Encore un film culte que je n'avais jamais vu, sinon par extraits. Cette mise en pièce de la France sous l'occupation, je l'ai trouvée un peu inégale. Les coutures du patchwork se voient un peu trop. Alors du côté du meilleur, il y a la composition inénarrable de Gerard JUGNOT dans la peau d'Adolfo (!) Ramirez, un gestapiste français avide de revanche. Je soupçonne d'ailleurs très fortement Jean-Paul ROUVE de s'en être inspiré pour le personnage collaborationniste odieux qu'il interprète dans "Monsieur Batignole" (2001) réalisé par ce même Gerard JUGNOT. De façon plus générale, comme dans les années 80, la France n'assumait pas encore son passé vichyste (c'est l'époque où Mitterrand apportait encore des fleurs à Pétain), le film est très en verve pour épingler les collabos. Il faut voir la façon dont Jean YANNE dans la peau d'un milicien susurre à ses interlocuteurs venus se plaindre des dégâts causés par l'occupation allemande dans leur château "et au fait, dans votre famille, il n'y a pas de juifs?" Sans parler du retour de Ramirez "junior" en parfait petit facho bolivien dans le pastiche de "Les Dossiers de l'écran" à la fin. Nul n'ignore qu'un certain nombre de nazis se sont réfugiés en Amérique latine après la guerre où ils ont fait souche. Et puis bien sûr, il y a la dernière demi-heure et le numéro hilarant de Jacques VILLERET dans la peau du demi-frère d'Hitler interprétant à l'heure allemande le "Je n'ai pas changé" du latin lover Julio IGLESIAS. Mais en fait ce qui m'a posé problème provient de l'hommage assumé qu'est "Papy fait de la Résistance" à Louis de FUNES (qui venait juste de mourir et qui aurait dû jouer le rôle du Papy finalement interprété par son complice, Michel GALABRU). En effet Jean-Marie POIRE veut coller ensemble deux morceaux qui s'ajustent mal: "La Grande vadrouille" (1966) bien sûr mais aussi la série des "Fantomas" (1964). C'est de cette source, celle des romans feuilletons et des films de Louis FEUILLADE (bien avant Andre HUNEBELLE) que provient "Super-Résistant", le personnage joué par Martin LAMOTTE, un justicier masqué qui ressemble à Arsène Lupin mais qui comme Zorro ou Batman a une double identité puisque le jour, il joue le rôle d'un coiffeur efféminé, une couverture insoupçonnable. Mais aussi une caricature assez gênante. Par ailleurs, le personnage de "Super-Résistant" vient percuter une page d'histoire tragique en la déréalisant complètement ce que ne faisait pas "La Grande vadrouille" (1966). La scène de la rafle de résistants qui commençait ainsi très bien avec notamment le personnage joué par Jacques FRANCOIS ou "le plus petit rôle du film" confié à Bernard GIRAUDEAU (complice de Michel BLANC qui comme d'autres membres du Splendid, Josiane BALASKO et Thierry LHERMITTE vient faire son petit cameo) se termine ainsi dans la facilité alors qu'elle aurait pu donner lieu à une brillante parodie comique de "L'Armee des ombres). (1969)
Tout d'abord, une remarque: j'ignorais que Claude LELOUCH avait réalisé une multitude de scopitones dans les années 60. Cela explique la présence de Johnny HALLYDAY dans "L'aventure, c'est l'aventure" (assez méconnaissable pour moi qui ne l'ai connu que vieux) comme celle de Gilbert BECAUD dans "Toute une vie" (1974) avec des passages chantés un peu ringards. Par ailleurs, "L'aventure, c'est l'aventure" est un étrange film qui aurait pu s'appeler pour citer le personnage de Charles DENNER "la clarté dans la confusion". Le scénario est complètement foutraque, ça part dans tous les sens, la deuxième partie du film est laborieuse malgré le rebondissement final. Film de gangsters décalé, parodique, "l'aventure, c'est l'aventure" est un buddy movie humoristique façon "Tintin chez les Picaros", "frères Dalton" ou "pieds nickelés" avec un fort accent burlesque voire cartoon. D'ailleurs le film, devenu culte a été lui-même adapté en BD. Une scène qui l'illustre parfaitement est celle où les flics interrogent le personnage de Lino VENTURA à l'entrée d'un aéroport. On pense à l'expression de Henri Bergson à propos du rire quand on le voit répéter les mêmes gestes (reprendre sa serviette, claquer la porte de la voiture) avec une précision toute mécanique. Et ce jusqu'à ce que la une d'un journal vienne lui clouer le bec. Mais évidemment la scène la plus célèbre du film est celle de la plage, quand les cinq hommes se pavanent devant de jolies filles avec des attitudes ridicules calquées sur la démarche de dragueur de Aldo MACCIONE (à qui j'ai trouvé des airs de Robert De NIRO). Bref c'est un film d'acteurs un peu trop léger et désinvolte en dépit de moments vraiment amusants et réussis.
Charlotte GAINSBOURG s'est souvenue que sa mère, Jane BIRKIN avait fait l'objet d'un documentaire de Agnes VARDA en forme de portrait-miroir, "Jane B. par Agnes V." (1985). De toutes façons, comment aurait-elle pu l'oublier puisqu'elle y apparaissait, alors adolescente, tout comme dans le film suivant de la réalisatrice scénarisé par sa mère "Kung-Fu Master" (1987). Pourtant lorsque Jane BIRKIN évoque le souvenir de la réalisatrice disparue en 2019 devant la caméra de sa fille, c'est pour souligner ce qui était un pilier du cinéma de Agnes VARDA: "Capturer l'instant". C'est pourquoi le film de la réalisatrice auquel on pense le plus en regardant "Jane by Charlotte" est "Jacquot de Nantes" (1991). Car faut-il le rappeler, celui-ci contient une partie documentaire dédiée aux derniers mois de vie de Jacques DEMY, mort en 1990 avant la sortie du film. Les derniers plans tout particulièrement y font penser avec le bord de mer et l'enlacement final de la mère et de la fille "avant que la mort nous sépare". Dans "Jacquot de Nantes" (1991), c'était une peinture de Jacques DEMY que Agnes VARDA filmait longuement: celle d'un couple nu, entrelacé et étendu sur la plage, un couple sur le point d'être séparé à jamais. "Jane by Charlotte" est donc un film testamentaire et quelque peu crépusculaire réalisé deux ans avant le décès de la chanteuse et actrice britannique. Les fantômes y rôdent du début à la fin: celui de Serge GAINSBOURG à travers la visite de la maison de la rue de Verneuil sur le point d'ouvrir au public mais aussi celui de Kate BARRY, la fille aînée de Jane défenestrée en 2013 et dont l'image réapparaît sous les traits d'une petite fille pleine de vie "capturée" en super-8. Et la fragilité de Jane BIRKIN est pudiquement abordée à travers l'évocation d'une maladie que l'on devine être la rechute d'une leucémie qui l'a rendue vulnérable au covid (qu'elle a attrapé six fois!). Peu après le tournage du film, elle était victime de son premier AVC. La vieillesse mais aussi les addictions (aux somnifères, à l'alcool) surgissent au tournant d'une conversation entre mère et fille, la deuxième voulant faire le portrait de sa mère tout en se préparant à l'inéluctable. Un trait de caractère commun à Jane et à Charlotte apparaît d'ailleurs en filigrane, la difficulté à accepter le passage du temps. Dans le documentaire de Agnes VARDA, on repérait une obsession morbide de Jane BIRKIN pour la taxidermie (comme dans "Psychose") (1960) et pour les vases remplis de fleurs en décomposition avancée. Dans "Jane by Charlotte", ce sont les boîtes de conserve laissées rue de Verneuil après la mort de Serge GAINSBOURG qui ont été laissé en l'état. Et Charlotte de s'étonner qu'au bout d'un certain nombre d'années, celles-ci explosent. Faut-il alors s'étonner que la maison de la rue de Verneuil soit devenue un musée?
Pour contrebalancer l'atmosphère parfois lourde de son film, Charlotte GAINSBOURG filme le plus souvent possible sa plus jeune fille, Joe, alors âgée d'une dizaine d'années qui apporte évidemment de la joie et de la lumière ainsi que Dolly, le bouledogue "so british" de Jane BIRKIN et ses bébés.
J'ignorais encore tout récemment l'existence de ce réalisateur français apparenté à la nouvelle vague mais profondément singulier. "Au Pan Coupé" se compose de deux temporalités qui s'entrecroisent. Celle du passé qui apparaît en couleur et celle du présent qui est en noir et blanc. Jeanne (Macha MERIL) pense aux moments heureux passés avec Jean (Patrick JOUANE). Mais malgré tous ses efforts le jeune homme lui échappe et finit par s'enfuir. On apprend dès le début du film qu'il a été retrouvé mort mais Jeanne l'ignore et feuillette l'album de sa mémoire, vivant avec le fantôme de son amour disparu. Le film marque surtout par sa forme. Guy GILLES utilise la couleur de la même façon qu'un Jean-Luc GODARD ou qu'un Jacques DEMY. Son obsession pour les visages fait penser aux photos de Chris MARKER dans "La Jetee" (1963) mais en bien moins expressif. C'est d'ailleurs en partie le caractère lisse et impassible de ces visages (en dépit de la petite égratignure sur le nez de Patrick JOUANE) qui aplatit le film. L'autre aspect qui m'a un peu fatigué réside dans le bavardage incessant de Jean qui se dépeint en écorché vif rejetant toute forme de vie sociale. C'est très théorique et aussi très caricatural. Le personnage de Jeanne, bien que confit dans sa douleur est tout de même plus sobre. Reste tout de même deux belles rencontres. Une au début avec Orane DEMAZIS, près de quarante ans après la trilogie marseillaise. Et l'autre à la fin avec Elina LABOURDETTE, l'inoubliable Agnès de "Les Dames du bois de Boulogne". (1944)
Bien que "Le Grand Amour" soit un bon film, je l'ai moins aimé que "Le Soupirant" (1962) et "Yoyo" (1964). Le thème du film y est sans doute pour quelque chose. Pierre ETAIX change en effet de registre en passant de la comédie burlesque quasi muette en noir et blanc à la comédie dramatique dialoguée et en couleur sur les conventions bourgeoises, le délitement du couple et le démon de midi façon "7 ans de reflexion" (1955). Cela ne m'a jamais passionnée. De plus, la bande-son est moins riche qu'à l'ordinaire, le parlant devenant envahissant. Néanmoins les moeurs étriquées de la petite bourgeoise provinciale sont finement observées, la poésie surréaliste du cinéaste (et de son scénariste, Jean-Claude CARRIERE) fait merveille dans une narration non linéaire, brouillant les frontières entre le rêve et le réel, entre le passé et le présent, entre les images et le récit. On oscille entre un ton gentiment satirique et une certaine mélancolie. Car si le film est drôle, c'est la désillusion qui l'emporte. Les grands élans romantiques et romanesques de Pierre, symbolisés par la superbe scène du lit voyageur se heurtent à une réalité prosaïque qui repose sur une impossible intimité. Ce que symbolisent notamment les lits jumeaux mais bien séparés du couple bourgeois dont chaque membre joue la comédie à l'autre. Une comédie jouée d'avance d'ailleurs, chaque pièce du jeu étant présentée comme interchangeable.
La promesse du titre est trompeuse: le film ne fait pas de miracle. Le scénario et la mise en scène sont convenus à l'extrême. Chaque scène surligne lourdement les enjeux et la progression dramatique est parfaitement prévisible. Prévisible et maladroite. Le thème du pèlerinage à Lourdes est survolé et finit par n'être qu'un décor unissant trois femmes liées par un secret guère palpitant. J'ai remarqué aussi qu'il y avait des passages confus et mous du genou comme ce qui tourne autour des maris (alors que cela aurait pu être au choix soit très drôle ou bien à l'inverse, dramatique voire tragique. Mais le réalisateur ne choisit pas entre ces deux voies et se contente d'un entre-deux peu satisfaisant). Bref, c'est une oeuvre médiocre qui ne vaut d'être vue que pour deux raisons: sa reconstitution d'époque, plutôt soignée et bien entendu son formidable trio d'actrices Maggie SMITH (dont c'est la dernière apparition au cinéma, à 88 ans), Kathy BATES et la trop rare Laura LINNEY. Dommage que cette dernière joue encore un rôle sacrificiel comme dans "Love Actually" (2003) alors que Kathy BATES se retrouve dans le rôle d'un personnage odieux la plupart du temps. Seule Maggie SMITH échappe en partie au cliché, non pas que son personnage ait été mieux écrit mais parce que l'on perçoit sa grande fragilité et que celle-ci nous émeut.
Comme tant et tant de gens ayant connu cette époque, j'ai vu "3 hommes et un couffin" au cinéma à sa sortie, sans doute plusieurs fois, dans des salles pleines et je me souviens encore de ma mère (qui m'accompagnait étant donné mon jeune âge d'alors mais qui elle-même ne fréquentait pas les cinémas) riant aux larmes devant certaines des situations montrées dans le film. En le revoyant près de quatre décennies plus tard, j'ai été frappée par une évidence: toutes les scènes entre les trois hommes et le bébé n'ont pas pris une ride alors que celles qui montrent leur vie sociale apparaissent affreusement datées. Même s'il y a quelques longueurs et artifices dans le scénario, l'essentiel réside dans la relation qui se noue entre le bébé et ses trois pères, surtout les deux pères d'adoption d'ailleurs. En déplaçant les curseurs des rôles genrés, Coline SERREAU ne s'interroge pas seulement sur l'équilibre entre travail et vie de famille. Elle déconstruit un modèle de masculinité égocentrique ne reposant que sur la compétition virile et la recherche du plaisir sans limites. Avec un bébé dans les pattes, les trois hommes découvrent les responsabilités, les compromis qui résultent de la charge mentale mais aussi la tendresse. Seulement, il ne faut pas la montrer aux autres ce qui est source de situations ou de réparties comiques. Au final, "3 hommes et un couffin" se rapproche de "La Belle verte" (1996) en montrant une société marchant sur la tête remise à l'endroit. Le maternage est montré comme pouvant être aussi bien assuré par l'un que par l'autre sexe s'il se donne la peine de s'investir ce qui aboutit à la désopilante scène de confrontation entre Pierre et Mme Rapon (Dominique LAVANANT). Après le départ du bébé, l'aspect factice, vide, mécanique de la vie des trois hommes leur saute au visage au point que Jacques (Andre DUSSOLLIER) fait une couvade, Michel (Michel BOUJENAH) n'a plus d'inspiration alors que Pierre (Roland GIRAUD) tombe en dépression. Bref, comme les autres films de la réalisatrice, "3 hommes et un couffin" n'est pas seulement une comédie culte, c'est un film en avance sur son temps, ébranlant le patriarcat et ébauchant un nouveau modèle parental et familial.
Sous sa forme classique, un film tout en cruauté feutrée comme les aime James IVORY. Sa finesse d'observation et sa manière délicate d'exprimer les non-dits de personnages aliénés font une fois de plus mouche. Car le film dépeint un couple fossilisé dans un monde en mutation. D'une certaine manière, les Bridge sont des dinosaures comme l'était Stevens le majordome dans "Les Vestiges du jour" (1993). Les deux histoires se déroulent d'ailleurs à la même époque (années 30-années 40). Ils sont donc condamnés à disparaître. Walter (Paul NEWMAN) qui est avocat (mais on le verra très peu à son travail) est l'archétype du conservateur américain. Un vieux réac rigide qui n'a jamais dû sourire une seule fois dans sa vie d'adulte mais qui est plein de certitudes sur tout. Sa femme India (Joanne WOODWARD) est quant à elle l'archétype de l'épouse au foyer puritaine et soumise. Son mal-être ne peut donc s'exprimer qu'indirectement et inconsciemment, à travers celui, plus déclaré de l'une de ses amies ou bien à travers des actes manqués dont James IVORY est friand: un gâteau préparé pour son mari qui qui s'avère raté à l'image de leur mariage sans joie ou encore la scène finale dans laquelle elle se retrouve emprisonnée dans sa voiture ensevelie peu à peu sous la neige. Leurs trois enfants rejettent ce modèle mortifère mais ne savent pas très bien par quoi le remplacer. Ces enfants sont d'ailleurs le maillon faible du film, ils sont peu creusés et antipathiques, dénigrant leur mère mais jamais leur père. Quelque chose de pas net semble relier ce père et la fille aînée qui souhaite devenir actrice, voyager et être libre. Il suffit d'écouter les paroles du fiancé de la deuxième fille pour comprendre qu'elle ratera son mariage. Quant au fils, il ignore sa mère sans que l'on comprenne pourquoi. Ces relations parents-enfants survolées donnent au film un aspect inachevé, dommage.
C'est le coeur un peu serré que j'ai regardé "Indian Palace" en apprenant le décès de Maggie SMITH que j'aimais beaucoup. "Indian Palace" est le croisement improbable entre "Slumdog Millionaire" (2008) (le gérant de l'hôtel est interprété par Dev PATEL qui tenait le rôle principal du film de Danny BOYLE mais qui en fait des tonnes ici) et une "Maison de Retraite" (2020) en forme de palais délabré dont les sept pensionnaires sexagénaires ou septuagénaires appartiennent à la crème des acteurs britanniques. L'Inde n'est en effet qu'un décor exotique pour riches seniors en pleine crise existentielle et il y a quelques relents néocolonialistes dans cette approche qui enfile les clichés comme les perles sur l'Inde, ses habitants et leur culture. Il n'en reste pas moins qu'on a tellement de plaisir à retrouver cette formidable troupe d'acteurs qu'on s'attache à leurs personnages en quête d'une nouvelle vie. Judi DENCH est délicate émouvante en veuve qui réalise qu'elle n'a pas eu d'intimité dans son couple, Maggie SMITH joue avec humour et mélancolie un personnage de vieille fille aigrie complètement dévitalisée qui finit par se découvrir une nouvelle vocation. Tom WILKINSON interprète un homosexuel nostalgique qui souhaite avant de mourir retrouver son amour de jeunesse. Bill NIGHY et Penelope WILTON forment un couple en crise. Enfin Celia IMRIE et Ronald PICKUP cherchent l'aventure. Le film vaut donc avant tout pour la subtilité de ces acteurs qui à l'image de leurs personnages sont en fin de vie (outre Maggie SMITH, Tom WILKINSON et Ronald PICKUP nous ont également quittés) et chacune de leur apparition reste un cadeau, quel qu'en soit l'écrin.
"On a souvent besoin d'un plus petit que soi". Ce vers de Jean de la Fontaine correspond parfaitement à la fable sociale qu'est "Romuald et Juliette". Revoir les longs-métrages de Coline SERREAU qui n'ont cessé de se bonifier avec le temps, c'est réaliser à quel point elle était avant-gardiste. Car on pense aujourd'hui à un film comme "Intouchables" (2011) en regardant "Romuald et Juliette". Et effectivement, Romuald (Daniel AUTEUIL) souffre lui aussi d'un handicap. Il est aveugle. Pas au sens littéral bien sûr. Mais il s'agit d'un homme naïf qui ne comprend rien à ce qui se trame dans son dos, que ce soit au bureau où une machination se forme pour le compromettre et le chasser de son poste de PDG ou chez lui. Juliette en revanche n'a pas les yeux dans sa poche et observe le ballet des comploteurs alors que personne ne fait attention à elle. Car le poste qu'elle occupe, femme de ménage nettoyant les bureaux la nuit, fait d'elle une invisible. D'ailleurs, lorsqu'elle sort de sa réserve pour ouvrir les yeux de Romuald, celui-ci ne la croit évidemment pas. Mais c'est pourtant chez elle qu'il vient se réfugier lorsque les emmerdes déferlent sur lui. Il devient à son tour un invisible, préparant sa revanche avec l'aide de celle qui lui a ouvert les yeux. C'est gai, vif, enlevé, spirituel et outre le plaisir de retrouver Daniel AUTEUIL dans une comédie, c'est le film qui a révélé Firmine RICHARD qui est d'un naturel épatant*. De façon tout à fait malicieuse, Coline SERREAU réactualise le vers de La Fontaine en montrant une femme noire et pauvre qui non seulement mène sa barque seule mais vient en aide à un homme blanc et riche. C'est donc lui qui va devoir ramer pour la mériter.
* Et on découvre aussi de jeunes acteurs appelés à faire par la suite une belle carrière comme Isabelle CARRE, Jose GARCIA ou Guillaume de TONQUEDEC.
Analyse de classiques et de films récents par une passionnée du 7eme art. Mes goûts sont éclectiques, allant de la nouvelle vague française au cinéma japonais (animation incluse) en passant par l'expressionnisme allemand et ses héritiers et le cinéma américain des studios d'Hollywood aux indépendants.