de 2009), sa faible estime de soi conjuguée à son besoin de se fuir dans des personnages plus grands que nature ainsi que l'ivresse d'être adulé de façon quasi instantanée par la profession et le public furent des facteurs déterminants dans sa dépendance au sexe. Coureur de jupons invétéré, Robert Stephens multiplia les liaisons tout en se mariant à quatre reprises (dont pour moitié dans le seul but de reconnaître un enfant). Lui-même décrit ses mariages comme une "extension de ses liaisons" (p 18). Pour mesurer l'ampleur de la pagaille de sa vie privée, il raconte comment, plus ou moins forcé par un "ami" à lui, il alla raconter ses infidélités à Maggie Smith (l'épouse numéro 3) parmi lesquelles se trouvait la propre secrétaire et accessoirement maîtresse de ce même "ami". Quant à l'épouse n°2, Tarn Bassett il la place sur le même plan que son grand ami, Jeremy Brett ("Tomber amoureux de Tarn et de Jeremy" p 17), là aussi une histoire compliquée.

La photo de mariage avec Tarn Bassett et Jeremy Brett comme témoin en 1956.

La photo de mariage avec Tarn Bassett et Jeremy Brett comme témoin en 1956.

Sa tentative de suicide ratée en 1970 qui entraîna le délitement de son mariage avec Maggie Smith, la longue traversée du désert de sa carrière et sa plongée dans l'alcool révéla qu'il souffrait d'une maladie mentale (les troubles maniaco dépressifs ou bipolaires, le film ayant sans doute servi de "détonateur"). Il fit plusieurs séjours en hôpital psychiatrique dont il ne sortait que pour aller se réfugier chez Jeremy Brett, acteur shakespearien comme lui et lui aussi atteint de troubles bipolaires (on pourrait aussi ajouter qu'ils sont morts presque au même âge et la même année). Jérémy Brett était à la fois le modèle et le jumeau de Robert Stephens. Quand celui-ci se compare à lui, il se décrit comme un vilain petit canard physiquement et socialement "J'étais un grand, brun et pas très beau jeune homme, je dirais que j'étais plutôt quelconque en fait. La personne qui pour moi incarnait la beauté masculine lorsque je le rencontrais à Manchester au début des années 50 était Jeremy Brett. Lui était un bel homme de premier plan, un gentleman, contrairement à moi (…) Je n'avais jamais rencontré personne d'aussi charmant, d'aussi élégant, d'aussi Etonien" (p 22). Le dernier mot est une allusion au prestigieux collège d'Eton, fréquenté par l'élite britannique, principalement son aristocratie. Robert Stephens était issu quant à lui de la classe ouvrière (la famille de son père travaillait sur les chaudières des bateaux de commerce du port de Bristol et celle de sa mère était dans le bâtiment). Robert et Jeremy se retrouvèrent à jouer respectivement Iago et Cassio dans "Othello" au début des années 50 où le second oublia de faire son entrée, obligeant le premier à laisser Othello seul sur scène (p 21) . C'est également dans le rôle d'Othello que Toby Stephens fit ses débuts au cinéma (dans "Orlando" de Sally Potter en 1992) et lui aussi "oublia" d'entrer en scène lors d'une représentation de "Britannicus" en 1999 parce qu'il s'était endormi, complètement saoul, laissant sa partenaire, Diana Rigg ( l'actrice de "Chapeau melon et bottes de cuir" et beaucoup plus récemment de "Games of Throne") seule sur scène. Ce fut d'ailleurs le déclencheur de sa prise de conscience que s'il ne faisait pas quelque chose pour régler son problème d'alcoolisme, cela allait le conduire tout droit dans la même déchéance physique et morale que celle de son père.

 

Diana Riggs (la mère, Agrippine) et Toby Stephens (le fils, Néron) dans Britannicus, mise en scène de Jonathan Kent (1999).

Diana Riggs (la mère, Agrippine) et Toby Stephens (le fils, Néron) dans Britannicus, mise en scène de Jonathan Kent (1999).

Robert Stephens a les mots d'un amoureux transi dès qu'il parle de Jérémy Brett et cela aurait pu l'aider à y voir plus clair dans son identité mais au contraire, il met toute son énergie dans son autobiographie à démentir les rumeurs de relation homosexuelle les visant, lui et Brett, ajoutant que l'idée lui faisait "horreur" (p 118, juste après avoir dit à quel point Jérémy était "immensément attirant", c'est juste à mourir de rire si ce n'était pas si pathétique). Il faut dire que Brett était bisexuel et qu'il cachait ses liaisons homosexuelles qui n'ont été révélées qu'assez tardivement** . Evidemment Robert Stephens n'en parle jamais. En revanche il précise que Maggie Smith le détestait, on se demande pourquoi ^^ (p 117). On retrouve ainsi toute la problématique de "La vie privée de Sherlock Holmes" avec un détective fondamentalement impuissant devant les femmes et gay refoulé avec Watson (il y a une séquence tordante dans le film où se dernier se retrouve à danser avec des hommes au fur et à mesure que la rumeur de son orientation sexuelle supposée se répand). Evidemment, Jérémy Brett a également interprété le célèbre détective ("nous sommes deux frères jumeaux, nés sous le signe des gémeaux" ^^^^^) mais dans des séries et téléfilms de 1984 à 1994.

Jane Erre, chapitre 3: Robert Stephens et son fils, Toby Stephens

La relation entre Robert Stephens et Maggie Smith telle qu'il la décrit est également riche d'enseignements, même si c'est à son corps défendant, Robert n'étant pas plus lucide envers elle qu'en ce qui concerne Jérémy Brett. Il est assez évident que c'est sa vanité et en particulier son besoin dévorant de reconnaissance qui l'a poussé vers elle qui était déjà une star lorsqu'il fit sa connaissance en 1963 lors d'une répétition. Il trompait déjà copieusement sa seconde femme Tarn qui avait fini par l'ennuyer (il a avoué avoir été infidèle au moins 20 fois pour chacun de ses mariages mais à mon avis c'est beaucoup plus ^^). Et ce qui me paraît très amusant, c'est qu'il décrit Maggie Smith comme une sorcière (et une "vipère") l'ayant ensorcelé avec son charme, son talent et son intelligence acérée (p 66). Il insiste beaucoup sur le fait qu'il avait reçu des dizaines d'avertissements visant à tenter de le dissuader de s'engager dans cette relation. L'un des assistants sur le plateau lui avait dit "Fais gaffe, elle boit comme un poisson et elle jure comme un charretier". Et son mentor, Laurence Olivier (alias "Larry") lui avait recommandé d'éviter les "sang-mêlées".*** (p 67) Là encore ça serait comique si ça n'était pas si pathétique. D'abord parce que cela montre si besoin était combien Robert Stephens était aveugle quant au rapport qu'il avait à l'alcool (ce que Toby a ensuite confirmé en disant qu'il ne supportait pas d'être considéré comme un alcoolique et ajoutant "alors qu'il l'était, au même titre que moi, en ce sens qu'il n'avait aucun contrôle sur sa consommation d'alcool" toujours dans l'article du Télégraph en 2009.) Ensuite parce que Laurence Olivier, qu'il idolâtrait, avait en réalité tout fait, le considérant comme un dangereux concurrent, pour l'empêcher d'accéder aux plus grands rôles shakespeariens ce qui avait contribué à saper sa fragile confiance en lui et à le faire boire (rôles auxquels il accéda finalement 30 ans après). De plus la personne qui souffrait de troubles bipolaires (maladie qu'Olivier associait implicitement au métissage) *** était Robert et non Maggie. Enfin parce que cela révélait en creux combien il rejetait sa nature féminine (il reconnaissait cependant qu'il avait un problème d'identité), ayant choisi précisément une femme extrêmement virile qu'il jalousait et redoutait autant qu'il l'admirait. Il y a un passage extrêmement délectable dans son autobiographie où il raconte qu'alors que lui-même n'avait jamais appris à conduire, Maggie Smith était une experte en la matière. Alors que leur couple se déchirait, elle avait en croisant une femme qu'elle savait être l'une de ses maîtresses menacé de l'écraser avec sa voiture, plaisantant seulement à moitié (p 118). Ce n'était pas vraiment le genre victime qui s'effondre en pleurs ^^.

"Le couple qui tue" en 1970. Maggie Smith et Robert Stephens ont joué ensemble de multiples fois au théâtre (j'ai choisi "Beaucoup de bruit pour rien" parce que j'adore cette pièce et que Robert Stephens a joué plus tard dans le premier film de Kenneth Branagh "Henry V")...

"Le couple qui tue" en 1970. Maggie Smith et Robert Stephens ont joué ensemble de multiples fois au théâtre (j'ai choisi "Beaucoup de bruit pour rien" parce que j'adore cette pièce et que Robert Stephens a joué plus tard dans le premier film de Kenneth Branagh "Henry V")...

...Et aussi au cinéma, notamment dans "Les belles années de miss Brodie" de Ronald Neame (1969)

...Et aussi au cinéma, notamment dans "Les belles années de miss Brodie" de Ronald Neame (1969)

Le travail qui n'avait pas été fait par le père est par conséquent retombé sur les épaules de la génération suivante et plus précisément, sur celles de Toby. Christopher et Toby ayant été élevés par leur beau-père, Beverly Cross, premier amour et second mari de Maggie Smith (elle l'avait épousé quelques mois après son divorce d'avec Robert Stephens en 1975), c'est lui qu'ils considéraient comme leur père, appelant leur géniteur (qu'ils n'ont que très peu revu avant la fin de leur adolescence) par son prénom, Robert. Tous deux sont devenus acteurs comme leurs parents mais ont pris des directions opposées. Christopher, l'aîné (né en 1967) a en effet choisi un nom de scène différent de celui de son père (Chris Larkin). Alors que le cadet, Toby (né deux ans plus tard, en 1969) a fait l'inverse, non seulement en conservant le nom de son père mais aussi son surnom, très proche de son prénom (quand il était petit, Robert était surnommé "Tubby" Stephens parce qu'il était rondouillard, p 2). Des deux frères, Toby était celui qui demandait ouvertement où était passé son père et s'il était mort (p 123). Il lui a fallu faire un travail sur lui-même pour admettre qu'il n'était pas la même personne que son père (même s'il n'a jamais eu ses angoisses identitaires, sachant beaucoup mieux gérer que lui sa nature hybride masculine/féminine), même s'il avait hérité d'un certain nombre de ses dispositions (bonnes et mauvaises). Il lui a fallu gérer le fait de vivre dans l'ombre de ses célèbres parents (il a d'ailleurs tiré les leçons de leur union orageuse et médiatisée en vivant une vie personnelle discrète et sans histoires) et d'être sans cesse comparé à eux, d'avoir une carrière imprévisible, inégale, marquée par beaucoup de désillusions, génératrice d'angoisses qui furent à l'origine de ses problèmes d'alcool. Après son "absence" dans "Britannicus" et d'autres histoires du même genre où il oubliait de plus en plus ses répliques voire le scénario, n'arrivait pas à se réveiller, avait le teint brouillé et le visage bouffi, il prit au début des années 2000, plus de dix ans après avoir commencé à boire la seule décision qui pouvait lui permettre de reprendre le contrôle de sa vie: ne plus avaler une seule goutte d'alcool et s'y tenir, même si le cerveau lui n'oublie jamais*.

*Ayant décidé en avril 2005 d'arrêter de fumer (je n'ai jamais beaucoup fumé mais mon cerveau réclamait sa dose quotidienne de manière obsessionnelle et je détestais cette sensation de dépendance) et n'ayant jamais touché depuis à une seule cigarette, je peux néanmoins dire qu'à intervalles réguliers, je rêve que je reprends et la dernière fois est toute récente et est évidemment liée au fait de m'être plongée dans l'histoire des Stephens. On ne se débarrasse jamais de ses addictions, on apprend juste à vivre avec.

** L'homosexualité n'a été dépénalisée en Angleterre qu'en 1967. Beaucoup d'entre eux avaient donc une double vie et une double identité. Un autre ami proche de Robert Stephens, le dramaturge John Osborne, marié cinq fois, grand buveur et diabétique comme lui affichait une misogynie et une homophobie virulente en public. Après sa mort en 1994, un de ses collaborateurs a révélé, lettres à l'appui la longue relation qu'il avait eu avec lui ce qui a plongé son entourage dans l'incrédulité et la stupéfaction (y compris Robert Stephens évidemment puisque cela ébranlait l'édifice de son propre déni.)

*** Laurence Olivier avait alors quitté Vivien Leigh avec laquelle il avait vécu un enfer (elle souffrait elle aussi de troubles bipolaires avec les mêmes addictions que Robert Stephens). Il avait dû associer sa maladie au fait qu'elle était métissée (elle avait du sang indien dans les veines) alors qu'aujourd'hui encore le débat sur les origines de cette maladie n'est pas tranché, le plus probable étant un mélange d'inné (vulnérabilité polygénétique) et d'acquis (l'absorption d'alcool durant la grossesse et la maltraitance infantile sont deux facteurs déterminants et Robert Stephens cochait les deux cases). Maggie Smith est quant à elle mi-anglaise, mi-écossaise.