Mais que c'est daté "Chorus line" ai-je pensé en le revoyant! Les années 80 étaient en effet friandes de films d'auditions, adaptées ou pas de spectacles de Broadway: "Fame" (1980), "Flashdance" (1983), "Que le spectacle commence" (1979) etc. "Chorus line" est le plus basique de tous puisqu'il se contente de filmer en quasi huis-clos le face à face entre le metteur en scène (Michael DOUGLAS) et la sélection de jeunes artistes, alignés en rang d'oignon sur la scène entre lesquels il doit faire son ultime choix (et à la fin, il n'en restera que huit!) Pour trancher, il tente de sonder chacun, obtenant en échange des confessions qui deviennent la plupart du temps des numéros chantés et dansés dont certains, très réussis. L'ennui c'est que le dispositif est long et répétitif, hormis au début et à la fin. La sous-intrigue censée apporter un peu de piment à l'histoire est complètement anémique et ne fait que renforcer un schéma alors non seulement prédominant mais absolument pas questionné. Celui du pouvoir sexuel d'un mâle dominant sur un cheptel interchangeable, lequel reproduit une hiérarchie patron/secrétaire ou réalisateur/actrice dont on connaît désormais tous les ressorts. Les danseurs de "Chorus line" ont été sélectionnés parce qu'ils sont bons mais aussi parce qu'ils répondent à des standards de mannequin ou de poupée blonde avec une touche ethnique pour le politiquement correct. On peut deviner dès le départ qui gagnera et qui sera recalé parce que trop vieille, trop poilu, trop petite, ayant une voix de crécelle ou refusant tout simplement de donner ce que le metteur en scène en position de dieu tout puissant attend de lui.
Il faut avoir la foi pour aimer "Tralala" mais la magie n'a pas opéré sur moi. Certes, il s'agit d'un film soigné notamment au niveau de la bande-son, de la photographie et des décors, un film qui a du style, du bon goût (clin d'oeil à Jacques DEMY, hommage à Alain BASHUNG avec un Bertrand BELIN à la troublante ressemblance y compris dans le phrasé) mais il manque l'essentiel: des personnages qui aient un tant soit peu de consistance et un scénario qui tienne la route. Le personnage de vagabond joué par Mathieu AMALRIC (abonné aux rôles distanciés) n'est pas suffisamment construit pour exister, il n'est qu'une enveloppe qui se glisse dans la peau d'une autre enveloppe, un jeune homme dont on ne sait rien sinon qu'il était un musicien et un séducteur irrésistible. Cet aspect est particulièrement peu crédible. La condition de SDF n'est pas vraiment ce qu'il y a de mieux pour tomber les filles à moins de s'en faire une idée très éloignée du réel. Il s'agit davantage d'une rêverie qu'autre chose. Le personnage de Melanie THIERRY en particulier semble avoir passé au moins vingt ans dans une grotte (^^) à attendre le retour de son amour de jeunesse, d'ailleurs elle dit que le temps n'a pas passé mais qu'elle va avoir quarante ans. J'espère pour elle qu'elle a vécu des choses intéressantes entretemps! L'autre ex jouée par MAIWENN n'est guère plus consistante en propriétaire d'hôtel de luxe qui elle aussi ne s'est jamais remise de ses parties de jambes en l'air dans la chambre 617 avec "Pat". Elle prétend avoir une fille de lui, Virginie (Galatea BELLUGI) alors que le vagabond était justement venu à Lourdes pour tenter une aventure avec cette dernière qu'il avait rencontré alors qu'elle faisait une fugue à Paris. Ce n'est pas de chance d'avoir endossé l'identité du père! Au moins si cela nous épargnait une scène gênante d'inceste à la "Trois places pour le 26" (1988)? Et bien même pas, puisque Tralala n'est pas son vrai père! Tout est à l'avenant, sans importance aucune. Les belles idées de mise en scène, c'est bien (Josiane BALASKO filmée à contre-jour et dont le visage peu à peu se dessine au fur et à mesure qu'elle dit reconnaître son fils disparu), mais sans aucune émotion pour leur donner vie, à quoi bon?
Le concept du premier film de Alan PARKER est génial: faire jouer les juniors dans la cour des grands. Enfin presque, car pour revêtir les habits des films de gangsters de l'entre-deux-guerres tels que "Le Petit Cesar" (1930) ou "Scarface" (1931), il a fallu faire quelques adaptations. Les bootleggers et speakeasy trafiquent et servent des sirops "on the rocks", les automobiles sont des voiturettes à pédale impeccablement customisées, les armes sont celles du cinéma burlesque: tartes à la crème pour le gang de Fat Sam et lanceurs de petits suisse maquillés en mitraillettes pour celui de Dan le Dandy. L'acquisition de ces armes plus élaborées est d'ailleurs l'objectif du gang de Fat Sam. Les garçons jouent les truands, les flics ou les artistes de speakeasy et les filles sont danseuses ou chanteuses. Tout ce petit monde est plus vrai que nature dans un univers classieux reconstitué à la perfection, au point que si ce n'étaient les visages juvéniles et les tailles miniature, l'illusion serait parfaite. Le résultat est délicieusement parodique, le sexe et la violence étant ramenés à un jeu d'enfants dans lequel il s'agit d'être le plus fort ou la plus belle. L'aspect burlesque du film nous ramène à l'époque du muet (on voit d'ailleurs le tournage d'un film selon les techniques de cette époque tout à fait comme dans "Babylon") (2021) mais aussi à Billy WILDER et à "Certains l'aiment chaud" (1959) ou encore à Blake EDWARDS (plus particulièrement à la séquence tarte à la crème de "La Grande course autour du monde") (1965). Quant à l'aspect comédie musicale, elle évoque le futur "Cotton Club" (1984). La BO de Paul WILLIAMS ("Phantom of the Paradise") (1974) est somptueuse et addictive. Enfin si la plupart des enfants-acteurs sont ensuite retournés à l'anonymat, Jodie FOSTER âgée de 13 ans brille dans l'un des rôles principaux, l'année même où elle deviendra une star avec "Taxi Driver". (1976)
Après le "je est un autre" de Arthur Rimbaud, le "Je suis deux" prononcé par Manitas del Monte en route pour devenir Emilia Perez est à l'image d'un film à cheval sur plusieurs genres, certains considérés comme virils (le thriller, le film de gangsters, le film de procès) et d'autres, plus féminins ou queer (le mélo, la comédie musicale). L'identité ibérique du film coule de source car situer l'intrigue principalement au Mexique avec des actrices hispanophones participe du brouillage des repères du film et permet de jouer sur le clivage entre deux formes de "culture" nationale opposées: l'univers des cartels de la drogue d'un côté et celui des telenovelas de l'autre. L'actrice trans Karla Sofia GASCON en provient et en la choisissant, Jacques AUDIARD a franchi un Rubicon qui n'avait pas été souvent foulé par les cinéastes ayant pignon sur rue. Combien de polémiques sur des personnages trans joués par des acteurs ou des actrices qui ne l'étaient pas, à l'image des blackfaces d'autrefois. A chaque époque ses tabous à transgresser dans les sociétés occidentales productrices de la culture mondialisée. Pedro ALMODOVAR enfant de la Movida avait montré le chemin. En réalité "Emilia Perez" n'est pas le seul film de Jacques AUDIARD traitant d'un personnage déchiré par deux identités contraires. "De battre mon coeur s'est arrete" (2005) en parlait également, sans caractère transgressif mais avec une polarisation tout aussi extrême: d'un côté la sensibilité artistique, de l'autre le gangstérisme, le yang étant perçue comme la voie rédemptrice du yin. Mais si Cannes a primé toutes les actrices du film, c'est sans doute parce que choisir entre Karla Sofia GASCON (qui crève l'écran tant en Manitas qu'en Emilia et s'avère d'une humanité qui fait passer toutes les pilules) et Zoe SALDANA était impossible (les deux autres actrices primées ont leur moment de gloire mais sont tout de même en retrait). Car celle-ci impressionne tout autant dans le rôle de l'avocate, notamment dans les numéros musicaux et dansés. L'introduction montre qu'elle n'a pas de place dans le film de procès classique où les hommes se répartissent tous les rôles. Manitas va lui offrir sur un plateau un chemin de traverse par où elle pourra non seulement s'épanouir dans l'exercice de sa profession mais également dans sa vie personnelle. On peut regretter quand même un final revenant labourer un chemin bien balisé au lieu de s'enfoncer en territoire inconnu. La scène dans laquelle Emilia qui s'est racheté une virginité en fondant une ONG pour les familles de victimes du narcotrafic voit renaître en elle les pulsions sanguinaires de Manitas (qui passe par la transformation de sa voix, brillante idée) quand son ancienne famille est sur le point de lui échapper aurait pu donner lieu à une conclusion moins facile. Quitte à suivre les pas du génial "Annette" (2019) (l'influence opératique est identique, une expérience de cinéma total), autant aller jusqu'au bout! Mais ce qu'a osé Jacques AUDIARD en cassant les codes à la manière d'un Thomas Jolly est déjà suffisamment audacieux pour mériter un grand coup de chapeau!
Il y a du Wes ANDERSON dans ce "Mods" dandyesque et vintage aux références pointues, à la mécanique bien huilée, aux cadres fixes ultra-composés. Références pointues car "Mods" fait référence à une sous-culture britannique jeune urbaine, chic et branchée des années 50 et 60 avec une garde-robe très étudiée destiné à se démarquer notamment des rockers, de même que dans les goûts musicaux (mods fait référence au "modern jazz") et styles de danse. Mécanique bien huilée car dans ce film, tout est chorégraphié au millimètre. Les personnages prennent la pose, répètent les mêmes phrases, reviennent à intervalles réguliers et lorsqu'à cinq reprises, la musique se manifeste et qu'ils se mettent subitement à danser, c'est à la manière quelque peu saccadée et répétitive de l'attraction "danse avec les robots", chaque geste se détachant distinctement des autres. Enfin les cadres fixes ultra-composés rapprochent "Mods" d'une succession de photographies ou de tableaux plus que d'un mouvement cinématographique. On peut également souligner l'enfermement comme trait commun aux deux univers. Le cinéma "maison de poupées" de Wes ANDERSON correspond bien à ce huis-clos universitaire tourné dans quelques uns des plus beaux fleurons anglo-saxons notamment de la cité universitaire de Paris. L'influence manifeste de la nouvelle vague, comme chez Hal HARTLEY les réunit. Mais gare à l'excès de zèle, la forme tendant à supplanter le fond.
Car par-delà cette intrigante et originale forme, de quoi est-il question exactement dans "Mods"? D'un thème archi-classique, le chagrin d'amour qui plonge le délaissé dans un état quasi catatonique. Pour le sortir de sa torpeur, ses deux frères militaires sont invités par l'une des responsables du campus et le film repose pour une bonne part sur la confrontation de ces deux personnages raides comme des triques à un univers complètement décalé.
"All that jazz" est l'avant-dernier film de Bob FOSSE qui a obtenu la palme d'or à Cannes en 1980. Il m'a fait penser à une version musicale, flamboyante et sombre de "Le Testament d'Orphee" (1959) de Jean COCTEAU. D'autres le comparent à "Huit et demi" (1963) de Federico FELLINI. Parce que Joe Gideon (Roy SCHEIDER), c'est Bob FOSSEqui sent venir sa fin prochaine et décide de faire un dernier tour de piste avant de tirer sa révérence. Alors dans "All that jazz" ("Tout ce tralala"), il y a du très bon, du surprenant mais aussi de l'agaçant. Le très bon, c'est l'élaboration d'un spectacle "sexe, drogue and rock and roll" fait pour choquer les producteurs conservateurs et qui atteint parfaitement son objectif. Quelques chorégraphies plus intimistes avec la compagne, l'ex-femme et la fille de Gideon fonctionnent aussi très bien. Le surprenant est la juxtaposition d'Eros et de Thanatos. Evoquer en musiques et en images à l'aide d'un montage percutant et d'une musique entraînante la vie à cent à l'heure, l'opération chirurgicale et la mort est inhabituel: d'un côté les corps nus, chauds, vibrants de désir de l'autre la viande saignante et froide. Enfin pour ce qui est de l'agaçant, le bilan d'une vie tourne parfois trop à l'exercice de style narcissique où le "moi moi moi" supplante le chorégraphe de talent. Il faut dire que Gideon est un être excessif, travailleur acharné mais aussi jouisseur et coq de basse-cour, trônant en majesté au milieu de ses danseuses, des coups d'un soir pour la plupart au milieu desquelles se détachent son ex-femme, sa maîtresse et sa fille. L'exercice d'introspection penche ainsi vers l'autocélébration complaisante (même la mort prend la forme d'une jeune et jolie femme: Jessica LANGE) et si Bob FOSSE peut se le permettre étant donné son talent, cela coupe l'émotion.
"Devdas" qui en 2002 a donné au public occidental l'occasion de découvrir le cinéma bollywoodien est une splendeur. Du grand spectacle à savourer sans modération. L'usine à rêves de Mumbai lui préfère les excès en tous genres, sollicitant les sens à l'extrême. "Devdas", ce sont 3h magiques dans un palais des 1001 nuits rempli d'acteurs et d'actrices à la beauté stupéfiante (Aishwarya RAI par exemple n'est rien de moins que la Miss Monde 1994!), d'or, de perles, de paillettes, de lumière, de cristaux, de voiles, de grelots, de couleurs, de parfums, de larmes, de danses et de chants absolument envoûtants. Je me souviens avoir découvert le film lors de l'exposition "Musique et cinéma" organisée à la Cité de la Musique à Paris en 2013. Au milieu d'extraits d'autres films, on pouvait voir l'ébouriffante séquence durant laquelle Paro (Aishwarya RAI) et Chandramukhi (Madhuri DIXIT) chantent et dansent sur "Dola re Dola" que j'ai revue depuis des dizaines de fois avec toujours le même émerveillement. Quant à l'histoire, mélodramatique à souhait (d'où le torrent de larmes que déversent les personnages), elle provient d'un classique de la littérature indienne datant de 1917 et adapté plusieurs fois au cinéma. On peut d'ailleurs voir sur les bonus du DVD une comparaison entre la fin choisie par le réalisateur de la version de 2002, Sanjay Leela BHANSALI et celle en noir et blanc de 1955. Derrière l'histoire d'amour impossible entre Paro et Devdas qui rappelle chez nous Roméo et Juliette (les castes se substituant aux rivalités claniques), le film se nourrit d'une symbolique traditionnelle porté par les couleurs, le rouge en particulier qui domine le film ainsi que par l'union de l'eau et du feu, deux éléments omniprésents. Quant aux danses qui sont si importantes dans le pouvoir d'envoûtement du film, elles puisent leurs chorégraphies dans des genres eux aussi traditionnels, disséqués là aussi dans les bonus du DVD qui décryptent notamment leur gestuelle. Tout comme les couleurs et la musique, elles permettent d'exprimer ce qui ne peut être montré frontalement, la passion physique en premier lieu.
"Barbie" qui est en passe comme son modèle en plastique de devenir un phénomène de société n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre. L'excellent début du film de Greta GERWIG rappelle quelle (r)évolution cette poupée a représenté pour les petites filles en 1959. Mais plutôt que de le faire sur un mode documentaro-pédagogique, elle a décidé de pasticher la séquence "A l'aube de l'humanité" de "2001 : l'odyssee de l'espace" (1968) dans laquelle un singe, éveillé par le monolithe apprend à se servir d'un os pour abattre ses proies. Le "monolithe" c'est Barbie qui sonne la révolte des petites filles confinées jusque-là au rôle étroit de mère au foyer miniatures et qui envoient soudainement valser dans l'espace leurs dînettes et leurs poupons pour embrasser le vaste monde qui s'offre à elles où tout devient possible, y compris être présidente et cheffe d'entreprise et tout cela dans des tenues chics et variées valorisant la féminité. Un monde dans lequel il est possible de s'autosuffire, l'homme alias Ken étant réduit au rôle de faire-valoir dépendant du regard de Barbie pour exister. Ce début tonitruant (et qui s'approprie déjà un film et une symbolique des plus phalliques) n'est que le début des festivités. Par un jeu de vases communicants entre le monde de Barbie et celui des humains, Greta GERWIG fait une satire souvent bien vue de notre monde réel très éloigné de l'idéal véhiculé par les poupées de Mattel. L'entreprise dont le PDG est joué par Will FERRELL a beau avoir une déco et un dress code "pinkwashing", son administration est tout ce qu'il y a de plus phallocrate et monocolore, les justifications du PDG tournant en ridicule celles émises depuis des années par les conservateurs de tous poils pour surtout ne rien changer. C'est d'ailleurs malin de la part de Mattel (producteur du film) qui peut ainsi donner un sacré coup de jeune à son image en faisant son autocritique (comme quoi c'est possible aussi dans le monde capitaliste quand il s'agit de rebondir). Mais si ça peut faire réfléchir, tant mieux car la Barbie jouée par Margot ROBBIE dont le "happy face" de rigueur est effacé par une humeur dépressive, de la cellulite, des pieds plats (ceux de la poupée épousent la forme des chaussures à talon) et plein de questions sans réponses reflète en réalité sa propriétaire adulte, une employée de Mattel (America FERRERA) dont le monologue sur les injonctions contradictoires faites aujourd'hui aux femmes tape dans le mille: c'est à la fois une critique du monde réel et du monde idéal de Barbie qui en dépit de toutes ses déclinaisons ethniques et physiques (rappelées dans le film) reste associée à un modèle stéréotypé de blondeur, de jeunesse, de minceur et d'hypersexualisation qu'incarne Margot ROBBIE.
Mais le film ne s'intéresse pas qu'à Barbie, il accorde une grande place à Ken qui se pose lui aussi des questions sur son identité. Car si Barbie est bouleversée de découvrir que le monde réel n'en a pas fini avec le patriarcat et la considère comme un objet sexuel, Ken qui jusque là n'existait qu'à travers Barbie s'autonomise et va importer les modèles masculins du monde réel dans Barbieland, reproduisant ainsi des comportements paternalistes et machistes bientôt tournés en ridicule par la contre-offensive des Barbies. Ryan GOSLING est très bon dans le registre de l'autodérision, son Ken est désopilant, qu'il soit "beach" ou "cow-boy".
"Barbie" est donc un divertissement intelligent et délicieusement pop, rendant hommage en prime à des films et genres populaires (les comédies musicales, "Toy Story 3" (2010) qui faisait intervenir Barbie et Ken, "Retour vers le futur II") (1989). Je ne suis pas sûre que les 14 films prévus par Mattel pour relancer les ventes de ses jouets seront de la même qualité...
"Les producteurs" est le premier long-métrage de Mel BROOKS. Il s'agit d'une satire du milieu du théâtre new-yorkais, plus précisément des productions de comédies musicales de Broadway. L'histoire n'étant pas exempte d'ironie, le film a été adapté à son tour avec succès en comédie musicale en 2001 à Broadway et récemment à Paris sous la houlette de Alexis MICHALIK.
Le film se divise en trois parties. La première, principalement filmée à l'intérieur du bureau de Max Bialystock (Zero MOSTEL) montre la petite cuisine peu ragoûtante qui préside à la décision de monter le spectacle. En gros une escroquerie pour empocher l'argent d'investisseurs principalement composées des clientes âgées et fortunées de Max, une situation qui n'est pas sans faire penser à celle des vieilles, richissimes et généreuses maîtresses de M. Gustave dans "The Grand Budapest Hotel" (2013). A ceci près que Max et son bureau sont cradingues alors que M. Gustave est le raffinement personnifié. Par ailleurs Max trouve un partenaire privilégié en la personne de Leo Bloom (Gene WILDER dans son premier grand rôle), un petit comptable trouillard, efféminé et infantile (son doudou à lui n'est pas Bourriquet mais un vieux morceau de couverture ^^). La deuxième partie porte sur le choix de l'équipe qui montera la pièce, l'occasion trop belle d'offrir une galerie de personnages plus délirants les uns que les autres et des associations incongrues (un auteur nostalgique du III° Reich avec un metteur en scène gay et un acteur principal inénarrable). La troisième partie relate le spectacle lui-même "Le printemps d'Hitler", monument de mauvais goût mais qui pris au second degré par le public devient un succès retentissant au grand dam des producteurs qui espéraient capitaliser sur son échec annoncé.
Bien que j'ai personnellement trouvé le film inégalement drôle, j'ai eu plaisir à retrouver un humour juif tournant en dérision aussi bien le nazisme que le capitalisme, humour que l'on retrouve chez les Marx Brothers (d'ailleurs Gene WILDER me fait penser à Harpo MARX), chez Woody ALLEN évidemment (Groucho MARX étant l'un de ses maîtres) mais aussi chez les frères Coen. Ainsi je me suis demandé si la chorégraphie "croix gammée" à la Busby BERKELEY filmée en plongée n'avait pas inspirée celle des quilles et des boules de "The Big Lebowski" (1998) qui est aussi une satire carabinée du capitalisme américain avec une légère touche allemande.
Je n'ai pas aimé "Ave, César" qui m'a rappelé le film qui m'avais temporairement fâchée avec les frères Coen, "Le Grand saut" (1994). "Ave, César" a en commun avec ce dernier de rendre hommage au septième art. La forme en est toutefois différente. Au lieu de construire un film bourré de clins d'oeil à d'autres films, "Ave, César" qui adopte un ton plutôt satirique nous plonge au coeur des studios hollywoodiens des années cinquante. Alors certes, les reconstitutions de scènes de tournage des différents genre en vogue à l'époque sont belles (comédie musicale, western, péplum et chorégraphie aquatique à la Busby BERKELEY avec une Scarlett JOHANSSON dans le rôle d'une nouvelle Esther WILLIAMS) mais cela ne fait pas un film, tout au plus une suite de tableaux mal reliés entre eux. Le problème se situe au niveau des personnages, mal écrits à l'exception de Eddie Mannix (Josh BROLIN) qui est le fixeur des studios Capitole c'est à dire qu'il a pour mission d'étouffer dans l'oeuf tout potentiel scandale relatif aux stars employées par le studio avant qu'ils n'éclatent dans la presse spécialisée. Celle-ci est incarnée par deux soeurs jumelles concurrentes jouées par Tilda SWINTON, une habituée du dédoublement mais cette variante du "bonnet blanc et blanc bonnet" fait ici chou blanc tant les soeurs sont peu différenciées (le spectateur peu attentif peut croire que c'est la même personne). La narration se disperse en autant de sous-intrigues que de cas à régler par Mannix (lui-même étant sous exploité, puisque son rôle se résume à passer les plats) dont le manque d'intérêt est flagrant. Le pire est le personnage joué par George CLOONEY, un crétin (pour changer) qui est kidnappé par des communistes aux propos interminables et nébuleux: ennuyeux au possible! Quand on compare ce film à "Babylon" (2021) qui sur le fond en est assez proche, on mesure le gouffre qui les sépare.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.