La Maison des bois
Maurice Pialat (1971)
Le meilleur film de Maurice PIALAT est la mini-série qu'il a tourné pour l'O.R.T.F en 1971 grâce à "L Enfance nue" (1968) qui avait tapé dans l'oeil de l'adjoint du responsable des programmes d'Antenne 2. Grâce lui soit rendue car les immenses qualités du premier film de Maurice Pialat se retrouvent intactes dans "La maison des bois" avec en plus une ampleur romanesque, historique et picturale inédite permise par le format de la mini-série. Avec cette chronique d'une sensibilité à fleur de peau de trois enfants, Michel, Albert et Hervé, recueillis par une famille d'accueil dans un petit village de l'Oise pris dans la tourmente de la première guerre mondiale, Maurice Pialat au sommet de son art enchante et bouleverse. On y retrouve son talent à diriger des enfants (dont Michel TARRAZON, le petit garçon de "L'Enfance nue"), à capter la vie dans son plus simple appareil (les grandes peines et les petites joies du quotidien), à mêler harmonieusement acteurs amateurs et professionnels (dont lui-même dans le rôle de l'instituteur, tout un symbole!), à jouer dans de superbes plans-tableaux sur le premier plan et l'arrière-plan, la petite et la grande histoire. Pour ne donner qu'un exemple, dans une scène se déroulant dans un café où des soldats jouent au billard, on voit l'un d'entre eux en retrait, assis à une table tenter de consoler sa mère en pleurs. Derrière l'image d'Epinal, une scène poignante et lourde de sens quand on connaît la suite. Le caractère impressionniste de la série éclate dans le troisième épisode en grande partie consacré à un déjeuner sur l'herbe qui est un hommage explicite à "Une partie de campagne" (1936) et que l'on retrouve dans "Van Gogh" (1991) (ainsi que la chanson anti-guerre "La Butte rouge"). Mais on pense aussi à un autre film de Jean RENOIR, "La Règle du jeu" (1939) lorsque les deux pères de substitution d'Hervé, un marquis et son garde-chasse se retrouvent pour aller traquer le braconnier dans les fameux bois du titre. Albert Picard (Pierre DORIS), le garde-chasse et sa femme Maman Jeanne (Jacqueline DUFRANNE qui joue également la mère de "Loulou") (1980), la famille d'accueil de Hervé, Michel et Albert sont rayonnants de bonté et d'amour tandis que Maurice Pialat met une certaine part de lui-même dans le rôle du marquis (Fernand GRAVEY), un homme solitaire et réprouvé qui voit en Hervé, enfant délaissé qui fuit la ferme des Picard à chaque visite des mères de ses camarades un alter ego.
Mais Maurice Pialat n'oublie jamais d'inscrire ces histoires individuelles dans la grande histoire, celle-ci venant régulièrement s'inviter à la table des Picard, donnant souvent le ton des débuts et encore plus des fins d'épisode. Par exemple la musique jouée in extenso occupe une grande place dans la série, toujours liée à la guerre. La belle chanson du générique (début et fin) est "Trois beaux oiseaux de paradis" composé par Maurice Ravel en 1914-1915 en hommage aux français tués. L'un des épisodes se termine sur l'hymne national allemand joué lors d'une veillée funèbre en l'honneur d'un pilote abattu dans son avion. Un autre commence avec l'armistice et sa fanfare claironnante qui n'oublie pas pour autant la sonnerie aux morts. Quant à la redoutée fin du cinquième épisode, elle se fait significativement dans le silence avec un simple fond d'écran pour générique.
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