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L'Enfant

Publié le par Rosalie210

Luc et Jean-Pierre Dardenne (2005)

L'Enfant

C'est pour moi le meilleur film des frères Dardenne avec "Le Fils" (2002) et d'ailleurs ces deux films réalisés à trois années d'intervalle et qui interrogent les liens de filiation se font écho (de l'aveu des Dardenne, l'idée de "l'Enfant" leur est d'ailleurs venu sur le tournage de "Le Fils"). Dans les deux cas, les personnages masculins entament un périple dans la douleur qui va les amener à grandir et donc à assumer un rôle paternel auquel au départ ils étaient étrangers. Le tout dans une atmosphère de thriller social âpre de par son naturalisme documentaire avec des plans-séquence au suspense haletant. "L'Enfant" du titre est peut-être moins Jimmy le bébé que son géniteur Bruno (Jérémie RENIER), petite frappe insouciante et inconséquente qui semble n'agir que sur des coups de tête. Cet être immature vivant en marge de la société de ses petites combines et larcins et de l'allocation de sa compagne Sonia (Déborah FRANÇOIS) semble aux antipodes de ce que l'on peut attendre d'un père digne de ce nom. En dépit de signes négatifs envoyés au spectateur dès les premières secondes du film (à peine sortie de la maternité, Sonia trouve son appartement sous-loué par Bruno sur qui elle a bien du mal à mettre la main), celle-ci s'obstine à le considérer comme digne de confiance. Il faut dire qu'ils fonctionnent en miroir (caractéristique gémellaire accentuée par le blouson qu'il lui achète et qui est identique au sien). Tous deux ressemblent à des anges blonds vivant d'amour, d'eau fraîche et de gamineries. Une énergie juvénile qui relègue à l'arrière-plan la précarité sociale dans laquelle il vivent. Jusqu'à ce que Bruno cède à la tentation de l'argent facile et ne la trahisse dans un acte révoltant et irréfléchi dont il payera le prix cash mais qui le métamorphosera en adulte responsable. Jérémie Rénier et Deborah François sont tous deux excellents et le film, fort et prenant du début à la fin.

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Two Lovers

Publié le par Rosalie210

James Gray (2007)

Two Lovers

"Two lovers" est le premier film de James GRAY que j'ai vu dès sa sortie au cinéma parce qu'on me l'avait recommandé et j'ai su tout de suite que ce réalisateur ne serait pas ma tasse de thé ce que les autres films que j'ai vu de lui depuis a confirmé (du moins jusqu'à présent). Pourquoi suis-je relativement hermétique à son univers? Si je me base sur "Two lovers" que je viens de revoir afin de mettre des mots sur mon ressenti, je dirais que je trouve le scénario et la mise en scène monocordes et prévisibles. Les enjeux sont surlignés à gros traits, par exemple les filles ont du mal à exister par elles-mêmes et servent surtout à illustrer le choix que doit faire Léonard entre endogamie et exogamie et on sait à peu près dès le début comment cela finira. Autre problème majeur à mes yeux, le manque de crédibilité des personnages. Je n'arrive pas à croire une seule seconde en ce Léonard trentenaire vivant toujours sous la coupe de ses parents et notamment d'une mère juive étouffante (jouée par Isabella ROSSELLINI). C'est moins l'âge du personnage en soi qui me pose problème que le fait que je sens trop le rôle de composition de Joaquin PHOENIX dans le rôle d'un vieux garçon déséquilibré et indécis qui se la joue ado attardé. Son comportement frise le ridicule. Mais ce qui me pose le plus gros problème, c'est le fait de taxer de romantique un comportement qui ne l'est pas du tout. On nous présente Léonard comme fragile, sensible et intègre alors que du début à la fin, il joue sur deux tableaux et qu'une fois son plan A (le plus excitant mais le moins sûr) définitivement à l'eau, il se rabat sans scrupules sur le plan B qui lui a été offert sur un plateau par ses parents et retombe ainsi sur ses pattes. Ce soi-disant malade mental réussit ainsi un triple coup digne des plus froids calculateurs: matrimonial, professionnel et social. Je l'avais déjà dit pour "The Immigrant" (2013) mais l'amour et l'exploitation sont incompatibles, vouloir nous faire croire qu'un personnage peut concilier l'un et l'autre autrement dit peut obtenir le beurre et l'argent du beurre est malhonnête (y compris vis à vis de soi-même).

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Arrietty, le petit monde des chapardeurs (Kari-gurashi no Arietti)

Publié le par Rosalie210

Hiromasa Yonebayashi (2010)

Arrietty, le petit monde des chapardeurs (Kari-gurashi no Arietti)

Très belle découverte que ce film d'animation du studio Ghibli réalisé en 2010 par Hiromasa YONEBAYASHI. Certes, l'influence de Hayao MIYAZAKI (qui a écrit le scénario d'après les livres de la britannique Mary Norton consacrés "au petit monde des borrowers") se fait sentir. On pense surtout à "Mon voisin Totoro" (1988) pour le caractère intimiste, l'enfant malade et la représentation (splendide) de la nature dans et hors de la vieille maison (les chapardeurs font penser aux noiraudes) ainsi qu'à "Kiki la petite sorcière" (1989) au travers d'une adolescente venue d'un autre monde en quête d'émancipation. On peut aussi citer "Princesse Mononoké" (1997) pour la belle relation qui se tisse entre deux personnages (une liliputienne assimilée au monde sauvage et un jeune humain malade du coeur) qui cependant restent condamnés à demeurer de part et d'autre d'une barrière infranchissable. Mais le film a aussi sa petite musique bien à lui, bien plus modeste que les grands opus de Miyazaki certes mais avec sa sensibilité propre. On a par exemple le temps d'apprécier la finesse de la caractérisation des personnages. Ainsi on découvre que l'attitude intransigeante du père d'Arrietty vis à vis des humains (ne pas être vu, sinon fuir immédiatement) n'est pas un réflexe de repli mais de survie et que l'attitude d'un Sho amical ne change rien au danger que les humains font courir à leur espèce en voie de disparition. Ainsi la maison de poupée construite à leur intention peut faire penser à une cage dorée, c'est pourquoi elle reste inoccupée. Quant à Haru, la gouvernante qui cherche à capturer les chapardeurs, elle est assez emblématique des gens qui veulent éradiquer ce qui leur échappe. Ce sens de la nuance ce retrouve dans l'esthétique: l'ode à la nature adopte des couleurs chatoyantes et une picturalité impressionniste qui n'est pas sans rappeler les tableaux de Claude Monet. L'écologie s'y manifeste autant par le plaidoyer envers la cohabitation respectueuse de différentes espèces que par le mode de vie des chapardeurs qui recyclent les objets perdus et se contentent de peu. S'y ajoute un travail minutieux sur le rapport d'échelle et la perception que des êtres miniatures peuvent avoir d'un monde gigantesque. Un rapport qui fait penser à "Alice au pays des merveilles", oeuvre fétiche d'un certain... Hayao MIYAZAKI.

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A la poursuite du diamant vert (Romancing the stone)

Publié le par Rosalie210

Robert Zemeckis (1984)

A la poursuite du diamant vert (Romancing the stone)

"L Homme de Rio" (1963) de Philippe de BROCA a fécondé au moins deux beaux bébés. Steven SPIELBERG s'en est inspiré pour "Les Aventuriers de l arche perdue" (1980) et a ensuite rendu hommage à la source originelle du film d'action et d'aventures de Philippe de Broca en réalisant "Les Aventures de Tintin : le secret de la Licorne" (2010). Robert ZEMECKIS, poulain de Spielberg qui avait réalisé "1941" (1979) à partir d'un scénario écrit par Zemeckis et Bob GALE et produit ses deux premiers films n'avait cependant pas encore connu de succès commercial retentissant. Afin de convaincre les studios de lui donner le feu vert pour tourner "Retour vers le futur" (1985) dont il avait écrit le scénario, toujours avec Bob Gale, il s'est donc lancé dans sa propre version de "L'Homme de Rio", "A la poursuite du diamant vert" que Michael DOUGLAS lui avait proposé de réaliser. On l'a un peu oublié aujourd'hui mais Michael Douglas était à cette époque davantage connu comme producteur que comme acteur (il avait notamment été l'artisan du succès de "Vol au-dessus d un nid de coucou") (1975). Le rôle de jack D. Colton a définitivement lancé sa carrière d'acteur.

Dans le genre, "A la poursuite du diamant vert" est une réussite qui se démarque de ses illustres "parrains" en ajoutant à la BD d'aventures trépidantes dans la jungle (par ailleurs parfaitement menée) une touche de screwball comédie à caractère féministe. Le film doit beaucoup en effet à l'alchimie du duo formé par Michael DOUGLAS et Kathleen TURNER et à la dynamique de leur relation. Alors qu'au départ Jack D. Colton est présenté comme un baroudeur expérimenté face à Joan la romancière inadaptée avec sa valise et ses talons, le rapport de forces s'inverse très vite. Colton fait systématiquement les mauvais choix face aux situations auxquelles ils sont confrontés alors que Joan s'ouvre facilement toutes les portes ce qui conduit Colton à se plonger dans des romans qu'il aurait auparavant méprisés. A ce couple détonant il faut ajouter la plue-value comique de Danny DeVITO et voilà comment Robert Zemeckis obtint le ticket gagnant pour sa célèbre saga rétro-futuriste tout en nous livrant un film réjouissant qui traverse le temps avec une suprême élégance!

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Le Voleur de Bagdad (The Thief of Bagdad)

Publié le par Rosalie210

Raoul Walsh (1924)

Le Voleur de Bagdad (The Thief of Bagdad)

Le Voleur de Bagdad est un exemple de syncrétisme réussi entre le conte européen* dont on retrouve la plupart des codes (récit initiatique où le héros après une série d'épreuves sort transformé de sa quête) et le rêve américain (le voleur est un self man man parti de rien et qui réussit à s'élever jusqu'au sommet par sa seule volonté et un peu de chance qui est ici incarnée par la magie) auquel il faut rajouter une grosse pincée d'exotisme oriental (avec sa dose de clichés, le fourbe chinois à l'apparence de Fu Manchu par exemple). Douglas FAIRBANKS alors au sommet de sa gloire est le véritable maître d'oeuvre du film. C'est lui qui a choisi la plupart des membres de l'équipe dont le réalisateur Raoul WALSH. Douglas Fairbanks réussit ainsi la fusion du courant expressionniste allemand alors maître du genre fantastique (dont il s'est chargé de distribuer un certain nombre de films au travers de sa société de production, la United Artists) et de la superproduction américaine à la manière de D.W. GRIFFITH. S'y ajoute les qualités athlétiques de l'acteur-scénariste-producteur-cascadeur qui faisaient déjà merveille dans ses précédents films d'action et d'aventures où il jouait les bandits au grand coeur tels que "Robin des Bois" (1922). Douglas Fairbanks semble plus que jamais libéré des contraintes de la pesanteur, à l'image des décors verticaux imaginés par William Cameron MENZIES et des différents moyens de transport magiques qu'il expérimente (cheval ailé, tapis volant, corde qui se dresse toute seule). Le résultat, fastueux, spectaculaire, merveilleux est entré dans les annales du cinéma et n'en est plus ressorti depuis. Un sommet du genre.

* En dépit de son titre, l'histoire n'est pas tirée des mille et une nuits mais a été écrite spécialement pour le film.

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Ennio (Ennio: The Maestro)

Publié le par Rosalie210

Giuseppe Tornatore (2021)

Ennio (Ennio: The Maestro)

Documentaire-somme testamentaire incontournable, Ennio ressemble à une caverne d'Ali Baba dont le maestro accepterait de nous donner les clés. Connu pour sa réticence à se livrer aux journalistes, l'homme aux cinq cent partitions disparu en 2020 visiblement cette-fois ci en confiance devant la caméra de Giuseppe TORNATORE accepte d'expliquer au néophyte la genèse de ses créations les plus célèbres avec modestie, drôlerie et en décalage avec le caractère monumental de son oeuvre. Il faut le voir imiter le cri du coyote pour amorcer le générique de "Le Bon, la brute et le truand" (1966) par exemple. De nombreux cinéastes avec lequel il a travaillé (Gillo PONTECORVO, Bernardo BERTOLUCCI, Dario ARGENTO, Quentin TARANTINO, Clint EASTWOOD bien sûr etc.) ainsi que des compositeurs et musiciens célèbres (Quincy JONES, Bruce SPRINGSTEEN, John WILLIAMS) témoignent également sur son travail avec une admiration non dissimulée (qui peut parfois agacer par son manque de recul). Au-delà d'une analyse du génie créatif de Ennio MORRICONE dont le caractère précurseur est souligné, sa difficulté à entrer dans les cases explique sa reconnaissance tardive auprès des puristes et des académies. La musique de film, considérée comme commerciale était en effet méprisée par les maîtres du conservatoire où Ennio Morricone étudia, l'un d'eux allant jusqu'à la comparer à de la prostitution ce qui généra chez lui de la culpabilité et un sentiment d'infériorité. De plus avant son travail pour le cinéma, Ennio MORRICONE avait été arrangeur pour la variété italienne dans les années cinquante et au début des années soixante. Un domaine où il n'hésitait pas déjà à expérimenter de nouveaux sons, brouillant les frontières entre les arts majeurs et la culture populaire. On remarque également qu'il n'acceptait pas les compromis artistiques, pas plus qu'il n'accepta de céder aux sirènes hollywoodiennes (une des raisons qui explique qu'il ait été recalé cinq fois à la cérémonie des Oscars?) En tout cas, sa brillante, limpide et lumineuse masterclass génère 2h36 de bonheur pour le cinéphile et le mélomane qui fait largement oublier les longueurs, oublis et manques de nuances ici et là.

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La Maison des bois

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1971)

La Maison des bois

Le meilleur film de Maurice PIALAT est la mini-série qu'il a tourné pour l'O.R.T.F en 1971 grâce à "L Enfance nue" (1968) qui avait tapé dans l'oeil de l'adjoint du responsable des programmes d'Antenne 2. Grâce lui soit rendue car les immenses qualités du premier film de Maurice Pialat se retrouvent intactes dans "La maison des bois" avec en plus une ampleur romanesque, historique et picturale inédite permise par le format de la mini-série. Avec cette chronique d'une sensibilité à fleur de peau de trois enfants, Michel, Albert et Hervé, recueillis par une famille d'accueil dans un petit village de l'Oise pris dans la tourmente de la première guerre mondiale, Maurice Pialat au sommet de son art enchante et bouleverse. On y retrouve son talent à diriger des enfants (dont Michel TARRAZON, le petit garçon de "L'Enfance nue"), à capter la vie dans son plus simple appareil (les grandes peines et les petites joies du quotidien), à mêler harmonieusement acteurs amateurs et professionnels (dont lui-même dans le rôle de l'instituteur, tout un symbole!), à jouer dans de superbes plans-tableaux sur le premier plan et l'arrière-plan, la petite et la grande histoire. Pour ne donner qu'un exemple, dans une scène se déroulant dans un café où des soldats jouent au billard, on voit l'un d'entre eux en retrait, assis à une table tenter de consoler sa mère en pleurs. Derrière l'image d'Epinal, une scène poignante et lourde de sens quand on connaît la suite. Le caractère impressionniste de la série éclate dans le troisième épisode en grande partie consacré à un déjeuner sur l'herbe qui est un hommage explicite à "Une partie de campagne" (1936) et que l'on retrouve dans "Van Gogh" (1991) (ainsi que la chanson anti-guerre "La Butte rouge"). Mais on pense aussi à un autre film de Jean RENOIR, "La Règle du jeu" (1939) lorsque les deux pères de substitution d'Hervé, un marquis et son garde-chasse se retrouvent pour aller traquer le braconnier dans les fameux bois du titre. Albert Picard (Pierre DORIS), le garde-chasse et sa femme Maman Jeanne (Jacqueline DUFRANNE qui joue également la mère de "Loulou") (1980), la famille d'accueil de Hervé, Michel et Albert sont rayonnants de bonté et d'amour tandis que Maurice Pialat met une certaine part de lui-même dans le rôle du marquis (Fernand GRAVEY), un homme solitaire et réprouvé qui voit en Hervé, enfant délaissé qui fuit la ferme des Picard à chaque visite des mères de ses camarades un alter ego.

Mais Maurice Pialat n'oublie jamais d'inscrire ces histoires individuelles dans la grande histoire, celle-ci venant régulièrement s'inviter à la table des Picard, donnant souvent le ton des débuts et encore plus des fins d'épisode. Par exemple la musique jouée in extenso occupe une grande place dans la série, toujours liée à la guerre. La belle chanson du générique (début et fin) est "Trois beaux oiseaux de paradis" composé par Maurice Ravel en 1914-1915 en hommage aux français tués. L'un des épisodes se termine sur l'hymne national allemand joué lors d'une veillée funèbre en l'honneur d'un pilote abattu dans son avion. Un autre commence avec l'armistice et sa fanfare claironnante qui n'oublie pas pour autant la sonnerie aux morts. Quant à la redoutée fin du cinquième épisode, elle se fait significativement dans le silence avec un simple fond d'écran pour générique.

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Certaines femmes (Certain Women)

Publié le par Rosalie210

Kelly Reichardt (2016)

Certaines femmes (Certain Women)

Des vies minuscules dans d'immenses paysages: c'est le fil directeur du film, fragmenté en trois récits adaptés de nouvelles de Maile Meloy se déroulant dans le Montana. J'ai déjà eu l'occasion de dire que je ne suis pas fan de ce type de structure qui empêche d'approfondir scénario et personnages. Autre écueil que n'évite pas Kelly REICHARDT: le manque d'homogénéité. Les récits sont d'un intérêt inégal malgré les efforts pour les relier les uns aux autres. Le second avec Michelle WILLIAMS est vraiment trop ténu, il m'a fait penser à une esquisse. Celui avec Laura DERN est un peu plus étoffé et dynamique mais le personnage apparaît là encore bien difficile à cerner et l'histoire à laquelle elle est mêlée est peu passionnante. Le segment le plus développé avec Kristen STEWART est aussi le seul animé par une véritable dynamique relationnelle, même si la fin est amère. Car le problème est que le minimalisme contemplatif de Kelly REICHARDT vide chaque fragment déjà peu fourni de toute substance narrative. S'y ajoute un terrain dépressif commun à toutes les femmes croisées dans le film, lesquelles semblent rongées par la solitude ou l'incommunicabilité. Bref, comme dans certains autres de ses films, on est vraiment dans un "trop peu" qui confine à la neurasthénie.

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L'année du requin

Publié le par Rosalie210

Zoran et Ludovic Boukherma (2022)

L'année du requin

Ayant eu des échos flatteurs de "Teddy", le précédent film des frères Boukherma et alléchée par la promesse d'une parodie de "Les Dents de la mer", je suis allée voir le film enthousiaste et en suis sortie pour le moins déçue voire furieuse avec l'impression de m'être fait avoir par certaines critiques flatteuses et le label "art et essai" accolée au film. Il faut être bien chauvin pour ne pas voir que ce film pue l'amateurisme à plein nez. C'est bien simple, la sauce ne prend jamais, la faute à un manque de maîtrise évident des genres abordés. Le film est "vendu" comme une comédie, or comme je l'ai souvent dit, le comique est avant tout une affaire de rythme. "L'année du requin" est tout sauf rythmé, le film est mollasson et de ce fait, les quelques gags et bons mots tombent à plat. De plus, les réalisateurs ont l'ambition de mélanger les genres sauf qu'ils n'en maîtrisent aucun. Lorsqu'ils se décident à tourner des scènes de film-catastrophe à la Spielberg, ils oublient purement et simplement le comique sans que pour autant la tension dramatique ne soit véritablement instaurée. Vient se juxtaposer là-dessus un discours régionaliste (de la voix off horripilante, de la radio etc.) qui semble tomber comme un cheveu sur la soupe et qui se réduit à des propos de péquenots réacs: le requin, c'est la faute aux parisiens, aux wokistes, aux écolos, au covid, au réchauffement climatique... Certes, les réalisateurs ne pouvaient pas savoir au moment du tournage que le bassin d'Arcachon allait être frappé par des mégafeux mais on ne peut pas dire que le film se montre visionnaire là-dessus. Comme pour tout le reste, il hésite, le cul entre deux chaises et ne parvient pas à se hisser à la hauteur des enjeux (pour ne s'aliéner aucun public?). En témoigne le sort du requin, marqué par une énième volte-face (un titre qui aurait bien mieux convenu au film). L'arnaque se retrouve jusque dans l'affiche. On nous fait croire à une dynamique de trio alors que seule Marina Foïs occupe le devant de la scène, jouant un personnage aux motivations nébuleuses la plupart du temps figé en gros plan selon un grand angle déformant dont on se demande à quoi il sert sinon à faire original à tout prix. Kad Merad et Jean-Pascal Zadi, censés être les plus values comiques du film sont scandaleusement sous-exploités. Bref, rien ne fonctionne dans cette catastrophe de film dont les ambitions se heurtent au manque évident du savoir-faire le plus basique (écrire un scénario qui se tient par exemple). 

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Rosetta

Publié le par Rosalie210

Luc et Jean-Pierre Dardenne (1999)

Rosetta

"Rosetta", Palme d'or 1999 est le film qui a fait connaître au monde entier les frères Dardenne et leur cinéma, mainte fois copié depuis mais qui demande un doigté dont ils ont seuls le secret: des intrigues mêlant drame social et suspense moral, un style plan-séquence et caméra à l'épaule collant aux basques de personnages toujours en mouvement ayant permis de révéler de jeunes (et moins jeunes) acteurs promis à de belles carrières (Emilie DEQUENNE, Jérémie RENIER, Olivier GOURMET), un dépouillement (par exemple dans les décors, l'apparence des personnages, l'absence de musique) tempéré par une caméra particulièrement fébrile. Contrairement au manichéisme d'un Ken LOACH qui divise souvent le monde dominé par le capitalisme libéral occidental entre gentils opprimés et méchants oppresseurs (mais pas toujours comme le montre "It s a Free World !") (2007), les marginaux des frères Dardenne sont tentés pour sortir de leur misère de devenir à leur tour des exploiteurs écrasant plus faible qu'eux (dans la logique elle aussi binaire de ce système fondé sur la compétition darwinienne). "Rosetta" correspond parfaitement à ce schéma. On y voit une jeune fille au comportement de sauvageonne vivant en marge de la société dans des conditions extrêmement difficiles (un camping dans les bois avec une mère immature à charge). Une battante certes mais dont les actes, dictés par les tripes (si contractées qu'elle est en proie régulièrement à des maux de ventre) la rende inapte à la vie sociale. Cercle vicieux qui l'amène dans une impasse puisque pour parvenir à ses fins (trouver un travail stable), elle commet une crasse qui ensuite vient la hanter jusqu'à ce qu'elle craque et tombe au final plus bas encore que là où elle en était auparavant. Pour peut-être enfin commencer à se relever?

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