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Pierrot le Fou

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1965)

Pierrot le Fou

En hommage à Jean-Paul Belmondo, j'ai eu envie de revoir enfin "Pierrot le Fou". Enfin car cela faisait plusieurs décennies que je ne l'avait pas revu. Liste d'impressions, non exhaustive (mais comment l'être avec ce film foisonnant qui fourmille d'idées, d'images, de citations...):

- De la première vision du film quand j'étais enfant, il ne m'est resté qu'un seul souvenir: les couleurs primaires.  Le bleu, le rouge, le jaune. J'avais l'impression que Pierrot-Ferdinand juste avant de se faire exploser était devenu un indien. Avec une peinture de guerre, des plumes (les bâtons de dynamite) et que le feu de l'explosion servait à lancer des signaux. Pas étonnant que ce soit la seule scène qui me soit restée en mémoire. La picturalité du film est telle qu'il est impossible de ne pas en conserver une trace.

- A la deuxième vision, j'ai remarqué d'abord la présence de Samuel Fuller qui vient apporter un vent cinématographique venu d'outre-atlantique. Comme il le fera quelques années plus tard dans "L'Ami américain" de Wim Wenders. Deux films qui ont pour personnage principal un homme qui ne supporte plus sa vie conformiste étriquée et qui envoie tout balader pour goûter enfin à la liberté "bigger than life" imprégnée de film noir (gangsters, femme fatale, issue fatale, tueurs à gages se retrouvent dans l'un ou l'autre de ces films ou les deux) mais aussi de road-movie, autre genre associé à l'Amérique dont Wenders a réalisé l'un des plus beaux fleurons. Même si la cavale de Pierrot-Ferdinand et de Marianne (Anna Karina) ressemble bien davantage à celle de "Bonnie et Clyde" qu'à celle de "Paris-Texas".

- Pourtant il y a aussi du contemplatif dans "Pierrot le Fou". Entre deux scènes de cavale effrénées (que Luc Lagier de "Blow Up" associe à "Sailor et Lula" de David Lynch ce qui est d'autant plus pertinent qu'il utilise un code couleur et des filtres assez semblables), Jean-Luc Godard fait respirer ses personnages dans ce qui s'apparente à "la possibilité d'une île" façon Paul et Virginie, On y dort sur la plage, on y apprivoise un perroquet, on y chante mais on s'y ennuie aussi beaucoup "Qu'est ce que je peux faire? Je ne sais pas quoi faire" entre autre phrases cultes reprise comme on le découvre dans "Blow Up" jusque dans un épisode de Tchoupi!

- Et puis il y a la poésie et la littérature, omniprésentes, du "Voyage au bout de la nuit" qui a baptisé "Ferdinand" à la "saison en Enfer" d'un certain Arthur Rimbaud, l'homme aux semelles de vent qui a toujours pensé que la vraie vie était ailleurs... au cinéma par exemple, même s'il n'existait pas à son époque. Autre amoureux des mots mais bien vivant celui-là en 1965, Raymond Devos qui le temps d'une séquence vient croiser le verbe avec Pierrot-Ferdinand.

- Le contexte politique s'invite aussi régulièrement dans le film, rappelant que si les personnages mènent une vie dangereuse, ils sont plongés dans une époque qui ne l'est pas moins, entre la guerre d'Algérie (le tag "OASis") et la guerre du Vietnam (rejouée par des acteurs qui brisent à plusieurs reprises le quatrième mur en s'adressant au spectateur, comme dans "A bout de Souffle").

-Mais le plus grand miracle de "Pierrot le Fou", c'est qu'un tel collage d'éléments hétérogènes ne cherchant absolument pas à dissimuler ses coutures (montage heurté, désynchronisation image-son etc.) aboutisse à un tout aussi cohérent!

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Le Signe du Lion

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1959)

Le Signe du Lion

Contrairement à ses compatriotes des "Cahiers du cinéma", François Truffaut et Jean-Luc Godard* qui firent une entrée "fracassante" sur la scène du septième art avec leur premier long-métrage (respectivement Prix de la mise en scène à Cannes et Ours d'argent à Berlin et aujourd'hui devenus de grands classiques incontournables du cinéma français), celui d'Eric Rohmer tourné la même année ne sortit sur les écrans que trois ans plus tard, dans une version écourtée et ne connut pas la même gloire. Aujourd'hui encore il reste méconnu. Bien à tort selon moi. "Le Signe du Lion" est même l'un de mes films préférés d'Eric Rohmer. Il contient en germe toute son oeuvre ou plutôt tout l'ADN de son oeuvre à venir, bien loin de l'idée que beaucoup s'en font. On y retrouve les notions de hasard et de destin mais aussi les illusions que l'on se fait sur soi-même et l'épreuve qu'implique le fait de s'y confronter. Cette épreuve qui prend la plupart du temps la forme d'une errance (physique et/ou intellectuelle et spirituelle) aboutit à l'émergence d'un "autre soi". Evidemment cette possibilité fait peur et nombre de personnages préfèrent retourner dans le giron d'une identité factice mais qu'ils maîtrisent. Dans le cas du "Signe du Lion", Pierre, un musicien américain fréquentant le milieu germanopratin se retrouve du jour au lendemain sans le sou, à la rue et totalement seul pour avoir eu le tort de vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Avec beaucoup de sensibilité et un certain naturalisme**, Eric Rohmer filme sa douloureuse métamorphose en SDF arpentant du matin au soir et du soir au matin les rues de la capitale désertée et brûlante à la recherche d'une aide qui sonne aux abonnés absents. Avec sa déchéance, il découvre l'aspect factice du monde dans lequel il a vécu, la seule personne lui tendant la main étant justement celle qui est le plus méprisée par ce milieu de mondains. Facticité encore plus soulignée par le fait qu'il suffit que Pierre retrouve à la faveur de l'un de ces coups du destin improbables dont Rohmer a le secret toute la fortune qu'il croyait avoir perdue pour qu'en un instant il redevienne le roi de ce milieu et jette son seul véritable ami aux oubliettes. Bien que n'en faisant pas officiellement partie, "La Signe du Lion" préfigure déjà les six contes moraux des années 60 et 70.

* Jean-Luc Godard fait d'ailleurs une furtive apparition au début du film de Eric Rohmer.

** La déchéance physique et morale du personnage est soulignée par de multiples petits détails: la marche de plus en plus lourde, le regard qui devient hagard sous l'effet de la chaleur et de la fatigue, la faim qui tenaille les tripes et pousse à faire les poubelles ou chaparder, les chaussures et chaussettes qui se trouent, la saleté qui se répand sur ses vêtements etc.

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Le Testament d'Orphée

Publié le par Rosalie210

Jean Cocteau (1959)

Le Testament d'Orphée

Mort et résurrection du poète. Frappé par une balle, le poète Jean Cocteau rebondit dans un autre temps. Vie et mort, présent et futur, monstres et imagination, angoisses et fantasmes, c'est le Testament du poète cinéaste, sa biographie sans aucun souci de chronologie." La fin de cette citation me fait sourire car dire que le film ne se soucie pas de la chronologie est une manière élégante d'évoquer son aspect complètement décousu dans lequel Jean Cocteau se met en scène au milieu des personnages de son film "Orphée" qui viennent l'aider à traverser les murs (Cégeste alias Edouard Dermit aux liens étroits avec le cinéaste) quand ils n'improvisent pas un procès abscons (La Princesse alias Maria Casarès et Heurtebise alias François Périer). Sauf que désormais Orphée, c'est lui-même, Jean Marais son "alter ego" étant devenu Oedipe. Et tant qu'à parler de mythologie grecque, on croise aussi Athéna et le Sphinx ainsi que quelques créatures hippocéphales. Cependant, Jean Cocteau au cours de cette promenade au sein de son propre imaginaire n'oublie pas l'époque dans laquelle il vit. Des amis artistes viennent lui faire un petit coucou (Pablo Picasso, Charles Aznavour, Daniel Gélin, Jean-Pierre Léaud, Yul Brynner). On retrouve aussi pas mal de ses obsessions formelles et esthétiques, des trucages artisanaux (le montage à l'envers, le ralenti) aux bellâtres s'ébattant dans tous les coins de l'image. Il est d'ailleurs révélateur que le seul personnage du film "Orphée" qui ne revienne pas soit Eurydice tant celle-ci était maltraitée dans "Orphée", celui-ci n'ayant qu'une idée en tête, s'en débarrasser. Et bien s'est chose faite! Dans tout autre contexte que celui du testament d'un homme qui se savait condamné, cet exercice de style aurait paru outrageusement narcissique. Mais en dépit de ses défauts, il faut reconnaître que c'est une manière élégante et poétique de tirer sa révérence.

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Danse avec les loups (Dance with Wolves)

Publié le par Rosalie210

Kevin Costner (1990)

Danse avec les loups (Dance with Wolves)

"Danse avec les loups" s'inscrit dans la lignée des westerns révisionnistes qui depuis les années cinquante n'ont cessé de réécrire l'histoire de la conquête de l'ouest dans un sens de moins en moins pro-occidental, de moins en moins manichéen (et raciste) et donc de plus en plus proche de la vérité historique. C'est d'ailleurs ce qu'un excellent numéro de l'émission Blow-Up consacré à l'histoire des indiens au cinéma démontre brillamment. Alors qu'on aurait pu croire que le film avait vieilli (c'était ce qui d'ailleurs ne me donnait pas envie de le revoir) avec son plaidoyer pacifiste pour la tolérance et la fraternité entre les peuples façon "united colors of Benetton", il dépasse largement le niveau du discours politiquement correct avec une vision d'ensemble dont la cohérence m'a frappé et qui rend le film plus actuel que jamais. En effet la rencontre entre John Dunbar (Kevin Costner) et la tribu de Sioux qui l'adopte revêt un caractère existentiel. John Dunbar découvre sa vraie nature à leur contact alors qu'au sein de l'armée américaine, il était dirigé contre elle (autrement dit vers son autodestruction). D'ailleurs les premières scènes qui sont aussi celle de ses premiers actes d'insoumission le montrent échapper de peu à une amputation puis à la mort. C'est pour ne plus servir de chair à canon qu'il se coupe de la société coloniale en partant se réfugier dans un avant-poste (provisoirement) isolé. Une retraite spirituelle dans le désert qui lui permet de se recentrer sur lui-même et de poser un regard neuf sur ce qui l'entoure comme préalable à sa renaissance en tant que membre de la tribu des Sioux. Durant la période de transition où il est coupé des hommes, il fraternise avec des animaux qui à son image sont des rebelles ou des atypiques: son cheval qui refuse de se laisser emmener et revient toujours vers lui et un loup solitaire qui lui tourne autour et qu'il apprivoise lentement. Sans le savoir, il a déjà basculé (et nous avec) dans la vision du monde des indiens, fondée sur l'harmonie avec la nature. Le retour des soldats blancs aux 2/3 du film fait prendre conscience du caractère dégénéré de leur "civilisation" prédatrice qui blesse, enlaidit et détruit par goût du pouvoir et de la convoitise mais aussi par bêtise et ignorance (ce sont les pires sujets, brutes et analphabètes qui servent de trouffions). Une profondeur de champ historique est suggérée par le casque de conquistador conservé par le doyen de la tribu mais aussi par l'alliance que les blancs passent avec des tribus ennemies des Sioux (diviser pour mieux régner, la technique infaillible ayant permis aux occidentaux d'assurer leur suprématie en Amérique et en Afrique au moins autant que la technologie de leurs armes). En montrant les dégâts que les conquérants laissent derrière eux (les bisons écorchés par exemple), "Danse avec les loups" acquiert une dimension écologiste en symbiose avec les civilisations autochtones qui même réduites à peau de chagrin continuent inlassablement à voir leur espace vital se réduire et leurs membres se faire massacrer en toute impunité par les exploitants de l'agriculture capitaliste alors même que la terre entière est entré dans une spirale de catastrophes dont nul ne sait jusqu'où elle ira.

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La Joyeuse Divorcée (The Gay Divorcee)

Publié le par Rosalie210

Mark Sandrich (1934)

La Joyeuse Divorcée (The Gay Divorcee)

Plus je vois les films que la RKO a tourné à la chaîne avec le duo Fred Astaire-Ginger Rogers, plus je fais le parallèle avec ceux que la MGM a tourné avec les Marx Brothers dans la deuxième moitié des années 30 (donc durant la même période). Autrement dit, une recette, toujours la même servant d'écrin à un duo ou à un trio de talents exceptionnels sans lesquels ces films, professionnels mais dénués de toute personnalité seraient tombés dans l'oubli. Le début de "La Joyeuse Divorcée", leur deuxième film, est pourtant prometteur avec un Fred Astaire plus sobre dans son jeu qu'à l'ordinaire (ouf!) et une rencontre avec Mimi-Rogers sur un mode "coquin" qui fait penser à l'une des scènes les plus célèbres de "L'impossible M. Bébé", celle dans laquelle la jupe de l'héroïne se déchire à l'arrière avec tout le sous-entendu érotique que cela sous-entend. Hélas, très vite, l'intrigue (du bon gros vaudeville qui tache) patine, servant de prétexte à des numéros élégants mais convenus tout comme le jeu des rigolos de service de la maison RKO, Edward Everett Horton et Eric  Blore (excellents certes mais qui pourraient être tellement mieux employés avec un scénario digne de ce nom). Il faut patienter 50 minutes avant de voir le couple magique enfin s'élancer sur la piste (et en plus sur un titre de Cole Porter, "Night and Day"!) Leurs numéros sont trop rares (et trop courts!) mais chacun d'entre eux suffit à écrire une page du 7eme art comme celui du final dans lequel ils dansent sur les meubles le plus naturellement du monde comme s'ils étaient en apesanteur. Et Ginger Rogers affirme là encore un sacré tempérament de comédienne qui sera plus tard mis en valeur en dehors de ses talents de danseuse entre autres par Billy Wilder et Howard Hawks. 

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Elle (10)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1979)

Elle (10)

Les (désopilantes) mésaventures d'un riche compositeur hollywoodien en pleine crise de la quarantaine qui tombe raide dingue de la vision dans une rue de L.A. d'une créature de rêve, sorte de James Bond girl dissimulée sous des atours virginaux jouée par Bo Derek. A partir de ce postulat, c'est un festival de gags burlesques agencés avec le savoir-faire du génial Blake Edwards, maître de la mécanique de précision nécessaire au jaillissement de l'étincelle comique. Le corps du pauvre George (Dudley Moore, aux faux airs de Michel Sardou des seventies) en voit de toutes les couleurs à chaque fois qu'il tente de se rapprocher de l'objet de sa convoitise: ce sont ses pieds qui le brûlent, ses plombages qui déforment son visage et sa voix, son nez qui enfle après avoir été piqué par un insecte, sa tenue de plage inadaptée qui le fait transpirer abondamment. Mais le plus drôle reste le télescope qui lui sert à mater chez un voisin à la sexualité débridée qui prend plaisir à exhiber ses orgies festives. Cependant lorsqu'il passe de l'autre côté de la barrière, cela tourne au fiasco. Rien de graveleux ne ressort du film en effet à cause de l'élégance du réalisateur et de la candeur définitive de son personnage principal qui se donne des airs d'obsédé mais qui est incapable "d'assurer" quand il faut passer à l'action tant il s'avère avoir une âme d'adolescent fleur-bleue dans un corps mature. La mélancolie perce sous le jour du burlesque, les femmes que rencontre George s'avérant aussi seules, perdues et insatisfaites que lui. De quoi lui mettre un peu de plomb dans la cervelle en comprenant que plutôt que de courir après une chimère, il vaudrait mieux se contenter de ce qu'il a: mieux communiquer par exemple avec sa compagne chanteuse, jouée par la sublime Julie Andrews qui durant tout le film contemple, mi-indulgente, mi-consternée l'ampleur de ses égarements. Il faut bien que jeunesse "tardive" se passe semble-t-elle dire! Et on la comprend: Blake Edwards rend George tellement touchant, hilarant et craquant qu'on lui pardonne facilement ses frasques (il nous a fait tellement rire aussi) et on n'a plus qu'une envie, c'est lui faire un "big hug"!

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Mad Dog and Glory

Publié le par Rosalie210

John McNaughton (1992)

Mad Dog and Glory

Sans les acteurs, "Mad Dog and Glory" serait un film tout à fait insignifiant tant son intrigue est mince, convenue et il faut le dire, peu crédible (le flic couard qui ne cesse de risquer sa vie pour une fille rencontrée depuis moins d'une semaine qu'il veut aider à se libérer, le truand près de ses sous qui pourtant leur lâche les baskets et c'est tout juste s'il ne les bénit pas etc.) Son principal intérêt est de voir Robert de Niro et Bill Murray (tous deux excellents) à contre-emploi, chacun interprétant le rôle habituel de l'autre. Bill Murray est donc un truand (mais afin de coller un minimum à l'acteur, il est aussi artiste de stand-up à ses heures et voit une psy) et Robert de Niro est un policier certes mais un policier mou du genou, couard et timide qui sauve la vie du mafieux presque par hasard. Un "no life" qui subit les événements qui lui arrivent, un contemplatif qui aurait eu davantage sa place dans un monde artistique puisqu'il photographie... des cadavres. Cela dit assez bien où il en est au début du film c'est à dire réduit à jouer les James Stewart matant par la fenêtre la vie (sexuelle) des autres. Entre eux deux, Uma Thurman, cadeau envoyé au personnage de De Niro non par les anges mais par le mafieux en guise de remerciement a pour mission (inavouée) de le reconnecter à la vie mais elle ne semble pas exister pour elle-même. Le film lui-même souffre d'un rythme poussif et a bien du mal à se définir, hésitant entre le film noir (le début très hard semble annoncer un style Scorsese d'autant que celui-ci est l'un des producteurs du film) et la comédie sans véritablement convaincre.

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L'Entreprenant Mr. Petrov (Shall We Dance)

Publié le par Rosalie210

Mark Sandrich (1937)

L'Entreprenant Mr. Petrov (Shall We Dance)

Je n'ai pas besoin de me casser la tête pour écrire un avis sur "L'Entreprenant Mr.Petrov" étant donné que je peux copier-coller celle que j'ai écrite pour "Top Hat" du même réalisateur. Entre le scénario anémique fondé sur un seul quiproquo de vaudeville dont la résolution est une question de vie ou de mort (Petrov et Linda sont-ils mariés? Oui mais non mais oui en fait sauf que non etc.), une mise en scène plate comme une limande et un Fred Astaire dont le cabotinage grotesque me tape personnellement sur les nerfs, on comprend que sans les numéros musicaux et dansés, il y a longtemps que cette comédie musicale serait tombée dans l'oubli. Bon, on peut aussi mentionner les faire-valoir comiques que sont Eric Blore et Edward Everett Horton (sorti tout droit de chez Lubitsch) qui font bien leur job mais ne sont pas inoubliables non plus. En revanche, dès qu'il s'agit de chanter et de danser, on change de dimension. Chaque numéro est brillant qu'il soit accompli en solo (Fred Astaire et les jazzmen dans la salle des machines du paquebot) ou en duo (le numéro Astaire-Rogers en patins à roulettes est époustouflant et la chanson qui l'accompagne l'est tout autant). Les véritables auteurs de ces comédies musicales de la RKO aux réalisateurs interchangeables et aux décors et techniciens immuables ce sont les compositeurs (cités, c'est un signe qui ne trompe pas à la place du réalisateur) et les chorégraphes ainsi que le couple vedette. Dans "Shall We Dance", il s'agit de George Gershwin pour la musique et comme dans "Top Hat" de Hermes Pan pour les chorégraphies. Quant au duo Astaire-Rogers, merveilleux danseurs à l'alchimie parfaite entrés dans la légende du cinéma, il s'avère que dès cette époque, Ginger affirme de grandes qualités de comédienne qui font cruellement défaut à son partenaire pourtant bien plus expérimenté qu'elle (qui fera heureusement des progrès par la suite).

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Fatima

Publié le par Rosalie210

Philippe Faucon (2015)

Fatima

On ne dira jamais assez combien l'écriture est salvatrice. Au coeur des périodes les plus sombres, quand la liberté de l'homme a été réduite à néant, beaucoup s'en sont sortis par l'écriture. Un des exemples les plus célèbres est l'énorme quantité d'écrits produits par les populations juives en voie d'extermination durant la seconde guerre mondiale dont l'un des plus connus est le journal d'Anne Frank. En période de paix, les mécanismes d'oppression sociale sont beaucoup plus insidieux mais non moins aliénants et écrire est un moyen imparable de leur résister. Le simple fait de pouvoir dire je, d'affirmer l'existence de sa personnalité, goûts, désirs, sensibilité, opinions est un formidable moyen d'émancipation. Or c'est à partir de deux livres de Fatima Elayoubi, "Prière à la lune" et "Enfin, je peux marcher seule" que Philippe Faucon a créé le personnage de Fatima (Soria Zeroual), cette femme de ménage maghrébine immigrée en France qui subit une double (op)pression sociale: celle, communautariste de ses consoeurs qu'elle côtoie au quotidien et qui passent leur temps à l'épier et à médire et celle, liée au rapport de domination de ses employeurs bourgeois (et par extension, de la société "d'accueil"*). Cette pression se cristallise sur les filles de Fatima et l'enjeu qu'elles représentent avec des injonctions contradictoires. L'aînée, Nesrine (Zita Henrot) qui est une brillante élève déterminée à réussir ses études de médecine suscite la jalousie (aussi bien des voisines qui se sentent snobées que des bourgeois qui se sentent concurrencés, surtout quand leurs propres enfants ne réussissent pas aussi bien). Fatima la soutient en prenant en charge ses besoins matériels quitte à se tuer à la tâche et vit par procuration sa réussite (comme le démontre une très belle dernière scène). La cadette, Souad (Kenza Noah Aïche) qui est au contraire une rebelle en voie de déscolarisation vaut à Fatima des injonctions moralisatrices sur ses prétendues failles éducatives. Le film montre aussi combien les relations entre Fatima et ses filles souffrent du grand écart culturel lié à l'immigration. En particulier ce qui est remarquablement mis en valeur par le film, c'est la fracture liée à la barrière de la langue au sein d'une même famille. Le fait d'avoir une autre langue maternelle que ses propres parents ou ses propres enfants et de ne pas maîtriser la deuxième langue suffisamment (ou pas du tout) a des effets dévastateurs qui conjugué à la honte sociale liée au métier et aux conditions de vie de Fatima pousse la cadette à rejeter sa propre mère, lui causant en retour une blessure invisible mais indélébile qui ne peut se soigner que par les mots que celle-ci va finir par formuler -et affirmer-. Ce qui m'a frappé en regardant le film, c'est sa profonde justesse, sa délicatesse, sa proximité avec les personnages qui en fait une oeuvre intimiste avant d'être un film social. Faire vivre de l'intérieur, redonner une dignité et de la visibilité à une personne que l'on ne perçoit d'ordinaire que comme une ombre en toile de fond tout en suscitant une identification universelle est en soi remarquable. Le casting mélangeant actrices professionnelles et non professionnelles est réussi.

* J'ai été dans mon enfance témoin des mêmes vexations que celle que subit Fatima en particulier, celle consistant à mettre de l'argent ou des objets de valeur (bijoux, sacs à main) bien en évidence pour "tester" l'honnêteté des employés, lesquels n'étaient autre que mes parents. Certains "marqueurs" de classe peuvent aussi se colorer de connotations racistes quand l'employé est d'origine étrangère (comme le tutoiement et la condescendance).

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Les Derniers Jours du monde

Publié le par Rosalie210

Arnaud et Jean-Marie Larrieu (2009)

Les Derniers Jours du monde

J'ai une certaine sympathie pour les films français qui sortent des sentiers battus, notamment lorsqu'il s'attaquent à des genres tels que le thriller, le fantastique, l'épouvante ou la science-fiction dont le plus gros contingent provient des USA (et secondairement d'Asie). Alors ça donne quoi un film-catastrophe à la française? Quelque chose d'atypique en tout cas. Loin de singer leurs confrères d'outre atlantique (ils n'en auraient de toutes façons pas eu les moyens) les frères Larrieu adaptent deux livres de Dominique Noguez pour narrer l'odyssée régionaliste picaresque d'un Robinson anti-héros au possible (Mathieu Amalric). Sauver le monde, très peu pour lui. D'ailleurs il ne cherche même pas à se sauver lui-même, naviguant à contre-courant de la foule qui cherche (ou pas d'ailleurs, les suicides sont légion dans le film) à échapper à l'apocalypse. Lui cherche au contraire à la heurter de plein fouet car cette apocalypse se confond avec l'objet de son désir obsessionnel, celui qu'il a pour Lae (Omahyra Mota), belle métisse androgyne brésilienne insaisissable, rencontrée un an avant "les 10 derniers jours du monde" pour laquelle il laisse tomber femme (Karin Viard) et maîtresse (Catherine Frot).

Assez étrangement, le film n'est pas anxiogène bien qu'il évoque en toile de fond des menaces qui ont une résonance actuelle (les virus, les attentats terroristes ou les catastrophes écologiques). En effet on baigne dans une ambiance complètement irréelle de vacances et de fête perpétuelle liée au choix des lieux (sud-ouest de la France et pays basque espagnol principalement), à la photographie lumineuse, au milieu socio-économique des personnages (CSP ++++++) et enfin à leur comportement hédoniste sachant prendre la vie (et aussi la mort) du bon côté: l'eau est contaminée? Buvons du vin et du champagne! C'est le chaos? Profitons-en pour buller à l'ombre des relais-châteaux et chiper des truffes dans les cuisines. On va tous mourir? Raison de plus pour courir tout nu dans la rue comme aux premiers jours du monde et coucher avec tout ce qui passe à sa portée sans tenir compte de l'âge, du sexe ou même du lien de filiation puisque plus rien n'a de sens et que toutes les structures se sont effondrées! Ce sont d'ailleurs les scènes d'orgie (au sens large) qui sont les plus réussies. Hypnotiques et enivrantes tout en charriant leur part de morbide, elles ont quelque chose de transcendant qui évoque les danses macabres du Moyen-Age: c'est la marée humaine de la feria de Pampelune mais aussi la représentation de "La vie brève" au théâtre du Capitole de Toulouse avec Sergi Lopez dans le rôle du ténor (un habitué des frères Larrieu et du cinéma "atypique" français) et enfin le morceau de bravoure de l'orgie du château dans le Lot qui reprend l'esthétique de "Eyes Wide Shut" tout en faisant un gros clin d'oeil à "La Règle du jeu" (et on a droit à un caméo surréaliste d'une autre habituée du cinéma des Larrieu, Sabine Azéma en marquise décatie et gothique). Bref si l'on peut déplorer la froideur, l'insensibilité de personnages réduits à leurs pulsions les plus primitives, l'inventivité des frères Larrieu rend le film surprenant et réjouissant de bout en bout.

 

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