Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Métis (The Half-Breed)

Publié le par Rosalie210

Allan Dwan (1916)

Le Métis (The Half-Breed)

Quelques mois après l'histoire édifiante de "Paria de la vie" (1916), Allan DWAN toujours supporté par D.W. GRIFFITH a réalisé un autre western avec Douglas FAIRBANKS, "Le Métis" autrement plus audacieux. Le titre est en effet lourd de sens pour qui connaît la culture américaine, son ségrégationnisme et sa phobie du métissage. Le racisme de "Naissance d une nation" (1915) de D.W. GRIFFITH atteignait d'ailleurs son paroxysme avec le personnage du mulâtre, Silas Lynch considéré comme l'ennemi de l'intérieur par excellence, le traître absolu.

Cependant "Le Métis" est fait d'un autre bois et est même avant-gardiste pour l'époque en faisant du supposé traître un héros au coeur pur, en donnant aux femmes des rôles consistants et en offrant en prime une satire mordante de la civilisation blanche. Même s'il s'agit de l'adaptation d'une nouvelle de Bret Harte, on sent poindre la personnalité de Anita LOOS, la première grande scénariste hollywoodienne, autrice du roman à l'origine de "Les Hommes préfèrent les blondes" (1953) et que D.W. GRIFFITH avait qualifié de "jeune femme la plus brillante du monde". Douglas FAIRBANKS dans un contre-emploi* interprète donc un jeune homme dont la mère indienne, abusée par un homme blanc s'est suicidée après lui avoir donné naissance. Après la mort de son tuteur, un vieil ermite (personnage vivant donc en dehors de la société), "Lo Dorman" ("L'eau dormante" comme on l'appelle) se retrouve de son propre aveu condamné à l'exil perpétuel car il ne trouve sa place nulle part. Il vit donc dans la forêt (celle des séquoias géants de Californie), à l'écart du petit monde de la ville voisine dont un portrait au vitriol nous est offert. La plume de Anita LOOS ironise sur les cartons à propos de la "supériorité" des blancs alors que les images tout aussi incisives de Allan DWAN nous montrent la dégénérescence des saloons et l'hypocrisie du pasteur qui prétend moraliser les brutes alcoolisées et/ou accro au jeu et aux filles mais qui défend âprement son bifteck à savoir le choix de son futur gendre dans lequel ne figure évidemment pas Lo Dorman. Parallèlement, le scénario offre deux rôles féminins de caractère: celui de Nellie la fille du pasteur, séductrice, manipulatrice mais également attirée par la transgression. Et celui de Térésa, une anglo-mexicaine au sang chaud qui n'hésite pas à jouer de son poignard quand son honneur est bafoué et trouve en "Lo Dorman" une âme soeur et un compagnon d'infortune. Par opposition à la dépravation de la ville, la forêt est filmée comme un lieu de ressourcement et a même un petit côté magique.

* Il n'y reviendra pas, préférant par la suite la sécurité de rôles mettant en valeur ses qualités athlétiques et son grand sourire "ultra brite".

Voir les commentaires

Paria de la vie (The Good Bad man)

Publié le par Rosalie210

Allan Dwan (1916)

Paria de la vie (The Good Bad man)

Les exploits de "Passin Through", proto-Robin des bois joué par le futur Robin des Bois Douglas FAIRBANKS dans ce western muet de Allan DWAN très influencé par D.W. GRIFFITH (directeur artistique du film) au niveau des plans (alternance de gros plans et de plans très larges panoramiques vus d'un promontoire), des cadrages (utilisation d'une très grande profondeur de champ et de diagonales qui donne à certaines scènes de chevauchées dans la ville un caractère ébouriffant) et du montage (dynamique forcément). Tout cela tourne autour de la quête de paternité du bandit au coeur d'or qui finit par s'en trouver un en la personne du marshal du coin (Pomeroy CANNON) mais qui en découvrant l'histoire de ses origines mûrit un projet de vengeance. L'histoire est passablement moralisatrice: Passin Through est soulagé d'apprendre qu'il n'a pas été conçu "dans le péché" puisque sa mère était alors mariée et son père de substitution compte bien le ramener dans le droit chemin. Quant à l'antagoniste, "The Wolf" (Sam DE GRASSE) c'est le diable en personne qui après avoir convoité la mère et tué le père biologique du héros a jeté son dévolu sur son "love interest", la jeune et jolie Sarah (Bessie LOVE qui n'avait alors que 17 ans) laquelle intéresse aussi beaucoup l'indien chargé de la garder sous clé (car en plus de son manichéisme et de sa morale religieuse primaire, on a droit aux clichés racistes de l'époque, les noirs et les indiens étant assimilés à des violeurs).

En conclusion, si "Paria de la Vie" est un régal sur la forme, le scénario (écrit par Douglas FAIRBANKS) a très mal vieilli. Ajoutons que celui-ci semble plus doué comme cavalier que comme acteur, son jeu étant assez limité.

Voir les commentaires

The French Dispatch

Publié le par Rosalie210

Wes Anderson (2021)

The French Dispatch

Choisir la ville d'Angoulême comme cadre d'un film qui ressemble moins à un journal qu'à une bande-dessinée franco-belge rétro (ou à une revue type "le journal de Spirou"), c'est très bien vu ^^. D'ailleurs les passages animés dans la quatrième histoire font partie des moments les plus réussis du film. Et on reconnaît bien les obsessions du cinéaste, de la nostalgie d'un passé pittoresque fantasmé reconstitué avec le perfectionnisme d'un freak control à la Jean-Pierre JEUNET (voire par moments à la Jacques TATI avec un passage qui lorgne du côté de "Mon oncle") (1957) doublé d'un fanatique de la composition symétrique à son amour de la littérature avec un découpage en chapitres/histoires semblable à celui de "Royal Tenenbaums (The)" (2002). Néanmoins l'Angoulême du film s'appelle "Ennui-sur-Blasé" et a un petit air du Paris d'antan. Et ça aussi c'est bien vu. Je devrais dire "hélas". Car la nostalgie de Wes ANDERSON le fait rétropédaler à l'époque de ses films-bulles sur-signifiants mais trop repliés sur eux-mêmes pour se préoccuper d'aller toucher l'autre. Et à force de vouloir caser tous les membres de sa troupe (de plus en plus nombreux au fil des films) et tous ceux qui souhaitent figurer dans un "Wes Anderson", on n'est plus dans une BD et encore moins dans un journal mais dans le "who's who". On sort sans arrêt du film parce qu'on est distrait par telle ou telle célébrité qui apparaît dans un coin de l'image, souvent sans une ligne de dialogue d'ailleurs. Pour les célébrités en question (notamment françaises), c'est d'ailleurs une arme à double tranchant. D'un côté, tourner dans un Wes ANDERSON même à Angoulême, c'est comme décrocher la timbale dans "Midnight in Paris" (2011) de Woody ALLEN (qui ont en commun au niveau casting Owen WILSON et Léa SEYDOUX): c'est "the place to be". Et en même temps, tant de talents sous ou pas du tout exploités, ça finit par faire beaucoup de papier gâché. Certes, il y a ceux pour qui figurer dans un Wes ANDERSON n'est que la cerise sur un gâteau déjà bien garni (Hippolyte GIRARDOT, Cécile de FRANCE, Guillaume GALLIENNE, Christoph WALTZ etc.) Mais pour d'autres, cela aurait pu être un tremplin si leur rôle avait été un tant soit peu développé. Je pense en particulier à Elisabeth MOSS, à Denis MÉNOCHET ou encore à la formidable Lyna KHOUDRI qui bien qu'ayant un vrai rôle dans le film se retrouve dans le segment le plus faible, soit une redite du personnage contestataire de "L Île aux chiens" (2018). Or la contestation étudiante est antinomique d'un cinéma qui a tendance à étouffer les débordements. Les meilleurs films de Wes ANDERSON sont justement ceux où il s'y confronte d'ailleurs: débordement hormonal et de la nature dans "Moonrise Kingdom" (2012) ou de l'Histoire dans "The Grand Budapest Hotel" (2013) . Car c'est le dernier point que je voulais développer, l'intérêt des différentes histoires racontées est très inégal. Je ne suis d'ailleurs pas fan de ce format pour un long-métrage qui disperse l'information (justement). La partie la plus intéressante est sans doute la deuxième histoire avec son peintre psychopathe incarcéré (Benicio DEL TORO) et sa muse gardienne (Léa SEYDOUX). Outre les quelques pointes d'humour bienvenues, on peut l'interpréter comme une réflexion sur l'art voire un autoportrait du réalisateur (style pictural perfectionniste et maladivement répétitif dans un cadre carcéral). La superposition de strates narratives est cependant un peu longuette par moments (les personnages joués par Adrien BRODY et Tilda SWINTON font doublon). J'ai aussi un faible pour la quatrième histoire. Pas seulement à cause des passages animés mais aussi parce que cela faisait longtemps que je n'avais pas vu au cinéma Jeffrey WRIGHT (dans le rôle du journaliste auteur du segment) et que j'adore cet acteur. Cela va avec le fait qu'il y a dans cet épisode (très culinaire) une sensualité qui fait défaut aux autres par le biais du goût, retranscrit visuellement par une image soudain saturée de couleurs qui tranche sur le reste. Le dialogue entre le chef cuisinier asiatique et le journaliste est d'ailleurs le seul qui ait un peu de relief émotionnel. Il renvoie au sentiment de déracinement qui existait dans le très beau "The Grand Budapest Hotel" (2013).

Voir les commentaires

Simon Werner a disparu...

Publié le par Rosalie210

Fabrice Gobert (2009)

Simon Werner a disparu...

Le premier film de Fabrice Gobert qui se situe au carrefour du teen-movie et du thriller a pour principaux atouts sa mise en scène plutôt bien maîtrisée et son atmosphère qui font penser toutes deux à "Elephant" de Gus Van Sant. Même construction labyrinthique autour d'une énigme centrale, même jeu sur les points de vue différents des mêmes événements qui transforme le film en puzzle, même découpage en chapitre, chacun portant le nom de l'un des lycéens impliqué dans l'intrigue. La musique originale de Sonic Youth, la photographie de Agnès Godard et la photogénie des lieux complète l'ensemble*. 

Néanmoins le film manque de crédibilité (pour ne pas dire de professionnalisme) sur plusieurs aspects cruciaux. Tout d'abord, seuls quelques détails vestimentaires et technologiques renvoient aux années 90, époque à laquelle est censé se situer l'intrigue. Cette reconstitution ne suffit pas à masquer le fait que le film a été tourné en 2009 et sent le "fake" à plein nez (c'est involontaire et c'est là qu'est le problème). Ensuite le jeu des acteurs (pour la plupart débutants à l'époque, y compris Ana Girardot, la "fille de") est inégalement convaincant et ils ne sont globalement pas assez dirigés. Par conséquent, il y a un décalage certain entre une histoire censé être dramatique (la disparition d'un puis de plusieurs élèves, la découverte d'un cadavre) et la désinvolture avec laquelle la plupart de ces jeunes se comportent, continuant à ne se préoccuper que de leurs petit nombril parfaitement insipide (d'autant plus que les dialogues sont affligeants de platitude). J'ai beaucoup de mal à imaginer que de tels événements ne les affecteraient pas davantage, tout comme la vie du lycée dans son ensemble. Enfin la caractérisation des personnages nuit au film. Chacun est enfermé dans son stéréotype et n'en sort pas. C'est particulièrement dommage pour celui du souffre-douleur qui distille une certaine mélancolie et hante le dédale du lycée grâce au fait que son père y possède un logement de fonction. On aurait aimé en savoir plus afin de voir émerger une vraie réflexion sur les affres de l'adolescence mais le film reste à la surface des choses.

* Le lycée François Truffaut de Bondoufle dans l'Essonne où se déroule l'essentiel du film est un "délire" d'architecte construit au début des années 90. Si le bâtiment, perdu au milieu des champs n'est pas adapté à son milieu (les toits-terrasses sous le climat de la région parisienne ce n'est pas l'idéal), il est parfait en tant que décor cinématographique avec ses longs couloirs, ses baies vitrées et son campus central. Un atelier cinéma y a été créé en 2004 auquel j'ai participé la première année et a abouti à la fabrication d'un court-métrage, suivi de nombreux autres que l'on peut trouver sur le site du lycée sous le titre "Bondouflywood" à la rubrique vie culturelle-cinéma.

Voir les commentaires

Frontière chinoise (Seven Women)

Publié le par Rosalie210

John Ford (1966)

Frontière chinoise (Seven Women)

Dernier film de John Ford, "Frontière chinoise" possède l'un de ces titres français cache-sexe (au sens propre!) destinés à camoufler la part de sensibilité féminine de ses films dans un but grossièrement commercial*. Pourtant, difficile de masquer le fait que celui-ci (qui se nomme "Seven women" en VO) n'a que des femmes pour protagonistes principaux. Film méconnu n'existant pas en DVD en France (comme nombre de classiques), "Seven women" est pourtant un très beau film-testament qui reprend la plupart des motifs fordiens.

Si la part féminine des films de John Ford est évidente pour qui connaît un peu sérieusement le cinéaste, elle reste le plus souvent dans l'ombre. Elle constitue la plupart du temps un terreau ou un socle sur lequel peuvent pousser et s'appuyer les personnages masculins du cinéaste, terreau sans lequel ils sont condamnés à s'égarer. Dans "La Charge héroïque", la boussole du capitaine est la tombe de son épouse où il vient régulièrement se recueillir. Sans la femme aimée et perdue, Ethan Edwards ("La Prisonnière du désert") aurait été un être définitivement maudit. Sans Dallas, Ringo Kid ("La Chevauchée fantastique") serait resté un hors-la-loi. Et ne parlons même pas des bandits transformés en "godfathers" par la grâce d'une femme mourante qui leur confie son bébé dans "Le Fils du désert". Car donner, sauver, protéger la vie est une mission sacrée chez John Ford. C'est elle qui constitue la principale boussole morale de ses films. Et "Seven Women" ne déroge pas à la règle. Le fait que pour son dernier film, John Ford ait mis les femmes sur le devant de la scène est donc aussi pour lui une manière de reconnaître l'importance qu'elles ont eu dans sa vie et son cinéma.

La trame de "Seven women" ressemble beaucoup à celle de "La Chevauchée fantastique". Soit une cohabitation-confrontation dans des circonstances de plus en plus dramatiques et dans un espace clos d'un groupe de femmes missionnaires pétries de principes puritains et d'une femme-médecin athée, masculine et libérée. Les épreuves qu'elles vont endurer vont avoir valeur de révélation. Alors que leur directrice (Margaret Leighton) psycho rigide (et rongée par ses frustrations) s'avère impuissante face aux malheurs qui les frappent (elle est même du genre à les aggraver par son comportement borné et son dégoût du sexe et de l'enfantement), le docteur Cartwright en qui se mêlent Dallas, Ringo kid et le docteur Boone prend des décisions destinées à leur sauver la vie ainsi que celle de l'enfant à naître de l'une d'elles, quitte à sacrifier la sienne**. Ce personnage admirable (et remarquablement interprété par Anne Bancroft) devrait figurer depuis longtemps au panthéon des femmes les plus fortes jamais créées par le cinéma américain. Néanmoins, aucun personnage féminin n'est sacrifié. Des nuances subtiles apparaissent entre elles selon leur âge, leur vécu ou leur personnalité. Un enjeu se dessine autour de la plus jeune des missionnaires (jouée par Sue Lyon, aux antipodes de son rôle de Lolita chez Kubrick), la seule qui a encore la vie devant elle. Un temps influencée par la directrice, elle finit par trouver un mentor en la personne du docteur Cartwright. Cette femme en apparence désabusée, revenue de tout (des hommes et d'une société qui l'a privée de la carrière qu'elle aurait mérité si elle avait été un homme), John Ford lui rend un ultime hommage en lui donnant une réplique d'homme rageuse et percutante (celle qu'il aurait prononcé s'il avait été dans sa situation) puis en éteignant les lumières, lui conservant l'intimité de ses derniers instants. 

 

* Les exemples les plus célèbres sont "La Charge héroïque" ("She wore a yellow ribbon" en VO) et "La poursuite impitoyable" ("My Darling Clementine" en VO).

** C'est sans doute une coïncidence mais il y a des points communs entre la trame de "Seven women" et celle de "Breaking the waves". Soit une femme qui se sacrifie dans un noble but en étant pointée du doigt par tout ou partie de la communauté dans laquelle elle vit parce que pour y parvenir elle est contrainte de se prostituer.

Frontière chinoise (Seven Women)

Voir les commentaires

Daddy Nostalgie

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1990)

Daddy Nostalgie

Plutôt mésestimé dans la filmographie de Bertrand Tavernier, "Daddy Nostalgie" est un film intimiste sur la fin de vie et la relation complice qui se noue sur le tard entre un père et sa fille. C'est surtout le dernier rôle de l'immense Dirk Bogarde et on peut tout à fait le considérer comme un documentaire sur cet acteur qui s'était retiré du cinéma pour se consacrer à l'écriture 12 ans auparavant* et qui a longtemps vécu (comme dans le film) dans le sud de la France. Jane Birkin qui lui donne la réplique est assez convaincante si l'on accepte son jeu quelque peu maniéré. Bien sûr, "Daddy Nostalgie" ne parvient pas à se hisser à la hauteur de son modèle, "Un dimanche à la campagne" auquel il fait d'autant plus penser que Louis Ducreux y fait une fugitive apparition. On peut notamment reprocher au film un rythme assez indolent, une mise en scène très plate (sauf les quelques flashbacks et passages en voix-off, celle de Bertrand Tavernier lui-même qui esquisse une mise en abyme qui reste sous-développée) et le personnage antipathique de la mère (fort bien joué ceci étant par Odette Laure) qui n'est pas du tout assorti à celui du père. On se demande bien ce que cet anglais raffiné et plein d'élégance, amateur de whisky et de vin blanc a pu trouver en cette commère "made in PACA" qui boit du coca, joue au bridge et profère des insanités racistes en lisant "Le Figaro" (tout en se prétendant de gauche). Forcément, cela rend les quelques passages consacrés au couple complètement creux (sauf quand Daddy avoue qu'ils n'ont plus rien à se dire).

* Il n'avait en effet plus tourné depuis "Despair" de Rainer Werner Fassbinder en 1978.

Voir les commentaires

Hippocrate

Publié le par Rosalie210

Thomas Lilti (2014)

Hippocrate

A l'occasion de sa disponibilité sur le site d'Arte, j'ai revu avec plaisir ce film qui a fait entrer Vincent LACOSTE dans la cour des grands et valu une juste reconnaissance à Reda KATEB. Car si le film fonctionne toujours aussi bien, c'est aussi grâce à ce formidable duo d'acteurs et à leurs rôles complémentaires: le jeune interne fils à papa un peu trop sûr de lui qui apprend le métier -et la modestie- en s'émancipant dans la douleur et son collègue algérien, plus âgé et expérimenté, plus humain et intuitif aussi mais discriminé sur à peu près tous les plans à cause de son statut qui l'oblige à effectuer un parcours du combattant pour obtenir des équivalences aux diplômes français et ainsi sortir de la précarité et de l'exploitation. A la qualité intrinsèque de ces deux personnages, de leur relation et de leur interprétation il faut ajouter bien sûr la connaissance approfondie que le réalisateur Thomas LILTI qui est aussi médecin a du monde de l'hôpital. La valeur documentaire de "Hippocrate" est incontestable, elle donne un état des lieux guère reluisant de la situation de l'hôpital public dans une société marchande qui sacrifie ses services publics sur l'autel de la rentabilité. Un objectif de rationalité comptable incompatible avec la nature humaine qui donne lieu à des situations dramatiques au confluent de l'économie, du social, du médical et de l'éthique.

Voir les commentaires

Dune

Publié le par Rosalie210

Denis Villeneuve (2020)

Dune

Plus je vois de versions de "Dune", plus je me dis qu'il faut que je lise le roman de Frank Herbert tant ce que j'en perçois est dense, intelligent et pertinent, y compris de nos jours. Je ne pense pas seulement à la géopolitique du pétrole dont j'ai parlé dans mon avis sur le film de David LYNCH mais aussi à la répartition des pouvoirs masculin/féminin et occidentaux/colonisés avec aux côtés des figures de pouvoir patriarcales blanches traditionnelles des femmes puissantes qui agissent dans l'ombre et la résistance souterraine d'un peuple du désert basané au regard bleu dont l'allure dans le film de Denis VILLENEUVE fait penser aux touareg (surnommés "les hommes bleus").

Si je n'ai pas retrouvé dans la version de Denis VILLENEUVE ce qui m'avait agacé dans "Blade Runner 2049" (2017) à savoir le côté prétentieux du "film qui s'écoute penser" et si le récit est dans l'ensemble bien mené, j'ai tout de même constaté qu'il lissait toutes les aspérités qui donnait sa personnalité au film de David LYNCH avec ses monstres et ses délires kitsch et trash. Résultat: un film beau, très beau, stylé même (beau travail de design sur l'allure des vaisseaux-libellules par exemple ou sur l'écosystème du désert) mais complètement aseptisé. Je rejoins de ce point de vue l'avis de Céleste BRUNNQUELL qui comparait esthétiquement le film à une pub Cartier. "Dune" version 2020 est symptomatique d'un cinéma grand public qui se fond dans une imagerie impersonnelle de papier glacé sur laquelle posent des acteurs-mannequins interchangeables. Je préfère de loin une oeuvre imparfaite mais qui exprime l'âme d'un artiste que celle qui est techniquement parfaite mais stérile.

Voir les commentaires

Le Dernier Duel (The Last Duel)

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (2021)

Le Dernier Duel (The Last Duel)

Plus je vois de versions de "Dune", plus je me dis qu'il faut que je lise le roman de Frank Herbert tant ce que j'en perçois est dense, intelligent et pertinent, y compris de nos jours. Je ne pense pas seulement à la géopolitique du pétrole dont j'ai parlé dans mon avis sur le film de David LYNCH mais aussi à la répartition des pouvoirs masculin/féminin et occidentaux/colonisés avec aux côtés des figures de pouvoir patriarcales blanches traditionnelles des femmes puissantes qui agissent dans l'ombre et la résistance souterraine d'un peuple du désert basané au regard bleu dont l'allure dans le film de Denis VILLENEUVE fait penser aux touareg (surnommés "les hommes bleus").

Si je n'ai pas retrouvé dans la version de Denis VILLENEUVE ce qui m'avait agacé dans "Blade Runner 2049" (2017) à savoir le côté prétentieux du "film qui s'écoute penser" et si le récit est dans l'ensemble bien mené, j'ai tout de même constaté qu'il lissait toutes les aspérités qui donnait sa personnalité au film de David LYNCH avec ses monstres et ses délires kitsch et trash. Résultat: un film beau, très beau, stylé même (beau travail de design sur l'allure des vaisseaux-libellules par exemple ou sur l'écosystème du désert) mais complètement aseptisé. Je rejoins de ce point de vue l'avis de Céleste BRUNNQUELL qui comparait esthétiquement le film à une pub Cartier. "Dune" version 2020 est symptomatique d'un cinéma grand public qui se fond dans une imagerie impersonnelle de papier glacé sur laquelle posent des acteurs-mannequins interchangeables. Je préfère de loin une oeuvre imparfaite mais qui exprime l'âme d'un artiste que celle qui est techniquement parfaite mais stérile.

Voir les commentaires

La Fièvre de Petrov (Петровы в гриппе, Petrovy v grippe)

Publié le par Rosalie210

Kirill Serebrennikov (2021)

La Fièvre de Petrov (Петровы в гриппе, Petrovy v grippe)

"La Fièvre de Petrov" a été le deuxième long-métrage du cinéaste russe Kirill SEREBRENNIKOV en compétition au festival de Cannes (après "Leto") (2018) et doit sortir dans les salles le 1er décembre 2021. Sa radicalité en a sûrement crispé plus d'un si j'en juge par les spectateurs qui sont sortis de la salle pendant la séance.

Déroutant, "La fièvre de Petrov" l'est, assurément. Et il vaut mieux avoir la tête bien reposée avant tant il frôle l'indigestion, surtout au début. Naviguant entre plusieurs niveaux de temporalité et de réalité, formé de plans-séquence aux mouvements frénétiques et saturés d'informations tant visuelles que sonores permises notamment par la grande profondeur de champ utilisée, "La fièvre de Petrov" nous plonge dans le monde chaotique de son personnage principal, un artiste de BD (double du cinéaste?) qui glisse imperceptiblement (et nous avec) d'une strate à l'autre de sa vie voire en se glissant dans le point de vue d'un autre personnage que lui: présent, passé, fiction, réalité, fantasmes, hallucinations forment une sorte de labyrinthe mental que la caméra parcourt un peu comme au début du film de Brian DE PALMA, "Snake eyes" (1998). Il faut accepter de s'y perdre, de ne pas tout comprendre car cela en vaut la peine. En dépit de son apparence décousue, il s'agit en effet d'un film maîtrisé dont les repères sont des leitmotiv (cercueil, soucoupe, arbre de noël, motifs vestimentaires ou au contraire absence de vêtements) qui tels les fils d'Ariane, permettent de dresser le portrait d'un homme et d'un pays. Celui de l'homme, c'est celui d'un artiste contradictoire. D'un côté c'est un homme malade, alcoolique, voire suicidaire. De l'autre c'est un incessant créatif qui se sert du dérèglement de tous ses sens (pour reprendre la phrase de Rimbaud) afin de créer et qui puise son inspiration dans l'enfance (la sienne au temps de l'URSS et celle de son fils de nos jours finissent par se confondre comme si l'histoire bégayait). Si bien que l'image du corbillard est aussi et en même temps une image festive et que le corps qui s'y laisse prendre s'en échappe pour un extérieur à l'allure de cendres. Il faut dire qu'à l'image de Jafar PANAHI en Iran, Kirill SEREBRENNIKOV subit l'oppression du régime (prison avec sursis et assignation à résidence) ce qui se ressent de par l'aspect confiné du film (ambiance nocturne, couloirs étroits et encombrés, images étouffantes). C'est pourquoi, "La Fièvre de Petrov" est aussi un film politique et sociétal. L'image qu'il donne des russes et de la Russie à de quoi terrifier. A l'image du cinéaste, la société est cadenassée. Les rapports sociaux sont marqués par la violence, tant physique que psychologique et participent de l'ambiance brutale et hystérique qui sature le film. L'environnement est vieillot, poussiéreux, traduisant une économie n'ayant visiblement pas évolué depuis l'URSS. La xénophobie est omniprésente tout comme le sexisme. Quant aux rapports intimes, ils sont plutôt brefs et rugueux, la solitude étant le lot de presque tous les personnages. On apprécia particulièrement la relecture trash de la Reine des neiges qui ressemble davantage à une sorcière qu'à une reine, surtout dans l'époque présente.

Voir les commentaires

1 2 3 > >>