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Articles avec #biographie tag

Jeanne du Barry

Publié le par Rosalie210

Maïwenn (2023)

Jeanne du Barry

De MAÏWENN j'en était resté à "Polisse" (2011) que j'avais viscéralement détesté pour son narcissisme exacerbé et le voyeurisme primaire infligé au spectateur venu pour voir une oeuvre cinématographique et non une accumulation gratuite de scènes misérabilistes tirées du manuel des clichés sociaux avec par-dessus la mise en abyme du couple MAÏWENN/ JOEY STARR, cette dernière observant (de loin) les "pauvres" comme le faisait Jacques-Henri Lartigue c'est à dire comme une faune exotique de zoo avant d'aller se défouler en boîte.

"Jeanne du Barry" est tout aussi narcissique et immature que "Polisse" (2011) mais offre une meilleure maîtrise et constitue un spectacle plutôt agréable à suivre. C'est même plutôt amusant de voir se démener l'actrice pour mettre en valeur le personnage qu'elle interprète face à un roi (Johnny DEPP) rendu quasi-muet par sa maîtrise approximative de la langue et face à une cour qui ne se positionne que par rapport à elle, comme si elle était le centre du monde (le cinéaste n'est-il pas le roi-soleil de son oeuvre, du moins en France?) La principale qualité du film est en effet d'éviter la reconstitution poussiéreuse ce qui constitue le piège d'un tel sujet. MAÏWENN s'est visiblement inspirée de Sofia COPPOLA qui avait réalisé un "Marie-Antoinette" (2005) pop et coloré. C'est cependant moins à un poulailler que ressemble "Jeanne du Barry" qu'à une cour de récré avec d'horribles chipies (les filles du roi Louis XV semblent être encore adolescentes alors qu'elles étaient quadragénaires ou trentenaires) et à l'inverse de jeunes chevaliers servants (Benjamin LAVERNHE a pour une fois un rôle sympathique et est excellent). Pas un mot de politique, pas une seule allusion au peuple, celui-ci se résumant à Jeanne herself. Pourtant, le peuple, le vrai et non ses exceptions arrivistes lui a fait chèrement payer sa trahison mais cette histoire-là n'intéresse pas MAÏWENN qui préfère "the bright side of life" et relègue ce qui fâche en fin de récit. Rien de sérieux donc, c'est léger, erroné sur bien des points mais cette petite sucrerie egocentrique se déguste sans déplaisir.

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Simone, le voyage du siècle

Publié le par Rosalie210

Olivier Dahan (2022)

Simone, le voyage du siècle

Sur "Simone, le voyage du siècle", j'ai lu des avis très tranchés. La critique n'avait pas été tendre avec le film mais je gardais un bon souvenir de "La Môme" (2007) dont j'ai relevé plusieurs traits communs avec "Simone, le voyage du siècle". Notamment la performance d'actrices dont les transformations physiques sont dignes de celles que l'on peut voir dans les films américains (bizarrement quand c'est aux USA que ça se passe, ça ne choque personne) et une narration non-linéaire qui cherche à établir des échos significatifs entre les moments-clés de la vie racontée. Je voulais d'autant plus me faire un avis par moi-même que j'ai lu l'autobiographie de Simone Veil parue en 2007 dont le film s'inspire et qu'il a su parler à un public très large, y compris et c'est important, aux jeunes, en particulier aux adolescentes qui ont vu sans doute en elle un modèle à suivre. Alors, bien sûr que l'on n'est pas en face du film du siècle, certains dialogues sont trop appuyés, trop didactiques tout comme certaines images qui ne font pas dans la subtilité. Mais Rebecca MARDER (décidément taillée pour les rôles de femmes politiques) et Elsa ZYLBERSTEIN remarquables, font exister le personnage dont on suit les différents combats (et pas seulement celui pour l'IVG). Surtout la façon dont est introduite le fil rouge de la vie de Simone Veil, à savoir son passé d'ancienne déportée colle parfaitement à la réalité historique: durant les 30 Glorieuses, le mythe de la France résistante empêchait la parole des rescapés de la Shoah d'être écoutée. Le passé de Simone était donc occulté et ignoré. Il a fallu attendre les années 70 et la libération de la parole pour qu'enfin on l'interroge à ce sujet. Et c'est avec la reconnaissance par Jacques Chirac de la participation de l'Etat français à la Shoah en 1995 que celle-ci peut prendre toute sa place dans le récit c'est à dire à la fin. Ces scènes sont d'ailleurs plutôt réussies car basées sur le vécu subjectif de Simone Veil, notamment ses relations avec sa soeur et sa mère (Élodie BOUCHEZ) bien plus que cherchant à reconstituer (chose impossible) la réalité du système concentrationnaire. Le film se clôt en revanche de façon un peu trop illustrative avec la réflexion de Simone Veil sur les rapports entre mémoire et histoire.

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Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Publié le par Rosalie210

Roman Hüben (2022)

Douglas Sirk, le Cinéaste du Mélodrame (Douglas Sirk - Meister des Melodrams)

Les étiquettes accolées aux cinéastes masquent bien souvent la réelle portée de leur oeuvre. Celle de Douglas SIRK qualifiée de mélodramatique est aussi flamboyante que déchirante, tournant autour d'histoires d'amour romantiques ou filiales contrariées par des conventions sociales étriquées. C'est qu'elle se nourrit d'une tragédie personnelle ce que le documentaire de Roman HÜBEN démontre. Conformément à sa volonté, son biographe Jon Halliday a attendu 1997 (soit dix ans après sa mort) pour sortir une version augmentée de l'ouvrage qu'il lui a consacré "Sirk on Sirk" et ainsi révéler au public que la seconde femme de Douglas Sirk qui était d'origine juive avait été dénoncée par la première, devenue nazie. Douglas Sirk qui s'appelait à l'époque encore Detlef SIERCK s'était d'abord réfugié à la UFA puis avait fini par se résoudre à quitter l'Allemagne en 1937 avec son épouse lorsque la UFA était passée sous contrôle nazi, laissant derrière lui Klaus, le fils qu'il avait eu avec sa première femme en 1925 et qu'il n'avait plus le droit d'approcher. Devenu acteur dans des films de propagande et embrigadé dans les jeunesses hitlériennes, Klaus fut tué sur le front russe en 1944. L'ombre de ce fils à jamais perdu plane sur la majeure partie de la filmographie du cinéaste. De façon explicite dans "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) ou implicite avec le fils de substitution que fut pour Douglas Sirk, Rock HUDSON né en 1925 comme Klaus. Quant à la forme de ses films, elle joue sur le faux pour mieux révéler le vrai. Ainsi en est-il des ruines de "Le Temps d'aimer et le temps de mourir" (1958) qui sont de vraies ruines allemandes mais ont l'air fausses ou des propos de Rainer Werner FASSBINDER qui appartient à la génération de cinéastes allemands "orpheline" des années 70 contrainte d'aller se chercher des mentors dans celle de leurs grands-parents* "Pour moi en tant que cinéaste, il y a eu un avant et un après avoir vu les films de Douglas Sirk. Ce sont des films qui pour moi sont très connectés à la vie. Même si ce sont des histoires très artificielles (...) ils sont incroyablement vivants dans l'effet qu'ils produisent dans nos têtes." Le documentaire m'a d'ailleurs appris que les deux cinéastes avaient travaillé ensemble sur trois courts-métrages dont l'un avec Hanna SCHYGULLA.

* Comme Werner HERZOG avec F.W. MURNAU.

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Robert Mitchum, le Mauvais Garçon d'Hollywood

Publié le par Rosalie210

Stéphane Benhamou (2017)

Robert Mitchum, le Mauvais Garçon d'Hollywood

Certes, le documentaire en soi n'est pas transcendant, linéaire et assez superficiel. Mais il a le mérite d'apporter un éclairage sur la personnalité de Robert MITCHUM qui est un acteur dont je ne savais à peu près rien, hormis les cinq films où je l'ai vu jouer (sur les 120 dans lesquels il a tourné mais si on enlève les séries B et les apparitions de fin de carrière, il y en a déjà beaucoup moins). Son jeu non formaté épouse un parcours accidenté, très loin des standards hollywoodiens. Enfant de la crise des années 30, Robert MITCHUM a derrière lui un passé d'errance, de galères et de délinquance quand il parvient à percer en tant qu'acteur après la seconde guerre mondiale. Néanmoins ce passé est surtout le fruit d'une société normative et répressive à laquelle il se ne pliera jamais comme le souligne le passage où il refuse de changer son nom et de camoufler ses origines indiennes. Il en va de même de son refus de collaborer au maccarthysme ou encore son arrestation en 1948 à une soirée pris en flagrant délit de consommation de marijuana. On croit rêver quand on apprend qu'il a fait près de deux mois de prison et que la carrière de la jeune actrice avec qui il fumait fut ruinée*. Sa première arrestation à l'âge de 16 ans pour vagabondage révélait déjà la véritable nature de la société américaine, impitoyable avec les plus faibles. Cela donne d'autant plus de relief à son rôle de démobilisé qui affronte la haine raciste et antisémite des WASP dans "Feux croisés" (1947). L'image de rebelle, bagarreur, "mauvais garçon" collée à Robert MITCHUM n'a de sens que par rapport aux canons puritains et hypocrites de cette société. La véritable personnalité de Mitchum semblait être celle d'un artiste dans l'âme mais qui pour se protéger d'un système fondé sur l'apparence et les mondanités affichait une attitude nonchalante, désinvolte voire cynique. La preuve en est avec l'échec de "La Nuit du chasseur" (1955) qui est pourtant aujourd'hui reconnu comme l'un des plus grands films du septième art. C'est sans doute le film qui nous en dit le plus à son sujet. Comment ne pas voir en ces deux enfants un autoportrait quand on connaît son histoire alors que le diable qu'il incarne paré des atours de la respectabilité religieuse ressemble à un miroir tendu à l'Amérique puritaine qui évidemment ne l'a pas supporté.

*La marijuana est alors vue comme une drogue menant à tous les vices: on dit que sa consommation, qui peut coûter jusqu'à deux ans de prison, conduit au meurtre, aux accidents de la route, au suicide, aux viols et à la folie. Dans un Hollywood de l'après-guerre encore largement contrôlé par les censeurs et en quête perpétuelle d'une moralité d'apparat, Leeds et Mitchum sont condamnés au moment même où ils franchissent le pas de la porte, les menottes aux poignets. Les fixers de la RKO et d'Howard Hughes, le tout nouveau propriétaire du studio, n'ont rien pu faire. La presse est déjà là. Alors, quand un policier lui demande son métier, Mitchum répond «ancien acteur»: il est persuadé que sa carrière à Hollywood est ruinée. (Slate, "Comment un joint avec une star d'Hollywood a ruiné la vie de Lila Leeds, Michael Atlan, 18/08/2019).

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Sir Michael Caine, Du Monde Ouvrier aux Oscars de la gloire (Sir Michael Caine - Vom Arbeiterkind zum Hollywoodstar)

Publié le par Rosalie210

Margarete Kreuzer (2022)

Sir Michael Caine, Du Monde Ouvrier aux Oscars de la gloire (Sir Michael Caine - Vom Arbeiterkind zum Hollywoodstar)

Michael CAINE qui vient de fêter ses 90 ans est un immense acteur à la carrière riche de 150 films. Le documentaire qui lui est consacré réussit en 52 minutes à faire ressortir l'essentiel:
- Son approche fondamentalement saine du métier, faite d'autodérision, de détachement et d'humilité. Dans ce documentaire comme dans ses livres, il distille des conseils appris auprès de ses aînés tels que John WAYNE (qui a flairé en lui une future star) et Marlene DIETRICH. On relèvera son sens de la retenue qui paradoxalement, décuple l'émotion qu'il insuffle à ses rôles.
- Une histoire à la "Billy Elliot" (2000): fils d'une famille ouvrière, entré par effraction dans un cours de théâtre n'étant suivi que par des filles, plus ou moins autodidacte, il réussit à imposer ses lunettes, son allure jugée efféminée et son accent cockney notamment dans un rôle d'espion réaliste, insoumis et plein d'ironie à contre-courant de James Bond, Harry Palmer. Il donne ainsi beaucoup de véracité à ses prestations comme dans "Le Limier" (1972) qui derrière la rivalité masculine est aussi une histoire de lutte des classes sur fond d'homosexualité refoulée.
- Une carrière éclectique se jouant des frontières. De même que Michael Caine est un transfuge social, il brille aussi bien dans des films européens ("L'Oeuvre de Dieu, La part du Diable (1999)" qui lui a valu un Oscar; "Youth" (2015)) qu'américains, indépendants ("Hannah et ses soeurs" (1986), son premier Oscar) ou superproductions hollywoodiennes, étant devenu l'acteur fétiche de Christopher NOLAN alors même qu'il avait déjà pris sa retraite.

Et, last but not least, le film se fend d'un début d'explication de texte de la chanson que le groupe Madness a dédié à Michael Caine (lui aussi originaire des faubourgs et chantant avec un accent cockney prononcé). Un hommage à son rôle de Harry Palmer dans "Ipcress - Danger immédiat" (1965) dans lequel il parvenait à résister à un lavage de cerveau en répétant "je suis Harry Palmer". Preuve qu'il n'y a pas besoin de se renier pour incarner le flegme, la classe et l'élégance (et être anobli tout comme un autre transfuge britannique célèbre, Anthony HOPKINS).

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My Left Foot (My Left Foot: The Story of Christy Brown)

Publié le par Rosalie210

Jim Sheridan (1989)

My Left Foot (My Left Foot: The Story of Christy Brown)

"Miracle en Alabama" (1962) était l'adaptation de l'autobiographie de Helen Keller qui parvint grâce à son éducatrice à surmonter sa cécité, sa surdité et son mutisme pour entreprendre des études supérieures, décrocher son diplôme, écrire des articles et des livres, en d'autres termes, mener une vie accomplie en dépit de son triple handicap. Christy Brown est un autre de ces miraculés. Comme dans le cas de Helen Keller, la paralysie cérébrale qui le prive presque entièrement de l'usage de ses membres et rend son élocution difficile a laissé son intelligence intacte. Il a eu également la chance de bénéficier des soins du professeur Collins, une pédiatre qui l'a aidé à utiliser à la perfection les seules parties mobiles de son corps: les orteils de son pied gauche et son visage, incluant des séances d'orthophonie qui lui ont permis de s'exprimer oralement d'une façon suffisamment claire pour être compris. Mais ce que le film de Jim SHERIDAN met surtout en avant, c'est d'une part le rôle joué par sa famille dans son épanouissement et de l'autre, le combat pugnace de Christy Brown pour être reconnu comme un homme à part entière. Christy Brown a grandi dans une famille de catholiques irlandais nombreuse et pauvre mais également aimante et inclusive. De surcroît la mère (Brenda FRICKER) a eu l'intuition de l'intelligence de son fils et a tout fait pour l'éveiller. Le lien qui les unit est souligné à plusieurs reprises, notamment dans celle où Christ adolescent (joué par un déjà très impressionnant Hugh O'CONOR) parvient à tracer son premier mot à la craie avec son pied gauche: "maman" suscitant la fierté du père qui reconnaît ainsi pleinement Christy comme un membre de la famille. Devenu adulte sous les traits d'un Daniel DAY-LEWIS prodigieux qui n'a pas volé son Oscar du meilleur acteur, Christy Brown est devenu un peintre et un écrivain talentueux qui rend au centuple ce que sa famille lui a donné. Mais surtout, il s'agit d'un homme plein de colère et de frustration qui se bat avec rage pour être considéré comme un homme à part entière et non comme un "pauvre infirme". Il refuse en particulier d'être infantilisé et lors d'une scène à la fois terrible et drôle, il injurie l'amour platonique qui est le seul qu'on lui propose, rappelant ainsi qu'il a un corps et des désirs, quand bien même ce corps est presque totalement paralysé. En cela son combat est toujours d'actualité, la sexualité des handicapés étant un sujet encore très tabou. Comme l'a dit Daniel DAY-LEWIS en 1989 "Le piège n'est pas le fauteuil roulant ou les afflictions mais notre attitude envers les personnes handicapées".

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Raging Bull

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1980)

Raging Bull

J'ai vu plusieurs fois "Raging Bull" qui entretient des rapports assez étroits avec mon film préféré de Martin SCORSESE, "Taxi Driver" (1976): un personnage (interprété par un Robert De NIRO hallucinant de jusqu'au-boutisme) disons-le poliment pas très équilibré dans sa tête, ni dans son corps (la goinfrerie en lieu et place de l'insomnie) qui a tendance à parler à son reflet plus qu'à un autrui avec lequel il ne sait pas communiquer en vient à exorciser son mal-être dans une orgie de violence cathartique. Comme Travis Bickle, Jake La Motta est un grand malade dont la jalousie et la paranoïa détruisent tout sur leur passage y compris lui-même. Le film -et c'est une des raisons pour laquelle il est si admirable quand bien même son personnage principal a un comportement détestable- établit un continuum d'une fluidité et d'une limpidité parfaite entre sa vie et "le noble art", le ring de boxe étant un substitut du théâtre dans lequel les instincts primaires du taureau enragé peuvent se déchaîner sans retenue contre des hommes vus comme autant de rivaux à neutraliser ou au contraire pour "expier" par la souffrance tout le mal fait à soi-même et aux autres. Ce continuum est en effet également celui de la chair et de l'âme. La bestialité et la stupidité de Jake La Motta qui fait vivre un enfer à sa femme Vickie (Cathy MORIARTY) et à son frère Joey (Joe PESCI) pour un mot ou pour un geste interprété de travers, qui ne sait pas gérer ses émotions autrement que par la violence et dont le discernement est tellement altéré qu'il finit en prison (comme il aurait pu finir à la manière de Leonardo DiCAPRIO dans "Shutter Island" (2009) dans un asile) est pourtant aussi une âme en peine qui cherche une issue à sa propre tragédie. La dimension religieuse voire mystique de Raging Bull éclate dès le générique avec son noir et blanc somptueux et son ralenti en phase avec la musique inoubliable extraite de "The Cavalleria Rusticana" de Pietro Mascagni. Les italiens ont le sang chaud mais savent manier la corde lyrique mieux que personne et le vrai Jake La Motta comme Martin SCORSESE a grandi à Little Italy. Comme lui, il a connu les sommets de la gloire et les tréfonds de la déchéance avant de s'en sortir par le biais de l'art. Le ring de boxe était déjà une métaphore de la scène mais c'est en tant qu'artiste de stand up dans une boîte de nuit que Jake La Motta a trouvé une forme de rédemption. Nul doute que Leos CARAX s'est souvenu de lui pour créer Henry McHenry, son artiste de stand up jaloux et violent scruté par les flashs des photographes, vêtu comme un boxeur et surnommé "le gorille de dieu" dans "Annette" (2019).

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Jane Campion, la femme cinéma

Publié le par Rosalie210

Julie Bertuccelli (2022)

Jane Campion, la femme cinéma

Le documentaire consacré à Sidney Poitier commençait par "Il a été le premier". Celui consacré à Jane Campion aurait pu en faire de même. Car comme l'acteur américain, premier noir a avoir reçu l'Oscar du meilleur acteur, la réalisatrice néo-zélandaise fait figure de pionnière et d'exception. Son statut de première et seule femme (jusqu'en 2021) à avoir reçu la Palme d'Or à Cannes (et encore, elle conserve toujours l'exclusivité d'être la seule à avoir gagné deux Palmes, ayant décroché en 1986 celle du meilleur court-métrage pour "Peel, exercice de discipline") se double du fait qu'elle a été seulement la troisième femme à recevoir un Oscar pour l'une de ses réalisations: "The Power of the dog" en 2022 (après Kathryn Bigelow en 2010 et Chloe Zhao en 2021). Quelques années auparavant, elle avait lors de cette même cérémonie souligné de manière frappante la disparité entre réalisatrices et réalisateurs dans les nominations (5 contre plus de 300) et les victoires (1 contre 70). Depuis on est passé à 7 et 3, les deux dernières nominées ayant gagné mais le chemin est encore très long avant qu'on puisse parler d'équité.
 

Le film d'ailleurs évoque quelques unes des raisons qui expliquent la rareté des femmes réalisatrices. Un monde dans lequel les hommes se cooptent entre eux et où les équipes de techniciens, elles aussi majoritairement masculines ne tolèrent pas d'être dirigées par une femme. Jane Campion a subi à ses débuts quand elle n'était pas encore reconnue internationalement et manquait d'assurance des humiliations et des tentatives de déstabilisation de la part de certains d'entre eux qui cherchaient à lui imposer leur "mansplaining" c'est à dire lui apprendre à faire son métier alors que la suite a montré qui était la patronne ^^.

Mais le documentaire de Julie Bertuccelli (qui est fascinée par les femmes artistes exceptionnelles) s'intéresse surtout à la filmographie de Jane Campion que l'on voit en tournage ou en entretien à toutes les étapes de sa carrière. Ayant réalisé peu de films en 35 ans (huit longs métrages pour le cinéma, une poignée de courts-métrages, un téléfilm et deux mini-séries dont les deux saisons de son remarquable "Top of the Lake"), il est possible de s'attarder longuement sur eux et de mettre en évidence leurs points communs. Des portraits de femme fortes et marginales, des hommes qui échappent aux canons de la virilité dominante, une connexion particulièrement forte entre les êtres humains et une nature grandiose, une sensualité et un lyrisme puissant, une attention aux détails signifiants et aux plans d'ensemble qui le sont tout autant, une oscillation entre l'épure et le maniérisme sont quelques uns des traits les plus saillants de son oeuvre. La création et la folie sont également des thèmes structurants, notamment dans ses deux plus beaux films, "Un Ange à ma table" et "La leçon de Piano" qualifié de "Hauts de Hurlevents" néo-zélandais.

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Billy Wilder, la Perfection Hollywoodienne

Publié le par Rosalie210

Clara Kuperberg, Julia Kuperberg (2016)

Billy Wilder, la Perfection Hollywoodienne

Quatrième documentaire des soeurs Clara KUPERBERG et Julia KUPERBERG que je découvre (après ceux consacrés à Anthony HOPKINS, Ida LUPINO et Jack LEMMON), c'est aussi celui qui m'a le moins convaincu. La raison en est simple: contrairement aux autres, elles ne sont pas parvenue à capturer l'essence de l'immense réalisateur qu'était Billy WILDER. La faute d'abord à un déséquilibre patent dans la construction du documentaire. Les soeurs ont choisi de privilégier la première partie de sa carrière hollywoodienne à la Paramount (jusqu'à "Sabrina") (1954) au détriment de la deuxième, à son propre compte et beaucoup plus personnelle (elle correspond à sa collaboration avec I.A.L. DIAMOND et Jack LEMMON). Elles ne consacrent donc que quelques minutes aux chefs-d'oeuvre que sont "Ariane" (1957), "Certains l aiment chaud" (1959) et la "La Garçonnière" (1960). Quant aux pépites méconnues de la fin de sa carrière (elles aussi intimistes), elles sont passées sous silence sauf "Fedora" (1978) en raison de ses liens avec "Boulevard du crépuscule" (1949). Ce n'est d'ailleurs pas la seule lacune dans l'évocation de sa filmographie puisque "Uniformes et jupon court" (1942) est présenté comme son premier film alors que c'est inexact: il s'agit de son premier film hollywoodien mais il avait réalisé lors de son passage en France après avoir fui le nazisme un premier film en 1934, "Mauvaise graine" (1934) avec Danielle DARRIEUX. Visiblement, ce qui a le plus intéressé les soeurs Kuperberg, c'est la relation que Billy Wilder entretenait avec le cinéma hollywoodien, la façon dont il s'est approprié le film noir, a contourné le code Hays ou a montré l'envers de l'usine à rêves. Pour un portrait plus approfondi de l'homme et de l'artiste, mieux vaut se plonger dans le "Billy Wilder et moi" de Jonathan Coe.

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Jack Lemmon - Une vie de cinéma

Publié le par Rosalie210

Clara Kuperberg, Julia Kuperberg (2021)

Les soeurs Kuperberg ont réalisé depuis une quinzaine d'années de nombreux documentaires pour Arte ou pour OCS, scrutant l'envers du décor hollywoodien, recherchant la vérité derrière la légende ou bien éclairant ses angles morts. Leur travail sur Jack LEMMON, un de mes acteurs préférés, "muse" d'un de mes réalisateurs préférés, Billy WILDER (à qui elles ont également consacré un documentaire) est remarquable par sa clarté et sa pertinence. Elles montrent en premier lieu que dès son premier film "Une femme qui s'affiche" (1953), cet acteur venu du théâtre et de la télévision s'est inscrit en rupture avec l'image véhiculée jusque là par les acteurs hollywoodiens, façonnés pour être des stars inaccessibles. Jack LEMMON avec ses allures de "monsieur tout le monde" auquel n'importe quel quidam pouvait s'identifier pensait d'ailleurs à l'origine que le cinéma n'était pas pour lui. Mais s'il n'avait été que cela, il ne serait certainement pas sorti du lot. C'est Billy WILDER qui a "inventé" en quelque sorte Jack LEMMON au cinéma (pour qui il a tourné sept films). Dès "Uniformes et jupon court" (1942), Billy WILDER avait compris que pour contourner la censure du code Hays, il fallait jouer les illusionnistes en camouflant le sous-texte scabreux de ses films à l'aide d'un personnage principal candide: Ginger ROGERS jouant une petite fille de 12 ans, Audrey HEPBURN et ses couettes dans "Ariane" (1957) et bien sûr Jack LEMMON et sa bouille si attachante. La puissance d'incarnation de ce dernier et son talent tragi-comique donne vie à des personnages a priori sulfureux mais qui "passent crème" auprès du spectateur. C'est ainsi que l'air de ne pas y toucher, le voilà parti pour incarner à dix reprises (dont trois sous la houlette de Billy WILDER) le binôme "féminin" du "Drôle de couple" (1968) qu'il forme à l'écran avec Walter MATTHAU, contribuant à façonner le genre du Buddy movie (et toutes les ambiguïtés qui vont avec). Mais le rôle qui l'a fait entrer dans la légende du cinéma va encore plus loin puisqu'avec "Certains l'aiment chaud" (1959), Jack Lemmon compose un personnage travesti qui se métamorphose de façon irréversible (ce n'est pas par hasard que son personnage s'appelle Daphné) et forme avec Osgood ce que beaucoup considèrent comme étant le premier couple homosexuel du cinéma "grand public". D'ailleurs Tony CURTIS avait lancé une vanne particulièrement percutante au sujet de son binôme "« De toutes mes partenaires féminines, la seule avec qui je n'ai pas couché, c'est Jack Lemmon.» Tout au long de ses quarante ans de carrière, il aura ainsi incarné des personnages subversifs voire sombres sous une apparence lisse. Pour Wilder encore, il incarne des personnages de déviants compromis dans la prostitution avant d'évoluer vers la fin de sa carrière vers des rôles politiquement engagés et progressistes.

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