Voilà un biopic passionnant et d'utilité publique! Moins qu'un biopic, il s'agit d'un terrifiant récit d'apprentissage, celui d'un jeune homme sans personnalité qui sous la houlette d'un mentor méphistophélique va finir par dépasser le maître. Le jeune homme sans personnalité, c'est Donald Trump dans les années 70, l'héritier un peu terne d'un promoteur immobilier du Queens, lequel est en délicatesse avec la Justice. Motif? Discrimination raciale au logement. Donald fréquente les night-clubs huppés de New-York afin de dénicher la perle rare qui saura tirer son père (et lui-même) de ce mauvais pas. Il le trouve en la personne de l'avocat véreux Roy Cohn, ex bras droit de Joseph McCarthy, artisan de l'exécution des époux Rosenberg. Un serpent venimeux qui va le prendre sous son aile et lui enseigner l'art cynique de la "gagne" à tout prix soit la base du trumpisme: attaquer, nier, ne jamais s'avouer vaincu. Quant aux méthodes de Roy Cohn pour obtenir gain de cause, elles se résument à corrompre, faire chanter ou traîner en justice. Des méthodes de voyou et de mafieux. Avec un tel maître, Trump gagne effectivement à tous les coups et peut bâtir son empire immobilier véreux. Plus son ascension s'accélère, plus l'homme se déshumanise, y compris avec ses proches, plus son apparence se dégrade vers celle qui est la sienne aujourd'hui. Bref, on assiste à la naissance d'un monstre qui finit même par lâcher son mentor dès que celui-ci commence à montrer des signes de maladie. Car si le film n'est jamais explicite, il laisse entrevoir l'origine de la fascination de Roy Cohn pour Trump. Ceux qui connaissent la mini-série "Angels in America" (2003) se souviennent de Roy Cohn (interprété par Al PACINO) dire "Je suis un hétéro qui se tape des mecs". Donald Trump, c'est le mâle alpha WASP que Roy Cohn a toujours rêvé d'être, lui le juif homosexuel antisémite et homophobe. C'est sa haine de lui-même qui a poussé Roy Cohn dans les bras de Donald Trump jusqu'à ce que celui-ci ne le renvoie dans la catégorie des pestiférés. La scène où il fait désinfecter tout ce que Roy Cohn a pu toucher dans sa demeure fait penser aux propos de Jean-Marie Le Pen dans les années 80 sur les "sidaïques" qu'il fallait enfermer en "sanatorium" parce qu'ils pouvaient soi-disant contaminer par simple contact. Au cas où on ne se souviendrait pas que la désinformation est l'une des mamelles à laquelle s'abreuvent les populistes. Dans les rôles principaux, Sebastian STAN est tout à fait convaincant et Jeremy STRONG est saisissant.
Enfin je découvre le chef-d'oeuvre de Pierre ETAIX dont j'ignorais à peu près tout. Mais le film, un bijou de poésie burlesque suffit à lui seul à faire son portrait. Dès les premières séquences, il se place dans le sillage de Jacques TATI dont il a été l'assistant. On reconnaît un héritage commun aux deux hommes dans l'utilisation des bruitages dans la première partie muette et dans la critique burlesque de la société des trente glorieuses dans la seconde partie. Yoyo ou Hulot sont les avatars français des années 60 des Charlot, Malec, Frigo ou Harold du slapstick américain muet (auxquels on peut rajouter ceux du parlant: Laurel et Hardy, les Marx Brothers, Groucho étant d'ailleurs cité à plusieurs reprises) mais il y a spécifiquement dans Yoyo une touche d'élégance aristocratique qui rappelle fortement Max LINDER qui fut leur ancêtre à tous. Cette prouesse d'avoir réussi à créer un personnage-somme qui réunit tous ceux qui l'ont précédé s'accompagne d'un croisement fécond avec sa passion du cirque qui tout autant que son talent de dessinateur le rapproche de Federico FELLINI. "Yoyo" a été réalisé avant "Les Clowns" (1971) auquel il a participé mais dans un passage du film, la troupe de Yoyo arrive dans un lieu où figure une affiche annonçant le spectacle de Zampano et de Gelsomina alias les personnages de "La Strada" (1954). Mais la spécificité de "Yoyo" par rapport à tous ces modèles revendiqués est de s'inscrire dans les événements de la grande histoire sur deux générations, des années vingt aux trente glorieuses. Ainsi que de construire le père et le fils sur une contradiction qui structure tout le film. Contradiction entre la vie de châtelain et celle de saltimbanque, entre nomadisme et sédentarité, entre responsabilités et libertés. Les allers-retours d'un pôle à l'autre de ces deux choix de vie opposés relèvent d'un dilemme très humain que l'on retrouve aussi bien dans le western que dans le road-movie sans parler d'un gag d'effeuillage de chaussure qui semble tout droit sorti de "Gilda" (1945)!
Mais que c'est daté "Chorus line" ai-je pensé en le revoyant! Les années 80 étaient en effet friandes de films d'auditions, adaptées ou pas de spectacles de Broadway: "Fame" (1980), "Flashdance" (1983), "Que le spectacle commence" (1979) etc. "Chorus line" est le plus basique de tous puisqu'il se contente de filmer en quasi huis-clos le face à face entre le metteur en scène (Michael DOUGLAS) et la sélection de jeunes artistes, alignés en rang d'oignon sur la scène entre lesquels il doit faire son ultime choix (et à la fin, il n'en restera que huit!) Pour trancher, il tente de sonder chacun, obtenant en échange des confessions qui deviennent la plupart du temps des numéros chantés et dansés dont certains, très réussis. L'ennui c'est que le dispositif est long et répétitif, hormis au début et à la fin. La sous-intrigue censée apporter un peu de piment à l'histoire est complètement anémique et ne fait que renforcer un schéma alors non seulement prédominant mais absolument pas questionné. Celui du pouvoir sexuel d'un mâle dominant sur un cheptel interchangeable, lequel reproduit une hiérarchie patron/secrétaire ou réalisateur/actrice dont on connaît désormais tous les ressorts. Les danseurs de "Chorus line" ont été sélectionnés parce qu'ils sont bons mais aussi parce qu'ils répondent à des standards de mannequin ou de poupée blonde avec une touche ethnique pour le politiquement correct. On peut deviner dès le départ qui gagnera et qui sera recalé parce que trop vieille, trop poilu, trop petite, ayant une voix de crécelle ou refusant tout simplement de donner ce que le metteur en scène en position de dieu tout puissant attend de lui.
Je ne connaissais pas "Un beau dimanche" et c'est le premier film de Nicole GARCIA auquel j'adhère (presque) totalement. Peut-être parce qu'elle montre autre chose que des costard-cravate et des tailleurs-chignon engoncés dans des halls de grands hôtels. J'ai même cru à un moment qu'elle avait fait un film ne portant pas sur la bourgeoisie car le scénario, à l'image du parcours accidenté de son héros réserve de multiples rebondissements. Assez bizarrement, les invraisemblances de l'intrigue ne m'ont pas vraiment gêné, notamment le fait que Nicole GARCIA ne connaît manifestement pas le fonctionnement de l'éducation nationale. Cet aspect n'est de toutes façons qu'un prétexte pour mettre dans les jambes de Baptiste (qui ressemble plus à un paumé -ce qu'il est effectivement- qu'à un instituteur) un gamin négligé par ses parents. Le gamin n'est d'ailleurs lui-même qu'un moyen pour rencontrer la mère, Sandra (Louise BOURGOIN), une serveuse de plage qui veut s'en sortir mais qui est débordée et ne parvient pas à solder son passé. Face à elle, Baptiste (joué par Pierre ROCHEFORT) qui est taciturne, secret, en retrait comme détaché de tout finit par sortir de sa réserve et prendre une décision qui entraîne une heureuse bifurcation du récit vers le road-movie lumineux à la "Un week-end sur deux" (1990) puis un basculement dans une ambiance à la "Festen" (1998) dans un domaine du sud-ouest de la France*. Baptiste s'y révèle comme le fils différent, rejeté, interné, errant, désaffilié, déraciné qui tente de parler lors d'un repas de famille et que l'on n'écoute pas, hormis Sandra, d'abord exclue puis incluse mais dans l'espace des domestiques alors que son fils, Matthias en dépit des apparences se retrouve lui aussi irrémédiablement seul. Cet aspect là du film m'a beaucoup touché, Nicole GARCIA casse la glace et fait preuve d'une vraie sensibilité dans la description de ces êtres venus d'horizons éloignés qui nouent une intimité véritable. Le tout sous le regard de l'impériale Dominique SANDA dans le rôle de la matriarche incapable de franchir les barrières de classe. Comme si le fantôme de "Le Jardin des Finzi Contini" (1970) s'invitait sur les cours de tennis du présent. A jamais.
* Ce n'est peut-être pas innocent si la mère de Baptiste lui dit qu'à ceux qui demandent de ses nouvelles, elle répond qu'il vit en Suède (même si "Festen" est danois).
Un film dont le titre commence par "Comment" est parfois -mais pas toujours- une promesse comico-satirique. Exemple "Comment j'ai appris a surmonter ma peur et a aimer Ariel Sharon" (1997) ou dans le même genre "Docteur Folamour, ou : Comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe" ou encore "Comment reussir... quand on est con et pleurnichard" (1974), les exemples ne manquent pas. "Comment devenir cinéaste sans se prendre la tête" est un court-métrage malicieux et délicieux dans lequel Jacques ROZIER fredonne sa petite musique bien à lui, celle d'un cinéaste ne se prenant pas au sérieux et qui s'est toujours moqué des hiérarchies et des cases. Anticonformiste, "casseur de codes" dirait-on aujourd'hui, ses films sont plein de fraîcheur, d'humour et de fantaisie. On retrouve cette légèreté, cette liberté de ton dans ce modeste court-métrage hilarant volontairement réalisé comme une sitcom bas de gamme qui se compose de deux parties. Dans la première qui se déroule dans un appartement parisien, un couple de bourgeois (joués par Marie LENOIR et Henri GUYBET) tente de dissuader leur fille Agathe de se lancer dans ce métier "pas sérieux". Manque de bol, le technicien qu'ils ont recruté pour la raisonner (Roger TRAPP) est un amoureux du septième art qu'il traite avec le plus grand sérieux puisqu'il évoque le concours de la Fémis qu'il compare à Polytechnique ou Centrale. Les bourgeois en sont pour leur frais sous l'oeil rigolard de leur ami qui n'est autre que Roland TOPOR. Dans la deuxième partie, en bon passeur qu'il est, le technicien présente Agathe à Jean-Christophe AVERTY (dans son propre rôle) qui est en train de réaliser une émission de télévision. Un débat s'engage sur les mérites comparés du cinéma et de la télévision sous l'oeil de Agathe qui ne perd pas une miette de la "leçon". Car elle représente la nouvelle génération de cinéastes en herbe qui veut "changer les choses". Jacques ROZIER anticipe la féminisation de la profession et rappelle que faire du cinéma, ce n'est pas d'abord une question de technique ou de moyens mais de talent et de désir, voire un besoin vital!
Il faut avoir la foi pour aimer "Tralala" mais la magie n'a pas opéré sur moi. Certes, il s'agit d'un film soigné notamment au niveau de la bande-son, de la photographie et des décors, un film qui a du style, du bon goût (clin d'oeil à Jacques DEMY, hommage à Alain BASHUNG avec un Bertrand BELIN à la troublante ressemblance y compris dans le phrasé) mais il manque l'essentiel: des personnages qui aient un tant soit peu de consistance et un scénario qui tienne la route. Le personnage de vagabond joué par Mathieu AMALRIC (abonné aux rôles distanciés) n'est pas suffisamment construit pour exister, il n'est qu'une enveloppe qui se glisse dans la peau d'une autre enveloppe, un jeune homme dont on ne sait rien sinon qu'il était un musicien et un séducteur irrésistible. Cet aspect est particulièrement peu crédible. La condition de SDF n'est pas vraiment ce qu'il y a de mieux pour tomber les filles à moins de s'en faire une idée très éloignée du réel. Il s'agit davantage d'une rêverie qu'autre chose. Le personnage de Melanie THIERRY en particulier semble avoir passé au moins vingt ans dans une grotte (^^) à attendre le retour de son amour de jeunesse, d'ailleurs elle dit que le temps n'a pas passé mais qu'elle va avoir quarante ans. J'espère pour elle qu'elle a vécu des choses intéressantes entretemps! L'autre ex jouée par MAIWENN n'est guère plus consistante en propriétaire d'hôtel de luxe qui elle aussi ne s'est jamais remise de ses parties de jambes en l'air dans la chambre 617 avec "Pat". Elle prétend avoir une fille de lui, Virginie (Galatea BELLUGI) alors que le vagabond était justement venu à Lourdes pour tenter une aventure avec cette dernière qu'il avait rencontré alors qu'elle faisait une fugue à Paris. Ce n'est pas de chance d'avoir endossé l'identité du père! Au moins si cela nous épargnait une scène gênante d'inceste à la "Trois places pour le 26" (1988)? Et bien même pas, puisque Tralala n'est pas son vrai père! Tout est à l'avenant, sans importance aucune. Les belles idées de mise en scène, c'est bien (Josiane BALASKO filmée à contre-jour et dont le visage peu à peu se dessine au fur et à mesure qu'elle dit reconnaître son fils disparu), mais sans aucune émotion pour leur donner vie, à quoi bon?
Excellent film de Claude LELOUCH dont j'ai particulièrement apprécié l'ironie. J'ai mis quelques minutes à entrer dedans, histoire de m'habituer à la couleur sépia et de comprendre où il voulait en venir mais une fois la machine lancée, on se régale jusqu'aux dernières secondes. Tout le sel de ce film provient de la manière avec laquelle Claude LELOUCH brouille les frontières entre le bien et le mal, les "gentils" et les "méchants", pas très loin finalement d'un Sergio LEONE dans "Le Bon, la brute et le truand" (1966). Mais si la cible du réalisateur italien était la morale religieuse, celle de son homologue français vise la bourgeoisie collaborationniste et le fonctionnement de l'Etat sous et après Vichy. Car rappelons qu'en 1976, celui-ci n'avait pas reconnu sa responsabilité dans les crimes commis pendant l'Occupation. Le tout avec un ton mi espiègle, mi grinçant et un mélange de légèreté et de gravité qui fait mouche. Dans un premier temps, c'est la légèreté qui l'emporte. On suit d'un côté deux petits malfrats, Jacques et Simon joués par Jacques DUTRONC et Jacques VILLERET, bientôt rejoints par une prostituée, Lola (Marlene JOBERT) qui se met en couple avec Jacques. Ces trois-là suscitent en dépit de leurs forfaits une certaine sympathie de par la joie de vivre qui les anime et leur côté libertaire, mis en valeur par Lelouch via un montage alterné qui contraste avec l'union guindée de Dominique (Brigitte FOSSEY) issue d'une famille bourgeoise maurassienne avec l'inspecteur Deschamps (Bruno CREMER). Tout ce petit monde se retrouve pourtant compromis avec la Gestapo française lorsque la guerre éclate. Les liens du régime de Vichy comme de l'Allemagne nazie avec la pègre sont en effet évoqués. Avec la spoliation des juifs il y a plein d'opportunités à saisir pour les plus combinards alors que le carriériste Deschamps ressemble de plus en plus à un certain Maurice Papon. Et la conscience morale dans tout ça? Elle viendra des femmes, Lola qui ne veut pas que son homme se rende complice d'un crime de guerre et Dominique qui ne supporte pas la collaboration. C'est par elles que viendra la gravité car elles en paieront le prix fort. Un sacrifice qui permettra à leurs compagnons, eux aussi éprouvés, d'être décorés pour faits de Résistance après la guerre. Mais le seul des deux dont la conscience a réellement basculé n'est pas celui qu'on croit. Et suprême ironie, que ce soit volontaire ou pas, le chef de la Résistance dans le film est joué par Serge REGGIANI. Soit le faux résistant et le vrai traître de "Marie-Octobre" (1958)...
"L'Effrontée" est l'un des films importants de ma propre adolescence et que je n'avais jamais revu à l'âge adulte. Entretemps j'ai découvert les autres films de Claude MILLER et notamment celui qui est devenu mon préféré, "La Meilleure façon de marcher" (1976). Néanmoins, "L'Effrontée" tient encore aujourd'hui remarquablement la route, notamment grâce à la prestation à fleur de peau de la toute jeune (alors) Charlotte GAINSBOURG. Je n'ai pas vu souvent au cinéma une adolescente mal dans sa peau aussi criante de vérité, que ce soit dans ses postures corporelles pleine de gaucherie ou dans ses comportements oscillant entre inhibition et rébellion. Depuis que les témoignages de femmes ont afflué (Vanessa Springora, Flavie Flament, Jennifer Fox, Judith Godrèche etc.) on a réalisé combien les filles de 13 et 14 ans, âge particulièrement délicat sont des proies faciles pour les prédateurs et le film de Claude MILLER n'élude pas la question. Le personnage de Charlotte est écrit avec beaucoup de finesse, que ce soit les difficultés relationnelles avec son entourage (son père, son frère, sa nounou, la petite Lulu), son sentiment de vide existentiel (symbolisé par la scène de la piscine) ou sa quête d'identité qui lui fait rejeter son milieu modeste au profit de celui de Clara Bauman, la petite pianiste prodige au mode de vie clinquant qui la fait rêver. Quête illusoire qui la fait prendre des risques inconsidérés puisque c'est pour approcher Clara qu'elle se met à fréquenter Jean (Jean-Philippe ECOFFEY), un ouvrier plus âgé qu'elle et dont le comportement ne laisse guère de doutes sur ce qu'il recherche. L'inexpérimentée Charlotte n'est pas insensible à son intérêt pour elle mais elle ne voit évidemment pas venir le danger, contrairement au spectateur adulte. Le personnage n'est pas sans rappeler celui de Patrick BOUCHITEY dans "La Meilleure facon de marcher" (1976): quête identitaire (et sexuelle), manque de confiance en soi, attraction pour un double envié en apparence plus sûr de lui et jusqu'au costume de scène enfilé par l'un et par l'autre, une robe rouge. Outre Charlotte, deux autres personnages sont assez inoubliables: la collante mais adorable Lulu (est-ce une coïncidence si elle porte un surnom aussi important pour la famille Gainsbourg?) et Leone qui m'a fait découvrir Bernadette LAFONT. Pour moi elle est à jamais associée à ce rôle et à ce film.
Je n'avais jamais vu "Les sept mercenaires", contrairement au film original, "Les 7 samourais" (1954) de Akira KUROSAWA, grand pourvoyeur de scénarios de blockbusters américains malgré lui*. J'ai trouvé le film historiquement instructif, car Eli WALLACH, Charles BRONSON et James COBURN s'illustreront quelques années plus tard dans les westerns novateurs de Sergio LEONE** qui les feront tous trois passer à la postérité. Cela fait d'autant plus ressortir les conventions du film de John STURGES, non réaliste au possible. Beaucoup ont ironisé sur les invraisemblances du scénario, notamment le fait que le chef des brigands raccompagne gentiment les mercenaires jusqu'à la sortie du village où il leur rend leurs armes, mais on peut en dire autant des trois enfants mexicains qui accompagnent Bernardo (le personnage de Charles BRONSON) sur les lieux des fusillades sans récolter une seule égratignure ou encore de la grotesque infiltration de Chico (d'autant que l'acteur, Horst BUCHHOLZ brille plus pour sa belle gueule que pour sa finesse de jeu) dans le camp des bandits qui finissent par ne plus être pris au sérieux. Cette théâtralisation outrancière des enjeux est complètement assumée ce que souligne également le choix de parer les villageois de vêtements d'un blanc éclatant en plein Far West, sans parler des ponchos pimpants, des barbes bien taillées ou des visages imberbes à des années lumières de la crasse et de la sueur des trognes des films de Sergio LEONE.
"Les sept mercenaires", est donc un film efficace, qui bénéficie d'un casting de haut vol (en plus des trois futurs acteurs "léoniens", les deux chefs de bande joués par Yul BRYNNER et Steve McQUEEN sont fort charismatiques) et d'une musique accrocheuse mais dont le résultat est plutôt lisse et convenu. S'y ébauche une réflexion existentielle intéressante sur le statut du "poor lonesome cowboy" sans racines ni attaches mais la réponse apportée à la fin du film est également on ne peut plus conventionnelle (se fixer, se marier etc.)
* Pour rappel, Georges LUCAS a avoué s'être fortement inspiré de "La Forteresse cachee" (1958) pour l'épisode IV de sa saga intergalactique.
** Dont le premier western, "Pour une poignee de dollars" (1964) est lui-même inspiré d'un film de Akira KUROSAWA, "Yojimbo" (1960).
Je n'ai pas vu tous les films réalisés par Mike NICHOLS, loin s'en faut mais ils me frappent à la fois par leur ancrage dans la tradition du cinéma hollywoodien dont il maîtrise parfaitement les codes et par des thématiques sociales progressistes dans lesquelles les jeunes, les femmes et les minorités sexuelles sont mis en avant. "Working girl" est ainsi d'abord une comédie à l'américaine tout à fait délicieuse à la Hawks ou à la Cukor dans laquelle Harrison FORD n'a jamais paru aussi proche de Cary GRANT et Sigourney WEAVER de Katharine HEPBURN, sauf qu'entre les deux il y a Melanie GRIFFITH, petite secrétaire dont l'apparition rappelle combien les coiffures volumineuses et maquillages pétard heighties des classes populaires dans les années 80 étaient de mauvais goût. Mais l'habit ne fait pas le moine et la petite secrétaire n'a pas l'intention de rester à la place qu'on lui assigne: celle de la petite amie trompée du tombeur beauf de service (c'est Alec BALDWIN qui s'y colle), celle de la cruche bonne à servir le café ou de l'objet sexuel éveillant les appétits lubriques de ses supérieurs (en l'occurence Kevin SPACEY ce qui de nos jours apparaît pour le moins cocasse). Lorsqu'elle est mutée au service de Katharine (!) Parker, celle-ci qui a sans doute repéré la pépite sous le sac lui fait miroiter un partenariat égalitaire mais c'est pour mieux "te manger mon enfant" enfin lui piquer ses idées qui sont meilleures que les siennes. Donc on peut tout à fait coller à Tess l'étiquette d'arriviste qui profite de l'absence momentanée de sa boss pour lui piquer son mec et son job. On peut déplorer un système fondé sur la loi de la jungle et ne tolérant aucune défaillance. On peut aussi y voir le sacre du rêve américain qui couronne la meilleure, quel que soit ses handicaps de départ, surtout quand celle-ci a bossé comme une malade pour intégrer les codes des dirigeants. On peut apprécier par ailleurs le fait que ce soit une femme qui mène la danse auprès d'un homme sachant partager intelligemment le pouvoir mais qui n'est pas écrasé pour autant (et ça rappelle furieusement dans un tout autre contexte la relation Léïa/Han Solo, comme quoi le charme de Harrison FORD a quelque chose à voir avec sa relation à l'autre sexe à l'écran). On peut aussi décider d'arrêter de se prendre la tête et juste savourer une bonne comédie, bien menée et avec un irrésistible trio d'acteurs.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.