Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Articles avec #triet (justine) tag

Vilaine fille, mauvais garçon

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2011)

Vilaine fille, mauvais garçon

Le premier film de fiction de Justine TRIET est un court-métrage réalisé deux ans avant son premier long-métrage, "La Bataille de Solferino" (2013). Il raconte la rencontre de deux losers trentenaires lors d'une soirée chez des amis et leurs pérégrinations nocturnes, point commun avec "La Bataille de Solferino" (2013). Néanmoins ce n'est pas la colère qui constitue l'émotion dominante du court-métrage mais plutôt la tristesse. Laetitia (Laetitia DOSCH) et Thomas (Thomas LEVY-LASNE) connaissent des situations très similaires. Ils n'arrivent pas à se faire une place dans leurs activités artistiques respectives ("Je suis un artiste engagé...nulle part" fait dire Thomas à son personnage dessiné ce qui est une bonne définition du problème) et n'ont pas réellement non plus d'espace privé. Thomas vit avec son père et son grand-père dans un appartement exigu et encombré et Laetitia vit avec son frère schizophrène qui est ingérable. Malgré la différence de tonalité avec "La Bataille de Solférino", l'impossibilité à communiquer s'avère commune aux deux films. Au lieu de se rencontrer, Laetitia et Thomas se retrouvent renvoyés à leurs solitudes respectives. Il faut dire que si l'on est attentif, on observe que Thomas et son personnage dessiné ne font qu'un. Il ne repousse pas Laetitia mais c'est elle qui sous l'emprise de l'alcool lui impose son flot de paroles puis s'invite chez lui alors qu'il reste passif ou met des écrans entre elle et lui. Lorsque Laetitia retourne chez elle au petit matin et s'écroule seule sur son lit, le seul décor chaleureux du film (qui sinon baigne dans un blanc clinique), un coucher de soleil exotique s'avère être du papier-peint, bref une illusion.

Voir les commentaires

Anatomie d'une chute

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2023)

Anatomie d'une chute

"Anatomie d'une chute", la Palme d'or 2023 est sans doute un tournant dans la filmographie de Justine TRIET et on mesure le chemin parcouru depuis "La Bataille de Solferino" (2013). Dans son premier film, les engueulades du couple étaient hystériques et répétitives, le spectateur arrivant rapidement à saturation. La conflictualité au sein du couple est également au coeur de "Anatomie d'une chute" mais son orchestration est autrement mieux maîtrisée. Dans la première scène du film, qui précède son décès, le mari, planqué dans les combles est invisible mais parvient à court-circuiter l'échange entre sa femme et l'étudiante venue l'interroger en mettant la musique à fond. On ne peut pas mieux exprimer le besoin d'exister de cet époux qui pense avoir raté sa vie et en incombe l'échec à son épouse qui a réussi là où il a échoué en devenant une écrivaine à succès. L'autre moment de confrontation est un enregistrement effectué par le mari à l'insu de sa femme la veille de sa mort. C'est un long échange qui monte progressivement en tension jusqu'à l'explosion finale. Véritable radiographie du couple, cet échange révèle que les rôles sont inversés (c'était déjà le cas dans "La Bataille de Solférino") ce que Samuel (Samuel THEIS) ne supporte pas. Face à ses reproches, Sandra (Sandra HULLER) assume tout et refuse de reconnaître en lui une victime. Chacun avance ses arguments sans que le spectateur ne puisse trancher définitivement en faveur de l'un ou de l'autre, chacun ayant sa légitimité. Le fait que la femme possède autant de pouvoir sinon plus que l'homme créé un malaise chez ce dernier qui est très bien retranscrit. Ce que j'ai trouvé également particulièrement remarquable dans "Anatomie d'une chute" est la multiplicité des points de vue qui s'expriment, par-delà les questions de "male" et "female" gaze: celui des médias, celui des experts, celui des médecins, celui des avocats etc. aucun n'étant capable d'établir la vérité. Mention particulière à l'avocat de Sandra joué par Swann ARLAUD, un ancien (?) amoureux qui rappelle celui joué par Gregory PECK dans "Le Proces Paradine" (1947) (Alfred HITCHCOCK est convoqué à plus d'un titre de même que Otto PREMINGER). Quant à l'avocat général, il semble être animé par le fantôme de Samuel, symbolisant le patriarcat accusateur.  Dans un tel contexte où la réalité se dérobe, Daniel le jeune fils mal-voyant du couple qui m'a rappelé l'enfant de "Une separation" (2010) est appelé à trancher, pour son avenir et (symboliquement) pour celui de la société. "Quand on ne peut pas connaître la vérité, il ne nous reste plus qu'à faire un choix". Autant Sandra est opaque, autant Daniel est sensible, humanisant le film de même que son chien guide Snoop qui a reçu une Palm Dog bien méritée tant on tremble pour lui à un moment clé du film!

Voir les commentaires

Sibyl

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2019)

Sibyl

"Sibyl" (2018) comme les autres films de Justine TRIET nage dans la confusion et le chaos. Entre les personnages qu'on a du mal à identifier de prime abord comme la soeur de Sibyl jouée par Laure CALAMY, les changements de temporalité avec des flashbacks abrupts, les allers-retours entre le réel et la fiction (écriture d'un livre et tournage d'un film à l'intérieur du film),les changements de pied et d'état permanents de Sibyl, psychanalyste à côté de qui le docteur Dayan de "En Thérapie" (2020) est un modèle de rationalité et d'éthique, il est difficile pour le spectateur de s'y retrouver. C'est d'ailleurs le but recherché je pense: nous plonger dans le cerveau de Sibyl et nous montrer comment elle se noie dans un déferlement de pulsions, d'addictions et d'émotions qu'elle cherche à mettre à distance sans y parvenir puisque c'est de ce déferlement qu'elle tire sa force créatrice. C'est pourquoi alors qu'elle a décidé d'en finir avec son cabinet pour se remettre à l'écriture, elle ne peut résister à l'appel de Margot (Adèle EXARCHOPOULOS) jeune actrice en détresse dont la situation rejoue celle qu'elle vécut au même âge et qui l'entraîne sur un lieu de tournage ultra-référencé, celui du "Stromboli" (1949) de Roberto ROSSELLINI, un déferlement de feu se rajoutant à celui de l'eau qui achève de brouiller ses repères. Dans "La Nuit américaine" (1973) de François TRUFFAUT, la femme du régisseur disait "Qu'est-ce que c'est que ce métier où tout le monde couche avec tout le monde ? Où tout le monde se tutoie, où tout le monde ment." C'est exactement ce que montre le film à travers le personnage de l'acteur principal, Igor (Gaspard ULLIEL) qui se partage entre la réalisatrice, l'actrice principale et Sybil qui passe d'un rôle à l'autre et en nourrit son oeuvre.

Mais si le film s'en tenait au seul aspect des affres de la création, même du point de vue d'une femme, il ne se démarquerait pas d'autres films traitant du même sujet (j'en ai cité un plus haut) et respirerait juste l'entre soi bourgeois bohème. Je comprends d'ailleurs que cela passe au-dessus de la tête de beaucoup de gens. Ce qui m'a paru le plus intéressant et original dans le film, c'est son aspect intimiste. En s'identifiant à une femme plus jeune confrontée à une décision difficile, Sibyl revisite son passé et ses propres choix de vie un peu comme le faisait Gena ROWLANDS dans "Une autre femme" (1988). A ceci près que contrairement au personnage de Marion et également de Margot, Sibyl a choisi de "faire un bébé toute seule" et se sent poursuivie par le regard de sa fille (souligné par des plans assez saisissants) désireux de comprendre les origines de sa naissance. D'où une séquence finale apaisée et lumineuse comme celle de "Victoria" et des scènes de sexe qui pour une fois montrent le cheminement de l'excitation et de la jouissance féminine encore largement tabou dans la représentation de la sexualité à l'écran. D'ailleurs le partenaire de Sybil qui est également celui de Virginie EFIRA à la ville, Niels SCHNEIDER est nettement plus jeune qu'elle et à cela également, on est pas habitué. Rien que pour cela et pour la mise en scène inspiré, cela vaut la peine de dépasser ses préjugés.

Voir les commentaires

Victoria

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2016)

Victoria

Après avoir vu et cordialement détesté le premier film de Justine TRIET, "La Bataille de Solférino" (2013) je m'étais dit que je ne remettrais plus les pieds dans son cinéma. Mais c'était il y a 10 ans et la récente Palme d'Or qu'elle a reçu m'a donné envie de voir son évolution. "Victoria" est encore bien trop hystérique pour moi (c'était ce que je reprochais à "La Bataille de Solférino") (2013) avec un personnage très proche de celui joué par Laetitia DOSCH. A savoir une jeune mère au bord de la crise de nerf à force d'être tiraillée entre un métier exigeant et des tâches domestiques trop lourdes à porter que les hommes et en particulier un ex toxique refusent de partager tout en essayant de saboter la vie professionnelle de leur ancienne compagne. S'y ajoute l'injonction inconsciente mais intégrée par Victoria (Virginie EFIRA) à avoir une sexualité épanouie qui se transforme en suite de rendez-vous stéréotypés et sordides par petites annonces dignes de "Jeanne Dielman 23, Quai du Commerce 1080, Bruxelles" (1975), l'aspect tarifé en moins. On peut y ajouter une autre injonction, celle consistant à aller bien et à avoir le contrôle de sa vie qui ne fait que faire courir davantage Victoria de son cabinet de psy à sa diseuse de bonne aventure sans qu'elle n'y voit plus clair pour autant dans sa vie. Conséquence, elle vit dans un tourbillon permanent comme le montrait déjà le générique de "La Bataille de Solférino" (2013) qui l'enfonce toujours davantage dans son aliénation.

La différence avec "La Bataille de Solférino" (2013) qui en restait au niveau des tripes avec une suite de scènes chaotiques remplies de disputes incessantes (et indigestes) jusqu'à l'épuisement c'est qu'il y a un début d'introspection dans "Victoria". Grâce principalement au personnage de marginal joué par Vincent LACOSTE qui parvient à instaurer un échange avec celui de Virginie EFIRA. Le spectateur voit tout de suite la différence alors que pour elle, il n'est qu'un élément du décor parmi d'autres et qu'elle n'a pas "deux secondes de calme intérieur" pour y réfléchir. Du moins jusqu'au dérapage de trop qui lui offre l'espace mental dont elle a besoin. La fin de "Victoria" se détache alors du reste du film, prend de la hauteur et offre à Virginie EFIRA l'occasion de libérer une palette d'émotions apaisantes et apaisées qui font du bien. Je l'ai tellement aimée que je l'ai regardée deux fois.

Voir les commentaires

La bataille de Solférino

Publié le par Rosalie210

Justine Triet (2013)

La bataille de Solférino

Lorsque nous avons découvert ce film, nous pensions qu'il s'agissait d'un documentaire sur la victoire des socialistes aux élections de 2012. Au lieu de quoi nous nous sommes retrouvés face à une fiction hystérico-bobo se regardant le nombril avec des prétentions naturalistes à hurler de rire (ça ose se comparer à Cassavettes qui est à la Bataille de Solférino ce que Coluche est à Bigard).

Bergman avait réalisé un film qui s'intitulait "cris et chuchotements". Celui de Justine Triet aurait pu s'intituler "cris et hurlements". Du début à la fin (sans doute pour dissimuler la vacuité d'un scénario tenant sur un timbre de carte postale) ça crie, ça vocifère, ça hurle, ça s'étripe, ça s'étire en longueur encore et encore sous les yeux du pauvre spectateur qui pris au piège finit par demander grâce quand il ne sort pas de la salle avant la fin (ce qu'ont fait plusieurs personnes). Mais quelle mouche a piqué ce courant du cinéma français pour ne plus savoir interagir avec le public autrement qu'en l'agressant? Et comment expliquer ce comportement pavlovien de la presse française qui crie au génie sans aucun discernement dès que ce genre de film sort? Sans doute par la conscience de classe (tout ce petit monde appartient au même milieu bourgeois-bohème parisien ou veut en être, ce qui est encore pire) qui se traduit par une adhésion à des codes idéologiques bien précis très néo-nouvelle vague (caméra à l'épaule "virevoltante", distanciation, cynisme, intentions-prétentions naturalistes, narcissisme, mépris pour le grand public, jalousie-haine larvée ou ouverte pour le cinéma populaire américain etc.)

Sous le naïf prétexte de vérité, d'authenticité, d'énergie, de spontanéité et j'en passe on se dispense d'être rigoureux et de fournir un vrai travail sur le scénario, la direction d'acteurs et la réalisation, on croit en mettre plein la vue avec quelques plans virtuoses pris sur le vif de la soirée électorale, des effets de mode et des gens bien en vue (visiblement les postillons et l'apparence négligée du hurleur professionnel Vincent Macaigne ainsi que la glotte et les fesses de Laetitia Dosch sont très tendance). Certains peuvent adhérer, moi je comprends de plus en plus pourquoi le cinéma français suscite de tels ricanements de pitié face au cinéma américain qui quoi qu'on en pense est d'une tout autre envergure question professionnalisme. Je conseille vivement la lecture de la trilogie de Pierre Berthomieu sur Hollywood pour s'en convaincre. Et également la lecture des 100 plus beaux films français selon les Inrocks, c'est idéologiquement édifiant.

 

Voir les commentaires