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Articles avec #nouvelle vague tag

Masculin, féminin

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1966)

Masculin, féminin

Etat des lieux de la jeunesse en 1965, "Masculin, féminin" se présente comme une enquête sociologique éclatée en 15 tableaux façon puzzle ou photos façon collage entrecoupés de cartons (comme au temps du muet) sur lesquels sont inscrits des répliques qui claquent comme des coups de feu. Cette jeunesse est montrée comme ambivalente et c'est là tout l'intérêt du film. Certes, Jean-Luc GODARD tombe à bras raccourcis sur la société de consommation et sa culture de masse venue des USA, une nouveauté à l'époque à laquelle adhère cette jeunesse, que ce soit à travers la musique yé-yé ou le magazine associé "Mademoiselle 19 ans" inspiré de "Mademoiselle âge tendre" apparu en 1964 pour créer un pendant féminin à "Salut les copains". D'ailleurs pour décrypter le film de Jean-Luc Godard, connaître le contexte est fondamental. Ainsi Chantal GOYA qui était déjà chanteuse à l'époque avait été promue marraine du magazine. Elle joue ainsi quasiment son propre rôle dans le film et si Jean-Luc Godard n'a pas réussi à faire apparaître France GALL ou Sheila, on voit passer brièvement Françoise HARDY et plus longuement Brigitte BARDOT. Mais cette jeunesse post-crise des missiles de Cuba, "les enfants de Marx et de coca-cola" pour reprendre la formule godardienne la plus célèbre du film n'est pas pour autant montrée comme frivole. Elle semble plutôt en proie aux doutes, aux interrogations, au désarroi. Elle est également clivée (le titre est de ce point de vue programmatique), les garçons d'un côté, les filles de l'autre et les deux mondes ont bien du mal à communiquer. Les garçons sont engagés politiquement (contre la guerre du Vietnam ou le gouvernement De Gaulle par exemple) et cherchent de la tendresse mais n'en trouvent pas auprès de filles incultes sur le plan politique (comme le montre l'interview avec "un produit de consommation") et préoccupées avant tout par leur carrière et leur indépendance. Par leur libération sexuelle aussi et le film, interdit aux moins de 18 ans à sa sortie (Godard a d'ailleurs malicieusement souligné que c'était bien le signe qu'il s'adressait à eux!) aborde sans tabou des sujets qui l'étaient encore comme l'amour libre, la prostitution, la contraception ou l'avortement. C'était le premier film où s'aventurait Jean-Pierre LÉAUD en dehors de ceux de François TRUFFAUT d'où le clin d'oeil à un certain "général Doinel". Quant aux copines de Madeleine (alias Chantal GOYA), si Catherine-Isabelle DUPORT n'a pas par la suite eu une véritable carrière, on remarquera que Godard a fait débuter Marlène JOBERT. En dépit de la narration éclatée, cette radiographie sur le vif reste pleine de fraîcheur et d'intérêt aujourd'hui sans parler des moments décalés. L'usage que Godard imagine par exemple pour "Le Figaro" que je vous laisse le soin de découvrir ou les propos plutôt crus énoncés par une Chantal GOYA contrastant avec sa pruderie foncière qui explique l'absence quasi-complète de contact physique avec Jean-Pierre LÉAUD (marrant pour une scène de lit à trois) et que Marlène JOBERT a dû remplacer pour la scène de la salle de bains. Pour mémoire on peut entendre l'un des tubes qu'elle enregistre dans "The French Dispatch (2018).

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Une histoire d'eau

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard, François Truffaut (1958)

Une histoire d'eau

"Une histoire d'eau" est l'une des rares collaboration entre Jean-Luc GODARD et François TRUFFAUT bien qu'il ne soit pas le fruit d'un travail commun. Les images sont tournées par François Truffaut qui a l'idée de se rendre avec Jean-Claude BRIALY et une jeune actrice inconnue, Caroline Dim sur les lieux des inondations touchant l'Ile-de-France en 1958. Mais déçu par le résultat qui pèche par son manque de scénario, il abandonne le film. Jean-Luc Godard reprend le matériau délaissé par Truffaut et décide d'y imprimer sa marque très "nouvelle vague" par un riche montage visuel et sonore qui donne tout son piment au film. Celui-ci adopte le ton d'un itinéraire géographique et sentimental à la manière de la carte du tendre (que Godard citera ultérieurement dans "Bande à part") (1964). Une jeune fille souhaite se rendre à Paris depuis Villeneuve-saint-Georges ce qui va s'avérer pour le moins compliqué. Echouant à plusieurs reprises dans son entreprise à pied, en barque et faute d'autobus elle finit par se laisser embarquer dans une voiture conduite par un jeune homme entreprenant. Mais la voiture prenant l'eau, c'est plutôt la direction du flirt que prend le couple ainsi nouvellement formé dans des images impressionnistes très picturales qui font penser à celles de "Une partie de campagne" (1936) de Jean RENOIR. Ce couple, on ne l'entend qu'en voix-off, essentiellement celle de Caroline Dim dont le commentaire brode voire digresse sur les images et enchaîne les citations littéraires et philosophiques alors que celle de Jean-Claude Brialy est doublée par Godard comme avec Jean-Paul BELMONDO pour "Charlotte et son jules" (1960). A intervalles réguliers, la flânerie du couple est interrompue par des images aériennes des inondations sur une musique de percussions afro-cubaines qui créé un énième décalage assez loufoque avec ce qui est montré ce qui peut expliquer l'hommage rendu à Mack SENNETT à la fin du film.

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Le Parti des choses: Bardot et Godard

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1963)

Le Parti des choses: Bardot et Godard

"Mettre en scène, c'est prendre, modestement, le parti des choses". Cette phrase, Jacques Rozier la prononce tout en filmant son ami de la nouvelle vague Jean-Luc Godard tourner une scène de "Le Mépris" avec Michel Piccoli, Brigitte Bardot et Fritz Lang. Il ajoute donc un niveau de réflexion sur le cinéma à un film qui était déjà une mise en abyme du septième art. En seulement dix minutes, Jacques Rozier décortique les enjeux du film. Au travers  de la scène filmée à Capri, d'abord dans une crique puis refaite sur un bateau, il souligne la caractéristique fondamentale de la nouvelle vague qui est de s'appuyer sur un dispositif léger et des décors naturels en acceptant la part d'imprévu que le fait de ne pas pouvoir contrôler l'environnement comporte. Il évoque aussi l'acte créateur qui dans le film échoit à Fritz Lang, alter ego du cinéaste et  "porte-parole des Dieux" puisque celui-ci a tout pouvoir sur le destin de ses personnages. La statue de Zeus qui revient à plusieurs reprises dans "Le Mépris", le lieu de l'action ainsi que le sujet du film tourné par Fritz Lang, L'Odyssée se réfère à la tragédie antique, laquelle laisse une grande place à la fatalité c'est à dire à l'homme comme jouet des Dieux exactement comme les personnages sont les créatures du cinéaste. Enfin il évoque le mythe Brigitte Bardot, né dans un film intitulé "Et Dieu... créa la femme" et ajoute "Le Mépris ayant Brigitte Bardot comme objet ne peut avoir que le cinéma pour sujet". 

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La Collectionneuse

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1967)

La Collectionneuse

Quatrième conte moral de Eric Rohmer (mais tourné avant le troisième "Ma nuit chez Maud"), "La Collectionneuse" se situe dans la continuité de "La Carrière de Suzanne" et annonce "Le genou de Claire". Deux insupportables goujats intellos imbus d'eux-mêmes (mais paresseux et misanthropes comme pas deux) déversent leur misogynie sur une fille qui les trouble et les exaspère par son comportement libéré. Comme dans "Le genou de Claire", tout ce petit monde se retrouve en villégiature, le temps d'un été à marivauder dans un langage très écrit (bien que se laissant volontiers aller à quelques "vulgarités") dans une villa inondée de soleil. Avec l'apparition de la couleur, Eric Rohmer fétichise le corps de Haydée dont le ventre, la nuque et les genoux apparaissent en gros plan quand elle est en maillot de bain au moment même où Adrien prétend ne pas être intéressé (l'hypocrite). Cette ironie s'observe dès le prologue: Haydée qui ne prononce pas un mot et se contente de marcher sur la plage est présentée avant tout comme un objet de désir alors que les deux hommes avec qui elle va partager son espace sont au contraire des moulins à parole. Cette inégale répartition des rôles théâtralise en apparence ce qui se joue dans la société à ceci près que Eric Rohmer en inverse le sens. Le jugement moral que les deux hommes portent sur Haydée qu'ils définissent comme une "collectionneuse" (d'amants) révèle leur peur d'être eux-mêmes transformés en objets (de collection). Prise dans le tourbillon de la vie, Haydée ne cesse au final de leur échapper, se joue d'eux, sème la zizanie et leur renvoie la balle de la moralité, eux qui adorent s'écouter parler plutôt que d'écouter leurs vrais désirs. 

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Blue Jeans

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1957)

Blue Jeans

Il y a comme un parfum d'Italie dans le deuxième court-métrage de Jacques ROZIER. Après "Rentrée des classes" (1956) qui filmait l'école buissonnière comme une épopée sensualiste, "Blue Jeans" conserve l'élément aquatique (l'histoire se déroule à Cannes) ainsi que le charme et la fraîcheur de son précédent court-métrage. Cette fois, ce sont deux adolescents de dix-sept ans qui occupent le devant de la scène. Comme tous les personnages de Jacques ROZIER, ils sont en "vacance" et passent l'essentiel de leur temps à butiner, non les fleurs, mais les filles. Le film colle à leurs corps en mouvement, qu'ils soient à pied ou en Vespa. Ivresse de la sensation de liberté (comparable en cela à la moto) jumelée au plaisir de la "dolce vita" (avec sans doute les "Vacances romaines" (1953) en point de mire), les deux dragueurs n'ont (hélas pour eux) qu'une idée en tête: "lever" des filles, les "emballer" et enfin "conclure" ce qui leur vaut de se vautrer lourdement. Cette sensation de liberté que Jacques ROZIER savait saisir comme personne et qui donne encore aujourd'hui à son film un aspect extrêmement vivant se teinte en effet d'amertume lorsque les deux jeunes s'aperçoivent qu'ils leur manque un élément essentiel à leur entreprise: l'argent. Car faute de moyens, leurs tentatives de séduction grossière tournent court étant donné qu'ils n'ont pas grand-chose à proposer aux filles qu'ils croisent pour les divertir et n'ont strictement rien à leur dire (la seule chose qui les intéresse, on l'a compris, c'est de les mettre dans leur lit). Il leur manque en effet autre chose (qu'ils n'ont visiblement pas compris): le tact. Avec leurs méthodes de pachyderme à la limite du harcèlement de rue voire de l'agression (ils se permettent de toucher toutes les femmes qui se trouvent sur leur chemin), ils n'ont évidemment aucune chance d'y arriver. Aujourd'hui, leurs méthodes ne passeraient d'ailleurs plus du tout et la liberté revendiquée deviendrait celle d'importuner, voire de harceler un sexe féminin vu comme un étalage de chair fraîche sans identité, sans personnalité, juste à prendre d'assaut pour satisfaire ses pulsions les plus primaires. Jacques ROZIER les montre au final comme ce qu'ils sont: des losers pathétiques.

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Antoine et Colette

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1962)

Antoine et Colette

Conçu à l'origine comme le segment parisien du film à sketches "L Amour à vingt ans" (1962), "Antoine et Colette" est aujourd'hui diffusé de façon indépendante comme le chaînon manquant de la saga de Antoine Doinel entre "Les Quatre cents coups" (1959) et "Baisers volés" (1968). En effet, il est la suite directe du premier long-métrage de François TRUFFAUT qui est souvent rappelé que ce soit par une affiche dans la chambre d'Antoine, la musique qui vient de temps en temps à nos oreilles, les façades de cinéma et même un court extrait quand lui et son ami René (Patrick AUFFAY qui reprend également son rôle) fumaient dans la chambre de ce dernier. Trois ans séparent seulement les deux films mais Antoine (et l'acteur qui l'incarne, Jean-Pierre LÉAUD devenu d'un des visages emblématiques de la nouvelle vague) a bien changé, du moins en apparence. Le film est en effet construit sur un paradoxe qui en fait tout son intérêt. Alors que la voix-off ne cesse d'affirmer qu'Antoine est devenu un adulte dont il a la plupart des attributs extérieurs, la rencontre amoureuse avec Colette (Marie-France PISIER, si jeune qu'elle en est à peine reconnaissable) ne se produit pas malgré tous les efforts de ce dernier. Colette le considère juste comme un ami ou un membre de la famille et lui préfère un homme plus aguerri. Car La véritable rencontre a lieu avec les parents de Colette (Rosy VARTE et François DARBON) qui semblent avoir adopté le jeune homme qui il faut le dire donne l'impression d'être à peine tombé du nid. Et c'est ainsi que sans avoir besoin de le souligner, François TRUFFAUT créé le lien le plus fort avec "Les Quatre cents coups" (1959) en faisant ressortir le manque parental qui empêche Antoine Doinel de devenir un homme et le relègue au statut peu enviable de petit garçon.

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La Boulangère de Monceau

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1962)

La Boulangère de Monceau

"La Boulangère de Monceau" est le premier des six contes moraux que Éric ROHMER a tourné entre 1962 et 1972. C'est un court-métrage qui pose le canevas sur lequel le cinéaste brodera des variations de plus en plus complexes au fil des cinq films suivants. Comme ceux qui le suivront, le personnage principal est un jeune homme plutôt imbu de sa personne et qui adore s'écouter parler (et penser) tant il est bourré de certitudes. C'est pourquoi il a souvent un plan de carrière et une stratégie matrimoniale prête à l'emploi. Bref, c'est la tête à claques parfaite. Mais un petit grain de sel vient faire (momentanément) dérailler la machine bien huilée sous la forme d'une ou plusieurs "tentatrices" qui n'appartiennent pas au même milieu social ou bien n'ont pas le même âge ou bien les mêmes moeurs que lui. Elles dévoilent sa profonde lâcheté devant le "tourbillon de la vie" avec lequel il préfère jouer plutôt que de s'y abandonner avant de reprendre le contrôle de sa vie, confirmant qu'il est bien une nature morte.

Bien entendu "La Boulangère de Monceau" n'est qu'une esquisse de cette intrigue, tant le manque de moyens se fait ressentir à l'image (qui présente un cadre particulièrement étriqué) mais sa simplicité et sa concision rendent les enjeux limpides. La boulangère est clairement présentée comme le "bouche-trou" du séducteur entre deux laps de temps durant lesquels il drague le véritable objet de son désir, Sylvie, une jeune fille "digne de lui" (entendez par là issue de la bourgeoisie) mais qu'il est trop mou pour rechercher lorsqu'il ne la rencontre plus dans la rue. Seul le hasard pallie le manque de volonté du héros qui considère la boulangère comme une facilité étant donné qu'elle ne bouge pas de sa place et qu'il n'a pas besoin de se casser la tête pour aller la trouver. C'est donc une stratégie assez minable qui nous est présentée et on s'amuse de voir l'ami de Éric ROHMER, Barbet SCHROEDER tiré à quatre épingles très loin des films hippies qu'il réalisera pourtant seulement quelques années plus tard.

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La Peau douce

Publié le par Rosalie210

François Truffaut (1964)

La Peau douce

"La Peau Douce" est un film qui est longtemps resté dans l'ombre de la filmographie de François TRUFFAUT alors que c'est l'un de ses plus réussis et l'un de ses plus personnels. Comme quoi on peut raconter l'histoire la plus banale du monde -un adultère bourgeois- en la rendant passionnante si l'on sait s'y prendre.

Sur deux points au moins "La Peau Douce" est un chef d'oeuvre. Sa mise en scène d'une précision chirurgicale d'abord qui transforme un drame bourgeois en thriller hitchcockien. Et ça commence quasiment dès le début avec la scène haletante dans laquelle Pierre (Jean DESAILLY) entame une course contre la montre pour prendre un avion pour Lisbonne. Quand on sait que sa future maîtresse, Nicole (Françoise DORLÉAC) l'attend à bord, c'est tout l'enjeu du film qui est contenu dans cette seule scène tournée pied au plancher. Des scènes de tension semblables, on en retrouve avec la grande séquence du séjour à Reims dans laquelle Pierre s'empêtre dans ses mensonges et ne parvient pas à concilier sa vie mondaine et sa vie secrète. Ou encore vers la fin, quand, sur les conseils d'une amie de son épouse, il tente de lui téléphoner pour lui avouer la vérité mais toute une mécanique bien huilée fait qu'il la rate de quelques secondes comme s'il y avait une sorte de "fatum" sur ses épaules.

Cependant, cet engrenage qui transforme un drame bourgeois en tragédie n'aurait pas été possible sans le caractère du personnage principal, artisan de son propre malheur. Pierre s'avère être la médiocrité même, incapable de prendre des décisions, incapable de communiquer franchement. Il dit oui à tout sans le penser ce qui le met dans des situations impossibles engendrant déception, frustrations et amertume. A force d'être incapable de gérer les situations, il finit par se comporter grossièrement avec l'un de ses collègues dont il n'arrive pas à se débarrasser, son épouse à qui il ne parle pas tout en laissant traîner des indices compromettants ou sa maîtresse dont il jouit sur l'instant avec une ardeur fétichiste (très beaux plans à l'appui) mais qui le reste du temps l'embarrasse. Tous deux qui ont une sensible différence d'âge ne vivent pas sur la même planète et n'ont en réalité rien à se dire. D'ailleurs Pierre appelle significativement Nicole "ma poupée", veut qu'elle porte des robes, des talons et des bas (et non des jeans) pour lui faire plaisir et n'éprouve qu'à une seule reprise le besoin de lui dire qu'il l'aime: quand il la pense loin de lui (c'est un écrivain après tout). Dès qu'il réalise sa méprise, il jette son télégramme à la poubelle. Tout cela finit par se payer cash et quand la parole ne peut pas sortir, on sait que le seul soulagement sera celui d'une explosion fatale.

 

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La Carrière de Suzanne

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1963)

La Carrière de Suzanne

Comme le premier film de la série des six contes moraux de Éric ROHMER, "La Boulangère de Monceau" (1962), "La Carrière de Suzanne" (1963) le deuxième opus est un métrage fauché (comme d'autres films débutants des cinéastes de la nouvelle vague) se caractérisant par sa durée écourtée, ses acteurs amateurs, un son post synchronisé etc. Néanmoins on reconnaît parfaitement la thématique à venir de ce cinéaste sur les apparences trompeuses, les mensonges que l'on se raconte à soi-même et aux autres, sur soi-même et sur les autres. Le contexte historique et sociologique, très important chez Rohmer est minutieusement décrit. C'est celui de la jeunesse étudiante du quartier latin quelques années avant la révolution de 1968. Le film tourne principalement autour de trois jeunes dont il interroge les rapports amicaux et amoureux. Des rapports qui n'ont d'ailleurs d'amicaux et d'amoureux que la façade puisque ce qui est en réalité étudié, ce sont les relations de domination et de soumission. Guillaume le bourgeois séducteur et manipulateur a besoin d'un confident, d'un spectateur (de ses exploits), d'un admirateur, d'un miroir etc. Il trouve tout cela auprès de l'influençable et mollasson Bertrand qui bien que non dupe de la "crapulerie" de son "ami" (dont on devine qu'il est son modèle) le suit partout sans résister et semble épouser son point de vue (puisque c'est lui que l'on entend en voix-off). Ces deux parfaits spécimens de petits goujats misogynes, vieux avant l'âge jettent leur dévolu sur ce qu'ils pensent être une "pauvre fille" qu'ils passent leur temps à humilier et exploiter de toutes les façons possibles. Sauf que la fille en question n'est pas la gourde qu'elle a l'air d'être ce qui laisse au spectateur tout le loisir d'apprécier le savoureux retournement final.

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Charlotte et son jules

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1958)

Charlotte et son jules

Dans les courts-métrages de Jean-Luc GODARD, "Tous les garçons s appellent Patrick" (1957) et toutes les filles s'appellent "Charlotte et Véronique" (1957). Mais si le trio devait autant sa paternité à Jean-Luc GODARD qu'à Éric ROHMER, "Charlotte et son jules" est une esquisse de "À bout de souffle" (1959). En effet, bien que sorti sur les écrans en 1961 dans la foulée du premier long-métrage de Godard, il a été tourné juste avant, en 1958 avec une actrice inconnue (et qui allait le rester) et un acteur inconnu de 25 ans (mais qui n'allait pas le rester longtemps, lui). "Charlotte et son jules" scelle en effet la rencontre de deux iconoclastes du cinéma tel qu'il se pratiquait alors, Jean-Luc GODARD, qui allait devenir un des réalisateurs phare de la nouvelle vague et l'acteur Jean-Paul BELMONDO dont le physique hors-norme (par rapport au style du jeune premier canonique de l'époque) lui faisait manger de la vache enragée. Encore que dans ce film, Belmondo ne prête que son corps à la caméra étant donné que sa voix est celle de Godard lui-même, l'acteur étant indisponible au moment de la post synchronisation (film fauché oblige!). On ne peut pas mieux figurer la fusion entre un acteur et un cinéaste (Vanityfair évoque un monstre à deux têtes qui s'appellerait Belmondard ou Golmondo!) Quant au film lui-même, il fonctionne tout entier sur une méprise, celle de "Jules" qui croit que Charlotte qui l'a quitté veut revenir avec lui. S'ensuit 12 minutes de quasi-monologue de misogyne aigri durant lequel la belle dont les interventions sont réduites pour l'essentiel à des onomatopées semble ouvertement se moquer des propos de son ex ce que confirme une chute très ironique qui renverse complètement la perspective du film: l'identité de l'idiot n'est pas celle que l'on croit.

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