Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Haute Pègre (Trouble in Paradise)

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1932)

Haute Pègre (Trouble in Paradise)

La "Lubitsch's touch" dans toute sa splendeur: art de la suggestion et de l'ellipse, mouvements réglés comme dans un ballet. Dans ce qui peut préfigurer les comédies du remariage de Howard HAWKS, Gaston (Herbert MARSHALL) et Lily (Miriam HOPKINS) se découvrent/redécouvrent fait l'un pour l'autre lorsque chacun rend à l'autre les effets personnels qu'il lui a dérobé sans qu'il s'en aperçoive. Mais entre ces deux moments, leur idylle est mise à l'épreuve par leur proie, la richissime et séduisante Mme Colet (Kay FRANCIS). Son appartement devient une scène de ballet. La rencontre avec Gaston résume le film tout entier. Elle commence dans le salon et par glissements insensibles, se termine dans la chambre et devant le coffre-fort, là où se trouve le corps à prendre et l'argent à voler. Bien plus tard, dans une même logique de ballet, le domestique vient prendre les ordres de sa maîtresse mais celle-ci ouvre la porte de la chambre de Gaston située en face et un peu plus tard, dans une parfaite symétrie, c'est Gaston qui ouvre la porte de la chambre de Mme Colet au domestique pour dire à chaque fois tout et son contraire comme dans un mouvement d'attraction et de répulsion. Auparavant ces mêmes portes de chambre se sont fermées à clé, un gros plan sur un réveil a montré les heures qui défilaient alors que le couple n'arrivait pas à se quitter et leurs ombres chinoises se dessinant sur le lit ne laissent guère de doute sur les raisons qui mettent Lily dans une colère noire. Mais un escroc aussi séduisant soit-il ne peut mener une vie rangée alors dans le rôle du trublion, on retrouve l'inénarrable Edward Everett HORTON qui s'est fait dévaliser au début du film à Venise par Gaston mais ne se souvient plus de son visage, jusqu'à ce qu'il écrase une cigarette dans un cendrier en forme de gondole! Et question dialogues ciselés et impertinents, le film (qui date pourtant des débuts du parlant) n'est pas en reste: "Le mariage est une merveilleuse erreur que l'on fait à deux". Histoire d'amour triangulaire (comme dans "Sérénade à trois" (1933) mais cette fois c'est un homme qui hésite entre deux femmes), éloge amoral du plaisir et de la liberté, il n'est guère étonnant que "Haute Pègre" alias "Trouble in Paradise" (avec une image éloquente de lit au milieu du titre) ait été censuré par le code Hays dès sa mise en vigueur en 1935 et ce jusqu'à sa disparition à la fin des années 60.

Voir les commentaires

La Lectrice

Publié le par Rosalie210

Michel Deville (1988)

La Lectrice

Après avoir vu "La Lectrice" je me dis que définitivement le cinéma de Michel DEVILLE est davantage fait pour être écouté que pour être regardé. D'ailleurs, un extrait du film était proposé dans l'exposition "Musique et cinéma" à la Cité de la musique il y a une dizaine d'années. les trajets de Constance/Marie ( MIOU-MIOU) dans les rues d'Arles se font en effet sur la musique de la sonate "Le Printemps" de Beethoven dans un esprit plutôt léger, badin alors que par contraste, Arles apparaît comme une ville morte et sans soleil. Une "mise en bouche" qui précède le plaisir de l'écoute des extraits de texte que Constance lit au domicile de ses "clients" à une époque où le livre audio ne s'était pas encore popularisé grâce au CD et au mp3. Plaisir redoublé par des dialogues eux aussi littéraires avec rimes, jeux de mots, répétitions etc. sans doute repris du roman d'origine de Raymond Jean dont le film est l'adaptation. Néanmoins, la différence avec le livre audio c'est que le verbe s'y fait chair. Et c'est là que le bât blesse. Parce qu'en terme de ligne conductrice (ça rime avec lectrice) le film est quand même un peu bancal. Il est censé nous faire partager les fantasmes de Constance qui dans une mise en abîme lit le roman de Raymond Jean et s'imagine dans la peau de Marie dont l'emploi de lectrice se teinte d'érotisme presque à chaque rencontre. Presque car les scènes avec la petite Coralie ne se rattachent pas vraiment au reste et il en va de même avec la vieille générale (jouée par une Maria CASARÈS dont je n'avais vu aucune prestation depuis le début des années 60) en dépit des problèmes très clairement sexuels de sa soubrette jouée par une toute jeune Marianne DENICOURT. Et si les sous-entendus érotiques sont dans les lectures, ils sont bien cachés. En revanche, ils ne le sont pas lorsqu'elle "livre" des bouts de son anatomie au regard de Eric (Régis ROYER) en lui parlant de "toison d'or" et de "source fraîche" ou se livre tout entière au PDG joué par Patrick CHESNAIS sur "L'Amant" de Marguerite Duras. Ou encore lorsqu'elle se refuse avec malice aux vieux et moins vieux notables libidineux qui veulent la soumettre à "Les 120 journées de Sodome" du Marquis de Sade. MIOU-MIOU est charmante dans ce rôle, l'un de ses plus célèbres mais comme je le disais plus haut sous prétexte de rêverie, le scénario se disperse et le visuel manque terriblement d'éclat que ce soit la photographie ou les décors. Plus grave encore, les interactions entre les personnages restent quelque peu abstraites ce qui limite considérablement la portée de l'érotisme que le film est censé véhiculer.

Voir les commentaires

Du Sang dans le désert (The Tin Star)

Publié le par Rosalie210

Anthony Mann (1957)

Du Sang dans le désert (The Tin Star)

Je ne connaissais pas ce western de Anthony MANN qui est pourtant un maître du genre, en particulier pour son fabuleux quinté avec James STEWART. Si "Du Sang dans le désert" (titre français tapageur sans rapport avec le film destiné à accrocher le public, un procédé fréquent dans ces années-là) ne se hisse pas au même niveau et est l'un des plus méconnus de son auteur, cela reste de la belle ouvrage. On sent la présence du maître dans la précision de la mise en scène, de la première scène (l'arrivée assez sinistre de Hickman) à la dernière (son départ rempli d'espérance). Ce que l'on peut reprocher au film, c'est son scénario convenu, archi-classique, vu 100 fois dans d'autres films. Par exemple le récit d'apprentissage d'un jeunot inexpérimenté par un vieux briscard désabusé ou le surgissement sous les yeux émerveillé d'un enfant d'un justicier sorti de nulle part ("Shane" (1953) es-tu là?), ou encore la solitude du shérif chargé de faire respecter la loi face au chef de bande qui fédère derrière lui tout un village. Tout cela au détriment de sujets comme le racisme qui dans les années cinquante commençait à se frayer un chemin dans le western. La question est abordée par le biais de la relation filiale qui ne noue entre Hickman (Henry FONDA) et le jeune Kip qui vit avec sa mère à l'écart du village parce qu'elle est la veuve d'un indien ou encore à travers les deux frères hors-la-loi McGaffey (l'un d'entre eux étant joué par un Lee VAN CLEEF encore dans l'ombre) que leur métissage expose particulièrement au risque de lynchage. Cependant, la courte durée du film ne permet pas de véritablement approfondir la question. Mais le duo composé par Henry FONDA et Anthony PERKINS fonctionne vraiment bien, le premier prenant le second sous son aile et le second redonnant foi en l'humanité au premier.

Voir les commentaires

Dancing Pina

Publié le par Rosalie210

Florian Heinzen-Ziob (2023)

Dancing Pina

Encore un documentaire sur Pina BAUSCH? Oui mais celui-ci a la particularité de s'intéresser à la transmission du travail de la célèbre chorégraphe allemande décédée en 2009 et à démontrer son caractère universel. Le film évolue en effet entre deux scènes aussi contrastées que complémentaires. La première est celle de l'opéra Semper à Dresde où l'on assiste aux répétitions et à la première de "Iphigénie en Tauride". Bien que l'on reste en Allemagne, la compagnie de ballet de l'opéra de Dresde est la première à avoir reçu l'autorisation de danser la chorégraphie que Pina Bausch avait inventé pour son théâtre de la danse à Wuppertal. Et Iphigénie est incarnée par Sangeun Lee, une danseuse sud-coréenne. La seconde est celle de l'école des Sables, centre international dédié aux danses africaines traditionnelles et contemporaines qui recrute et forme des danseurs venus des quatre coins de l'Afrique. Basée au sud de Dakar, elle présente une version décoiffante de la chorégraphie de Pina Bausch sur le "Sacre du printemps". Dans les deux cas, les danseurs sont encadrés par des piliers de la compagnie du théâtre de la danse de Wuppertal. Ainsi, Sangeun répète sous la direction de Malou AIRAUDO qui comme on le découvre sur des images d'archives a créé de nombreux rôles dansés imaginés par Pina dont Iphigénie dans les années 70. Du côté de l'école des Sables, c'est Josephine Ann Endicott, elle aussi ancienne soliste dans la troupe de Pina BAUSCH qui dirige les répétitions assistée par Jorge Puerta Armenta.

Disons-le franchement: le résultat est magique et émouvant. Les allers-retours incessants entre l'Allemagne et le Sénégal créent un contraste saisissant entre nature et culture, entre d'un côté un cadre néoclassique qui fait penser à l'opéra Garnier et de l'autre, un espace ouvert sur le désert et la mer où les danseurs évoluent à même la terre et le sable. Et en même temps des similitudes émergent autour de l'idée d'imperfection et de diversité en contraste cette fois avec la danse classique qui exige perfection et uniformité. Sangeun Lee complexe sur sa grande taille, Josephine Ann Endicott (venue du classique) évoque ses kilos en trop, d'autres danseuses parlent de leur carrure trop large et ce en de multiples langues: allemand, anglais, français mais aussi portugais car parmi les 14 pays africains représentés, Lucieny Kaabral, l'une des danseuses les plus impressionnantes, proche de la transe est d'origine cap-verdienne. Cette diversité est aussi celle des styles de danse, certains venant du classique, d'autres de la danse traditionnelle, d'autres de la danse contemporaine etc. A travers leurs témoignages, c'est un portrait en creux qui se dessine, celui de Pina BAUSCH, artiste anticonformiste et visionnaire dont l'art semble se couler avec un naturel confondant dans tous les corps et tous les environnements. La dernière scène sur la plage est renversante.

Voir les commentaires

Un Pont Trop Loin (A Bridge Too Far)

Publié le par Rosalie210

Richard Attenborough (1977)

Un Pont Trop Loin (A Bridge Too Far)

"Un pont trop loin" est le miroir inversé de "Le Jour le plus long" (1962). Les deux films sont l'adaptation d'un livre du même auteur, le journaliste Cornelius Ryan racontant chronologiquement une opération de grande envergure menée par les alliés en 1944. Mais là où "Le Jour le plus long" chronique un moment glorieux de la guerre, l'opération Overlord c'est à dire le débarquement anglo-américain en Normandie du 6 juin 1944, "Un pont trop loin" raconte l'opération aéroportée "Market Garden" de septembre 1944 qui se solda par un fiasco et de terribles pertes humaines. Le plan était celui du général britannique Montgomery: parachuter des dizaines de milliers d'hommes aux Pays-Bas, derrière les lignes ennemies pour qu'ils sécurisent les ponts permettant d'acheminer les blindés jusqu'au Rhin et permettent ainsi aux alliés d'entrer plus vite en Allemagne. L'opération fut avalisée par Eisenhower parce qu'elle permettait en cas de réussite d'écourter la guerre alors que les problèmes logistiques des alliés se faisaient de plus en plus aigus. Sauf qu'elle reposait sur une erreur d'appréciation fondamentale: celle des capacités de résistance de l'armée allemande, certes en repli mais pas encore en déroute. De plus, l'aspect démesuré de l'opération ne laisse guère de doutes sur l'hubris de son concepteur et sa volonté de tirer la couverture à lui pour laisser sa trace dans l'histoire au détriment des autres généraux (Patton par exemple qui était en désaccord avec lui). A propos d'hubris, on peut également évoquer le match des producteurs, celui de "Un pont trop loin", Joseph E. LEVINE désirant faire au moins aussi bien que Darryl F. ZANUCK qui avait produit son "concurrent", "Le Jour le plus long".

Richard ATTENBOROUGH, le réalisateur britannique de "Un pont trop loin" a signé par la suite d'autres superproductions mais à caractère biographique telles que "Gandhi" (1982) et "Chaplin" (1992). Outre l'aspect spectaculaire de la reconstitution et un casting de stars long comme le bras (mais qui a pour inconvénient de réduire la part de chacun à la portion congrue, certains s'en sortant mieux que d'autres), le film a une qualité que je n'ai vu soulignée nulle part mais qui m'a frappée: sa capacité à donner un caractère humaniste aux morceaux de bravoure, à ne pas perdre de vue l'intime au coeur de son récit de guerre. C'est la scène dans laquelle le sergent Dohun (James CAAN) brave le danger pour sauver son capitaine gravement blessé qu'il a juré de protéger au début du film; celle dans laquelle Robert REDFORD récite le "je vous salue Marie" alors qu'il est canardé avec ses hommes pendant la traversée d'un fleuve. Ou encore toutes celles qui dépeignent la guerre de position désespérée menée au nord du pont d'Arnhem par le lieutenant-colonel Frost et ses hommes trop peu nombreux qui investissent une maison dont on voit les étapes de la destruction ainsi que celle de leurs propriétaires. Anthony HOPKINS, acteur fétiche de Richard ATTENBOROUGH (il jouera ensuite pour lui dans "Magic" (1978) et "Les Ombres du coeur") (1993) y est déjà intense et bouleversant dans les derniers moments, éclipsant le reste du prestigieux casting à l'exception de Sean CONNERY, lui aussi remarquable.

Voir les commentaires

Je ne voudrais pas être un homme (Ich möchte kein Mann sein)

Publié le par Rosalie210

Ernst Lubitsch (1918)

Je ne voudrais pas être un homme (Ich möchte kein Mann sein)

"Je ne voudrais pas être un homme" est une comédie muette réalisée par Ernst LUBITSCH à la fin de la guerre. Beaucoup de ses premiers films réalisés en Allemagne ont été perdus. Et ceux qui ont été retrouvés sont globalement sous-estimés en raison de leur nature de divertissements aux effets faciles destinés à remonter le moral des allemands. Pourtant, je ne vois aucune rupture entre ce film et les comédies sophistiquées qu'il réalisera aux USA à partir des années 20. Bien au contraire, ce qui m'a frappé, ce sont les liens étroits avec la partie la plus connue de sa filmographie et celle de celui qui se considérait comme son héritier, Billy WILDER. L'héroïne, jouée par Ossi OSWALDA par son jeu truculent fait penser à Mary PICKFORD que Ernst LUBITSCH a dirigé à son arrivée aux USA. Sa quête d'émancipation et de rapports hommes-femmes égalitaires où circulerait librement le désir fait penser à "Sérénade à trois" (1933) d'autant qu'elle partage avec Miriam HOPKINS une extraordinaire vitalité et une spontanéité rafraîchissante. Enfin, le thème du travestissement recoupe d'autres films de Lubitsch sur le jeu des apparences ("To Be or Not to Be" (1942) par exemple) et contient une charge érotique que Billy WILDER a su utiliser dans plusieurs de ses films. Dans "Certains l'aiment chaud" (1959) évidemment mais aussi dans "Uniformes et jupon court" (1942) le travestissement permet de partager la même couchette alors que dans "La Garçonnière" (1960), Baxter se glisse dans un lit encore chaud des ébats de ses employeurs. Dans "Je ne voudrais pas être un homme", le tuteur de Ossi, un homme en apparence autoritaire, froid et rigide qui a été engagé pour la dresser se lâche complètement lors d'une soirée bien arrosée, se met à flirter avec Ossi travestie en homme qu'il ne reconnaît pas avant qu'un quiproquo ne fasse que chacun se retrouve dans le lit de l'autre. On pense évidemment à "Victor Victoria" (1982) qui reposait sur un quiproquo semblable d'autant qu'Ossi, même revêtue d'habits féminins boit, fume et joue au poker mais on est étonné par une telle liberté de ton dans un film de cette époque qui sous couvert de travestissement aborde frontalement l'homosexualité (les baisers d'Ossi et de son tuteur préfigure celui de Joséphine et Sugar dans "Certains l'aiment chaud") (1959) .

Voir les commentaires

Rapt (Hunted)

Publié le par Rosalie210

Charles Crichton (1952)

Rapt (Hunted)

Le cinéma britannique d'après-guerre est parsemé de pépites souvent méconnues du grand public qui ont infusé dans le cinéma américain contemporain quand ce ne sont pas leurs talents qui y ont immigré. A la vision de "Rapt", comment ne pas penser à "Un monde parfait" (1993) de Clint EASTWOOD? Le film qui n'est pas sans rappeler également "Le Gosse" (1921) de Charles CHAPLIN raconte une bouleversante histoire d'attachement entre un homme et un enfant, tous deux en fuite. Le premier a tué l'amant de sa femme et cherche à échapper à la police, le second a fugué après avoir fait une bêtise de peur d'être battu par ses parents adoptifs maltraitants. Le film est tendu dès sa première scène, remarquable par sa concision et son efficacité: l'enfant qui semble poursuivi par une menace invisible court à toute allure, manquant se faire écraser dans un paysage en ruines de l'après-guerre et en cherchant à se cacher se jette directement dans la gueule du loup, le cadavre encore chaud à ses côtés nous renseignant sur ce qu'il vient de faire. Il embarque aussitôt ce témoin gênant dans son odyssée. S'il semble en permanence aux abois, se comportant avec nervosité et rudesse (à certains moments, il traite vraiment l'enfant comme un paquet voire comme un boulet), jamais l'homme ne se montre maltraitant alors que l'attitude de l'enfant, puis la vision de son corps meurtri confirme que les parents adoptifs à l'apparence respectable sont des Thénardier en puissance (même si la violence semble être le fait exclusif du père). Peu à peu le meurtrier se dévoile et s'avère être un ancien marin affamé de tendresse qui n'a pas supporté d'être trahi. L'enfant qui chemine à ses côtés peut être perçu comme une projection de sa propre fragilité et de son besoin d'amour. Il a d'ailleurs au départ bien du mal à supporter son regard. L'évolution de leur relation est traitée avec sensibilité mais sans mièvrerie aucune, de même que les environnements qu'ils traversent, filmés d'une manière quasi-documentaire. Chris est tiraillé jusqu'au bout entre son instinct de protection et son instinct de survie, entre égoïsme et altruisme ce qui d'ailleurs déroute les autorités: mais pourquoi s'est-il encombré de cet enfant qui peut causer sa perte... ou bien son salut*. Est-il nécessaire de souligner combien Dirk BOGARDE est exceptionnel dans l'un de ses premiers grands rôles? Quant au réalisateur, Charles CRICHTON il deviendra très célèbre plusieurs décennies après dans un registre bien différent, celui de l'humour anglais avec le désopilant "Un poisson nommé Wanda" (1988).

* Cette question posée par les autorités, on la retrouve aussi dans "Les Fugitifs" (1986) qui raconte la naissance de liens affectifs entre un ex-taulard, un chômeur au bout du rouleau et sa petite fille muette dans un contexte de cavale.

Voir les commentaires

Grand Paris

Publié le par Rosalie210

Martin Jauvat (2023)

Grand Paris

Impression contrastée à la vision du premier long-métrage de Martin JAUVAT, un petit film fauché qui évoque un buddy movie de banlieue. Deux jeunes zonards, Leslie (Mahamadou Sangaré) et Félix (Martin JAUVAT) surnommé ironiquement "Renard" parce qu'il n'est pas très fûté s'embarquent dans un road movie à ceci près qu'au vu de leur budget (et de celui du film), il s'agit plutôt d'un "Ile de France mobilités" movie ^^ ce qui explique en partie le titre. Le film est d'ailleurs ponctué de plans d'abribus et de scènes d'attente à la gare du RER B ce qui en dit long sur le périmètre géographique étriqué parcouru par les deux compères. Le film qui adopte un rythme (un peu trop) nonchalant narre une sorte d'errance ponctuée de galères (problèmes de transport, de ravitaillement) et de rencontres plus ou moins hasardeuses. Heureusement qu'ils finissent par appeler un de leurs amis à la rescousse: Amin (William LEBGHIL), un livreur (et pas que de bouffe) qui peut les convoyer autrement plus vite que le "Grand Paris Express" d'un bout à l'autre de la grande couronne. Mais ce n'est pas sa seule utilité. En effet, alors qu'ils se sont rendus à Saint-Remy Les Chevreuse dans l'espoir de gagner un peu d'argent avec un deal de drogue, ils trouvent sur le chantier du Grand Paris Express bien plus intéressant: un objet recouvert de signes cabalistiques. Le film s'oriente alors vers l'aventure archéologique à la Indiana Jones du pauvre. Si l'idée de le mettre en vente leur vient à l'esprit, la curiosité l'emporte (et si c'était un moyen d'accès à un autre univers?) et aidé d'Amin, ils font la connaissance d'un contrôleur calé sur la question (Sébastien CHASSAGNE) qui les entraîne dans une exploration souterraine du réseau qui fait penser aux Catacombes ou à l'intérieur d'une pyramide. De pyramide il en est justement question car le véritable enjeu du film, c'est le besoin d'évasion. Comme dans la cité "Gagarine" (2020) qui transportait Youri dans les étoiles, la tour de Romainville se transforme en soucoupe volante pour déposer les deux amis aux pieds d'une véritable pyramide Maya, celle de la base de loisirs de Cergy étant inaccessible (les deux amis n'ont pas de bateau et ne savent pas nager). Mais les effets spéciaux sont vraiment très cheap et l'ensemble des codes culturels, dialogues inclus ("wesh gro") ciblent un public trop restreint.

Voir les commentaires

La Voix humaine

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (2020)

La Voix humaine

Récemment, j'ai revu "Femmes au bord de la crise de nerfs" dont la parenté avec "La Voix humaine" m'a sauté aux yeux. Et pour cause, le célèbre long-métrage de Pedro Almodovar lui a été inspiré par la pièce en un acte de Jean Cocteau dont il propose à nouveau une adaptation, cette fois en court-métrage. Si Cocteau a mis en scène dans plusieurs de ses pièces la dépendance de femmes à des hommes absents (dans le même genre, "Le Bel Indifférent" (1957) a été adapté en court-métrage par Jacques Demy), Pedro Almodovar cherche lui à les en sortir. Et ce d'autant plus que "La Voix humaine" a été réalisé pendant le confinement ce qui redouble le thème de l'enfermement de l'héroïne qui circule à l'intérieur et à l'extérieur du décor sans pour autant sortir de sa voie (voix?) de garage, du moins jusqu'au moment de la délivrance finale. Les tenues plus colorées et extravagantes les unes que les autres portées par Tilda Swinton (actrice qui décidément transcende les frontières, de genre comme de culture) redoublent l'effet de théâtre dans le théâtre, même si sa conversation au téléphone est un monologue dont le seul spectateur est elle-même. Son personnage est enfermé dans un rôle aussi sûrement que l'était Madeleine dans "Vertigo", cité plusieurs fois. Ceci étant "La Voix humaine" est surtout un exercice de style que l'on contemple pour sa forme, somptueuse et inventive (l'utilisation des outils de bricolage qui tantôt deviennent des lettres, tantôt des armes et tantôt rappellent l'envers du décor).

Voir les commentaires

Teddy

Publié le par Rosalie210

Zoran et Ludovic Boukherma (2020)

Teddy

Si le raté "L'Année du requin" (2022) avait été autant promu dans les salles art et essai c'est parce que les frères Zoran BOUKHERMA et Ludovic BOUKHERMA avaient auparavant réalisé un film de genre, certes un peu bancal mais prometteur, "Teddy". Bancal parce que maîtrisant déjà mal le mélange des genres. Ainsi des scènes très réussies dramatiquement et esthétiquement alternent avec des moments creux. La greffe entre la comédie de terroir à la façon d'un "Groland" occitan, le teen-movie et l'imaginaire fantastique est laborieuse. Heureusement, Anthony BAJON qui est de tous les plans ou presque rend crédible et touchant son personnage de paria social un peu naïf qui tente de gommer les manifestations de sa lycanthropie pour s'intégrer. Du moins jusqu'à ce que ses illusions ne s'écroulent et que n'ayant plus rien à perdre, il provoque un bain de sang dans une scène qui fait fortement penser à "Carrie au bal du diable" (1976). Très travaillée visuellement avec ses contrastes de couleurs primaires et ses cadres dans le cadre, elle conclue un film visuellement recherché que ce soit pour les extérieurs (les paysages de montagnes pyrénéennes) ou les intérieurs (les effets de transparence du salon de massage où travaille Teddy, très "Vénus Beauté Institut" (1999) dans lequel la patronne jouée par Noémie LVOVSKY le poursuit de ses assiduités). Quant à l'horreur, elle reste pour l'essentiel suggérée, sans doute par manque de budget. Les frères Boukherma se font surtout plaisir avec des clins d'oeil à des classiques de la mutation comme "La Mouche" (1986) de David CRONENBERG. En dépit de ses imperfections, le film fonctionne assez bien et il est logique qu'il ait été remarqué.

Voir les commentaires

1 2 3 > >>