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Papa Longues-Jambes (Daddy-Long-Legs)

Publié le par Rosalie210

Marshall Neilan (1919)

Papa Longues-Jambes (Daddy-Long-Legs)

Cette première adaptation cinématographique du roman pour la jeunesse de Jean Webster vaut surtout pour la prestation de Mary Pickford qui interprète Judy Abbott de 12 ans à l'âge adulte avec le savoir-faire qu'on lui connaît. Pour le reste le film est inégal. La première partie qui se déroule dans un sinistre orphelinat est paradoxalement assez drôle avec une Judy Abbott-Mary Pickford portée sur la bouteille et qui joue le rôle du poil à gratter ou du chien dans un jeu de quilles c'est selon. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des moments de mélancolie à chaque visite des donateurs qu'elle appelle les "mercredis bleus" (en anglais le mot "blues" sonne bien mieux). Et son comportement maternel avec les autres enfants de l'orphelinat (dont un qui meurt dans ses bras) préfigure l'intrigue de "Sparrows" qu'elle tournera en 1926.

La suite bien que filmée dans des décors élégants est moins convaincante peut-être parce que face à Mary Pickford c'est un peu le désert au niveau de l'interprétation. Et l'histoire de cet amour entre un mécène d'un certain âge et une gamine est quand même assez peu crédible, voire gênante car elle revêt un caractère incestueux, au moins sur le plan symbolique. Un bienfaiteur qui élève sa pupille dans le but de se la garder pour lui, c'est un peu comme l'Arnolphe de "L'école des femmes" de Molière, il mérite qu'on lui tire les oreilles plutôt que de lui tresser des lauriers!

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Mes voisins les Yamada ( Hōhokekyo tonari no Yamada-kun)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (2001)

Mes voisins les Yamada ( Hōhokekyo tonari no Yamada-kun)

La filmographie de Isao Takahata est moins lisible que celle de son compatriote Hayao Miyazaki car il ne dessine ni n'anime lui-même les films qu'il met en scène. Par conséquent, un certain éclectisme des styles et des thèmes caractérise son œuvre. Pour "Mes voisins les Yamada" qui au sein des studios Ghibli succédait au succès critique et public de "Princesse Mononoké", il pris de gros risques techniques et scénaristiques qui ne payèrent pas. Le film fut un tel échec au box-office qu'il ne réalisa plus de longs-métrages pendant quinze ans. Au Japon, le film fut confronté à un problème de distribution et dût faire face à une concurrence très rude dont il sortit perdant. Au niveau international, les raisons de cet échec s'expliquent par le fait qu'il est très ancré dans la culture japonaise et donc difficilement compréhensible pour ceux qui n'y connaissent rien. Il fait par exemple référence à des contes traditionnels japonais comme celui de Momotarô et de la princesse Kaguya qu'adaptera Takahata en 2013, reprend l'iconographie d'estampes comme la "Vague" d'Hokusai, est entrecoupé de haïkus qui apportent un éclairage philosophique décalé sur l'histoire.

"Mes voisins les Yamada" est l’adaptation d’une bande dessinée du dessinateur Hisaichi Ishii, publiée dans le journal quotidien Asahi Shinbun. Sa particularité est qu’il s’agit d’une BD en quatre cases (appelée « yonkoma ») dont l'équivalence scénaristique est le sketch. On a donc un film découpé en tranches de vie décrivant avec un réalisme teinté d'humour caustique le quotidien d'une famille japonaise traditionnelle. Takashi le père est un salaryman, Matsuko la mère une femme au foyer, Noboru le fils est un adolescent maladroit, Nonoko est la fillette kawai, Shige la mère de Matsuko vit avec eux ainsi que Pochi le chien. L'humour naît du comportement décalé des membres de la famille par rapport à celui qui est attendu d'eux. Par exemple le père est un distrait qui "oublie" parfois ses obligations et se met dans des situations impossibles. La séquence des motards montre également qu'il a moins d'autorité que les femmes de sa famille. La mère au foyer use de toutes sortes de stratégies pour en faire le moins possible, notamment en ce qui concerne la cuisine. De façon plus générale, chacun tend à se décharger de ses obligations sur les autres.

Sur le plan technique, le dessin est crayonné avec remplissage à l'aquarelle. Tranchant avec le réalisme de l'histoire, le film reprend le style graphique du manga qui est caricatural avec des personnages SD (Super Deformed avec grosse tête et membres courts) ce qui atténue le sérieux des situations. Il y a cependant une exception avec la séquence des motards qui menacent la famille, traitée avec des proportions plus réalistes et un crayonné plus sombre. Il s'agit du premier film Ghibli réalisé entièrement par ordinateur, la technique choisie étant trop compliquée à réaliser manuellement. Il y a même deux séquences en 3D habilement camouflées dans le long-métrage.

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Les Désaxés (The Misfits)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1961)

Les Désaxés (The Misfits)

Grand film sur le crépuscule des idoles et des mythes fondateurs de l'Amérique, le film de John Huston constate la mort de l'âge d'or hollywoodien et du cinéma qu'il incarne. C'est pourquoi les fêlures des personnages principaux se confondent avec les acteurs qui les interprètent dans une mise en abyme saisissante. Clark Gable, qui fut le roi des séducteurs à l'écran dans les années 30 a perdu de sa superbe en vieillissant, à l'image du cow-boy désabusé et alcoolique qu'il interprète. Déjà malade au moment du tournage (on voit nettement ses mains trembler sur certaines images), il jette ses dernières forces dans le tournage du film en exigeant de réaliser lui-même ses cascades. De même, son personnage revit brièvement et intensément au contact de Roslyn, le personnage interprété par Marylin Monroe. Un personnage paradoxal, à l'image de l'actrice qui à 35 ans était déjà au bout du rouleau, usée par les médicaments et l'alcool. Roslyn est Marilyn, Huston ne laisse aucun doute à ce sujet par le truchement de célèbres photos de l'actrice qui apparaissent collées à l'intérieur d'un placard. Celle-ci, présente dans presque tous les plans, reste à l'écran cette déesse d'une beauté magnétique, incandescente, lumineuse et angélique. Elle met tant d'intensité dans ses gestes et ses paroles qu'elle irradie de son énergie vitale les hommes brisés qu'elle croise sur son chemin et qui la croient douées pour la vie. Seul Gay (Gable) voit l'envers de la médaille en lui disant qu'elle est la personne la plus triste qu'il connaisse. On la sent terriblement fragile, au bord du gouffre, prête à craquer à chaque instant. Enfin Montgomery Clift qui fut l'un des acteurs les plus prisés à la fin des années 40 et au début des années 50 est lui aussi en proie de multiples dépendances qui ont ruiné sa santé. L'accident de voiture qui a ravagé son visage a achevé de faire de lui un fantôme. Il joue le rôle de Perce, un cow-boy au comportement masochiste, voire suicidaire. Comment ne pas s'émouvoir quand Roslyn le supplie d'arrêter de se blesser?

De tels éclopés donnent vie à un film qui se situe à la frontière du western crépusculaire et du road movie. Les codes du western sont subvertis par la déchéance des héros dont l'identité et les repères sont mis à mal par le changement de société qui n'est plus celle des pionniers mais celle de l'American way of life. Tels les mustangs du film, il s'agit de perdants magnifiques condamnés à brève échéance. Aucun n'arrive à trouver sa place dans le nouveau monde, aucun n'a de foyer. Roslyn divorce au début du film, Gay est seul et n'arrive pas à renouer le contact avec ses deux enfants, Perce est orphelin de père et sa mère remariée ne lui laisse aucune place. Tous sont perdus et errent dans le désert. Gay et Roslyn essayent de fonder un foyer dans la maison inachevée de Guido (Eli Wallach) pour qui le temps s'est arrêté avec la guerre et la mort de sa femme. Mais peut-on faire pousser la vie dans un lieu aussi lourdement mortifère au milieu du désert? La chasse aux mustangs, magnifique, hatelante et terrible séquence de 30 minutes magnifiée par la photographie de Russell Metty et la mise en scène de John Huston apporte la réponse.

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Retour à Howards Ends (Howards Ends)

Publié le par Rosalie210

James Ivory (1992)

Retour à Howards Ends (Howards Ends)

"Retour à Howards End", comédie de mœurs et satire sociale âpre est à la fois un film cruel et lucide sur l'époque édouardienne et l'inéluctable mutation de sa société. Il s'agit de la troisième et dernière adaptation d'un roman de E.M. Forster par le trio James Ivory, Ismail Merchant et Ruth Prawer Jhabvala après "Chambre avec vue" en 1986 et "Maurice" en 1987.

Le superbe cottage qui donne son titre au film évoque l'éden inaccessible, celui d'une société qui vivrait en harmonie alors qu'elle est fracturée par le conflit de classes. A priori, il ne s'agit que de la résidence secondaire de la richissime famille Wilcox, représentant de la vieille bourgeoisie d'affaires très conservatrice. Henry Wilcox (Anthony Hopkins) et ses enfants dédaignent cette propriété, lieu de naissance de l'épouse, Ruth Wilcox (jouée par Vanessa Redgrave). Celle-ci ne semble jamais s'être remise d'avoir été arrachée à son terreau natal et dépérit à vue d'oeil. Elle symbolise une aristocratie qui s'étiole à force d'être repliée sur elle-même. Mais elle revit lorsqu'elle fait la connaissance de Margaret Schlegel (Emma Thompson), la sœur aînée d'une fratrie de la bourgeoisie intellectuelle plus moderne et émancipée que celle des Wilcox. Cette différence sociale entre ancienne et nouvelle bourgeoisie suffit pourtant à dresser des murs entre les deux familles. L'idylle esquissée entre le cadet Wilcox et la sœur de Margaret, Helen (Helena Bonham Carter) est tuée dans l'œuf. Et quand Ruth veut inviter Margaret à visiter Howards End, le reste de la famille déjoue ses plans et va jusqu'à détruire le testament improvisé qu'elle avait rédigé sur son lit de mort et où elle léguait son bien à Margaret. Mais l'ironie du sort fera qu'après bien de cruelles péripéties, celle-ci deviendra réellement propriétaire du lieu.

Mais comme la bourgeoisie ne suffit pas à représenter toute la société et ses transformations, Howards End ne peut représenter l'éden sans que le peuple n'y retrouve sa juste place. C'est à la suite de péripéties encore plus cruelles que celles qui opposent les Wilcox et les Schlegel que le fils de Léonard Bast (Samuel West), modeste employé de bureau tirant le diable par la queue deviendra le seul héritier de la magnifique propriété des Wilcox.

Comme dans ses autres films, on est ébloui par la finesse de l'interprétation et la façon dont Ivory la met en valeur par sa mise en scène pleine de nuances et de sensibilité.

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Les Enfants de la pluie

Publié le par Rosalie210

Philippe Leclerc (2003)

Les Enfants de la pluie

"Les enfants de la pluie" aurait dû être le quatrième long-métrage de René Laloux. Il commença son adaptation au début des années 80 à partir du roman de Serge Brussollo "A l'image du dragon". Mais il ne trouva aucun producteur pour le financer durant plus d'une décennie. Et lorsqu'enfin il trouva l'argent, ses collaborateurs décédèrent ce qui lui fit abandonner définitivement le projet. Celui-ci fut repris et modifié par deux autres membres de l'équipe de "Gandahar": Philippe Caza (dessinateur et scénariste) et Philippe Leclerc (animateur et réalisateur) qui réussissent à le mener à bien en faisant sous-traiter l'animation en Corée du sud. En vingt ans, le paysage de l'animation mondiale s'était modifié et l'influence de la japanimation et du manga sur le film est palpable.

Film se déroulant dans un univers d'héroIc-fantasy, "Les enfants de la pluie" est surtout une fable politique dont les résonances sont très contemporaines. Elle est basée sur une légende d'inspiration asiatique où l'unité, symbolisée par le dragon cosmique porteur de l'union du ying et du yang est brisée par un monstre malfaisant surnommé le voleur d'âmes. Celui-ci est en effet un vampire qui se nourrit de la division et de la haine pour mieux assoir son emprise. Les deux faces contraire du dragon, feu (peuple Pyross) et eau (peuple Hydross) se font désormais la guerre. Le schéma de départ du film semble manichéen car il nous donne le point de vue de jeunes Pyross manipulés par la version officielle de la "guerre sainte". Cependant des éléments de dissidence (et de dissonance) se font entendre très vite et remettent en cause cette version de l'histoire pour l'abattre définitivement au cours du récit. Il n'y a bien qu'un peuple artificiellement divisé et victime du même génie maléfique qui manipule et tyrannise Pyross et cherche à s'emparer des âmes des Hydross.

Récit haletant (pas un seul temps mort), splendide graphiquement et qui fait réfléchir, "Les enfants de la pluie" est un film d'animation qui sort des sentiers battus même si la fin très semblable à celle du "Cinquième élément" peut sembler convenue.

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Le Géant de fer (The Iron Giant)

Publié le par Rosalie210

Brad Bird (1999)

Le Géant de fer (The Iron Giant)

"Le Géant de fer" est le premier long-métrage d'animation de Brad Bird. En 1999, celui-ci ne travaillait pas encore chez Pixar mais l'intelligence du propos, les différents niveaux de lecture et le soin apporté à la réalisation annoncent "Les Indestructibles et "Ratatouille". Cependant à l'époque les studios Warner qui souhaitaient fermer leur branche animation ont sabordé la carrière du film en salles. Avant que celui-ci ne prenne une revanche éclatante et méritée en devenant un film-culte au fil des années. Le Géant de fer est d'ailleurs une des guest star les plus mises en avant dans le dernier Spielberg "Ready Player One".

La peur de la guerre atomique et par extension de l'URSS a engendré dans les années 50 une paranoIa anticommuniste qui s'est traduite entre autre par le maccarthysme et la construction d'abris antiatomiques. Sur le plan de la culture populaire, des quantités phénoménales d'oeuvres de science-fiction évoquant l'invasion d'extra-terrestres supérieurs technologiquement et hostiles à l'homme sont apparues, le plus souvent sous forme de comics ou de films de série B (voire Z). Parmi elles, citons la "Guerre des mondes" de Byron Haskin en 1953, "L'invasion des profanateurs de sépulture" de Don Siegel en 1956 qui imaginent le grand remplacement des hommes par les aliens. Ces films et comics ont été génialement parodiés dans le premier volet de "Retour vers le futur". Cependant, dès cette époque, des films à contre-courant de la pensée dominante apparaissent comme "Le jour où la Terre s'arrêta" de Robert Wise sorti en 1951 où l'extraterrestre et le robot sont porteur d'un message pacifiste.

C'est exactement à l'intersection de ces deux courants que se situe le "Géant de fer". Tout comme ses deux illustres précédesseurs, "Le Roi et l'oiseau" de Paul Grimault (1980) et "Le Château dans le ciel" d'Hayao Miyazaki (1986), il met en scène un robot géant ambivalent, à la fois arme de destruction massive et protecteur de la nature. "Le Géant de fer" évoque aussi de manière très puissante "E.T. L'extra-terrestre" de Spielberg. Celui-ci a posé un regard bienveillant sur "l'Autre" dès "Rencontre du troisième type" en 1977, établissant via François Truffaut un parallèle entre l'alien et l'enfant. L'amitié entre le Géant et Hogarth est proche de celle d'E.T. et Elliott. Ce dernier vit dans une famille monoparentale, est en mal d'affection, cherche à protéger son ami dans une grange et dans la forêt, est en lutte contre les autorités qui veulent le manipuler pour mettre la main sur l'extra-terrestre.

Mais Brad Bird approfondit plus la question du père que Spielberg. Dans le "Géant de fer", Hogarth Hughes se retrouve face à plusieurs figures paternelles. Il y a son père biologique qui est aviateur comme Howard Hughes (la proximité du patronyme n'est pas un hasard). Hogarth le considère comme un modèle car il porte souvent un casque de pilote sur la tête mais ce père est tragiquement absent. Il y a ensuite Kent Mansley l'agent du gouvernement hystérique et parano qui représente un repoussoir absolu. Sa folie autodestructrice échappant à tout contrôle n'est pas sans rappeler celle du général Jack D. Ripper dans "Docteur Folamour". Et enfin il y a Dean, un beatnik vivant en marge de la société comme sculpteur-ferrailleur et qui va s'avérer être le père idéal pour sauvegarder l'enfant et son ami géant. Le fait qu'il remplace le père disparu est suffisament subversif pour être souligné.

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Goshu le violoncelliste (Serohiki no gōshu)

Publié le par Rosalie210

Isao Takahata (1981)

Goshu le violoncelliste (Serohiki no gōshu)

Adaptation d'une nouvelle tirée du recueil de contes "Train de nuit dans la voie lactée" de Kenji Miyazawa, "Goshu le violoncelliste" est le quatrième film d'Isao Takahata, huit ans avant le "Tombeau des lucioles" et six ans avant de fonder les studios Ghibli. Il s'agit d'un récit d'apprentissage ou plutôt de réapprentissage. Violoncelliste au sein d'un orchestre municipal, Goshu subit les foudres du chef d'orchestre à cause de la médiocrité de son jeu, maladroit et sans âme. Retranché dans sa cabane au fond des bois, il répète sans relâche la sixième symphonie de Beethoven sous les yeux menaçants du portrait de l'artiste. C'est alors qu'il reçoit la visite d'esprits de la forêt sous la forme de petits animaux qui lui indiquent comment il doit jouer. Au début, il leur tourne le dos, se moque d'eux voire les rudoie. Puis dans un second temps, il s'ouvre à eux, et s'éveille à lui-même devenant en une nuit un prodige de la musique.

Si "Goshu le violoncelliste" est peu connu en France, sa sortie ayant été confidentielle c'est qu'une partie du sens de ce conte animiste semble échapper aux occidentaux. Et ce en dépit du pont jeté entre les cultures puisque la musique prédominante est celle de Beethoven (la culture européenne est très appréciée au Japon). La version française (la seule actuellement disponible en DVD) gomme la spiritualité liée à la mythologie japonaise. Par exemple le tanuki est traduit par "blaireau" et le chat tricolore porte-bonheur est doté d'une voix mâle alors que ce type de chat est presque toujours une femelle. Comme le coucou oriental, ces animaux sont des yokai c'est à dire des esprits de la forêt. Chacun apporte une leçon à Goshu: la patience, la rigueur, l'empathie, l'envie de communiquer. Les paysages eux-mêmes semblent vivants et expriment les émotions du personnage principal. Alors certes il n'y a pas d'action dans Goshu et le graphisme date du début des années 80 mais cette œuvre assez magique mérite d'être mieux comprise et réévaluée.

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Frigo et la baleine (The Love Nest)

Publié le par Rosalie210

Buster KEATON, Edward F. CLINE (1923)

Frigo et la baleine (The Love Nest)

C'est l'ultime court-métrage muet de deux-bobines de Buster Keaton qui est le dernier des trois grands maîtres américains de la comédie burlesque des années 10 et 20 à franchir le pas du long-métrage en tant que réalisateur (en tant qu'acteur il a déjà joué trois ans auparavant dans "Ce crétin de Malec" de Herbert Blaché).

Dans la plupart de ces courts-métrages, Keaton joue un personnage qui en VF s'appelle soit Malec soit Frigo (d'où le titre en VF, "Frigo et la baleine"). Il s'agit d'une parodie de récit de survie en mer. Tour à tour le héros affronte la faim et la soif à bord de son frêle esquif (un peu comme Robert Redford dans "All is Lost"), le terrible capitaine du baleinier "Petit nid d'amour" ("Little love nest" en VO) qui jette par dessus bord les employés qui le déçoivent et enfin la marine qui lui tire dessus parce qu'il s'est échoué sur une de leurs cibles! On peut d'ailleurs remarquer la quasi absence de personnage féminin dans l'histoire. La chute s'effectue en deux temps et remet en question la réalité de tout ce que nous venons de voir.

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L'île aux chiens (Isle of Dogs)

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (2018)

L'île aux chiens (Isle of Dogs)

"L'île aux chiens" est le deuxième film d'animation en stop motion de Wes Anderson après "Fantastic M. Fox". Mais 10 ans ont passé et Anderson a étendu et approfondi son univers. Je suis d'accord avec l'article de Robin Canonne publié le 12/04 dans le Figaro.fr: "On pouvait reprocher aux premiers films de Wes Anderson une certaine froideur. Depuis Moonrise Kingdom, le réalisateur a semble-t-il trouvé cette petite chose qui manquait à son cinéma." Comme le résume Jérôme d'Estais pour la Septième Obsession, ce "conte ancien et moderne, éternel, dresse un pont entre le cinéma insulaire d'Anderson qui menaçait un jour d'être englouti et le monde extérieur, celui d'un public ébloui et reconnaissant".

"L'île aux chiens" est une fable politique mordante doublé d'un récit d'aventures SF prenant et d'un hommage éblouissant au Japon. Les amoureux de cette culture (dont je fait partie) seront comblés. Les tambours japonais, le sumo, les haïkus, les estampes, le théâtre kabuki, le cinéma de Kurosawa, le wasabi et les sushis, les cerisiers en fleurs ainsi que la langue sont particulièrement mis à l'honneur. La BO d'Alexandre Desplat s'avère particulièrement inspirée et le doublage (dont le casting en VO et en VF a été choisi par Wes Anderson) est particulièrement soigné. Les chiens s'expriment dans la langue du spectateur et les hommes en japonais (le plus souvent non traduit). L'animation est somptueuse, les plans sont riches visuellement et fourmillent de détails. Cependant, le film n'est pas avare de moments contemplatifs sortis tout droit de l'œuvre de Miyazaki (qui est à l'animation ce que Kurosawa est au live: un géant du cinéma). Il a fallu deux ans pour réaliser le film et le perfectionnisme maniaque de Wes Anderson se ressent partout. Mais l'exigence est la marque des grands.

Le Japon de Wes Anderson est à la fois éternel et dystopique. Rétrofuturiste en somme. Le Japon contemporain se devine dans l'importance accordé aux drones et aux robots canins mais aussi dans les déchets de l'île-poubelle. Le parc d'attraction désaffecté fait penser au "Voyage de Chihiro" et les centrales nucléaires éventrées à la catastrophe de Fukushima. Quant aux déchets compactés, ils rappellent les cubes de "Wall-E" et son vibrant plaidoyer écologiste. Car l'île-poubelle est aujourd'hui une vision post-apocalyptique terriblement réelle. Même s'il s'agit aussi de rendre hommage à "Akira". Le laboratoire caché de l'île où les chiens avant d'être pestiférés étaient soumis à des expériences fait penser à l'œuvre d'Otomo et ses cobayes humains.

Il en va de même de la fable politique du film. Elle évoque aussi bien le nazisme (qui avant d'exterminer les juifs songeait à les déporter sur l'île de Madagascar) que les politiques actuelles d'exclusion et de parcage des migrants dans des conditions inhumaines. L'île de Megasaki est dirigée par un tyran qui manipule la population à coups de propagande, de censure et d'élections truquées. Celui-ci désigne à la foule un bouc-émissaire qu'il a lui-même créé (le chien contaminé par ses soins) et qui est porteur de tous les maux. Cet ennemi sanitaire est banni, déporté, enfermé, soumis à des conditions de vie misérables dans l'attente d'être exterminé. Les "dissidents" sont officiellement tolérés mais en réalité persécutés et assassinés. Les élites sont corrompues ou éliminées. Seuls quelques jeunes refusent d'admettre la disparition du meilleur ami de l'homme (c'est à dire leur propre deshumanisation) et décident de résister. Le principal d'entre eux est le neveu adoptif du maire de Megazaki qui part en expédition sur l'ile-poubelle afin de retrouver son chien, aidé par cinq de ses congénères, quatre anciens chiens domestiques et un chien errant quelque peu asocial et décalé mais qui va s'avérer être central dans l'intrigue.

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Paprika (Papurika)

Publié le par Rosalie210

Satoshi Kon (2006)

Paprika (Papurika)

Les films de Satoshi Kon inspirent les cinéastes américains. Son premier long métrage "Perfect Blue" a fourni à Darren Aronofsky la trame de "Black Swan". Son quatrième "Paprika" a inspiré à Christopher Nolan son film "Inception". Dans l'un comme dans l'autre, on navigue (chez Kon on peut même dire qu'on flotte) entre plusieurs niveaux de rêves et de réalité comme dans un millefeuille. Le film de Kon nous présente une galerie de personnages mal dans leur peau. Tokita, un scientifique obèse et boulimique, sa collègue thérapeute Atsuko Chiba stricte et cérébrale et son patient, le détective Konakawa qui est traumatisé par une scène de meurtre. Tokita a mis au point la DC Mini, un appareil qui permet d'entrer dans l'esprit d'un patient malade pour sonder son inconscient et enregistrer ses rêves. Atsuko y évolue sous la forme d'un avatar aux antipodes de sa personnalité, Paprika. Mais un jour plusieurs de ces appareils sont dérobés permettant de pirater le psychisme d'un nombre croissant de personnes comme un virus informatique.

Le monde des rêves et celui, virtuel du numérique se confondent. Il en est de même entre les rêves et le cinéma. Le détective est un cinéaste raté qui voyage dans ses rêves comme dans les genres cinématographiques. La scène de l'ascenseur (reprise par Nolan) le montre en Tarzan, en héros romantique, en victime d'un meurtrier dans un polar... La DC Mini est une caméra qui enregistre l'activité onirique comme si celle-ci était un film projetable sur un écran.

La débauche visuelle autour des séquences oniriques est impressionnante. Et ce sans que le spectateur ne se perde car chaque personnage a un rêve récurrent et interfère dans celui des autres. Celui du voleur est central, il s'agit d'un défilé de symboles culturels et d'objets de consommation hétéroclites dans lequel ses victimes sont embarquées. Cette parade délirante et cauchemardesque symbolise le "viol des foules" contemporain lié au matraquage publicitaire (et plus largement médiatique). Le détective rêve qu'il se tue lui-même à cause de ses ambitions artistiques avortées. Morio Osanai, un scientifique corrompu rêve que son corps est absorbé par celui du président de la société qui est le cerveau du vol des appareils (et à qui il a vendu son âme). Il éprouve également du désir pour Atsuko ce qui débouche sur une séquence suggérant un viol assez éprouvante. Quant à Atsuko, elle se rêve délurée et libre de ses désirs. Ceux-ci la portent vers son énorme collègue prisonnier de son corps qu'elle veut sortir de sa cage.

Bref, tant visuellement que scénaristiquement, "Paprika" est une oeuvre complexe et nuancée. Plusieurs visionnages sont nécessaires pour en apprécier toute la richesse.

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