Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #film de guerre tag

Les carnets de Siegfried (Benediction)

Publié le par Rosalie210

Terence Davies (2024)

Les carnets de Siegfried (Benediction)

"Les Carnets de Siegfried" est le dernier film de Terence DAVIES, décédé en octobre 2023. Comme Roman POLANSKI dans "Le Pianiste" (2002), il s'abrite derrière l'histoire d'un autre artiste pour mieux parler de lui. Cet autre c'est Siegfried Sassoon (Jack LOWDEN), un poète britannique inconnu chez nous mais en porte à faux avec la société de son temps sur au moins deux plans: la première guerre mondiale qui le priva d'êtres chers et qui fit de lui un pacifiste prêt à mourir pour sa cause et une homosexualité torturée. Ce n'est pas par hasard que la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou s'intitule "Le temps retrouvé". Car dans le film, les ellipses temporelles sont légion et se manifestent de multiples façons, du montage d'images d'archives pour les souvenirs de la première guerre au morphing pour le vieillissement des personnages: celui de Siegfried qui s'accompagne d'un travelling circulaire est particulièrement saisissant. Ainsi selon les méandres du récit fondé sur l'association d'idées et les réminiscences, on retourne en arrière ou bien on franchit plusieurs décennies pour atterrir dans des séquences conçues comme autant de tableaux. Par ailleurs la musique est indissociable des films de Terence DAVIES et constitue, de même que la poésie, un puissant moyen d'expression des êtres opprimés et traumatisés auxquels il s'identifie. Comme dans son magnifique "Distant Voices" (1988), ceux-ci créent de la beauté pour faire rempart à la violence qui leur est faite. Enfin "Les Carnets de Siegfried" se caractérisent par l'utilisation d'une ironie qui fait mouche et qui elle aussi fait partie des ressources salvatrices que possédait ce grand réalisateur, aussi discret qu'élégant.

Voir les commentaires

La Zone d'intérêt (The Zone of Interest)

Publié le par Rosalie210

Jonathan Glazer (2024)

La Zone d'intérêt (The Zone of Interest)

"La zone d'intérêt" est une véritable expérience de cinéma et son grand prix à Cannes est tout à fait mérité. Comme dans "L'Empire des lumières" de René Magritte, deux mondes coexistent sans quasiment jamais se croiser. Celui du camp d'Auschwitz qui reste presque totalement hors-champ et celui du domaine de la famille du commandant du camp, Rudolf Höss dans lequel se déroule la majeure partie du film. Comme souvent en pareil cas, de hauts murs dérobent à la vue ce qui se joue de l'autre côté. Pourtant, jamais le spectateur ne perd de vue qu'il est enfermé dans une sorte de cage dorée jouxtant un complexe concentrationnaire. Les trois premières minutes déjà nous plongent dans une obscurité quasi totale que l'on peut interpréter de multiples manières: la cécité de ceux qui vivent juste à côté dans une totale indifférence ou bien les dernières images de ceux qui vont mourir, plongés dans d'insondables ténèbres. Par la suite et comme dans "Parasite" (2019) qui évoquait la contamination des riches par les pauvres dont ils voulaient se préserver sous prétexte d'hygiénisme, la réalité de l'extermination ne cesse de s'infiltrer dans le paradis artificiel des Höss. Par les bruits qui ne peuvent être étouffés par les murs (le travail sur la bande-son est remarquable), par les odeurs de chairs brûlées, par les cendres emportées par le vent ou fertilisant la terre, par les fragments d'ossements que l'on retrouve jusqu'au beau milieu de la nature idyllique, par le rougeoiement des flammes qui donnent à la nuit des allures d'enfer sur terre dans un contraste saisissant avec les pelouses bien taillées, les fleurs éclatantes et la piscine de la maison des Höss. Le film devient alors une étude de caractères, ceux de la famille Höss face à ce monde schizophrénique. Rudolf (Christian FRIEDEL), à l'image d'Eichmann et de tant d'autres hauts dignitaires nazis est un fonctionnaire zélé, un gestionnaire méticuleux qui raisonne en termes d'efficacité technique ou logistique sans jamais s'interroger sur la nature de ses actes. Les seuls moments où l'être humain se manifeste en lui sont ceux où il tente de protéger ses enfants d'une confrontation trop directe avec la mort et la fin où cette espèce de mécanique se met à vomir comme si ses entrailles agissaient indépendamment de lui. Mais en terme de monstruosité, Hedwig (Sandra HULLER) le bat à plate coutures. Elle est en effet tellement aliénée que l'environnement toxique dans lequel elle élève ses enfants lui apparaît comme un paradis et la matérialisation de sa réussite sociale qu'elle ne veut quitter à aucun prix. Chaque fois qu'un grain de sable vient gripper son "bonheur" comme lorsque sa mère finit par s'enfuir, épouvantée par ce qu'elle perçoit malgré l'écran de fumée dressé entre la maison et le camp, elle a une réaction éloquente, effaçant les traces en les brûlant et menaçant de mort sa domesticité (que l'on devine être de pauvres prisonnières polonaises). "La zone d'intérêt" est un film franchement inconfortable et claustrophobique dont la portée dépasse l'époque qu'il dépeint. On pense en effet à d'autres murs, ceux que dressent les pays riches contre les pays pauvres, les quartiers riches contre les quartiers pauvres pour les occulter, s'en protéger et les refouler.

Voir les commentaires

La Vie de château

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (1966)

La Vie de château

C'est avec un grand plaisir que j'ai découvert le premier film de Jean-Paul RAPPENEAU qui a bénéficié d'une remarquable conjugaison de talents (Alain CAVALIER et Claude SAUTET au scénario, Michel LEGRAND à la musique, Pierre LHOMME à la photographie sans parler du casting trois étoiles) sans que pour autant il se noie dedans. En effet on retrouve dans cette pétillante comédie le sens du rythme et du mouvement du réalisateur de "Cyrano de Bergerac" (1990). "La vie de château" transpose dans un contexte franco-français la comédie hollywoodienne sophistiquée à la Ernst LUBITSCH (on pense à "To Be or Not to Be" (1942) forcément, vu le thème) et la screwball comédie à la Howard HAWKS. Outre son rythme trépidant, "La vie de château" est une comédie du remariage tout à fait dans la lignée de celles analysées dans le livre de Stanley Cavell. Une comédie dans laquelle un homme plutôt pantouflard joué par Philippe NOIRET va devoir sortir de sa réserve (au propre et au figuré) pour reconquérir sa femme (Catherine DENEUVE) qui s'ennuie et qui est convoitée à la fois par un héros de la résistance et par un officier allemand. Le film est en effet précurseur en osant traiter la seconde guerre mondiale - sujet encore sensible au milieu des années 60 - sur le ton de la comédie, près d'un an avant "La Grande vadrouille" (1966)*. Bien aidé par des seconds rôles truculents (Pierre BRASSEUR dans le rôle du beau-père fermier et Mary MARQUET dans celui de la mère châtelaine sont irrésistibles), le film raconte la métamorphose d'un planqué en héros au moment crucial du débarquement anglo-américain du 6 juin 1944. Un rôle qui en préfigure un autre pour Philippe NOIRET mais sur un mode tragique: celui de Julien Dandieu dans "Le Vieux fusil" (1975). Quant à Catherine DENEUVE, s'il peut paraître étonnant de la voir jouer dans un registre convenant mieux a priori à sa soeur, Francoise DORLEAC (qui avait été d'abord pressentie), elle a pu mettre en avant une élégance naturelle et un débit mitraillette n'ayant rien à envier à une Rosalind RUSSELL. Le générique de début, montage de photos du visage ou de parties du visage de l'actrice par Walerian BOROWCZYK l'élève déjà au rang de mythe alors qu'elle n'en était qu'au début de sa carrière.

* Les deux films sont sortis la même année mais "La vie de château" en janvier et "La grande vadrouille" en décembre.

Voir les commentaires

L'Echine du diable (El Espinazo del diablo)

Publié le par Rosalie210

Guillermo del Toro (2001)

L'Echine du diable (El Espinazo del diablo)

J'avais lu que pour "Le Labyrinthe de Pan" (2006), Guillermo DEL TORO s'était inspiré de "L'Esprit de la ruche" (1973). Mais cette influence comme celle de "La Nuit du chasseur" (1955) est tout aussi évidente dans "L'échine du diable", son troisième film réalisé cinq ans auparavant. Du film de Victor ERICE comme de celui de Charles LAUGHTON émerge le thème de l'enfance face au mal, lequel prend une double forme. Celui de la guerre d'Espagne avec l'image de l'obus fichée en plein coeur de la cour de l'orphelinat où est emmené Carlos. Mais aussi celui du monstre phallique séducteur, cupide et sanguinaire qui terrorise les enfants avant de révéler l'étendue de sa folie meurtrière et de tout détruire autour de lui. S'y ajoute une atmosphère oppressante lié au fait que le film se déroule dans le huis-clos d'un orphelinat qui en dépit des propos rassurants de sa directrice Carmen (Marisa PAREDES) ressemble à une prison d'où il s'avère impossible de s'échapper. La porte ouvre sur une route hostile et déserte sur des dizaines de kilomètres, le ciel est envahi d'avions fascistes et nazis et le sous-sol semble contenir des fantômes. Un plus précisément, celui d'un petit garçon qui détient un sombre secret et semble résider au fond d'un bassin (des images qui préfigurent "La Forme de l'eau") (2017). S'y on ajoute les foetus qui baignent dans l'alcool, l'atmosphère est plus qu'anxiogène. Néanmoins ce n'est pas d'elle que vient la menace mais bien du réel. Aussi comme dans ses autres films, face à la violence du monde qu'ils se prennent de plein fouet, les enfants apprennent à apprivoiser leurs peurs et à s'entraider. Ainsi Carlos qui est au départ un peu le souffre-douleur va par son courage, sa générosité et sa curiosité d'esprit finir par fédérer les autres membres du groupe autour de lui contre la véritable source de leurs tourments. Par ailleurs si les adultes bienveillants sont défaillants (Carmen souffre d'une infirmité, Casarès est impuissant et Conchita comme Carmen se sont laissé abuser par Jacinto qui possède tous les traits des terrifiants mâles alpha développés dans les films ultérieurs de Guillermo DEL TORO), ils ne sont pas tout à fait absents. Les lingots cachés par Carmen s'avèreront être des alliés inattendus. De même, l'esprit de Casarès veille sur les enfants survivants.

Voir les commentaires

Le Bagarreur du Kentucky (The Fighting Kentuckian)

Publié le par Rosalie210

George Waggner (1949)

Le Bagarreur du Kentucky (The Fighting Kentuckian)

Au bout de quelques minutes de visionnage du film, j'ai eu l'impression de me retrouver dans un sympathique nanar. Rien n'est vraiment crédible dans le scénario qui est mal ficelé. John WAYNE déguisé en Davy Crockett s'invite tranquillement dans la calèche d'une belle jeune femme qu'il séduit d'un claquement de doigts pendant que son fiancé officiel tourne le dos. Ladite jeune femme s'avérant être une sérieuse candidate au rôle de la meilleure potiche de l'année 1949. Là-dessus débarque le faire-valoir de Davy Crockett qui n'est autre que Oliver HARDY lui aussi déguisé en trappeur dont les gags sont si laborieux qu'on ne rit presque jamais. Leur régiment disparaît et réapparaît à volonté selon les besoins du scénario et on ajoute plein de protagonistes, hommes et femmes qui n'ont pas assez de développement à l'écran pour que leur rôle ait de la consistance. Je conçois qu'en 1949, le public américain qui sortait de la guerre ne faisait pas le difficile et avait besoin de légèreté mais force est de constater que le film a mal vieilli. Il faut attendre la dernière demi-heure pour qu'enfin il y ait un peu d'action lorsqu'une bataille rangée oppose d'anciens généraux de Napoléon venus s'installer avec leur famille en Alabama après la défaite de Waterloo (fait historique authentique) aux notables véreux qui essayent de s'emparer de leurs terres dont le meneur n'est autre que le fiancé officiel de la jeune femme séduite par John WAYNE un peu plus tôt. C'est l'occasion d'entendre en fond sonore résonner la Marseillaise mais on a du mal à voir ce que le régiment de trappeurs du Kentucky et les frenchies ont en commun. L'argument des beaux yeux (et épaules) de Fleurette (Vera RALSTON) est à l'image du film, un peu léger. Tout à fait dispensable et même parfois disons-le, ridicule.

Voir les commentaires

Eté violent (Estate violenta)

Publié le par Rosalie210

Valerio Zurlini (1959)

Eté violent (Estate violenta)

Un très beau film, beaucoup plus beau que ce à quoi je m'attendais. "Eté violent" est le deuxième film de Valerio ZURLINI et se divise assez nettement en deux parties. Dans la première, on assiste à la "La Dolce vita / La Douceur de vivre" (1960) d'une jeunesse dorée et oisive en pleine seconde guerre mondiale. Celle-ci s'invite cependant lorsqu'elle interrompt brutalement les distractions des uns et des autres au gré des alertes aériennes et des bombardements de 1943. C'est justement lorsqu'un avion de chasse allemand survole en rase-motte la plage de Riccione au bord de l'Adriatique où cette jeunesse farniente qu'une petite fille terrorisée tombe dans les bras de Carlo (Jean-Louis TRINTIGNANT dans son premier rôle transalpin), fils d'un dignitaire fasciste et qui grâce à l'appui de son père a échappé à l'enrôlement. Roberta la mère, beauté mélancolique d'une trentaine d'années (Eleonora ROSSI DRAGO) intervient aussitôt et c'est le coup de foudre entre elle et Carlo. Dans un premier temps, le film s'attarde sur les obstacles à leur idylle, tant du côté de Carlo avec la jalousie d'une de ses amies que du côté de Roberta qui est veuve de guerre mais vit avec sa mère psychorigide qui souhaite qu'elle reste fidèle au souvenir de son mari décédé (choisi par son père et qu'elle n'aimait pas). Obstacles qui ne font qu'attiser un désir dont la croissance est parfaitement orchestrée par la mise en scène jouant sur les gestes et les regards avec notamment une soirée en clair-obscur mémorable sur une chanson "Temptation" on ne peut plus appropriée. Puis le film bascule dans une dimension beaucoup plus intimiste et dramatique dans laquelle Roberta assume son désir, s'émancipe du jugement des autres (comme le montre la scène sur la plage où elle refuse de se cacher) et s'affirme par rapport à sa famille qui l'a toujours dirigée. De son côté, Carlo est expulsé de sa cage dorée suite au renversement de Mussolini et se fait rattraper par l'armée en voulant rester près de Roberta. Celle-ci s'avère en effet impuissante à le protéger comme le faisait son père, la scène très forte de bombardement final à la gare où l'on tremble pour leur vie en témoigne. La relation avec cette femme plus âgée que lui dans un contexte historique troublé permet donc paradoxalement à Carlo de sortir de son cocon et de devenir adulte. Valerio ZURLINI entremêle de façon remarquable grande et petite histoire, chacune se nourrissant de l'autre. Toute l'ironie résidant dans le fait que si c'est la grande histoire qui les pousse l'un vers l'autre et leur permet de cesser de subir leur destin, c'est elle aussi qui les sépare définitivement.

Voir les commentaires

La Ciociara

Publié le par Rosalie210

Vittorio De Sica (1960)

La Ciociara

"La Ciociara" est un film puissant qui hante longtemps après l'avoir vu. Vittorio DE SICA a réussi à combiner dans un même film l'adaptation d'un roman (celui de Moravia au titre éponyme), un terreau néoréaliste d'où il est issu et qui nourrit sa chronique paysanne et des influences américaines mélodramatiques portées par Sophia LOREN qui avait passé plusieurs années à Hollywood mais qui renoue avec ses origines italiennes. Si dans "La Ciociara" elle magnétise l'écran et laisse peu de place aux autres personnages, son interprétation bouleverse et renforce la puissance globale du film. C'est avec "Une journee particuliere" (1977) son interprétation la plus forte, comparable à celle de Romy SCHNEIDER dans "Le Vieux fusil" (1975). Mais le propos de "La Ciociara" est plus complexe et plus subtil tant au niveau de l'histoire individuelle qu'à l'échelle collective. Sophia LOREN interprète le rôle de Cesira, une jeune veuve de caractère vivant à Rome qui décide de retourner dans son village natal pour mettre sa fille Rosetta à l'abri des horreurs de la guerre. Or le titre à lui seul souligne que la campagne offre une sécurité illusoire: la Ciociara désigne une région rurale d'Italie qui a été le théâtre de crimes de guerre en 1944 de la part des soldats, notamment marocains, du corps expéditionnaire français en Italie commandés par le général Juin qui remontaient vers Rome à la suite de la bataille du Mont-Cassino. C'est donc vers l'horreur que s'acheminent les deux femmes. Les signaux de danger ne manquent pas (l'attaque de l'avion, le comportement lubrique des miliciens). Néanmoins la vie en communauté apporte une sécurité précaire. Aussi l'erreur la plus tragique de Cesira est de se séparer du groupe pour rentrer à Rome alors que la guerre n'est pas terminée et que les alliés considèrent l'Italie comme un territoire conquis. La terrible agression dont elle et Rosetta sont victimes dans l'Eglise outre son caractère symbolique introduit une rupture dans la dernière demi-heure de film qui souligne que le temps de l'insouciance et de l'innocence est révolu. Cesira perd son assurance (à tous les sens du terme) en perdant sa fille qui s'est coupée d'elle et part à la dérive. La relation mère/fille au coeur du film laisse peu de place aux personnages masculins même si Michele (Jean-Paul BELMONDO) dont Rosetta est amoureuse mais qui lui préfère Cesira introduit la première faille dans la relation mère/fille.

Voir les commentaires

La Chambre des officiers

Publié le par Rosalie210

François Dupeyron (2001)

La Chambre des officiers

"La Chambre des officiers" est un film nécessaire mais inégal. Nécessaire par son sujet, la lente et difficile reconstruction d'une gueule cassée de la première guerre mondiale. Blessé dès les premières heures du conflit, Adrien (Eric CARAVACA) passe les années qui suivent enfermé dans la chambre des officiers de l'hôpital militaire du Val-de-Grâce, d'abord seul, puis en compagnie d'autres officiers mutilés au visage. Un éclat d'obus ayant emporté une partie de sa mâchoire, il doit subir le long calvaire physique et psychologique du survivant qui se demande s'il ne vaut pas mieux mourir que de vivre défiguré à vie. Le film rappelle que la chirurgie réparatrice est née et s'est améliorée avec les gueules cassées mais n'a pu totalement effacer leurs terribles cicatrices. Si Adrien retrouve goût à vie et ses facultés (la parole notamment) grâce au dévouement du personnel médical et à la solidarité nouée avec ses camarades d'infortune, la réinsertion s'avère délicate.

Adaptation d'un roman de Marc Dugain qui voulait rendre hommage à son grand-père, le film est empreint de délicatesse et d'humanité, notamment avec le personnage de l'infirmière joué par Sabine AZEMA. La fin qui montre comment Adrien utilise l'humour pour se faire accepter est bienvenue. Mais le film est également lent, parfois lourd et peu heureux dans ses choix esthétiques (l'emploi répétitif de la musique et pas fan du filtre jaune utilisé par le chef opérateur, Tetsuo NAGATA).

Voir les commentaires

L'Enfance d'Ivan (Ivanovo detstvo)

Publié le par Rosalie210

Andrei Tarkovski (1961)

L'Enfance d'Ivan (Ivanovo detstvo)

Le premier film de Andrei TARKOVSKI, le plus grand réalisateur de l'époque soviétique avec Sergei EISENSTEIN recèle des images si belles et si expressives que j'avais réussi à le voir jusqu'au bout alors qu'il n'y avait même pas de sous-titres dans la version qui m'avait été prêtée à l'époque. Il prend place aux côtés d'autres grands films évoquant l'enfance brisée par la guerre tels que "Allemagne annee zero" (1947) avant lui ou "Le Tombeau des lucioles" (1988) après lui. L'URSS a été en effet avec l'Allemagne et le Japon l'un des épicentres de la seconde guerre mondiale.

L'image d'ouverture du film est célèbre avec son travelling ascensionnel sur un arbre que Andrei TARKOVSKI reprendra pour clore son dernier film "Le Sacrifice" (1985), dédié à son fils "avec espoir et confiance". Mais dans "L'Enfance d'Ivan", l'arbre s'avère être mort ou le fruit d'un songe, celui d'Ivan qui navigue sans cesse de rêves où il baigne dans une nature idyllique en compagnie de sa mère, d'animaux et d'autres enfants et une réalité cauchemardesque où transformé par son désir de vengeance en enfant-soldat, il part dans une terrible fuite en avant qui se termine en cul-de-sac. A y regarder de plus près, les rêves sont contaminés par le cauchemar: Ivan y est englué dans une toile d'araignée ou enfermé au fond d'un puit. Surtout, il revoit encore et encore l'assassinat de sa mère ce qui est évidemment une manifestation de stress post-traumatique. Les hommes du régiment qui l'ont recueilli ne sont pas en meilleur état. Certains comme le lieutenant sont à peine plus âgés qu'Ivan, d'autres le considèrent comme un fils de substitution, sans toutefois s'engager. Comme Macha, l'aide-soignante qui suscite des émois au sein de la troupe, Ivan est considéré comme déplacé dans cet univers guerrier et les officiers cherchent soit à le protéger, soit à le renvoyer à l'arrière, en vain. Les travellings avant sur les bouleaux à perte de vue laissent entendre combien l'horizon est bouché et l'avenir incertain. La conclusion, particulièrement saisissante car elle survient de manière brutale après 1h20 dans le même espace-temps marque aussi une rupture de style. Après une succession de plans sur le théâtre de guerre d'une terrible beauté car composés comme des tableaux et magnifiquement photographiés (on pense à "Valse avec Bachir" (2007), Ari FOLMAN ayant repris l'idée des fusées éclairantes mais aussi à l'onirisme de "La Nuit du chasseur" (1955), place à des images mêlant archives et fiction sur l'agonie du IIIe Reich dans lequel le monde n'est plus que cendre et où plane le fantôme d'Ivan et de tous les enfants sacrifiés par la guerre.

Voir les commentaires

Oppenheimer

Publié le par Rosalie210

Christopher Nolan (2023)

Oppenheimer

"Oppenheimer" est l'adaptation du livre de Kai Bird et Martin J. Sherwin "Robert Oppenheimer: Triomphe et tragédie d'un génie". En VO, le titre compare Oppenheimer au mythe de Prométhée ce qui est repris dans le film dès la citation qui accompagne les premières images. Ce qui est intéressant dans ce mythe, c'est la versatilité de son interprétation au fil du temps lié au fait que dans la réalité comme dans le mythe (qui est justement une manière d'expliquer le monde), le bien et le mal sont indissociables. Vu d'abord comme un héros positif associé aux progrès de la civilisation occidentale, Prométhée est aujourd'hui associé aux dangers de la "science sans conscience" et Robert Oppenheimer illustre bien cette double facette du Titan: le savant qui vole le feu/l'arme ultime de destruction massive aux Dieux afin de donner un avantage décisif à son camp qu'il pense être celui du bien pour voir ensuite sa création lui échapper, devenir le bouc-émissaire d'une Amérique en pleine paranoïa anti-communiste et être torturé par sa conscience face aux terribles conséquences de l'usage de cette arme entre les mains des grandes puissances.

"Oppenheimer" repose donc sur un matériau solide et une excellente interprétation, Cillian Murphy en tête qui est un habitué des films de Christopher Nolan mais accède enfin à un grand rôle. Son Oppenheimer particulièrement complexe est à la fois proche d'Einstein par son approche scientifique et radicalement opposé à lui sur tout le reste. Aussi les rencontres entre les deux hommes, le vieux sage retiré du monde et le carriériste hanté par les conséquences de son pacte faustien et notamment le final, superbe, en dit très peu et en suggère beaucoup. Des scènes de cette puissance, il y en a d'autres comme l'essai nucléaire qui précède le largage des bombes sur le japon ou la conférence durant laquelle Oppenheimer prend conscience de l'horreur qu'il a rendu possible. Dans les deux cas le décalage entre l'image et le son amplifie la sensation d'apocalypse. Le parallèle entre la basse vengeance de Lewis Strauss, le président de la commission à l'énergie atomique des USA (AEC) sur Oppenheimer puis la revanche des scientifiques au Sénat sur celui-ci vaut aussi son pesant d'or d'autant que si Strauss (Robert Downey Junior) est un personnage simple (un aigri bouffi d'ego), la façon dont Oppenheimer utilise ses démêlés extra-judiciaires pour échapper à sa culpabilité en se posant en victime du maccarthysme est troublante.

Hélas avant cela, il faut subir ce qui s'apparente à une interminable purge de paroles creuses émises par des personnages qui le sont tout autant. Les détracteurs de "Oppenheimer" ont raison au moins sur un point. Le film est "trop": trop long, trop bavard, trop rempli d'effets de style et de personnages secondaires inutiles (tous ces scientifiques au nom et au visage interchangeable auraient pu être réduits de moitié, on aurait pu se passer des scènes de sexe avec l'amante communiste etc). Mais un film plus épuré, plus posé, moins grandiloquent aurait sans doute été moins grand public, aurait moins fait le buzz et Christopher Nolan n'aurait pas pu y greffer ses marottes formalistes. Dommage, il n'en aurait été que plus fort.

Voir les commentaires

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>