Biopic pas transcendant mais pas honteux non plus, "Monsieur Aznavour" est un travail trop scolaire pour emporter pleinement l'adhésion. Son principal défaut à mes yeux est d'avoir voulu mettre un maximum d'éléments de la vie pléthorique du chanteur-acteur alors que le format du cinéma est plutôt fait pour trancher dans le vif. Conséquence: trop de survol, pas assez d'approfondissement ce qui aurait été possible en ayant un point de vue sur l'artiste. Il y avait de quoi faire dix films avec tout ce qui est déballé sur la vie de Charles Aznavour. Pour ma part ce que j'ai trouvé le plus intéressant et réussi est la relation complexe qu'il a eu avec Edith Piaf, d'autant que celle-ci est interprétée de façon convaincante par Marie-Julie BAUP. On assiste à une inversion des rôles traditionnels entre le mentor et son disciple ce qui renvoie à tout ce qui faisait de Aznavour un homme atypique et raillé comme tel. La séquence de la genèse de "Comme ils disent" bien que trop courte acquiert un certain relief à l'aune des stigmatisations subies sur le nom, l'origine, l'apparence physique et la voix. Mais ces passages sont noyés dans un océan de scénettes voulant également raconter les années de vaches maigres et de galères, l'arrivisme d'un ambitieux acharné au travail ou le tandem façon "buddy movie" avec Pierre Roche (Bastien BOUILLON). Quant à Tahar RAHIM, quoi qu'on ait pu dire sur l'aide apportée par les effets spéciaux, il porte le film sur les épaules.
Jean-Pierre LEAUD a été l'icône la plus célèbre de la nouvelle vague avec Jean-Paul BELMONDO. Mais là où le second a dès les premières années de sa carrière navigué entre cinéma d'auteur et cinéma populaire pour finir par choisir ce dernier, Jean-Pierre LEAUD est devenu indissociable de son père de cinéma, Francois TRUFFAUT qui l'a révélé à l'âge de 14 ans dans "Les Quatre cents coups" (1959) avec un rôle, celui d'Antoine Doinel qui s'est transformé en véritable saga. Mais Jean-Pierre LEAUD est lui-même un personnage, reconnaissable de film en film que le réalisateur, Cyril LEUTHY tente de cerner. Il ponctue en effet son film d'intervention d'acteurs de divers âges qui se glissent dans sa peau dont un Michel FAU assez bluffant (de loin, j'ai vraiment cru que c'était Jean-Pierre LEAUD), acteurs qui se demandent comment un jeu aussi décalé que le sien pouvait "passer crème", même s'il lui a valu beaucoup d'incompréhension et une longue traversée du désert dans les années 70 et 80. Celle qui le décrit particulièrement bien, c'est Noemie LVOVSKY qui l'a fait jouer dans "Camille redouble" (2012) le rôle de l'horloger. Parce que malgré son vieillissement, la présence de Jean-Pierre LEAUD nous ramène toujours à l'enfant qu'il a incarné à l'écran en 1959 avec ses yeux écarquillés, sa fébrilité inquiète et son visage longtemps resté juvénile. D'autant qu'à partir de cette année-là, sa vie s'est confondue avec le cinéma et que le spectateur a pu donc le voir grandir et évoluer au fil des années. D'ailleurs, le hasard a si bien fait les choses que seul Jean-Pierre LEAUD peut se targuer d'avoir joué avec les deux stars des enfants des années 70 et 80: Chantal GOYA (dans "Masculin feminin" (1966) de Jean-Luc GODARD quand celle-ci était une jeune idole yé-yé) et DOROTHEE (dans "L'Amour en fuite" (1978), le dernier film du cycle Doinel). Mais le réalisateur pour qui il semble le mieux fait, c'est Aki KAURISMAKI qui l'a fait jouer dans "J'ai engage un tueur" (1990). Son cinéma burlesque pince-sans-rire à la Buster KEATON (même si Kaurismaki est un chaplinolâtre ^^) lui va comme un gant! D'ailleurs à travers "Les Keufs" (1987), le réalisateur rappelle que Jean-Pierre LEAUD pouvait être excellent dans la comédie, loin des personnages de contestataires à la Jean-Luc GODARD ou de dandy à la Jean EUSTACHE ou encore de cinéastes dépressifs dans les années 90 lorsqu'il est redécouvert par toute une génération de réalisateurs en quête de filiation. On découvre également la popularité de Jean-Pierre LEAUD en Asie où son romantisme mystique, celui-là même que Francois TRUFFAUT a tant mis en scène a fait mouche.
Charlotte GAINSBOURG s'est souvenue que sa mère, Jane BIRKIN avait fait l'objet d'un documentaire de Agnes VARDA en forme de portrait-miroir, "Jane B. par Agnes V." (1985). De toutes façons, comment aurait-elle pu l'oublier puisqu'elle y apparaissait, alors adolescente, tout comme dans le film suivant de la réalisatrice scénarisé par sa mère "Kung-Fu Master" (1987). Pourtant lorsque Jane BIRKIN évoque le souvenir de la réalisatrice disparue en 2019 devant la caméra de sa fille, c'est pour souligner ce qui était un pilier du cinéma de Agnes VARDA: "Capturer l'instant". C'est pourquoi le film de la réalisatrice auquel on pense le plus en regardant "Jane by Charlotte" est "Jacquot de Nantes" (1991). Car faut-il le rappeler, celui-ci contient une partie documentaire dédiée aux derniers mois de vie de Jacques DEMY, mort en 1990 avant la sortie du film. Les derniers plans tout particulièrement y font penser avec le bord de mer et l'enlacement final de la mère et de la fille "avant que la mort nous sépare". Dans "Jacquot de Nantes" (1991), c'était une peinture de Jacques DEMY que Agnes VARDA filmait longuement: celle d'un couple nu, entrelacé et étendu sur la plage, un couple sur le point d'être séparé à jamais. "Jane by Charlotte" est donc un film testamentaire et quelque peu crépusculaire réalisé deux ans avant le décès de la chanteuse et actrice britannique. Les fantômes y rôdent du début à la fin: celui de Serge GAINSBOURG à travers la visite de la maison de la rue de Verneuil sur le point d'ouvrir au public mais aussi celui de Kate BARRY, la fille aînée de Jane défenestrée en 2013 et dont l'image réapparaît sous les traits d'une petite fille pleine de vie "capturée" en super-8. Et la fragilité de Jane BIRKIN est pudiquement abordée à travers l'évocation d'une maladie que l'on devine être la rechute d'une leucémie qui l'a rendue vulnérable au covid (qu'elle a attrapé six fois!). Peu après le tournage du film, elle était victime de son premier AVC. La vieillesse mais aussi les addictions (aux somnifères, à l'alcool) surgissent au tournant d'une conversation entre mère et fille, la deuxième voulant faire le portrait de sa mère tout en se préparant à l'inéluctable. Un trait de caractère commun à Jane et à Charlotte apparaît d'ailleurs en filigrane, la difficulté à accepter le passage du temps. Dans le documentaire de Agnes VARDA, on repérait une obsession morbide de Jane BIRKIN pour la taxidermie (comme dans "Psychose") (1960) et pour les vases remplis de fleurs en décomposition avancée. Dans "Jane by Charlotte", ce sont les boîtes de conserve laissées rue de Verneuil après la mort de Serge GAINSBOURG qui ont été laissé en l'état. Et Charlotte de s'étonner qu'au bout d'un certain nombre d'années, celles-ci explosent. Faut-il alors s'étonner que la maison de la rue de Verneuil soit devenue un musée?
Pour contrebalancer l'atmosphère parfois lourde de son film, Charlotte GAINSBOURG filme le plus souvent possible sa plus jeune fille, Joe, alors âgée d'une dizaine d'années qui apporte évidemment de la joie et de la lumière ainsi que Dolly, le bouledogue "so british" de Jane BIRKIN et ses bébés.
Voilà un biopic passionnant et d'utilité publique! Moins qu'un biopic, il s'agit d'un terrifiant récit d'apprentissage, celui d'un jeune homme sans personnalité qui sous la houlette d'un mentor méphistophélique va finir par dépasser le maître. Le jeune homme sans personnalité, c'est Donald Trump dans les années 70, l'héritier un peu terne d'un promoteur immobilier du Queens, lequel est en délicatesse avec la Justice. Motif? Discrimination raciale au logement. Donald fréquente les night-clubs huppés de New-York afin de dénicher la perle rare qui saura tirer son père (et lui-même) de ce mauvais pas. Il le trouve en la personne de l'avocat véreux Roy Cohn, ex bras droit de Joseph McCarthy, artisan de l'exécution des époux Rosenberg. Un serpent venimeux qui va le prendre sous son aile et lui enseigner l'art cynique de la "gagne" à tout prix soit la base du trumpisme: attaquer, nier, ne jamais s'avouer vaincu. Quant aux méthodes de Roy Cohn pour obtenir gain de cause, elles se résument à corrompre, faire chanter ou traîner en justice. Des méthodes de voyou et de mafieux. Avec un tel maître, Trump gagne effectivement à tous les coups et peut bâtir son empire immobilier véreux. Plus son ascension s'accélère, plus l'homme se déshumanise, y compris avec ses proches, plus son apparence se dégrade vers celle qui est la sienne aujourd'hui. Bref, on assiste à la naissance d'un monstre qui finit même par lâcher son mentor dès que celui-ci commence à montrer des signes de maladie. Car si le film n'est jamais explicite, il laisse entrevoir l'origine de la fascination de Roy Cohn pour Trump. Ceux qui connaissent la mini-série "Angels in America" (2003) se souviennent de Roy Cohn (interprété par Al PACINO) dire "Je suis un hétéro qui se tape des mecs". Donald Trump, c'est le mâle alpha WASP que Roy Cohn a toujours rêvé d'être, lui le juif homosexuel antisémite et homophobe. C'est sa haine de lui-même qui a poussé Roy Cohn dans les bras de Donald Trump jusqu'à ce que celui-ci ne le renvoie dans la catégorie des pestiférés. La scène où il fait désinfecter tout ce que Roy Cohn a pu toucher dans sa demeure fait penser aux propos de Jean-Marie Le Pen dans les années 80 sur les "sidaïques" qu'il fallait enfermer en "sanatorium" parce qu'ils pouvaient soi-disant contaminer par simple contact. Au cas où on ne se souviendrait pas que la désinformation est l'une des mamelles à laquelle s'abreuvent les populistes. Dans les rôles principaux, Sebastian STAN est tout à fait convaincant et Jeremy STRONG est saisissant.
Pas si "neutre" (je cite l'avis du journal "Le Monde") qu'il en a l'air, ce documentaire qui fait de Uma THURMAN une des voix du mouvement Metoo. De la personnalité de Uma elle-même, on ne saura effectivement pas grand-chose hormis sur ses années de jeunesse. En revanche, celui-ci lève le voile sur les violences et agressions subies durant ses années fastes au cinéma. D'une certaine manière, "Les Aventures du baron de Munchausen" (1988) et "Les Liaisons dangereuses" (1988) par lesquels elle a commencé reflètent pour l'un l'image fantasmatique qu'elle véhicule auprès de la gent masculine et pour l'autre, la prédation à laquelle elle va devoir faire face. Car sa consécration chez Quentin TARANTINO, indissociable de Harvey WEINSTEIN qui a produit "Pulp Fiction" (1994) et "Kill Bill" (2002) s'est accompagnée hors-champ d'abus. Sexuels pour Weinstein qui l'a agressé à l'hôtel Savoy de Londres et sadiques pour Tarantino, aveuglé par son perfectionnisme sur les tournages. Une énième variante des rapports entre éthique et création résumé par la question "peut-on tout faire/cautionner/accepter au nom de l'art?". Le plus dérangeant est sans doute l'accident de voiture causé par l'injonction du réalisateur à l'actrice de rouler toujours plus vite sur le tournage de "Kill Bill" (2002). Accident filmé dont les images ont été remises à l'actrice par le réalisateur plusieurs années après les faits (car elles étaient bloquées par la production), qu'elle a publié sur les réseaux sociaux et que l'on voit dans le documentaire. Celui-ci a fait depuis son mea culpa mais il semble assez clair que cet événement a marqué une rupture dans la carrière de Uma THURMAN et dans sa relation avec son ancien pygmalion. Le documentaire revient également sur sa décision d'avorter alors qu'elle était à l'aube de sa carrière et dont "Kill Bill" se fait l'écho ainsi que sur sa relation toxique avec son premier mari, Gary OLDMAN qui était alors alcoolique. Tous ces éléments permettent de mieux cerner l'image de guerrière qui colle à la peau de l'actrice (et qui est repris dans le titre). Uma THURMAN apparaît surtout aujourd'hui comme la survivante d'une machine à broyer les actrices dont on ne cesse d'explorer les rouages.
Librement inspiré de la vie de Lenny Bruce, "Lenny" qui a été réalisé entre "Cabaret" (1972) et "Que le spectacle commence" (1979) n'est pas une comédie musicale. Néanmoins on y retrouve la centralité du monde du spectacle et le caractère jusqu'au-boutiste du personnage principal, véritable tête brûlée contestataire et libertaire dont le malheur est d'avoir émergé 10 ans trop tôt. Pionnier du stand-up moderne, Lenny Bruce a été le modèle avec Andy Kaufman (à qui Milos FORMAN a rendu hommage dans "Man on the Moon") (1999) d'humoristes "poil à gratter" comme Guy BEDOS et Pierre DESPROGES en France et Bob DYLAN lui a consacré une chanson-hommage. Remarquablement construit, le film commence par nous montrer un artiste qui se cherche et n'est pas particulièrement drôle avant de se produire dans des shows où il pulvérise le politiquement correct en abordant des sujets délicats (religion, racisme, sexualité) et en employant les mots qui fâchent pour déconstruire haine, préjugés et hypocrisies. Utilisant un noir et blanc travaillé (dû au chef opérateur de Clint EASTWOOD, Bruce SURTEES) et ponctué par les propos face caméra des acteurs jouant ses proches, le film revêt un aspect kaléidoscopique et morcelé de faux documentaire qui fait penser à du Woody ALLEN ou à "Citizen Kane" (1940). Mais on ne saura pas quel était l'origine de la colère qui poussait l'acteur à cette guerre contre l'Amérique puritaine, jalonné d'arrestations et de procès. Le caractère autodestructeur du personnage à la vie pleine d'excès et qui mourut d'une overdose à 40 ans dans une position de martyr de la liberté d'expression est bien mis en valeur, de même que sa judéité qui a aiguisé son esprit critique. Dustin HOFFMAN met beaucoup d'engagement dans le rôle, de même que Valerie PERRINE dans celui de sa femme.
A l'occasion de la mort à l'âge de 94 ans de Gena ROWLANDS, Arte rediffuse le documentaire de Sabine CARBON daté de 2017. On remarque au passage le changement de titre, "l'actrice et muse par amour" étant devenue "l'indépendante au cinéma et dans la vie". Façon de souligner la difficulté de trouver les mots justes pour dépeindre une actrice du cinéma indépendant américain exceptionnelle dans des rôles de femmes fortes et passionnées, s'aventurant en territoire inconnu, celui des gouffres s'ouvrant sous les pieds de ses personnages de femme au foyer gagnée par la folie, d'actrice hantée par la peur de vieillir ou de guerrière tenant tête à la mafia. Mais si elle a fait quelques prestations remarquées chez Woody ALLEN ou Jim JARMUSCH, c'est sous la direction de John CASSAVETES qu'elle a obtenu ses rôles les plus marquants, comme s'ils étaient les deux facettes d'une même pièce. Le film a ainsi bien du mal à ne pas se faire vampiriser par John et reste assez en surface. Néanmoins il a le mérite de restituer la totalité de la carrière de Gena ROWLANDS et notamment, celle qui a suivi la mort de son mari. Le temps ne s'est pas arrêté et c'est avec un certain étonnement que l'on découvre la vieille dame qu'elle est devenue, toujours élégante et coquette, recevant les hommages tardifs qui lui avaient été refusés du fait de son choix de servir le cinéma indépendant mais on décèle aussi les premiers signes de la maladie qui allait finir par l'emporter ce qui provoque un certain pincement au coeur.
C'est un documentaire qui accuse son âge, plus de 20 ans. Car depuis, d'autres ont vu le jour avec plus de recul sur l'oeuvre de Claude SAUTET, cinéaste connu pour être particulièrement secret. Sa raison d'être était de rendre publics des enregistrements audio réalisés peu de temps avant son décès en 2000 dans lesquels il commentait son oeuvre. Structuré de façon chronologique, le documentaire passe donc en revue presque chacun des 13 films de sa filmographie (il manque "Bonjour sourire!" sans doute considéré comme un faux départ) (1955) et donne aussi la parole à quelques proches et collaborateurs comme son épouse, Graziella SAUTET, Philippe SARDE, Jean-Paul RAPPENEAU, Jose GIOVANNI etc. Etrangement, presque aucun acteur alors que certains étaient encore en vie, même parmi l'ancienne génération (Sami FREY, Michel PICCOLI, Bruno CREMER, Serge REGGIANI etc.) Pourtant le rapport aux acteurs est longuement évoqué, certains jouant le rôle du double du réalisateur comme Yves MONTAND et surtout Michel PICCOLI dont la crise de colère dans "Vincent, Francois, Paul et les autres..." (1974) s'avère être le miroir de celles du réalisateur. A propos de double, le film suggère également la part féminine de Claude SAUTET révélée à l'écran par Romy SCHNEIDER et prolongée ensuite par Emmanuelle BEART qui pique elle aussi une grosse colère dans "Un coeur en hiver" (1992). Cette dualité indépassable explique peut-être la tonalité mélancolique de nombre de ses films, notamment dans le rapport entre les hommes et les femmes en dépeignant (et dénonçant subtilement) les masques sociaux et la misogynie les empêchant de communiquer. Le troisième acteur à savoir la musique, omniprésente chez Sautet n'est en revanche pas assez analysé et c'est dommage. Les extraits de "Un coeur en hiver" (1992) montrant Stéphane "tuant le père" suggèrent assez bien d'où vient cet empêchement. Il en va de même de la solitude qui semble être le lot de presque tous les personnages de Sautet pourtant dépeint comme le cinéaste du groupe. Lui-même explique que "Vincent, Francois, Paul et les autres..." (1974) ne forment pas un groupe mais une bande comme autant de variantes du même personnage de loser, arrêté en pleine course, empêché de vivre.
Le documentaire que Christophe CHAMPCLAUX a consacré à Anthony PERKINS a tout d'abord été diffusé sur OCS sous le titre, "L'homme derrière la porte" en référence à "Quelqu'un derriere la porte"(1971) dans lequel il a joué. Il faut croire que cela ne parlait pas à beaucoup de gens puisque sur Arte, le titre est devenu "L'acteur dans l'ombre de Psychose" ce qui a le mérite d'être clair! En effet, Anthony PERKINS est passé à la postérité pour avoir magistralement incarné Norman Bates dans le chef-d'oeuvre de Alfred HITCHCOCK au point de ne faire qu'un avec le rôle. Le reste de sa carrière est largement tombé dans l'oubli (en dépit d'un prix d'interprétation à Cannes pour "Aimez-vous Brahms" (1961) ou de son rôle dans "Le Proces" (1962) de Orson WELLES) de même que sa vie privée reste largement méconnue. Le documentaire tente donc de proposer un portrait plus complet de l'acteur, insistant sur ses rôles de jeune premier à Hollywood avant "Psychose" (1960) puis sur sa carrière européenne après "Psychose" (1960), le cinéma hollywoodien ne lui proposant que des succédanés de Norman. Mais preuve de l'échec à se défaire de ce rôle, il finit par le réincarner à plusieurs reprises dans des suites qui n'ont pas laissé beaucoup de traces dans les mémoires. On découvre les autres talents de l'acteur, sa voix de crooner et sa bonne maîtrise du français (il avait d'ailleurs un pied-à-terre à Paris). Sa vie privée est évoquée de la même manière que sa vie professionnelle, c'est à dire de façon factuelle. Assez bizarrement, le rapport à la mère (tyrannique et incestueuse donc très proche de Mme Bates mais ce dernier point n'est même pas abordé) est aussi survolé que sa prestation dans le film de Alfred HITCHCOCK alors que tout laisse à penser qu'il y avait une démarche thérapeutique dans le parcours d'acteur de Anthony PERKINS. Le documentaire préfère s'attarder sur l'aspect people c'est à dire ses relations homosexuelles "in the closet" dans les années 50 et 60 (dont celle avec Jean-Claude BRIALY), puis sur le bon mari et père de famille à l'américaine dans les années 70 avant de finalement mourir du sida en 1992. Un parcours en réalité très cohérent pour une personnalité de cette époque (et pas qu'aux USA, celui de Jacques DEMY a des points communs par exemple) mais qui n'est jamais interrogé. Les témoignages, dithyrambiques ont beau dépeindre Anthony Perkins comme souriant, drôle, cultivé, intelligent etc. l'image qui lui colle à la peau est celle du névrosé et ce documentaire trop superficiel n'y changera rien.
Une curiosité que ce film britannique du début des années 80, éclipsé dans la mémoire collective par la musique de Vangelis PAPATHANASIOU, sa composition la plus célèbre avec celle de "Blade Runner" (1982). Autre atout du film, sa reconstitution minutieuse de l'université de Cambridge au début des années 20 ainsi que des JO de Paris de 1924. Le résultat est d'une qualité indéniable, on s'y croirait! On peut ajouter enfin un casting tout à fait réussi puisant dans le vivier anglais, fertile en talents. Les jeunes acteurs de premier plan sont épaulés par des vétérans parmi lesquels se détache Ian HOLM dans le rôle de Sam Mussabini, l'entraîneur de Harold. Néanmoins "Les Chariots de feu" est plombé par son caractère édifiant. Les valeurs du sport sont béatement glorifiées dans une perspective aussi bien religieuse que patriotique ce qui révèle à la fois une idéalisation de l'Empire britannique en tant que puissance et creuset et une imprégnation de l'idéologie thatchérienne du dépassement de soi et de la réussite individuelle. Même si le personnage de Harold Abrahams doit lutter pour s'intégrer dans un milieu chrétien conservateur antisémite et raciste, ses exploits sportifs transforment sa destinée en "sucess story" à l'américaine. Cependant, Harold reste néanmoins un personnage humain plein de rage et de doute alors que son comparse, Eric Liddell, presbytérien intégriste s'efface au profit d'une querelle entre patriotisme et religion se résumant à courir pour Dieu (sauf le dimanche) ou pour son pays. Difficile aujourd'hui d'adhérer à un discours aussi propagandiste, y compris pour le sport dont on connaît les dérives et les dévoiements y compris dans le cadre de l'olympisme.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.