La bande-annonce, censée donner envie d'aller voir un film m'avait plutôt fait fuir. Ca avait l'air trop mélo, trop chromo et noyé dans une bande-son abrutissante. Si le film n'évite effectivement pas ces écueils (oui, c'est racoleur et assumé comme tel), il est plus subtil qu'il en a l'air. Il faut dire qu'il s'agit de l'adaptation (la deuxième) d'un roman japonais, "Strangers" de Taichi Yamada. Cette influence, on la ressent au travers des fantômes qui obsèdent Adam (Andrew SCOTT que j'avais beaucoup aimé dans "Pride") (2014). Ils l'obsèdent tellement que sa vie présente est un désert. Pourtant, une autre solitude vient à lui. Cela m'a fait penser un bref instant à "Une journee particuliere" (1977), ces deux solitaires exclus de la vie qui se croisent dans un immeuble vide. Mais Adam ferme sa porte à Harry (Paul MESCAL). Il préfère imaginer tout ce qu'il aurait aimé dire à ses parents disparus quand il avait 12 ans ce qui donne lieu à des scènes assez troublantes de par le choix de faire jouer les parents par des acteurs plus jeunes que Andrew SCOTT (Claire FOY et Jamie BELL alias "Billy Elliot") (2000). On pense à un moment donné que Adam va se réconcilier avec la vie, on pense que celle-ci est représentée par Harry qui finit par s'inviter chez lui, dans sa vie et dans ses rêves, bref par pénétrer son intimité. Mais ce Harry là n'est peut-être qu'une illusion lui aussi. Evidemment on a du mal à démêler le vrai du faux tant la réalité et le rêve se confondent à l'image. Néanmoins, ce travail de deuil qu'Adam ne semble pas parvenir à faire jette un doute sur sa capacité à sortir de son isolement. Dommage d'avoir exprimé des émotions simples et universelles avec des images parfois clichetoneuses qui à l'image d'Adam mettent le spectateur à distance, le tout sur un rythme qui se traîne.
Tout ce que je connais de la Hammer, c'est un extrait de l'un de ses "Dracula" avec Christopher LEE. Quant à Peter CUSHING il est pour moi associé à l'épisode 4 de Star Wars (et à "Rogue One: A Star Wars Story" (2016) où il est ressuscité par la grâce des effets spéciaux), question de génération. Je ne suis pas non plus une spécialiste de l'univers de Sherlock Holmes, que ce soient les romans ou leurs adaptations. Je ne connais que le film de Billy WILDER dans lequel Christopher LEE jouait Mycroft, le frère de Sherlock et la série transposant le mythe dans un univers contemporain. Ce qui m'a frappé donc dans cette adaptation, c'est d'abord son style gothique flamboyant. Les couleurs, la lumière, l'atmosphère, les costumes m'ont fait immédiatement penser à "Les Contrebandiers de Moonfleet" (1955) qui lui est contemporain. Un style repris de nos jours par Tim BURTON: lande désolée nageant dans le brouillard, manoir lugubre, pleine lune, hurlements lointains, éclairs et tonnerre, ruines etc. C'est pourquoi la version du célèbre roman de Conan Doyle par Terence FISHER fait moins penser à un polar qu'à une aventure fantastique, cousine britannique des films américains de Roger CORMAN. D'ailleurs, les deux réalisateurs ont également dirigé des acteurs indissociables du genre: Vincent PRICE pour Roger CORMAN, Christopher LEE associé à Peter CUSHING pour Terence FISHER. Encore que dans "Le chien des Baskerville" le premier ne joue pas le rôle d'un monstre mais du dernier descendant légitime d'une famille en proie à une malédiction. C'est elle que combat Sherlock, joué par un Peter CUSHING qui impressionne avec son visage émacié et son regard presque dément. Le tout s'accorde avec une mise en scène représentant la violence de manière stylisée mais hautement suggestive: la scène de la tarentule, jouant sur l'effet de suspense est encore aujourd'hui assez éprouvante à regarder (sauf si on aime ces araignées), de même la scène d'ouverture impressionne par la brutalité des rapports de classe et de genre.
Les spectateurs étrangers ayant en tête l'univers de "Harry Potter" à l'évocation d'un collège anglais avec ses vénérables portraits, ses boiseries, ses uniformes et ses préfets risquent de déchanter. Car c'est plutôt à un camp de concentration dissimulé sous une architecture gothique que ressemble "If....", véritable brûlot contestataire typique de l'esprit de mai 1968. Le réalisateur, Lindsay ANDERSON s'est inspiré d'un film beaucoup plus ancien, celui de Jean VIGO, "Zero de conduite" (1933) traversé par le même souffle libertaire et onirique à l'intérieur d'un système moins éducatif que répressif et carcéral. Les élèves subissent à longueur de journée un lavage de cerveau destinés à en faire de futurs bons petits soldats au service de la sainte trinité du système: l'école, l'église et l'armée. Les représentants de ces trois institutions se contentent cependant d'asséner leurs discours de propagande, laissant leurs hommes de main, les "whips" le soin de faire régner la discipline. Ceux-ci, recrutés parmi les élèves de dernière année ne sont rien d'autre que des kapos fliquant les autres élèves avec sadisme et abusant de leur pouvoir pour satisfaire leurs désirs les plus troubles, même si ceux-ci ne sont que suggérés (on est pas chez Pier Paolo PASOLINI). Un élève leur résiste particulièrement, Michael Travis alias Malcolm McDOWELL qui faisait avec ce film une entrée remarquée au cinéma. Tellement remarquée que Stanley KUBRICK allait lui donner peu après le rôle principal de "Orange mecanique" (1971). Dans "If...." il incarne déjà par sa seule présence magnétique, sa nonchalance et son rictus goguenard une jeunesse de plus en plus remontée à bloc au fur et à mesure que les brimades s'accumulent. Plus le film avance et moins on arrive à distinguer le réel du rêve, tant le film est traversé de fulgurances, certaines en noir et blanc ce qui est plus ou moins accidentel mais accentue le sentiment d'étrangeté d'un film que l'on croit longtemps intemporel jusqu'au final explosif qui semble inéluctable.
La promesse du titre est trompeuse: le film ne fait pas de miracle. Le scénario et la mise en scène sont convenus à l'extrême. Chaque scène surligne lourdement les enjeux et la progression dramatique est parfaitement prévisible. Prévisible et maladroite. Le thème du pèlerinage à Lourdes est survolé et finit par n'être qu'un décor unissant trois femmes liées par un secret guère palpitant. J'ai remarqué aussi qu'il y avait des passages confus et mous du genou comme ce qui tourne autour des maris (alors que cela aurait pu être au choix soit très drôle ou bien à l'inverse, dramatique voire tragique. Mais le réalisateur ne choisit pas entre ces deux voies et se contente d'un entre-deux peu satisfaisant). Bref, c'est une oeuvre médiocre qui ne vaut d'être vue que pour deux raisons: sa reconstitution d'époque, plutôt soignée et bien entendu son formidable trio d'actrices Maggie SMITH (dont c'est la dernière apparition au cinéma, à 88 ans), Kathy BATES et la trop rare Laura LINNEY. Dommage que cette dernière joue encore un rôle sacrificiel comme dans "Love Actually" (2003) alors que Kathy BATES se retrouve dans le rôle d'un personnage odieux la plupart du temps. Seule Maggie SMITH échappe en partie au cliché, non pas que son personnage ait été mieux écrit mais parce que l'on perçoit sa grande fragilité et que celle-ci nous émeut.
Le concept du premier film de Alan PARKER est génial: faire jouer les juniors dans la cour des grands. Enfin presque, car pour revêtir les habits des films de gangsters de l'entre-deux-guerres tels que "Le Petit Cesar" (1930) ou "Scarface" (1931), il a fallu faire quelques adaptations. Les bootleggers et speakeasy trafiquent et servent des sirops "on the rocks", les automobiles sont des voiturettes à pédale impeccablement customisées, les armes sont celles du cinéma burlesque: tartes à la crème pour le gang de Fat Sam et lanceurs de petits suisse maquillés en mitraillettes pour celui de Dan le Dandy. L'acquisition de ces armes plus élaborées est d'ailleurs l'objectif du gang de Fat Sam. Les garçons jouent les truands, les flics ou les artistes de speakeasy et les filles sont danseuses ou chanteuses. Tout ce petit monde est plus vrai que nature dans un univers classieux reconstitué à la perfection, au point que si ce n'étaient les visages juvéniles et les tailles miniature, l'illusion serait parfaite. Le résultat est délicieusement parodique, le sexe et la violence étant ramenés à un jeu d'enfants dans lequel il s'agit d'être le plus fort ou la plus belle. L'aspect burlesque du film nous ramène à l'époque du muet (on voit d'ailleurs le tournage d'un film selon les techniques de cette époque tout à fait comme dans "Babylon") (2021) mais aussi à Billy WILDER et à "Certains l'aiment chaud" (1959) ou encore à Blake EDWARDS (plus particulièrement à la séquence tarte à la crème de "La Grande course autour du monde") (1965). Quant à l'aspect comédie musicale, elle évoque le futur "Cotton Club" (1984). La BO de Paul WILLIAMS ("Phantom of the Paradise") (1974) est somptueuse et addictive. Enfin si la plupart des enfants-acteurs sont ensuite retournés à l'anonymat, Jodie FOSTER âgée de 13 ans brille dans l'un des rôles principaux, l'année même où elle deviendra une star avec "Taxi Driver". (1976)
Le festival de Cannes adore les films sociaux ce qui est un paradoxe quand on regarde la bulle mondaine et élitiste qui leur attribue généreusement la palme d'or. Une façon de conjurer la vacuité accompagnant ce type d'événement? Toujours est-il que comme pour les films primés des frères Dardenne, le jury a eu le nez creux. "Moi Daniel Blake" est un excellent film qui complète très bien l'autre palme d'or de Ken LOACH, "Le Vent se leve" (2006). Surtout il fait partie des rares films qui réussissent à jeter un pont entre les deux bords de la fracture sociale qui mine nos vieilles démocraties et à mettre en lumière les contradictions entre les injonctions performatives de la mondialisation libérale et l'héritage de d'Etat-providence né de la grande Dépression et de la seconde guerre mondiale. Daniel Blake, homme de l'ancien temps n'ayant pas réussi à s'adapter au nouveau ce que souligne son illectronisme a un gros pépin de santé qui l'empêche de continuer à travailler. Son parcours du combattant face à l'inhumaine et absurde machine administrative pour faire reconnaître son invalidité et toucher ses indemnités révèle les méthodes écoeurantes utilisées par l'Etat pour priver les personnes devenues "improductives" de leurs droits et ainsi à défaut de pouvoir purement et simplement le supprimer, torpiller l'Etat-providence de l'intérieur. Beaucoup de scènes du film valent aussi pour la France et parleront à tous. Outre l'illectronisme qui donne lieu à des scènes tragi-comiques, qui ne s'est pas heurté à des personnes incompétentes mais intronisées comme expertes par les autorités pour remettre en cause les avis des médecins n'allant pas dans leur sens? Qui n'a pas déjà attendu des heures au téléphone que quelqu'un veuille bien prendre en charge leur appel? Qui n'a pas eu la désagréable impression d'être suspecté de fraude aux allocations juste pour le fait de réclamer ses droits? Qui ne s'est pas retrouvé dans un dédale kafkaïen de démarches absurdes dans lequel le respect du protocole est mis au dessus des besoins les plus élémentaires comme ceux d'être écouté et respecté? Sans parler de l'infantilisation des chômeurs, fliqués et menacés de sanction au moindre faux pas. Ken LOACH décortique impitoyablement la machine à broyer les pauvres, que les quelques manifestations de solidarité et les associations caritatives ne parviennent pas à enrayer, d'autant que les employés humains sont impitoyablement fliqués eux aussi alors que les subventions aux associations se réduisent. La force du film tient aussi à la caractérisation du personnage principal qui incarne une attention aux autres et un amour du travail bien fait qui rend d'autant plus insupportable son oppression et son sentiment d'impuissance grandissant. Le fait de mépriser ces valeurs en détruisant les gens qui les portent au profit d'ectoplasmes renvoie l'image d'une société pas seulement à deux vitesses mais profondément malade. La galère de la jeune femme en situation de précarité qu'il tente d'aider est hélas représentative de nombre de cas actuels au Royaume-Uni, particulièrement depuis la mise en oeuvre du Brexit.
Une curiosité que ce film britannique du début des années 80, éclipsé dans la mémoire collective par la musique de Vangelis PAPATHANASIOU, sa composition la plus célèbre avec celle de "Blade Runner" (1982). Autre atout du film, sa reconstitution minutieuse de l'université de Cambridge au début des années 20 ainsi que des JO de Paris de 1924. Le résultat est d'une qualité indéniable, on s'y croirait! On peut ajouter enfin un casting tout à fait réussi puisant dans le vivier anglais, fertile en talents. Les jeunes acteurs de premier plan sont épaulés par des vétérans parmi lesquels se détache Ian HOLM dans le rôle de Sam Mussabini, l'entraîneur de Harold. Néanmoins "Les Chariots de feu" est plombé par son caractère édifiant. Les valeurs du sport sont béatement glorifiées dans une perspective aussi bien religieuse que patriotique ce qui révèle à la fois une idéalisation de l'Empire britannique en tant que puissance et creuset et une imprégnation de l'idéologie thatchérienne du dépassement de soi et de la réussite individuelle. Même si le personnage de Harold Abrahams doit lutter pour s'intégrer dans un milieu chrétien conservateur antisémite et raciste, ses exploits sportifs transforment sa destinée en "sucess story" à l'américaine. Cependant, Harold reste néanmoins un personnage humain plein de rage et de doute alors que son comparse, Eric Liddell, presbytérien intégriste s'efface au profit d'une querelle entre patriotisme et religion se résumant à courir pour Dieu (sauf le dimanche) ou pour son pays. Difficile aujourd'hui d'adhérer à un discours aussi propagandiste, y compris pour le sport dont on connaît les dérives et les dévoiements y compris dans le cadre de l'olympisme.
"Emmenez-moi au bout de la terre, emmenez-moi au pays des merveilles, il me semble que la misère, serait moins pénible au soleil". Cet extrait de la chanson de Charles Aznavour convient parfaitement à "American Honey", road-movie dans le midwest américain. Sa longueur (2h43) permet d'effectuer une radiographie assez poussée de l'envers du rêve américain et ce, des deux côtés de la barrière: la nomade et la sédentaire, l'une se nourrissant de l'autre. Le film colle aux basques de l'héroïne, Star (Sasha LANE), adolescente qui décide de plaquer du jour au lendemain sa famille dysfonctionnelle pour partir sur les routes à bord d'un van regroupant d'autres jeunes paumés ramassés sur le bord du chemin par le séduisant Jake (Shia LaBEOUF, seul acteur professionnel du casting) pour le compte de sa maîtresse et patronne, Chrystal (Riley KEOUGH). Ce faisant, Star troque un système d'exploitation contre un autre. Rien de nouveau sous le soleil: Chrystal est une Fagin ou une Garofoli des temps modernes, une femme d'affaires impitoyable qui recueille de jeunes vagabonds pour les faire travailler et punir ceux qui ne rapportent pas assez. Le travail lui-même ressemble à de la mendicité, il s'agit de soutirer des abonnements à des magazines que personne ne lit plus en suscitant la pitié des acheteurs. Mais comme Star ne mange pas de ce pain-là, ses méthodes la rapprochent dangereusement de la prostitution. Elles permettent aussi de visiter cette Amérique du vide largement acquise à Trump: motels crasseux, maisons abandonnées, banlieues cossues évangélistes, champs pétrolifères peuplés d'hommes en manque, cow-boys texans tape à l'oeil et pas très nets ou encore lotissements pavillonnaires misérables dans lesquels Star rencontre des situations qui reflètent celle qu'elle a quitté. Le portrait n'est guère reluisant. Mais le film lui est flamboyant, brut et sauvage, énergique voire tonitruant avec sa musique omniprésente ce qui lui permet de contourner l'écueil du misérabilisme, comme Andrea ARNOLD parvenait déjà à le faire dans "Fish tank" (2009) auquel on pense beaucoup. La soif de liberté des héroïnes y est identique et s'exprime à travers l'attention au vivant dans ses manifestations les plus humbles. Ainsi Star recueille avec précaution les insectes et les animaux pris au piège pour les relâcher dans la nature. Il est cependant dommage que la réalisatrice ait privilégié la relation toxique entre Star et Jake au détriment du reste du groupe. Le casting (que l'on devine à l'image du film, sauvage) est pourtant réussi mais les personnalités restent seulement esquissées et on reste sur notre faim.
Autant j'ai eu mainte fois l'occasion de souligner la qualité des productions BBC récentes, notamment dans le domaine de l'adaptation littéraire, autant celles du passé sont une "terra incognita". Et pour cause, nombre d'archives radiophoniques et télévisuelles ont disparu parce que notamment dans les années 60 et 70, il était coûteux de les conserver. Les supports d'enregistrements étaient le plus souvent recyclés ou détruits. L'avènement du numérique (et avant lui des moyens de lecture et de commercialisation tels que la VHS et le DVD) ont bouleversé ces paramètres à partir des années 80. La survie de l'intégralité de cette version du roman d'Alexandre Dumas, la seule produite par la BBC que l'on crut longtemps perdue et qui date du milieu des années 60 est donc en soi un petit miracle.
Les contraintes (notamment budgétaires) inhérentes à ce type de production pèsent évidemment sur la réalisation qui privilégie les séquences dialoguées en gros plan. Les personnages vieillissent peu ou pas du tout et les différents masques du comte sont purement et simplement abandonnés. C'est le banquier Thomson de la maison Thomson et French de Rome qui apparaît en personne par exemple dans la plupart des scènes en lieu et place de "Lord Wildmore", l'avatar anglais de Edmond Dantès. Il faut donc invoquer le pouvoir de la fiction pour expliquer que Caderousse ne reconnaisse pas Edmond qui lui apparaît tel qu'il était quatorze ans plus tôt mais revêtu d'une soutane. Le charismatique Alan Badel qui l'interprète a d'ailleurs comme la plupart des comédiens une quarantaine d'années et s'appuie seulement sur son jeu d'acteur pour dépeindre le jeune et naïf Edmond d'avant son arrestation.
L'adaptation par Anthony Steven est cependant d'une grande fidélité au roman d'Alexandre Dumas. Celui-ci est définitivement mieux fait pour la mini-série que pour le cinéma. Quelques personnages sont certes supprimés comme Noirtier, Franz d'Epinay, Edouard de Villefort et le père de Dantès, quelques sous-intrigues passent également à la trappe comme ce qui touche à Caderousse une fois le diamant en poche ou l'empoisonnement de la famille Saint-Méran par Mme de Villefort mais rien de fondamental. Il y a en revanche une véritable volonté de mettre en valeur les aspects les plus audacieux du roman. C'est particulièrement frappant en ce qui concerne le personnage féministe et lesbien d'Eugénie Danglars dont le franc-parler et le refus de jouer le jeu du théâtre social frappent Monte-Cristo au point que dans le roman, il lui fournira de faux papiers pour l'aider à se faire passer pour un homme et s'enfuir. Dans la série, on la voit échafauder son plan d'évasion allongée sur un lit en compagnie de Louise d'Armilly: l'allusion bien que chaste à leur relation est transparente. Il en va de même pour Haydée qui affirme très clairement son amour passionnel et charnel pour le comte, lequel finit par l'accepter, conformément à la fin du roman.
Comme nombre de grands classiques de la littérature populaire, "Les quatre filles du docteur March" a été adapté de nombreuses fois au cinéma mais aussi à la télévision. Ma génération, celle qui a grandi avec la Cinq se souvient du générique de la série de la Nippon Animation chanté par Claude LOMBARD "Toutes pour une, une pour toutes". Mais la BBC a également sa version en mini-série de trois épisodes réalisée un an avant le film de Greta GERWIG. Pas de stars dans les rôles principaux, hormis la fille de deux célébrités* dans le rôle de Jo (à quand son "Marcello Mio"?) (2023) mais un casting particulièrement relevé pour les rôles secondaires. Emily WATSON dans le rôle de Mary March, Michael GAMBON dans celui de James Laurence, le grand-père de Laurie (pour rappel, c'est lui qui interprète Dumbledore dans la saga Harry Potter à partir de "Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban") (2004) et enfin dans le rôle de la tante March, Angela LANSBURY dans son dernier rôle où elle s'avère aussi drôle qu'émouvante. La série est comme la plupart des adaptations de la BBC particulièrement soignée, très fidèle au roman de Louisa May Alcott mais avec une touche de finesse psychologique en plus dispensée ici et là autour des "démons intérieurs" que chaque soeur doit tenter de surmonter comme l'impulsivité, la colère, la coquetterie ou la timidité. Jo y écrase en effet moins ses soeurs que dans d'autres adaptations. S'il est difficile de développer un personnage aussi conventionnel que celui de Meg, la scénariste Heidi THOMAS s'appuie beaucoup sur les caractères antinomiques de Beth et d'Amy qui représentent également deux facettes de la personnalité de Jo. Elle partage avec la première un lourd sentiment d'inadaptation au monde étriqué promis aux femmes du XIX° siècle alors qu'elle est en rivalité avec la seconde à qui tout semble mieux réussir qu'à elle, que ce soit au niveau artistique ou relationnel.
* Maya HAWKE est la fille de Uma THURMAN et Ethan HAWKE.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.