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Hedwig and the angry inch

Publié le par Rosalie210

John Cameron Mitchell (2001)

Hedwig and the angry inch

"Hedwig and the Angry Inch" est à l'origine une comédie musicale créée par John Cameron MITCHELL en 1998. C'est également lui qui l'adapte pour le cinéma en 2001. Mais le personnage d'Hedwig avait déjà fait des apparitions sur scène à partir de 1994. Biographie chantée subvertie par l'esprit queer et transcendée par l'énergie rock, "Hedwig" met en lumière la part d'ombre des stars "crypto-gays" symbolisées par le chanteur américain Tommy Gnosis (Michael PITT). Hedwig, transexuel originaire de Berlin-est a en effet été son mentor avant que Tommy ne s'enfuie en lui volant les chansons qu'il avait créé pour lui. Ainsi en parallèle des images de concert soulignant le succès de Tommy, on assiste aux galères quotidiennes d'Hedwig contraint pour survivre de se produire dans des lieux miteux avec son groupe "The Angry Inch". Une allusion à l'opération ratée de changement de sexe subie par Hedwig au moment de passer à l'ouest. La symbolique du mur de Berlin qui coupe en deux la ville jusqu'en 1989 rejoint la problématique de Hedwig qui a été charcuté physiquement de telle façon qu'il n'est ni tout à fait un homme, ni tout à fait une femme et qui est à la recherche sentimentalement et sexuellement de sa moitié perdue (ce qu'exprime la chanson "The Origin of love"). Cette symbolique du mur était aussi celle des chanteurs de rock ayant servi de modèle à Hedwig à savoir "The Berlin Three" (David BOWIE, Lou REED, Iggy POP). S'il y a d'ailleurs une chanson qui définit Hedwig au point qu'il la fredonne c'est "Walk on the wild side". Pourtant malgré le caractère périlleux du sujet, le film n'est pas graveleux. John Cameron MITCHELL dont l'abattage impressionne interprète un Hedwig sensible à la recherche de lui-même et de l'âme soeur. Un personnage cash et candide aux émotions à fleur de peau que ce soit dans les larmes ou la colère qui équilibre l'emballage drag exubérant et les sujets explosifs qu'il charrie avec lui. D'autant que à certains moments, il n'y a plus d'emballage, John Cameron MITCHELL n'hésitant pas à se mettre à nu, au propre comme au figuré. La BO est somptueuse.

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Shock corridor

Publié le par Rosalie210

Samuel Fuller (1963)

Shock corridor

C'est par le biais de Wim WENDERS que j'ai découvert Samuel FULLER. Il a fait une apparition en effet dans "L'Ami américain" (1977) avec d'autres cinéastes à qui Wenders souhaitait rendre hommage. Mais il n'est pas le seul à admirer Samuel Fuller. C'est le cas également de Jean-Luc GODARD (qui lui faisait faire déjà un caméo dans "Pierrot le fou") (1965), Quentin TARANTINO ou Jim JARMUSCH. Pourtant l'oeuvre de Samuel FULLER reste assez méconnue en France et donne également lieu à des malentendus. Ainsi "Shock Corridor" ne doit pas être pris au pied de la lettre. Ce n'est pas un documentaire sur l'asile psychiatrique, sinon Samuel Fuller n'aurait pas engagé Stanley CORTEZ, le chef opérateur de "La Nuit du chasseur" (1955) pour donner au film une ambiance expressionniste proche d'un film d'horreur en milieu clinique. Un choc des contraires en noir et blanc particulièrement brutal qui fait des étincelles, les aliénés non mis à l'isolement se retrouvant dans un long couloir rectiligne surnommé "La rue". Comme "Vol au-dessus d'un nid de coucou" (1975), il s'agit d'établir à travers la plongée dans ce microcosme d'exclus infiltré par un imposteur la critique d'un système politique et/ou social. Ce dernier est un individu cynique qui joue la comédie pour tirer un gain de son internement sans réaliser qu'il vend ainsi son esprit au diable. Ce n'est pas par hasard que l'URSS faisait interner ses dissidents afin de les briser. "Shock Corridor" qui se présente sous la forme d'une enquête journalistique (le premier métier de Samuel Fuller) sur un meurtre non résolu à l'intérieur de l'asile est une assez saisissante radiographie des maux de l'Amérique. Les trois témoins du meurtre représentent ainsi respectivement la guerre, le racisme et la bombe nucléaire (le film date de 1963, l'année suivant la crise des missiles à Cuba). Quant au journaliste, il est le parfait rejeton du système, un ambitieux aux dents longues qui préfère écouter sa hiérarchie dans l'espoir d'être primé plutôt que sa fiancée qui est la seule à comprendre d'emblée qu'il n'y survivra pas. De fait, son évolution fait froid dans le dos, depuis le moment où il est mordu par des nymphomanes (scène qui rappelle la mise à mort de Sébastian dans "Soudain l'été dernier" (1959), le sexe se muant en appétit carnassier et vampirique) jusqu'au moment où il lutte contre un mutisme qui menace de l'emmurer en lui-même avant qu'un final diluvien de vienne emporter sa raison. Le film aujourd'hui encore suscite le malaise de par ses scènes-chocs, notamment tout le passage autour du deuxième témoin, un afro-américain si aliéné par le discours suprémaciste qu'il se prend pour un membre du Ku Klux Klan.

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Promenade avec l'amour et la mort (A Walk with love and death)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1969)

Promenade avec l'amour et la mort (A Walk with love and death)

Le XIV° siècle en 1968, il fallait y penser! Les points communs entre la guerre de 100 ans et le soulèvement de la jeunesse occidentale contre les institutions ne semblent pas évident au premier abord. Pourtant John HUSTON entremêle les deux événements historiques (le Moyen-Age du film, la révolution de 1968 contemporaine du tournage) avec bonheur. Aux antipodes de la reconstitution historique spectaculaire et héroïque, il choisit d'adapter l'oeuvre de Hans Koningsberger avec une certaine humilité. Il parvient à rendre ces événements lointains intemporels et donc proches de nous. Pour cela, il fait le double choix du réalisme (comme Bertrand TAVERNIER) et de l'épure (comme Ingmar BERGMAN), le film se déroulant pour l'essentiel dans des paysages naturels (forêt, dunes) ou dans des décors dépouillés de châteaux et d'abbaye. Et il se concentre sur un aspect méconnu de la guerre de 100 ans et beaucoup plus important et structurant dans l'histoire de la France que ceux qui sont mis en avant dans les films consacrés à cette période: la guerre civile qui oppose les nobles aux paysans révoltés. En réalité cette guerre de castes a commencé dès la mise en place de l'ordre féodal vers l'an mille et s'est poursuivie par intermittences jusqu'à la Révolution française huit siècles plus tard (et même un peu plus tard comme le raconte Eugène le Roy dans "Jacquou le Croquant" qui se déroule sous la Restauration). La guerre de 100 ans étant une période de chaos, elle a entraîné la résurgence des actes de jacquerie contre les châteaux, férocement réprimés par les nobles et condamnés par l'Eglise. John HUSTON qui fait une brève apparition dans le film joue un noble "Robin des bois" qui soutient la paysannerie et accable particulièrement le puritanisme religieux, faisant ainsi le lien avec mai 1968. C'est en effet dans ce contexte troublé que deux jeunes gens déracinés, Heron de Foix et Claudia de Saint-Jean errent à la recherche d'un lieu où ils seraient libres de s'aimer en paix. Mais la violence rattrape partout le couple "love and peace" au point que leur désir de s'échapper par la mer apparaît de plus en plus comme une chimère. Il y a une parenté très frappante entre la dramaturgie de ce film et celle de "The African Queen" (1951) à savoir un rapprochement amoureux entre deux êtres a priori éloignés jetés dans un "trip movie" sur l'eau ou sur les chemins en pleine nature et en pleine guerre et ce jusqu'au final à savoir un mariage improvisé dans une situation désespérée. Ce sont les premiers pas à l'écran de Anjelica HUSTON alors âgée de 16 ans et dont la beauté singulière m'a fait penser à celle de Alana HAIM, l'interprète de Alana Kane dans "Licorice Pizza" (2021). Amusant quand on sait que son partenaire à l'écran, Assaf Dayan est le fils d'un héros de guerre israélien qui a préféré comme son personnage choisir la vie de bohème. John HUSTON aura eu ainsi la particularité d'avoir dirigé au cours de sa carrière son père, Walter HUSTON et sa fille, Anjelica HUSTON.

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Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and Old Lace)

Publié le par Rosalie210

Frank Capra (1941)

Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and Old Lace)

Créée à Broadway le 10 janvier 1941, « Arsenic et vieilles dentelles » d'après la pièce de Joseph Kesselring a tenu le haut de l’affiche jusqu’au 17 juin 1944. Elle est entrée dans le livre Guiness des records des pièces les plus jouées à Broadway avec 1 444 représentations, avant de s’installer au Strand Theater à Londres jusqu’en 1946. La pièce a marqué notamment les esprits grâce à l’interprétation magistrale de Boris KARLOFF dans le rôle de Jonathan. Mais c’est Franck Capra qui l'a rendue mondialement célèbre en l’adaptant au cinéma. Sans Boris KARLOFF hélas retenu ailleurs au moment du tournage et remplacé par un "clone" (Raymond MASSEY) mais avec Peter LORRE qui compose un docteur Einstein savoureux. Face à ce duo tout droit sorti du film de James WHALE, Cary GRANT, le roi de la screwball comédie ne fait pas dans la dentelle (^^) et son surjeu permanent (encouragé par Frank CAPRA) finit par émousser le ressort comique de son personnage qui pourtant démarrait très fort. C'est la différence entre le cinéma qui demande de la retenue et le théâtre qui se joue à fond. Pour rappel, Cary Grant joue Mortimer dont le mariage est mis en péril par un encombrant cadavre dans le placard et qui se démène pour que sa famille de cinglés (deux vieilles bigotes qui assassinent par charité chrétienne et leur neveu qui se prend pour Théodore Roosevelt) aille dormir à l'asile psychiatrique dirigé par M. Witherspoon (Edward Everett HORTON, un pilier du second rôle de la comédie américaine de cette époque). On rit encore aujourd'hui beaucoup en regardant cette comédie loufoque et macabre même si l'aspect théâtre filmé et l'ambiance hystérique la rendent parfois un peu lourde à digérer. Certains gags ont mal vieilli (celui du taxi par exemple) de même que certains personnages (la fiancée de Mortimer, le policier théâtreux) mais comme on est dans la surcharge permanente, il y a dans ce trop-plein de quoi largement se contenter. Un exemple parmi d'autres: comme dans les cartoons, Mortimer raconte sur le mode de la fiction ce qui est en train de se dérouler derrière son dos. Pourtant il a découvert très tôt dans le film que la réalité dépassait la fiction!

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L'Esprit de la ruche (El Espíritu de la colmena)

Publié le par Rosalie210

Victor Erice (1973)

L'Esprit de la ruche (El Espíritu de la colmena)

"L'Esprit de la ruche", premier film de Víctor ERICE se présente comme un conte avec l'expression "Il était une fois" renvoyant à un espace-temps indéterminé symbolisé par une magnifique et surréelle lumière dorée comme le miel passant à travers une porte dont les motifs ressemblent à ceux des alvéoles d'une ruche. S'y ajoute un autre motif récurrent des contes, la forêt, son champignon vénéneux et ses monstres, plus précisément celui qui se promène dans l'imagination d'Ana (Ana TORRENT dont c'était le premier film et qui était déjà magnétique avec ses immenses yeux noirs inquiets) depuis qu'elle a vu lors d'une projection dans son village le "Frankenstein" (1931) de James WHALE. A travers les interrogations qui la hantent et qui tournent autour de la mort (celle de la petite fille et celle du monstre), Ana tente de comprendre le monde qui l'entoure et qui apparaît étrangement dévitalisé. Car le film inscrit cette atmosphère de conte au coeur du réel, le "il était une fois" inscrit sur un dessin d'enfant à la fin du générique étant immédiatement suivi d'une prise de vue réelle et de la mention "quelque part en Castille vers 1940". Ce plan situé en extérieur se caractérise par une lumière grisâtre opposée à la lumière dorée "magique" des plans d'intérieur et tous ceux qui se situent sur un plan réaliste dans le film ont la même tonalité grise, vide et misérable à l'image des façades lépreuses des maisons du village et des bâtiments alentours, perdus au milieu d'un désert. Un instantané de l'Espagne franquiste de 1940 et qui l'était encore en 1973, date de sortie du film: un monde de solitude, de silence et de mort. La famille d'Ana est éclatée, chacun de ses membres monologuant en murmurant dans son coin. Le père qui est apiculteur rumine ses pensées sur les abeilles, la mère écrit des lettres à un mystérieux interlocuteur et la grande soeur Isabel invente des mises en scène macabres dans la lignée de "Harold et Maude" (1971) quand elle ne tente pas d'étrangler son chat. L'intérieur de la maison qui est plongé dans le noir peut d'ailleurs faire penser à un mausolée dont la porte dorée serait le vitrail menant au monde imaginaire (entre pays d'Oz et pays des merveilles). Quant aux abeilles et à la ruche que l'on trouve à l'extérieur comme à l'intérieur de la maison, on peut les voir comme une métaphore de la société laborieuse uniformisée et automatisée vivant sous cloche ou comme une manifestation divine (d'où provient la lumière dorée), la "route de briques jaunes". Pourtant ce n'est pas un monde féérique qui attend l'enfant mais un homme blessé échappé d'un train (vraisemblablement un anti-franquiste) à qui elle tend la main comme le faisait la petite fille vis à vis de la créature de Frankenstein. Ana découvre ainsi que l'horreur ne vient pas de lui mais de la société dans laquelle elle vit. On pense aux grands films américains sur l'imaginaire enfantin face au mal ("Du silence et des ombres" (1962), "La Nuit du chasseur") (1955) et on ressent très fortement la filiation avec le film de Guillermo DEL TORO, "Le Labyrinthe de Pan" (2006).

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Je ne suis pas votre nègre (I am not your negro)

Publié le par Rosalie210

Raoul Peck (2017)

Je ne suis pas votre nègre (I am not your negro)

"Je ne suis pas votre nègre" est un film fort et d'une implacable lucidité sur les racines du racisme américain. Le réalisateur, Raoul PECK a eu l'idée d'exhumer un manuscrit inachevé de l'écrivain afro-américain James Baldwin écrit en 1979 et d'en faire la colonne vertébrale du film. Cet écrit incisif, lu par Samuel L. JACKSON en VO et par JOEY STARR en VF a pour but d'ouvrir les yeux de l'Amérique sur elle-même, sur ce qu'elle est vraiment. Sa portée dépasse en effet la seule question du racisme qui est montré pour ce qu'il est, le symptôme d'une civilisation malade de ses origines et qui plutôt que de changer son pacte fondateur préfère continue à détourner les yeux et à vivre dans le déni, pour le malheur de tous. Si le combat pour les droits civiques dont James Baldwin a été le témoin est longuement évoqué au travers notamment de l'assassinat de trois de ses figures emblématiques dont il était proche, Medgar Evers (membre du NAACP, la national association for the advancement of the colored people), Malcom X et Martin Luther King, le film sonde en profondeur l'imaginaire de l'Amérique à travers sa culture dominante. En ressort une continuité glaçante autant qu'éclairante sur son racisme systémique et la manière dont l'Amérique se représente elle-même. Etonnement, "Naissance d'une nation" (1915) n'est pas évoqué alors que ses thèmes eux le sont. La diabolisation des noirs et métis comme justification des massacres commis par les "preux" chevaliers du KKK n'est que l'avatar de la conquête de l'ouest par les héros WASP sur les sauvages indiens (la figure de John WAYNE est évoquée à plusieurs reprises, sans nuances d'ailleurs) et l'idée d'une remigration était même évoquée dans une première version du film de D.W. GRIFFITH ("l'Amérique ne sait pas quoi faire de sa population noire" dit James Baldwin sous-entendu, depuis que le système esclavagiste n'a plus de raison d'être). Par contre, ce qui est longuement souligné dans le film, c'est l'invisibilisation de la communauté noire et de son histoire. L'imaginaire dominant est fondé sur un mensonge, celui d'une Amérique pure, innocente qui doit se refléter dans la blancheur et la blondeur de ses ressortissants. Si le choix de Gary COOPER dans le film "Ariane" (1957) ne me paraît pas très heureux (Billy WILDER était très critique vis à vis de la société américaine, mieux aurait valu un western avec Gary Cooper), celui de Doris DAY est absolument parfait, l'équivalent cinématographique des publicités pour l'American way of life peuplé de familles aryennes dignes de la propagande nazie pour la pureté raciale. Le prix à payer pour un tel déni est lourd, celui d'une société dévitalisée dont la névrose se manifeste dans l'accumulation de biens matériels. Face au présentateur Dick Cavett qui demande à James Baldwin en 1968 sur un ton condescendant pourquoi il n'est pas plus optimiste pour la communauté noire à qui aurait été soi-disant accordé l'égalité des chances, celui-ci lui cloue le bec "je n'ai pas beaucoup d'espoir à vrai dire tant que les gens parleront de cette manière" ainsi qu'à un autre invité de l'émission avec son acuité caractéristique: "Je ne suis pas dans la tête des blancs, je ne me fonde que sur l'état de leurs institutions. J'ignore si les chrétiens blancs haïssent les blancs mais nous avons une église blanche et une église noire. Comme Malcom X l'a dit, la ségrégation américaine est à son paroxysme le dimanche à midi. Cela en dit long d'après moi sur une nation chrétienne". Et pan sur le bec! Et le film de se terminer sur ces propos en forme d'appel à la prise de conscience " Il ne tient qu'au peuple américain et à ses représentants de décider ou non de regarder la vérité en face. (...) Les blancs doivent comprendre dans leur coeur pourquoi la figure du nègre leur était nécessaire. Je ne suis pas un nègre, je suis un homme. Je suis un nègre car vous en avez besoin. (...) Si je ne suis pas un nègre et si vous l'avez inventé, vous devez comprendre pourquoi. L'avenir de ce pays repose sur votre volonté d'y réfléchir."

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Contes du hasard et autres fantaisies (Gûzen to sôzô)

Publié le par Rosalie210

Ryûsuke Hamaguchi (2021)

Contes du hasard et autres fantaisies (Gûzen to sôzô)

Les films à sketches sont souvent confrontés au même problème: celui de l'inégale réussite de leurs segments qui par ailleurs sont traités à égalité dans leur durée ce qui ne permet pas de les approfondir. "Contes du hasard et autres fantaisies" ne fait pas exception à la règle. On y reconnaît la patte du réalisateur de "Drive My Car" (2021)* qui n'aime rien tant que se griser de mots en huis-clos. Même s'il y a quelques moments annexes, le centre de gravité des trois films est un dialogue entre deux personnages côte à côte ou face à face dans un lieu unique. L'habitacle d'une voiture en éclairage nocturne qui a un équivalent similaire dans "Drive My Car" (2021), un bureau de professeur de faculté dans lequel celui-ci vit comme retranché tout en laissant toujours la porte ouverte et enfin le salon d'une belle maison dont la baie vitrée donne sur la végétation ce qui donne l'impression d'être dans une demeure japonaise traditionnelle tout en rappelant qu'il s'agit d'un leurre ce qui renvoie au monde du théâtre qui était déjà omniprésent dans "Drive My Car" (2021). Le cinéma de Ryusuke HAMAGUCHI est d'ailleurs qualifié de "théâtre de la parole" ce qui lui correspond parfaitement. Celle-ci se substitue aux actes dans le premier et le deuxième volet alors que dans le troisième, elle se prête aux illusions des deux protagonistes pour dissiper leurs regrets d'être peut-être passées à côté de leur vie. C'est ce segment-là qui m'a d'ailleurs le plus convaincue. La rencontre fortuite de deux anciennes élèves du même lycée fondée sur la méprise et le non-dit aboutit à une reconnaissance mutuelle et un rapprochement émouvant. Le premier volet instaure en revanche une triangulation (là encore fondée sur le hasard) assez artificielle. Si la scène dans la voiture est très belle (comme pouvait l'être celle de "Drive my car"), la triangulation qui en résulte semble relever de la théorie sur le désir mimétique de René Girard et sonne assez creux. Enfin le deuxième conte, particulièrement alambiqué est franchement poseur. On ne sait plus qui y manipule qui, les comportements du professeur et de l'étudiante sont assez obscurs. Cette dernière qui aurait pu devenir un personnage enthousiasmant notamment parce qu'elle pose plus de questions que les autres devient le simple véhicule des fantasmes masculins cristallisés par la lecture à haute voix des pages érotiques du livre du professeur. La fin qui se veut cruelle est consternante, la vengeance fortuite n'étant que la réalisation du souhait de l'amant et la nouvelle triangulation envisagée par l'ex-étudiante, conventionnelle à pleurer. Non, désolé, les mots ("conte", "hasard") ne suffisent pas à faire de Ryusuke HAMAGUCHI le nouveau Éric ROHMER. Ce dernier sondait l'âme humaine dans ses cheminements intimes avec beaucoup d'acuité. Hamaguchi en reste la plupart du temps au niveau de l'intellect et éventuellement de l'épiderme.

* "Contes du hasard et autres fantaisies" a été terminé avant "Drive my car" mais est sorti après, sans doute facilité par son succès.

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Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (Pepi, Luci, Bom y otras chicas del monton)

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (1980)

Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier (Pepi, Luci, Bom y otras chicas del monton)

Le premier film brut de décoffrage de Pedro ALMODÓVAR ressemble à un travail d'amateur punk qui sent fort la piquette (pour ne pas dire autre chose). Trash, daté, fauché, et décousu, il ne constitue qu'une "boîte à idées" dans laquelle le réalisateur puisera plus tard la matière de films autrement plus aboutis. Mais outre que ce premier jet est celui d'un futur grand cinéaste (sinon, il a fort à parier qu'il aurait rejoint depuis longtemps les poubelles de l'histoire), il apporte un éclairage intéressant sur ce que fut la Movida. En effet la transition qu'effectuait alors l'Espagne entre le franquisme et la démocratie est au fond le véritable sujet du film. La Movida ne signifie pas seulement le mouvement après l'immobilisme mais fait allusion à la recherche de drogue et c'est par des plantations de cannabis que s'ouvre le film qui multiplie les transgressions, surtout vis à vis du puritanisme et du machisme qui avait caractérisé la période franquiste. Epousant un rythme plutôt frénétique lié à la crainte que la libération ne soit qu'une parenthèse, on assiste à une juxtaposition de scènes qui semblent échappées d'une BD (ce qui est le cas, Almodovar adaptant les planches de sa BD "Erecciones generales" qu'il avait fait paraître dans la revue barcelonaise "el Vibora") qui actent le divorce entre l'Espagne franquiste (représentée par un sinistre policier phallocrate) et une jeunesse haute en couleur qui se lâche, souvent littéralement: c'est en ce sens qu'il faut comprendre l'insert de publicités surréalistes pour des culottes-godemichets absorbant l'urine ou convertissant les pets en parfum animées par Cecilia ROTH, future muse du cinéaste ou l'évocation des règles par la délurée et vengeresse Pepi, jouée par une autre future actrice fétiche du cinéaste, Carmen MAURA. Si Bom (Olvido GARA), la lesbienne dominatrice n'est guère intéressante, Luci (Eva SIVA), la fille soumise qui quitte son mari conservateur pour vivre pleinement ses penchants masochistes esquisse un mouvement de libération de la femme que Pedro ALMODÓVAR traitera par la suite bien plus en profondeur.

PS, il y a des films compliqués à noter. Celui-ci pris hors de son contexte est objectivement un navet mais si on le raccroche au parcours du cinéaste qui l'a tourné et au moment historique de sa gestation, il prend un sens qui ne peut être une perte de temps.

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Quand la panthère rose s'emmêle (The Pink Panther strikes again)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1976)

Quand la panthère rose s'emmêle (The Pink Panther strikes again)

N'ayant vu que les deux premiers films de la Panthère Rose, cela m'embêtait de passer directement au quatrième qui est proposé en ce moment en replay par Arte (je ne compte pas "Inspector Clouseau" (1967) qui n'est pas réalisé par Blake EDWARDS et dans lequel ne joue pas Peter SELLERS). Mais en fait cela n'a pas beaucoup d'importance. Ce quatrième volet est un moment de pur bonheur cinéphilique. Le générique par exemple ne se contente pas de recycler le célèbre thème jazzy de Henry MANCINI et la créature animée non moins célèbre de Fritz Freleng (qui était censé être un bijou dans le premier volet mais est passé à la postérité sous les traits du félin qu'il a créé pour les génériques). L'inspecteur Clouseau y apparaît lui-même en personnage de cartoon rejoignant derrière l'écran d'une salle de cinéma la panthère en train de se glisser dans la peau de Alfred HITCHCOCK ou de remplacer les personnages principaux dans des films extrêmement célèbres de l'histoire du cinéma comme "King Kong" (1931), "Chantons sous la pluie" (1952) ou "La Mélodie du bonheur" (1965) (avec dans le rôle principal l'épouse de Blake Edwards, Julie ANDREWS). Il cite également et pastiche par la suite toute une tradition du cinéma d'épouvante allant de "Le Fantôme de l'opéra" (1925) à "Dracula" (1931) et y ajoute une dose de science-fiction à la "Fantômas se déchaîne" (1965). Du cartoon au burlesque, il n'y a qu'un pas, d'ailleurs le générique montre une façade qui s'écroule, un gag récurrent de Buster KEATON qui est aussi l'auteur de "Sherlock Junior" (1924) auquel on pense forcément en regardant ce générique dans lequel Clouseau est à la fois spectateur devant l'écran et acteur derrière, représenté en dessin 2D, en mannequin de papier mâché grandeur nature dans le pré-générique avant d'apparaître en chair et en os. Car Clouseau est un pur corps burlesque qui est au centre du film. Qu'il soit seul ou bien qu'il ait un partenaire de jeu (Cato ou bien Dreyfus), on peut être sûr que partout où il passe, les décors trépassent. S'y ajoute l'art à la Keaton de chorégraphier les gags: ainsi en est-il de cette scène dans laquelle Clouseau est poursuivi sans qu'il s'en rende compte par des dizaines de tueurs et par une savante mécanique du mouvement bien huilée qui ressemble à un tout de passe-passe, les tueurs se neutralisent mutuellement au lieu d'atteindre leur cible. Mais le film joue aussi sur un comique verbal lié à l'accent de l'inspecteur ou à des dialogues absurdes.

Enfin le comique de cet opus tourne beaucoup autour la sexualité. Que ce soit l'hilarant quiproquo du pré-générique dans lequel deux femmes aux réactions opposées croient assister à des ébats amoureux homosexuels ou bien la scène du cabaret de travestis qui fait déjà penser à "Victor Victoria" (1982) ou encore tout ce qui tourne autour d'une espionne russe qui a plutôt chaud que froid (jouée par Lesley-Anne DOWN, vue il y a plusieurs décennies dans "Nord et Sud") (1985), on peut dire qu'il n'y a pas que dans ses enquêtes que l'inspecteur s'emmêle les pinceaux.

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Coeurs brûlés (Morocco)

Publié le par Rosalie210

Josef Von Sternberg (1930)

Coeurs brûlés (Morocco)

"Fuis-moi, je te suis, suis-moi, je te fuis". C'est sur ce mouvement d'attraction et de répulsion qu'est bâti l'atmosphérique "Morocco" au titre français tout aussi évocateur de moments torrides, "Coeurs brûlés". Deuxième film de Josef von STERNBERG avec Marlene DIETRICH après "L'Ange bleu" (1930), c'est aussi leur premier film hollywoodien, tourné dans un Maroc de pacotille reconstitué dans les studios de la Paramount. Mais comme pour "Pépé le Moko" (1937) " tourné dans une Casbah reconstituée à Paris ou Casablanca" (1942) qui a été tourné entre les studios de la Warner et un aérodrome de Los Angeles, la magie opère. Il faut dire que les spectateurs de l'époque étaient bien peu nombreux à avoir réellement voyagé, se contentant de reconstitutions exotiques comme l'exposition coloniale de Paris en 1931. Moment d'anthologie quand Marlene DIETRICH, chanteuse de cabaret (cosmopolite comme il se doit) apparaît habillée en smoking et chapeau haut-de-forme, suscitant la fascination érotique des hommes aussi bien que des femmes de l'assistance et n'hésitant pas à les provoquer, jusqu'à ce qui est considéré comme l'un des premiers baisers lesbiens de l'histoire du cinéma (on est encore dans la période pré-code). Parmi eux, un beau légionnaire en sueur (Gary COOPER, dans un contre-emploi de séducteur désinvolte) au sourire ravageur et toujours flanqué d'une ou plusieurs indigènes dans ses bras ou sur ses genoux. Un bourreau des coeurs qui tape dans l'oeil de Amy Jolly (le personnage joué par Marlène Dietrich) puisque sous prétexte de lui vendre des pommes (on notera la référence au fruit défendu bon à croquer ^^), elle en profite pour lui glisser la clé de sa chambre. Le tout sous l'oeil déjà résigné mais conquis du riche La Bessière (Adolphe MENJOU). Amy Jolly n'est pas insensible à ses attentions mais éprouve en dépit de ses dénégations de femme qui a déjà trop vécu (de déceptions amoureuses) une passion pour Tom Brown digne de la chanson d'Édith PIAF d'autant que lui-même est du genre à porter sur son coeur le tatouage "personne" (même s'il en grave un autre dans le bois percé de la flèche de Cupidon avec le nom d'Amy Jolly, pas question de renoncer à sa liberté). Logique que tout cela se termine dans le "sable chaud" du désert du Sahara (en réalité de la Californie) lors d'une scène onirique hallucinante de beauté.

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