C'est la vie (Downhill/When boys leave home)
Alfred Hitchcock (1927)
"Downhill" ("La Descente" ou "La Pente" ou "C'est la vie" en VF), est un film muet de Alfred HITCHCOCK réalisé peu de temps après son premier film important "Les Cheveux d or / The Lodger" (1927). On y retrouve d'ailleurs Ivor NOVELLO dans le rôle principal qui est encore une fois magnétique même si à 34 ans, il n'avait plus vraiment l'âge d'incarner un étudiant. Bien que considéré comme mineur, c'est (encore une fois) un film a réévaluer dans l'oeuvre foisonnante de Alfred Hitchcock non seulement pour sa forme mais aussi pour le fond. Dès les premières images, on est frappé par la précision de la reconstitution des différentes couches sociales que va traverser Roddy dans sa descente aux enfers à commencer par un monde universitaire très anglais qui fait immédiatement penser à Poudlard. Comme dans "The Lodger", Hitchcock s'inspire de F.W. MURNAU pour économiser les intertitres et raconter au maximum par l'image ce qui confère à son oeuvre un caractère expressionniste affirmé. Il introduit des thèmes qui vont devenir des leitmotiv dans son oeuvre: celui d'une relation trouble entre deux étudiants (comme dans "La Corde") (1948), celui du fugitif (comme dans "Jeune et innocent") (1937) et bien sûr le plus important de tous, celui du faux coupable. Mais dans "Downhill", il ne s'agit pas d'un malentendu ou d'une erreur judiciaire mais d'une auto-punition. Dans ce qui apparaît à première vue être un pur mélodrame, Roddy endosse les fautes des autres et tombe toujours plus bas, littéralement. La question est alors, pourquoi tant de masochisme? La réponse est dans la structure de "Downhill" qui annonce toutes les figures géométriques obsessionnelles du réalisateur. Chaque épisode de la vie de Roddy se termine par la descente d'un escalier (ou ses variantes: escalator, ascenseur), illustrant les étapes de sa dégringolade dans l'échelle sociale. On retrouve également la figure du cercle puisqu'une fin inattendue et abrupte nous ramène au début, laissant le spectateur imaginer la suite (un nouveau départ après une éprouvante année initiatique?) Mais la figure la plus intéressante est celle du masque, de l'illusion et du miroir. En effet, chaque étape du parcours de Roddy reflète quelque chose de lui. Dans la première partie, il voit des enfants mendier et se moque d'eux sans se douter qu'il sera un jour à leur place: un exclu de la société. Dans la deuxième qui s'intitule "un monde d'illusions", un plan nous fait croire qu'il est devenu serveur avant qu'un changement de cadre nous révèle qu'il est en fait acteur. En effet dans cette partie, il se fourvoie en épousant une actrice qui ne lui cache même pas qu'elle veut lui piquer son fric et qu'elle a un amant (je soupçonne François TRUFFAUT de s'en être inspiré pour "La Sirène du Mississipi") (1969). Dans la troisième partie "illusions perdues", on le voit se faire payer pour danser avec des femmes plus ou moins âgées, évidemment il s'agit d'un cache-sexe pour évoquer la prostitution. Il se retrouve alors à raconter sa vie (et notamment l'imposture de son mariage) devant un personnage attentif qui s'avère être un travesti: une version cauchemardesque de lui-même? A chaque fois qu'il perd pied, il est question d'argent et de sexe. Issu d'un milieu très riche, il se laisse accuser à tort à la place de son ami au nom d'un "pacte de loyauté" et l'accusatrice ne cache pas qu'elle choisit de l'accuser lui parce qu'il est le plus riche des deux. Qu'expie-t-il exactement: le fait d'être riche ou bien celui d'être lié de trop près à cet ami? (Ou les deux). Dans la deuxième partie, il se laisse dépouiller de son héritage par une femme qui le trompe ouvertement comme s'il l'utilisait pour se payer une couverture. Et dans le monde de la prostitution où l'on paye pour coucher avec lui il découvre une fois les rideaux tirés qu'il est avec un autre homme. On voit donc bien que sous la couche mélodramatique, c'est un drame bien plus profond qui se joue sur fond de puritanisme religieux et de conventions sociales et qui rejoint bien évidemment les maîtres allemands qui ont tout appris à Hitchcock, à commencer par Murnau.