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Articles avec #varda (agnes) tag

Varda par Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2019)

Varda par Agnès

Durant toute sa vie d'artiste, Agnes VARDA s'est livré au jeu de l'autoportrait sous diverses formes (mosaïque, peinture, photographie, cinéma etc.) En vieillissant, son travail s'est enrichi d'une dimension autobiographique dont l'aboutissement est "Les Plages d'Agnes" (2007). Cette oeuvre est aussi une somme artistique, mêlant les trois passions de Agnes VARDA: la photographie, le cinéma et les arts visuels avec de nombreux aperçus de son travail. Durant la décennie qui a suivi et surtout dans les dernières années de sa vie, Agnes VARDA a multiplié les documentaires sur son oeuvre, comme dans "Les 3 vies d'Agnes" (2012) ou "A Visual History with Agnes Varda" (2017). "Varda par Agnès", son ultime film ne fait pas exception à la règle. Se composant de deux parties chronologiques, "Causerie 1" (1954-1994) et "Causerie 2" (1994-2019), il se présente sous la forme d'extraits de conférences données par la réalisatrice dans lequel elle narre à la manière d'une conteuse aguerrie l'histoire de son parcours. Bien que le canevas soit chronologique, son oeuvre n'est pas présentée dans l'ordre mais selon le principe de l'association d'idées. Par exemple, dans la première causerie, elle relie "L'Opera-Mouffe" (1958) à "Documenteur" (1981) par Georges DELERUE qui a composé la musique des deux films et aussi par le fait qu'il s'agit d'oeuvres très personnelles voire introspective pour le deuxième. Dans la deuxième causerie qui est plus axée sur son oeuvre de photographe et d'artiste visuelle, le film "Les Glaneurs et la glaneuse" (2000) dont elle souligne le lien avec l'avènement technologique des caméras numériques permettant d'approcher les populations précaires l'amène par exemple à parler de son installation "Patatutopia". Avec le mantra "inspiration, création, partage" qui a guidé son travail, Agnes VARDA met en évidence quelques uns des procédés de sa "cinécriture" (c'est à dire de son style): le mélange entre fiction et documentaire, entre les différentes formes d'art (elle met en évidence par exemple le fait que plusieurs de ses installations ont une source d'inspiration picturale avec des panneaux comme le triptyque repliable de Noirmoutier jouant sur le champ et le hors-champ et le polyptyque de "Quelques veuves de Noirmoutier") (2006) et plus généralement le goût de l'hybridité, du collage et du recyclage comme le passage où elle raconte comment elle a redonné vie aux vieilles bobines du "Le Bonheur" (1965) en transformant les boîtes et la pellicule en installation. L'ultime cadeau d'une artiste soucieuse de son héritage.

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Elsa la rose

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1966)

Elsa la rose

Dans un style qui rappelle celui de "Cleo de 5 a 7" (1961) (un plan répété trois fois pour souligner l'émotion du souvenir cristallisé et reconstitué de la rencontre du couple Aragon/Triolet) mais aussi celui de "Les Plages d'Agnes" (2007) (le portrait-collage à base de fragments), Agnes VARDA utilise le pouvoir que lui donne sa caméra pour rendre à Elsa Triolet sa place de sujet aux côtés de Louis Aragon, elle qui fut trop souvent réduite au rôle de muse du poète. C'est d'ailleurs entre deux films sur le thème du couple "Le Bonheur" (1965) et "Les Creatures" (1966) qu'elle a réalisé "Elsa la rose". Des films montrant des épouses-objets ou des épouses-fonctions, sans aucune autonomie ni droit à la parole. Si on entend les mots de Louis Aragon, récités par Michel PICCOLI, on entend aussi ceux de Elsa Triolet et on la voit filmée et photographiée par d'autres yeux. Cela ne dit pas forcément qui elle est mais cela donne d'elle une image plus complexe et plus tangible avec un corps et une histoire, un passé qui lui appartient. D'ailleurs un des passages-clés du film réside dans ce petit dialogue:

"Varda : Tous ces poèmes sont pour vous. Est-ce qu’ils vous font vous sentir aimé ?
Triolet : Oh non ! Ce n’est pas ce qui me fait me sentir aimée. Pas la poésie. C’est le reste, la vie. Écrire l’histoire d’une vie, avec ses arrêts, ses aiguillages, ses signaux, ses ponts, ses tunnels, ses catastrophes..."

Première lauréate du prix Goncourt, Elsa Triolet est une artiste en couple avec un autre artiste et on ne peut s'empêcher de penser qu'à travers eux, Agnes VARDA interroge son propre couple avec Jacques DEMY.

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Salut les Cubains

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1963)

Salut les Cubains

Brillantissime court-métrage dans lequel Agnes VARDA prend le pouls de Cuba, quatre ans après la révolution ayant chassé Batista, le dictateur pro-américain au profit de Fidel Castro, le leader communiste. Elle emboîte ainsi le pas de son ami Chris MARKER qui avait réalisé peu après la révolution castriste un documentaire "Cuba si!" qui selon les propres dires du réalisateur tentait " de communiquer, sinon l’expérience, du moins le frémissement, le rythme d’une révolution qui sera peut-être tenue un jour pour le “moment décisif” de tout un pan de l’histoire contemporaine". Se gardant intelligemment de prendre parti (ce qui aurait tiré son film vers l'oeuvre de propagande), Agnes VARDA réussit à insuffler à son court-métrage un rythme endiablé et ce alors que celui-ci ne se compose que d'une suite de photographies. Là encore, on pense à Chris MARKER qui avec "La Jetee" (1963) presque entièrement composé d'images fixes était parvenu à tutoyer les cimes. Agnes VARDA donne vie aux milliers de clichés, pris sur le vif qu'elle a rapporté de l'île. Grâce au procédé du banc-titre utilisé dans le cinéma d'animation, elle parvient à recréer l'illusion du mouvement mais sans sa fluidité, celui-ci épousant le rythme saccadé des percussions accompagnant les musiques cubaines: rumba, son, guaguancó, guaracha… Un mélange d'Afrique, d'Espagne et de France (via les anciens esclaves évadés d'Haïti) que Agnes VARDA restitue à l'aide d'images et de sons se répondant parfaitement, scandé également par le commentaire off à deux voix, la sienne et celle de Michel PICCOLI. Le résultat est d'une vitalité à toute épreuve et témoigne également des talents d'observatrice de la réalisatrice qui revient à ses premières amours, la photographie et le documentaire tout en y insufflant une pulsation qui fait ressentir la joie de cette période d'émancipation collective.

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Viva Varda !

Publié le par Rosalie210

Pierre-Henri Gibert (2023)

Viva Varda !

Un documentaire de plus sur la vie et la carrière de Agnes VARDA? Oui mais celui-ci a une particularité: Agnes VARDA n'en est pas l'instigatrice. En effet, celle-ci a multiplié les analyses de sa propre oeuvre, principalement à la fin de sa carrière. Aussi le film de Pierre-Henri GIBERT a un programme bien défini " Jusqu'au bout, elle a assuré elle-même un monopole du récit sur son propre travail, cadenassant toute parole alternative, réécrivant son histoire et peaufinant sa légende". Une légende noire en lieu et place de la légende rose (ou plutôt mauve) véhiculée par la cinéaste? Pas vraiment. Certes, le film égratigne son image. Il souligne l'insuccès public de la majorité de ses films "A part Sans toit ni loi où elle a fait son million, ça floppe". Il revient aussi sur sa réputation de "freak control" et de pingrerie "Elle avait la réputation d'être très radine, de faire des films avec des bouts de ficelle, en ne payant pas ou très peu. C'est ce que j'entendais de beaucoup de gens du métier. » (Sandrine BONNAIRE). En même temps, avait-elle vraiment le choix? Le film souligne combien elle a dû passer une partie de sa vie à la chasse au financement et en revanche il ne dit pas assez que nombre de ses projets ont échoué ou ont dû être réorientés parce que l'avance sur recettes lui a été refusé (pour "A Christmas Carol") (1965) ou parce que le producteur a exigé un film moins cher (comme pour "Cleo de 5 a 7") (1961). Un cinéaste qu'elle admirait pour son indépendance, John CASSAVETES avait dû lui aussi compter sur le bénévolat de son équipe pour réaliser "Faces" (1968) en dehors des heures de bureau et sur le fil du rasoir: le lui-a-t-on reproché? On peut faire la même remarque concernant son supposé mauvais caractère. Son assistant dans le film rectifie le tir en ajoutant "Et Jean-Luc GODARD ou Francois TRUFFAUT, ils avaient bon caractère peut-être?" Toujours ce "deux poids, deux mesures" dès qu'il s'agit d'une femme qui ne souhaitait pas transiger avec sa liberté artistique.

Ceci étant, le film montre surtout à quel point la réalisatrice était anticonformiste. Il revient sur son choix de s'extraire de son milieu social bourgeois (elle était la fille d'un riche industriel) pour embrasser le monde de l'art, au point d'engloutir l'héritage paternel dans son premier film "La Pointe courte" (1954) et d'épouser un fils de garagiste, lui aussi transfuge social en rupture familiale, Jacques DEMY. Ce dernier a évoqué dans son oeuvre l'impossibilité d'aimer quelqu'un n'appartenant pas à la même classe sociale. On retrouve également dans ses premiers films le thème de la mère célibataire comme un écho à sa rencontre avec Agnes VARDA qui avait décidé d'élever seule sa fille, Rosalie VARDA-DEMY à une époque où cela était mal vu. Par ailleurs, le documentaire évoque la bisexualité de Agnes VARDA, moins connue que celle de Jacques DEMY qui a été pourtant cachée jusqu'en 2008. Une relation complexe dont les moments les plus douloureux l'ont amené à réaliser son film le plus sensible, "Documenteur" (1981) où elle fend son armure d'éternelle Jeanne d'Arc du cinéma pour se mettre à nu. Son intérêt pour les combats et mouvements d'avant-garde, les marginaux et les minorités. Mais le plus réjouissant de tout c'est son côté "vieille dame indigne", quand, ayant atteint un âge avancé, elle envoie plus que jamais balader les convenances pour se faire plaisir en toute liberté, dansant en discothèque, se déguisant en patate, s'offrant la plus improbable des coiffures bicolores (le fou rire de Sandrine BONNAIRE commentant ce look est communicatif), le tout avec une telle joie de vivre qu'on a qu'une envie: la suivre!

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A Visual History with Agnès Varda

Publié le par Rosalie210

AMPAS (2017)

A Visual History with Agnès Varda

Tout d'abord, il est important de comprendre le contexte de l'entretien-fleuve (deux heures dix-huit) en français de Agnes VARDA avec la chercheuse Manouchka Kelly Labouba au Pickford Center à Los Angeles le 9 novembre 2017. Cette rencontre a eu lieu dans le cadre du programme d'histoire visuelle de l'Academy Museum of Motion Pictures (AMPAS) qui n'est autre que la dénomination officielle de l'académie des Oscars. Agnès Varda venait d'être couronnée par un Oscar d'honneur pour sa carrière, après son César d'honneur en 2001 et sa Palme d'honneur remise en 2015. Une consécration des deux côtés de l'Atlantique lié notamment au fait que Agnes VARDA a fait plusieurs séjours à Los Angeles où elle a réalisé cinq films, lesquels ont été récemment restaurés par la fondation de Martin SCORSESE. Mais une consécration tardive, même si Agnes VARDA avait au cours de sa carrière glané quelques prix prestigieux comme l'ours d'argent pour "Le Bonheur" et (1965) le Lion d'or pour "Sans toit ni loi" (1985). Ses films à petit budget réalisés en dehors du cinéma mainstream et globalement peu connus du public étaient le prix à payer pour son indépendance mais également la traduction de la marginalité des femmes réalisatrices dans une industrie dominée et façonnée par et pour les hommes. Si aujourd'hui les femmes sont plus présentes aux postes clés de la création d'un film, la parité n'est pas encore atteinte. Et d'autre part, créer ne suffit pas, encore faut-il être visible, reconnu et ensuite passer à la postérité. Agnes VARDA semble avoir réussi à passer toutes ces étapes, sa participation au programme de l'AMPAS s'inscrivant dans une démarche visant à recueillir et conserver via des enregistrements audio et vidéo la parole de professionnels du cinéma: les incontournables mais également ceux qui sont contournés, oubliés minorisés ou absents du canon officiel et ce depuis les origines du cinéma. Soulignons à ce propos le rôle clé joué par les USA dans la redécouverte de l'oeuvre de la pionnière du cinéma Alice GUY qui à l'égal de Agnes VARDA peut aujourd'hui servir de modèle aux jeunes générations de réalisatrices.

Pour qui aime Agnes VARDA, l'entretien s'avère globalement passionnant. Il n'a pas été effectué d'une seule traite puisqu'on voit plusieurs fois des raccords de montage mais donne l'impression d'un récit continu dans lequel la réalisatrice se raconte, de son enfance à ses dernières réalisations. La genèse de plusieurs de ses films est évoquée comme l'influence du roman de Faulkner, "Les palmiers sauvages" pour la structure de "La Pointe courte" (1954) ou les contraintes budgétaires qui ont permis l'émergence de "Cleo de 5 a 7" (1961). Elle insiste également beaucoup sur l'influence que le documentaire a eu dans ses films de fiction (la famille Drouot pour "Le Bonheur" (1965), le tournage dans les rues de Paris pour "Cleo de 5 a 7") (1961). En dépit de quelques trous de mémoire (sur des dates par exemple), on constate que l'esprit de Agnes VARDA était resté clair et sa parole, fluide alors qu'elle avait 89 ans, lui permettant d'offrir un témoignage de grande qualité. Une chance, au vu du temps qu'il a fallu pour qu'elle soit reconnue à sa juste valeur.

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Les 3 vies d'Agnès

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (2012)

Les 3 vies d'Agnès

Documentaire réalisé en 2012 et proposé en bonus dans le coffret DVD Tout(e) Varda, "Les 3 vies d'Agnès" fait référence aux trois activités artistiques auxquelles elle a consacré sa vie: la photographie, le cinéma et les arts plastiques auxquels elle préférait l'expression "arts visuels". Chacune de ses activités a occupé le devant de la scène de façon chronologique d'où "les 3 vies". Agnes VARDA avait en effet une formation de photographe qui l'a entraîné vers le cinéma qu'elle a pratiqué à partir du milieu des années cinquante et son premier film "La Pointe courte" (1954) précurseur de la nouvelle vague sous diverses formes et formats avant qu'au milieu des années 2000 elle ne diversifie encore plus le champ de ses activités. Il est cependant évident qu'il y a toujours eu une circulation entre toutes ces formes d'art, son cinéma se nourrissant de son oeil de photographe tout en préfigurant ses installations par leur mise en scène de l'hétérogénéité. C'est évident dès "La Pointe courte" (1954) qui alterne entre passages documentaires et passages de fiction, les deux grands genres entre lesquels Agnes VARDA n'a cessé de naviguer durant toute sa carrière. A l'autre bout du spectre, "Les Plages d'Agnes" (2007) fonctionne sur le principe du collage, du patchwork alors que dans "Visages, villages" (2017), elle revient à ses premières amours de photographe, épaulée par JR comme un passage de relai.

En dépit de son titre et de son ouverture sur des photographies (dont certaines déjà évoquées dans "Les Plages d'Agnes" (2007) comme l'exposition à Avignon consacrées à celles du TNP de Jean VILAR), le documentaire évoque surtout la troisième vie de Agnes VARDA, fonctionnant comme un catalogue d'expositions de l'artiste. Un art du fragment, que ce soit au travers d'une série de portraits et miroirs brisés, un recueil de témoignages ("Quelques veuves de Noirmoutier") (2006) que l'on écoute séparément alors qu'un grand écran les relie tous ou encore le travail de mémoire effectué à l'occasion de l'hommage aux Justes de France en 2007. Un travail de mémoire également présent lors de l'évocation de la rétrospective de l'oeuvre de, Agnes VARDA en Chine en 2012, plus de cinquante ans après son premier voyage sous l'ère Mao. Comme le rappelle l'artiste, la révolution culturelle a détruit une grande partie du patrimoine culturel de la Chine mais également nombre de souvenirs personnels. Si bien que les photographies et objets rapportés du voyage de 1957 constituent une sorte d'exhumation de vestiges d'un passé perdu. S'y ajoute une réflexion sur les différences de perception de ses installations en France et en Chine et sur la délicate question de la traduction des témoignages. La permanence de quelques totems comme la cabane, revisitée façon pagode sert de fil rouge entre tous les éclats de l'artiste. Un documentaire passionnant donc pour tous les fans de Agnes VARDA et plus généralement d'art tous azimuts.

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Christmas Carole

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1966)

Christmas Carole

Agnes VARDA a eu une longue et prolifique carrière mais ce que l'on sait moins, ce sont tous les projets auxquels elle a dû renoncer, essentiellement par manque de financement. "Christmas Carole" fait partie de ceux-là. Il s'agit d'un bout d'essai tourné dans le but de convaincre un producteur-distributeur de se lancer dans le projet, Agnes VARDA n'ayant pas obtenu l'avance sur recettes. De ces quelques minutes de film, on retient l'esthétisme des plans, le discours critique envers la société de consommation, une vision avant-gardiste de la jeunesse (on se croirait déjà en 1968) et un Gerard DEPARDIEU de 17 ans qui crève l'écran dans son premier rôle. Car on ne le souligne pas assez, Agnes VARDA a été une défricheuse de talents. Jacques DEMY et elle avaient misé sur Harrison FORD dix ans avant qu'il ne perce au cinéma et elle a fait débuter Yolande MOREAU dans "7p., cuis., s. de b., ... a saisir" (1984) puis "Sans toit ni loi" (1985). Ces choix avant-gardistes s'ils paraissent évidents aujourd'hui lui ont coûté cher. C'est ainsi précisément à cause de la prestation de Gerard DEPARDIEU jugée sans valeur par les fils du producteur-distributeur que le film ne s'est pas fait. S'en sont-ils mordu les doigts par la suite?

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Pier Paolo Pasolini- Agnès Varda - New York- 1967

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1967)

Pier Paolo Pasolini- Agnès Varda - New York- 1967

L'oeuvre de Agnes VARDA continue à révéler ses secrets, même depuis son décès en 2019. C'est en effet sa fille, Rosalie VARDA-DEMY, directrice actuelle de la société de production familiale Ciné-Tamaris qui en faisant du rangement avec le reste de l'équipe a découvert en 2021 dans la cave de la société les pellicules d'un court-métrage que sa mère a tourné à New-York avec Pier Paolo PASOLINI en 1966. Plus exactement les images ont été tournées en 1966 mais en version muette et l'année suivante, en 1967, Agnes VARDA a mené un entretien audio avec Pasolini qu'elle a monté avec les images. A la suite de cette découverte, le court-métrage a été restauré en 2022.

Même s'il est d'une durée très courte (un peu plus de trois minutes), le film est intéressant à plus d'un titre. Il "donne à voir" (pour reprendre l'expression de Agnes VARDA) un instantané du New-York de l'époque, plus exactement de l'effervescence de 42eme rue de Manhattan où déambule tranquillement Pier Paolo PASOLINI chaussé de lunettes noires et dont Agnes VARDA filme la plupart du temps le visage en gros plan. La déambulation étant propice à la réflexion, le jeu des questions-réponses que l'on entend s'harmonise bien avec les images, aussi judicieusement choisies que les questions sont incisives. Ainsi lorsque Pasolini évoque que ce qui l'a frappé à New-York est la pauvreté, on pense aussitôt au New-York en crise dépeint par les cinéastes du nouvel Hollywood à cette époque comme John SCHLESINGER ("Macadam Cowboy") (1968) ou Jerry SCHATZBERG ("Panique a Needle Park") (1971). Autre thématique abordée par Agnes VARDA, le rapport que Pasolini entretient avec la réalité et la fiction, ce dernier terme étant récusé par ce dernier qui ne voit dans le cinéma qu'un autre niveau de réalité. Il remet d'ailleurs en cause au passage le travail des composition des acteurs en laissant entendre qu'il est impossible de tricher devant une caméra et qu'un acteur livre en fait ce qu'il est profondément. Enfin Agnes VARDA aborde la question sensible du rapport de Pasolini au catholicisme, celui-ci préférant se réfugier derrière la caution de l'art italien plutôt que de répondre étant donné son athéisme affiché. Il avoue quand même que cette question lui est obscure. Agnes VARDA filme alors longuement une spirale plane tournant derrière la vitrine d'un magasin en un plan qui rappelle celui de "M le Maudit" (1931) où le personnage de Peter LORRE tentait en vain de fuir ses démons.

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Plaisir d'amour en Iran

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1976)

Plaisir d'amour en Iran

Témoin de son temps, ce court-métrage de Agnès Varda qui prolonge son long-métrage "L'une chante, l'autre pas" en développant le passage où Pomme (Valérie Mairesse) et Ali Darius (Ali Raffi) se rendent à Ispahan laisse songeur. Il contient les paradoxes de la période post-soixante-huitarde. D'un côté la libération sexuelle et la fascination pour un orient intemporel, exotique et fantasmé dans la lignée de l'orientalisme du XIX° siècle. De l'autre, l'occultation totale de la réalité du pays sous le régime du Shah qui s'ouvrait alors aux réalisateurs européens, trois ans avant la révolution islamique. "Plaisir d'amour en Iran" est donc une belle carte postale avec au dos une rêverie coquine digressant sur les formes suggestives des mosquées qui apparaît bien déconnecté des réalités du terrain (telles qu'elles peuvent être racontées dans "Persépolis" par exemple). Inutile de préciser qu'aujourd'hui, ce pays n'est plus vraiment associé au paradis des amoureux tel que se le représentent les occidentaux, au luxe, au calme, à la volupté. L'exotisme provient du fait qu'il a pu un jour y être associé.

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T'as de beaux escaliers, tu sais

Publié le par Rosalie210

Agnès Varda (1986)

T'as de beaux escaliers, tu sais

Court-métrage de trois minutes de Agnès Varda, le concept de "T'as de beaux escaliers, tu sais" est l'ancêtre direct du magazine d'Arte "Blow up" créé en 2010 par Luc Lagier. Même point de départ, issu de l'actualité (le film qui date de 1986 a été conçu pour un anniversaire, celui des cinquante ans de la Cinémathèque française) et même principe, celui du montage d'extraits de films autour d'une thématique commune qui a également pour fonction de réveiller la mémoire cinéphilique du spectateur (ce que Luc Lagier appelle les "petites madeleines" qu'il a été évidemment été chercher "Du côté de chez Swann"). En 1986, la Cinémathèque française était encore domiciliée dans le palais de Chaillot, lieu qu'elle occupait depuis 1963 et l'appui des pouvoirs publics*. Appui à double tranchant puisque son co-fondateur, Henri Langlois avait été limogé en 1968 avant d'être réintégré grâce à la mobilisation du monde du cinéma français (dont la plupart des cinéastes de la nouvelle vague). Le palais de Chaillot étant situé sur une colline, on accédait à la Cinémathèque par des escaliers montants (vers le musée) ou descendants (vers la salle de cinéma) ce qui a donné l'idée à Agnès Varda de la thématique des escaliers, et d'un titre clin d'oeil à "Le Quai des Brumes" de Marcel Carné. Il est amusant de comparer son film au "Blow up" consacré aux escaliers au cinéma car bien évidemment on y retrouve des extraits communs, notamment une séquence développée différemment autour du célébrissime passage des escaliers d'Odessa dans "Le Cuirassé Potemkine". Agnès Varda reconstitue la séquence du landau à la Cinémathèque avec des spectateurs anonymes alors que Luc Lagier passe en revue quelques célèbres reprises dans des films ultérieurs. Autre lien commun, les escaliers comme métaphore de la grandeur et de la déchéance avec le "Citizen Kane" de Orson Welles ou le "Ran" de Kurosawa (qui témoignent de la programmation éclectique et ouverte de la cinémathèque). Ou encore les escaliers comme support chorégraphique des comédies musicales. Là où Varda met plutôt en avant l'utilisation comique voire burlesque de l'escalier ("Cover Girl", "Le Coup du parapluie"), Luc Lagier développe la thématique des scènes de combat en apesanteur. Enfin l'utilisation des escaliers dans les scènes de suspense ou de terreur sont absentes du film de Agnès Varda qui conserve un ton plutôt léger et ludique, même au moment du dernier extrait, consacré à "L'Histoire de Adèle H": c'est que Isabelle Adjani, alors au firmament de sa carrière fait une courte apparition à la fin du film. La musique est signée de Michel Legrand (et reprise partiellement de "Cléo de 5 à 7").

*Ce n'est qu'en 2005 qu'elle a déménagé à son emplacement actuel situé dans le parc de Bercy.

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