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Articles avec #mini-serie tag

Oussekine

Publié le par Rosalie210

Antoine Chevrollier (2022)

Oussekine

C'est en lisant des articles sur "Nos frangins" (2022) de Rachid BOUCHAREB que j'ai découvert l'existence de cette remarquable mini-série sortie quelques mois auparavant sur la plateforme Disney +. Même si je ne suis pas une amatrice de séries, j'ai entendu les échos flatteurs autour de "Baron Noir" (2016) et de "Le Bureau des légendes (2015), les deux séries co-réalisées par Antoine CHEVROLLIER qui avec le concours d'un quatuor de scénaristes sensibles aux problèmes des discriminations et du multiculturalisme (Faïza Guène, Cédric IDO, Lina Soualem et Thomas LILTI, le réalisateur de "Hippocrate") (2014) réussit une fresque à la fois intime et politique qui donne au drame de Malik Oussekine sa véritable dimension: celui d'un crime d'Etat. Si toute la complexité du contexte social de l'époque n'est peut-être pas aussi bien retracée que dans le film de Rachid Bouchareb, la mini-série frappe fort sur plusieurs points cruciaux et provoque une onde de choc émotionnelle que le film de Bouchareb aussi réussi soit-il n'a pas. La trajectoire tragique de Malik la nuit du 5 au 6 décembre 1986 est en effet mise en relation avec l'histoire de sa famille, soit trois décennies d'histoire de l'immigration algérienne en France. S'ensuit un système d'échos qui fonctionne à merveille. A commencer par la reconstitution du massacre de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961 qui fit 200 morts à Paris. Un évènement de la guerre d'Algérie en métropole longtemps occulté qui n'a fait l'objet d'une reconnaissance officielle qu'en 2021 et auquel échappent les parents de Malik en se cachant avec leurs enfants. Impossible de ne pas faire le rapprochement entre le préfet de police de Paris sous De Gaulle, Maurice Papon et vingt ans plus tard le tandem Pasqua-Pandraud, ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur à la Sécurité du gouvernement Chirac durant la cohabitation avec Mitterrand de 1986 à 1988. Là où s'appuyant sur les images d'archives, Rachid Bouchareb incrimine dans son film le ministre de l'intérieur Charles Pasqua, Antoine CHEVROLLIER préfère donner toute la place à son homme de l'ombre excellemment joué par l'un des spécialistes de "L Exercice de l État" (2010), Olivier GOURMET. J'ai fait l'expérience après avoir vu la série de lire un portrait fasciné de Robert Pandraud du Monde daté de mars 1987 (trois mois donc après la mort de Malik Oussekine) par un thuriféraire épaté par sa "prudence", "au point que "personne dit-on ne l'a vu laisser de trace écrite derrière lui". Manque de bol, dans les années 80, l'écrit n'est plus le seul moyen de "laisser des traces" et Pandraud restera dans l'histoire (et dans la série) pour cette phrase prononcée à propos de Malik Oussekine "si j'avais un fils sous dialyse, j'éviterais de le laisser sortir faire le con la nuit". Re-manque de bol: il y a des témoins oculaires des faits et Malik Oussekine est un modèle d'intégration réussie qui cerise sur le gâteau était sur le point de se convertir au catholicisme et voulait devenir prêtre. Impossible donc d'étouffer l'affaire contrairement à celle de Abdel Benyahia tué la même nuit par un policier ivre (évoquée au détour d'une phrase dans la série alors qu'elle est traitée en parallèle de Malik Oussekine dans le film). Reste la diffamation, ce dont l'extrême-droite se charge très bien. La série insiste beaucoup plus que le film sur le climat de haine raciste porté par un Front national en pleine progression dont la famille Oussekine est victime: insultes, agressions (verbales, matérielles, physiques), harcèlement et un numéro complet du journal "Minute" dont le contenu obscène nous fait penser à celui, beaucoup plus récent sur Christiane Taubira. De même que les méthodes peu scrupuleuses de certains journalistes pour tenter de discréditer les victimes de violences policières prises en flagrant délit (je pense au producteur noir Michel Zecler, insulté et roué de coups de matraque par quatre policiers dans son studio de musique en 2020 qui estime devoir la vie aux caméras de surveillance qui ont également prouvé aussi qu'il était bien la victime et non l'agresseur). C'est tout le mérite de la série comme du film de montrer que les "dérapages" des policiers ne sont pas des errements individuels mais des violences systémiques avec une chaîne de responsabilités qui remonte jusqu'au plus haut niveau. Et aucun bord politique n'est épargné dans la série: ni François Mitterrand qui médiatise sa visite à la famille pour faire de la récupération politique, ni SOS Racisme qui tente d'en faire de même avec Sarah Oussekine que l'on voit arracher le badge "Touche pas à mon pote" qu'on lui a collé sur le blouson, ni la justice censée être impartiale mais qui accorde un traitement de faveur aux policiers et rend un verdict plutôt clément au vu de la gravité des faits.

Malgré cette richesse du traitement politique de l'affaire, la série est avant tout centrée sur l'humain, c'est à dire les portraits des différents membres de la famille Oussekine (le père Miloud mort en 1978, la mère Aïcha et les enfants, ces derniers ayant collaboré avec l'équipe de la série et apparaissant à la fin). Comme dans le film, les personnalités de Mohamed et de Sarah émergent aux côtés de leurs autres frères et soeurs (ils étaient sept au total, ramenés à 5 dans la série et 3 dans le film). Cependant la profondeur historique permise par la série donne un relief particulièrement douloureux à leur parcours d'enfants d'immigrés nés et élevés en France, devenus plus français que les français (la réussite entrepreneuriale de Mohamed, le ménage de Sarah avec un policier) et qui face au meurtre de leur frère voient cette construction identitaire se dissoudre. La tentative avortée de leur père de retour au pays à la fin des années 70 les avaient déjà confrontés à une désillusion semblable, le pays ayant beaucoup changé depuis l'indépendance et les immigrés n'y ayant plus leur place. Trop francisés pour l'Algérie, trop racisés pour les français, les voilà obligés de se réinventer dans l'inconnu. La scène où Sarah s'émancipe en coupant ses cheveux sur le titre de William Sheller "J'me gênerais pas pour dire que je t'aime encore" est particulièrement forte.

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La Maison des bois

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1971)

La Maison des bois

Le meilleur film de Maurice PIALAT est la mini-série qu'il a tourné pour l'O.R.T.F en 1971 grâce à "L Enfance nue" (1968) qui avait tapé dans l'oeil de l'adjoint du responsable des programmes d'Antenne 2. Grâce lui soit rendue car les immenses qualités du premier film de Maurice Pialat se retrouvent intactes dans "La maison des bois" avec en plus une ampleur romanesque, historique et picturale inédite permise par le format de la mini-série. Avec cette chronique d'une sensibilité à fleur de peau de trois enfants, Michel, Albert et Hervé, recueillis par une famille d'accueil dans un petit village de l'Oise pris dans la tourmente de la première guerre mondiale, Maurice Pialat au sommet de son art enchante et bouleverse. On y retrouve son talent à diriger des enfants (dont Michel TARRAZON, le petit garçon de "L'Enfance nue"), à capter la vie dans son plus simple appareil (les grandes peines et les petites joies du quotidien), à mêler harmonieusement acteurs amateurs et professionnels (dont lui-même dans le rôle de l'instituteur, tout un symbole!), à jouer dans de superbes plans-tableaux sur le premier plan et l'arrière-plan, la petite et la grande histoire. Pour ne donner qu'un exemple, dans une scène se déroulant dans un café où des soldats jouent au billard, on voit l'un d'entre eux en retrait, assis à une table tenter de consoler sa mère en pleurs. Derrière l'image d'Epinal, une scène poignante et lourde de sens quand on connaît la suite. Le caractère impressionniste de la série éclate dans le troisième épisode en grande partie consacré à un déjeuner sur l'herbe qui est un hommage explicite à "Une partie de campagne" (1936) et que l'on retrouve dans "Van Gogh" (1991) (ainsi que la chanson anti-guerre "La Butte rouge"). Mais on pense aussi à un autre film de Jean RENOIR, "La Règle du jeu" (1939) lorsque les deux pères de substitution d'Hervé, un marquis et son garde-chasse se retrouvent pour aller traquer le braconnier dans les fameux bois du titre. Albert Picard (Pierre DORIS), le garde-chasse et sa femme Maman Jeanne (Jacqueline DUFRANNE qui joue également la mère de "Loulou") (1980), la famille d'accueil de Hervé, Michel et Albert sont rayonnants de bonté et d'amour tandis que Maurice Pialat met une certaine part de lui-même dans le rôle du marquis (Fernand GRAVEY), un homme solitaire et réprouvé qui voit en Hervé, enfant délaissé qui fuit la ferme des Picard à chaque visite des mères de ses camarades un alter ego.

Mais Maurice Pialat n'oublie jamais d'inscrire ces histoires individuelles dans la grande histoire, celle-ci venant régulièrement s'inviter à la table des Picard, donnant souvent le ton des débuts et encore plus des fins d'épisode. Par exemple la musique jouée in extenso occupe une grande place dans la série, toujours liée à la guerre. La belle chanson du générique (début et fin) est "Trois beaux oiseaux de paradis" composé par Maurice Ravel en 1914-1915 en hommage aux français tués. L'un des épisodes se termine sur l'hymne national allemand joué lors d'une veillée funèbre en l'honneur d'un pilote abattu dans son avion. Un autre commence avec l'armistice et sa fanfare claironnante qui n'oublie pas pour autant la sonnerie aux morts. Quant à la redoutée fin du cinquième épisode, elle se fait significativement dans le silence avec un simple fond d'écran pour générique.

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Mystères de Lisbonne (Mistérios de Lisboa)

Publié le par Rosalie210

Raoul Ruiz (2010)

Mystères de Lisbonne (Mistérios de Lisboa)

Je ne savais rien de "Mystères de Lisbonne", avant de regarder la mini-série sur Arte et pourtant j'en avais entendu beaucoup parler. Le paradoxe n'est qu'apparent. Je savais qu'il s'agissait d'un monument du cinéma et le gravir avait quelque chose d'un peu impressionnant. En fait le terme est mal choisi. Se jeter dans le tourbillon est bien plus exact. Tourbillon d'un récit aussi foisonnant et romanesque que structuré à la manière d'un labyrinthe mental. Un récit littéraire puisant sa sève dans le roman-feuilleton populaire (ce qui le rend passionnant à la manière de ces livres qu'on ne peut plus lâcher jusqu'à la dernière page tant on a envie de connaître la suite et la fin) mais le développant dans une armature sophistiquée de type cathédrale qui en décuple la portée.

D'un côté en effet les péripéties haletantes et le souffle romanesque typique des feuilletons européens du XIX° siècle: vengeances, trahisons, enfants et couples illégitimes, duels, complots, meurtres etc. Bien qu'adapté d'un roman portugais du XIX°, "Mystères de Lisbonne" évoque immanquablement "Les mystères de Paris" de Eugène Sue et les romans-fleuves de Alexandre Dumas, notamment "Les mémoires d'un médecin" et celui qui est mon préféré (c'est d'ailleurs mon roman préféré tout court), "Le comte de Monte-Cristo" dont je n'avais jamais réussi jusqu'ici à trouver une adaptation qui épouse pleinement toute l'écrasante démesure. Mais le personnage du père Dinis autour de qui se nouent toutes les ramifications du récit de "Mystères de Lisbonne" avec ses multiples identités, ses déguisements et son omniscience (connaissance des langues incluse) qui lui permet d'être le porte-parole d'un Dieu justicier a convoqué chez moi l'ombre de l'abbé Busoni, l'un des multiples masques d'Edmond Dantès. Autour de lui, s'entrecroisent des ascensions sociales tout aussi vertigineuses que celles de Mercédès ou Fernand Mondego avec le personnage (à tiroirs lui aussi) de Alberto de Magalhaes dont il a en quelque sorte "acheté l'âme" alors que d'autres, comme le marquis de Montezelos ou le comte de Santa-Barbara connaîtront "la vengeance de dieu" et chuteront impitoyablement. Et au milieu de toutes ces identités changeantes au gré du "tourbillon de la vie" (et de l'Histoire en arrière-plan, des opportunités d'enrichissement des Amériques à la Révolution française et aux conquêtes napoléoniennes), Pedro, l'autre personnage clé de l'histoire, fils adoptif officieux du père Dinis en représente le reflet inversé. Son reflet car il est un enfant illégitime comme lui, privé comme lui "de père, de mère et de patrie", condamné à l'errance, au déracinement, à l'exil mais lui est amené à disparaître dans le gouffre du néant tandis que son tuteur occupe au contraire une position surplombant l'humanité. Tous deux se rejoignent cependant dans la répartition des rôles littéraires. Pedro le narrateur couche sur le papier les réminiscences de son histoire alors que Dinis le créateur met en garde les personnages de leur funeste destin à venir sans qu'ils ne tiennent compte pour autant de ses conseils (évidemment s'ils en tenaient compte, adieu le romanesque et le mélodrame flamboyant!)

De l'autre, ce qui fascine dans "Mystères de Lisbonne" c'est l'architecture qui soutient cet énorme édifice. Je l'ai comparée à un labyrinthe parce que je l'ai associée spontanément à l'écrivain argentin Jorge Luis Borges (Raoul Ruiz est d'origine chilienne) mais il s'agit davantage d'un récit arborescent de type proustien (Raoul Ruiz a adapté "Le Temps retrouvé") (1999). Raoul RUIZ utilise beaucoup le récit emboîté à la manière des poupées russes et établit des correspondances entre les différentes nappes temporelles de ses récits (d'une tout autre façon que dans "Inception" ^^) (2009). Autre référence à laquelle on pense, "Fanny et Alexandre" (1982). Parce qu'il s'agit d'une oeuvre-fleuve avec une version cinéma (de 3h pour Ingmar BERGMAN et 4h30 pour Raoul RUIZ) et une version télévisée sous forme de mini-série (quatre épisodes chez Ingmar BERGMAN totalisant cinq heures et six épisodes chez Raoul RUIZ totalisant une durée similaire). Et parce qu'un petit théâtre de papier accompagne aussi bien Alexandre que Pedro dans leurs aventures respectives, faisant le pont entre le réel et l'imaginaire en mettant en abyme le monde du spectacle. Dans un tout autre genre, ce théâtre de papier qui lie souvent les séquences entre elles en montrant les personnages sous forme de petites figurines animées de façon sommaire fait penser aux transitions dans les films des Monty Python tout comme certains détails surréalistes (un serviteur qui marche comme les chevaliers de "Monty Python : Sacré Graal !" (1974), les noix de coco en moins).


"Mystères de Lisbonne" dont la construction très rigoureuse fait qu'on ne se perd jamais dans la multiplicité des récits est ainsi ponctué de ces passages récurrents: le théâtre de papier, les serviteurs qui écoutent aux portes (et symbolisent la place du spectateur), le perroquet ironiquement mis sur le même plan que les personnages, le rot et le "passe par le jardin" qui trahit l'identité d'un personnage que l'on reconnaît sous un déguisement qui sinon serait "presque parfait" (ce qui procure au spectateur un plaisir incommensurable), bref la dimension ludique du récit (qui se joue à deux) n'est jamais oubliée sans que cela n'altère le moins du monde l'émotion que seules les grandes oeuvres peuvent procurer.

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Jacquou le Croquant

Publié le par Rosalie210

Stellio Lorenzi (1969)

Jacquou le Croquant

En avril 1961, Stellio LORENZI déclarait dans Les Cahiers du cinéma sa foi dans l'outil télévisuel comme moyen de faire accéder le plus grand nombre à la culture et comme moyen d'expression "peut-être encore plus apte que le cinéma à scruter le comportement humain". Cette vision noble de la télévision qui s'est depuis quasi totalement perdue était d'autant plus remarquable que contrairement au cinéma, il ne fallait en attendre aucune reconnaissance. L'oeuvre profondément humaniste de Stellio LORENZI qui contribua à façonner l'ORTF* était celle d'un humble artisan et d'un homme engagé contre les injustices et l'arbitraire. Son appartenance au parti communiste lui valut d'ailleurs des ennuis avec l'Etat qui menaça de le licencier au début des années 50 dans un contexte de "maccarthysme à la française" puis supprima son émission historique "la caméra explore le temps" au milieu des années 60, inquiète de l'influence croissance de la télévision sur l'opinion publique. Il n'est guère surprenant que sa dernière réalisation ait été consacrée à Emile Zola, fils d'immigré italien comme lui et homme engagé comme lui.

Il était donc logique que Stellio LORENZI rencontre un jour le livre régionaliste de Eugène Le Roy, écrivain de la fin du XIX° siècle lui aussi engagé en tant que républicain, franc-maçon et anticlérical (d'où des ennuis avec les pouvoirs en place avant la III° République) roman qui préfigurait de nouveaux courants historiographiques s'intéressant aux petites gens comme acteurs de l'histoire plutôt qu'aux grands de ce monde. Jacques Féral dit "Jacquou le Croquant" s'appelle ainsi en référence aux jacqueries, ces révoltes paysannes dirigées contre les seigneurs qui scandèrent l'histoire de France du Moyen-Age à la première moitié du XIX° siècle avant que les structures économiques et sociales ne changent profondément sous l'effet de la seconde révolution industrielle durant le Second Empire. "Jacquou le Croquant" qui se déroule durant la Restauration de 1819 à 1830 démontre de façon éclatante ce qu'est un mouvement politique réactionnaire. Les nobles émigrés sous la Révolution retrouvèrent leurs privilèges seigneuriaux ce qui leur permit d'opprimer plus que jamais un petit peuple déjà éreinté par les guerres révolutionnaires et napoléoniennes et "d'épurer" les élites de ceux qui avaient sympathisés avec les mouvements populaires (comme le curé Bonal). Cette situation conjuguée au souvenir des droits acquis à partir de 1789 était intenable et l'on comprend mieux les raisons de la chute de Charles X qui voulait effacer toute trace du passé révolutionnaire (accusation récurrente dans la série qui fait écho au contexte de sa réalisation avec en toile de fond l'hystérie anti-rouge). Par-delà le contexte historique, la description âpre et vériste du quotidien d'une famille de métayers périgourdins qui tente de garder sa dignité sous le joug du tyran local qui les persécute rapproche la situation du paysan dominé par le seigneur de celle de l'esclave, victime du même système de prédation et d'exploitation à base de racket des biens et de culture du viol mené en toute impunité en dépit de la mise en place d'un Etat de droit tant que celui-ci n'est pas suffisamment défendu. Ajoutons qu'il se dégage beaucoup d'authenticité de cette reconstitution du monde paysan d'autrefois et que la distribution est au diapason.
 

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Hit and Miss

Publié le par Rosalie210

Paul Abbott (2012)

Hit and Miss

"Hit and Miss" est une mini-série de six épisodes de 45 minutes créée en 2012 par Paul Abbott avec Chloë Sevigny, (une adepte des rôles sulfureux) dans le rôle principal qui a été diffusée sur Canal + en 2013. Elle ne comporte qu'une seule saison bien que la première se termine sur un cliffhanger. C'est bien dommage car la série ne manque pas d'intérêt, notamment par les portraits de marginaux mis en scène.

Qui est Mia? Ce qui est sûr c'est que tout ce qui la concerne est fait de morceaux mal ajustés.

Son corps tout d'abord. Une scène montre le petit ami de Mia (très perturbé dans sa propre identité dès qu'il découvre celle de Mia) assemblant deux magazines, l'un avec un buste de femme et l'autre avec un entrejambe masculin. Quoi de mieux pour résumer la difficulté de vivre avec un corps transsexuel encore en chantier?

Les scènes où Mia se regarde dans un miroir sont révélatrices et toujours extrêmes que se soit pour sublimer son reflet ou pour le flageller ou lui cracher dessus.

Son histoire est à l'image de son corps: duale. Dans sa jeunesse et pour l'état civil, Mia est Ryan, le fils cadet d'une famille de forains qui l'ont rejetée quand Ryan a entamé sa transformation. Pour tous les autres, elle est Mia, personnage qui n'a aucune existence légale. 

Enfin il y a sa double vie ou plutôt sa vie coupée en deux. D'un côté, Mia est une tueuse à gages solitaire, sorte d'oiseau de nuit guettant sa proie avant de l'abattre froidement. Pratiquant cette activité à Manchester, elle navigue entre le café de son patron et son nid, un loft à l'état de hangar où elle dissimule la plus grande partie de son matériel.

De l'autre, Mia est le chef d'une famille recomposée de quatre enfants issus de trois pères différents et dont la mère est morte d'un cancer. Ils vivent dans une ferme isolée dans les environs de Manchester.

Cette famille est elle-même une sorte de patchwork rapiécé. Les deux aînés, Levi et Riley sans doute issus du même lit, sont des adolescents rebelles et un peu paumés. Ryan qui a 11 ans n'est autre que le fils biologique de Mia comme le souligne son prénom. Plusieurs scènes montrent qu'il est très perturbé par la mort de sa mère et par l'identité de son père. La plus jeune, Léonie s'est réfugiée dans un monde parallèle où sa mère est encore vivante.

En dépit de tous ses efforts, Mia ne parvient pas à cloisonner ses vies de façon étanche ce qui occasionne des drames. Riley tue son agresseur avec l'arme de Mia, Eddie, le patron de Mia, s'immisce dans la famille et prend Levi à son service sans que celui-ci ne se doute de la nature réelle de ses activités. La scène de fin pousse le drame de l'interpénétration des vies de Mia à son paroxysme.

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Le Jeu de la dame (The Queen's Gambit)

Publié le par Rosalie210

Allan Scott, Scott Frank (2020)

Le Jeu de la dame (The Queen's Gambit)

"Le Jeu de la dame" est une mini-série de 7 épisodes adaptée d'un roman de Walter Travis qui est arrivée sur Netflix à l'automne 2020 en catimini. On devine assez facilement pourquoi: un sujet (les échecs) a priori peu porteur, une héroïne atypique qui fait jeu égal avec les hommes, se moque du regard des autres et des attentes sociales et dont la principale qualité, l'intelligence n'est pas ce qui ressort le plus souvent dans la représentation du sexe féminin, la reconstitution d'une époque (années 50-60) qui donne un cachet vintage à la série pas forcément en phase avec le jeune public, principaux utilisateurs de la plateforme... c'est pourtant le bouche à oreille qui l'a propulsée sur le devant de la scène et en a fait la mini-série la plus populaire de Netflix, un succès international, n°1 dans 63 pays, preuve qu'une histoire originale, atypique peut avoir des résonances universelles.

D'abord "The Queen's Gambit" (titre en VO) se rattache au roman d'apprentissage. C'est une success story, l'histoire de l'ascension fulgurante d'une jeune prodige des échecs dont on suit le parcours via tous les passages obligés de ce type d'histoire (championne régionale puis nationale puis internationale et finalement n°1 mondial). Mais n'y a-t-il pas un paradoxe dans le fait de raconter une telle histoire avec un jeu qui s'appelle "échecs"? Car le parcours de Beth est semé d'embûches et hanté par l'échec, justement.

Cette success story se combine en effet avec un parcours de résilience. Beth est une survivante au sens propre: elle a survécu à l'accident d'automobile qui a emporté sa mère. Et au sens figuré: son véritable adversaire, ce ne sont pas les hommes qu'elle affronte aux échecs, non. Car dans ce domaine qu'elle maîtrise à la perfection et investit d'une manière obsessionnelle, elle est avec eux sur un pied d'égalité. En revanche, sortie de ce pré carré, elle se retrouve à chaque instant renvoyée à sa marginalité dans une société patriarcale qui lui est profondément hostile. Beth grandit dans la perte (de sa mère biologique puis de sa mère adoptive) et l'abandon (ses pères successifs la rejettent). Elle observe en restant à l'écart les adolescents flirter, ses camarades de lycée se marier, avoir des enfants dans la plus pure tradition de l'American way of life. Son atypie la condamne à la solitude, solitude qu'elle remplit avec des addictions. Son passage à l'orphelinat a été de ce point de vue édifiant car elle y a appris clandestinement les échecs grâce au gardien, un homme aussi taciturne qu'elle mais aussi l'addiction aux calmants administrés aux enfants pour les rendre dociles au point de ne plus arriver à dissocier l'un de l'autre, en croyant qu'elle ne peut réussir que par l'ingestion des "pilules magiques". C'est pourquoi son ascension vers les sommets est aussitôt entravée par une spirale autodestructrice qui l'entraîne vers l'abîme faite d'ingestion de drogues et d'alcools en quantité phénoménales.

Ce qui donne beaucoup de crédibilité à cette série, c'est le travail absolument époustouflant accompli sur la reconstitution historique ainsi que l'interprétation. Les costumes et les décors sont splendides, incroyablement détaillés et reflètent parfaitement les motifs géométriques obsessionnels qui hantent l'héroïne (des carrés, des diagonales...) Quant à Anya TAYLOR-JOY, elle est tout simplement parfaite pour le rôle. Déjà dans "Split" (2016) puis "Glass" (2018) de M. Night SHYAMALAN, elle interprétait avec beaucoup de magnétisme une adolescente sociopathe victime de traumatismes d'enfance et qui de ce fait, avait des capacités hors-normes (notamment celle de pouvoir ramener à la raison un dangereux psychopathe). C'est exactement la même chose dans "Le Jeu de la Dame". Son visage presque figé semblable à celui d'une poupée de cire (elle est surnommée d'ailleurs "face de craie" à l'orphelinat) fait ressortir un regard concentré et perçant qui électrise les parties d'échecs, superbement chorégraphiées pour que le spectateur néophyte ne s'ennuie pas tout en satisfaisant les connaisseurs.

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Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander)

Publié le par Rosalie210

Ingmar Bergman (1982)

Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander)

"Fanny et Alexandre" fut le premier grand choc cinématographique de ma vie. Gloire à Ingmar Bergman d'avoir réalisé une version pour la télévision car c'est elle que j'ai vue étant donné qu'à l'époque, j'avais l'âge de Fanny et d'Alexandre et je n'aurais eu aucune chance de découvrir le film au cinéma. C'est d'ailleurs cette version longue que j'ai tenu à revoir pour écrire mon avis. Bien que je possède le coffret contenant également la version courte, je pense que "Fanny et Alexandre" doit être vu dans son intégralité. Et comme il s'agit d'un chef d'oeuvre prenant, haletant et ce à tout âge, les presque six heures passent à la vitesse de l'éclair.

Les émotions de l'enfant que j'étais alors ne m'ont jamais quitté. Je me souviens de l'émerveillement que j'ai ressenti devant la magnificence du repas de noël de la famille Ekdahl puis du contraste violent avec le dépouillement de la chambre du presbytère dans laquelle les enfants étaient enfermés comme dans une prison. Par dessus tout, je me souviens de l'horreur que m'a inspiré le père fouettard Vergerus. Plus encore que la résistance d'Alexandre à l'emprise de l'ignoble pasteur, ce sont les yeux perçants de Fanny qui m'ont marqué lors du châtiment reçu par son frère et son visage qui se détourne lorsque la main de Vergerus veut la toucher. Lorsque bien plus tard j'ai commencé à lire les livres d'Alice Miller ("C'est pour ton bien", "L'enfant sous terreur" etc.) ce sont les images du père Vergerus abusant de son autorité pour martyriser Alexandre qui m'ont accompagnée. Par la suite mon moment préféré est devenu le formidable numéro d'illusionnisme hautement jouissif par lequel Isak Jacobi investit la demeure du sinistre pasteur pour subtiliser les enfants. En revoyant le film adulte, j'ai continué de vibrer aux mêmes passages tout en appréciant les aspects que je ne pouvais comprendre alors tels que les rapports de classe ou les rapports de couple.

"Fanny et Alexandre" est en effet une fresque grandiose, riche et d'une grande beauté visuelle mettant en vedette une grande famille de la bourgeoisie de Stockholm au début du XX° siècle écartelée entre Eros et Thanatos avec une puissance rarement égalée dans l'histoire du cinéma. Il faut dire que ce combat traversait toute l'oeuvre de Ingmar Bergman et que le film a une valeur autobiographique et testamentaire certaine (comme son livre "Lanterna Magica"). Testamentaire mais joyeuse car c'est le tourbillon de la vie qui l'emporte. Bien que conforme aux codes de son temps et de son milieu (on pense tantôt aux salons Napoléon III, tantôt à du Maupassant), la famille Ekdahl s'en démarque sur plusieurs points. Ce qui frappe d'emblée, c'est sa générosité débordante perceptible à travers des décors somptueux, foisonnants (comme le film) mais aussi à travers des caractères truculents comme celui du priapique Gustav-Adolf et de son insatiable appétit sexuel envers des femmes aux formes elles-mêmes généreuses. Son frère aîné Oscar, frappé à l'inverse d'impuissance déverse le trop-plein dans sa passion pour le théâtre qu'il dirige, offrant à sa famille et aux public le spectacle d'une féérie perpétuelle*. Même le troisième frère, l'aigri Carl aux propos d'une épouvantable cruauté envers son épouse germanique (certes agaçante) qui m'ont rappelé ceux que j'ai entendu chez Haneke peut improviser des tours de magie inventifs (pour souffler les bougies par exemple). Mais la générosité de la famille se remarque aussi dans l'importance qu'y prennent des éléments exogènes tels que lsak Jacobi l'usurier juif et Maj la bonne. "L'oncle Isak", le grand amour d'Héléna, la grand-mère et matriarche de la famille qui en raison de la religion n'a pu former avec elle qu'une union clandestine vit pourtant dans un monde qui à échelle réduite ressemble à celui des Ekdahl avec ses dominantes rouges (sans doute en référence aux rideaux de théâtre), son encombrement baroque, ses marionnettes et son ambiance surnaturelle (comme chez les Ekdahl, Alexandre y voit des fantômes et même une momie s'animer). Il est l'allié décisif face au redoutable ennemi qu'est Vergerus. Quant à Maj, la petite bonne boîteuse qui sert de substitut maternel aux enfants, elle est engrossée par Gustav-Adolf dans la plus pure tradition des "amours" ancillaires du XIX° mais bénéficiant comme ses consoeurs d'une considération supérieure aux bonnes de ce temps (la scène inaugurale où elles mangent à la même table que les maîtres a valeur de symbole), elle finit par réussir à s'émanciper avec la fille aînée de Gustav Adolf et leur départ semble se faire sur un pied d'égalité.

* Le format télévisuel épouse le style théâtral avec un prologue, des actes et un épilogue qui se substituent aux épisodes.

 

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Histoires d'amour et d'autisme (Love on the Spectrum)

Publié le par Rosalie210

Cian O'Cléry (2019)

Histoires d'amour et d'autisme (Love on the Spectrum)

Entre documentaire sur les infinies variations de l'autisme et émission de télé-réalité de dating façon "L'Amour est dans le pré", "Love on the Spectrum" qui se décline pour l'instant en une saison de cinq épisodes est une série australienne qui vient de faire son apparition sur Netflix. Elle ne manque pas totalement d'intérêt mais elle est bancale. Si l'on exclue les considérations mercantiles, l'idée de départ est plutôt bonne puisqu'elle consiste à aider les autistes à trouver l'âme soeur tout en faisant mieux connaître ce trouble auprès des neurotypiques (les non autistes soit l'immense majorité des spectateurs). De fait les portraits des candidats sont tous intéressants et permettent de mieux comprendre la diversité des troubles du spectre autistique (TSA), un handicap encore très mal connu en France. L'autisme se décline en effet sur un spectre, des formes les plus "légères" aux formes les plus sévères. Ce sont les personnes dont les troubles sont les moins accusés qui sont mises le plus souvent en avant dans les médias car elles peuvent parler et "jouer le jeu" social, du moins en surface, j'y reviendrai. L'autre intérêt de la série est de montrer le rôle positif que jouent les thérapies comportementales dans l'intégration des personnes autistes. En effet le coaching propre aux émissions de télé-réalité est utile dans le sens où il permet aux autistes de décrypter le langage non-verbal qu'ils n'ont pas acquis naturellement et qui est important dans la relation amoureuse et à l'inverse d'adopter un comportement approprié dans cette situation.

Néanmoins tout cela reste en surface. L'adaptation comportementale est insuffisante à ouvrir aux autistes le champ des rencontres amoureuses. On remarque qu'à la fin de la série, aucun des candidats n'a réussi à établir une relation avec les partenaires qui leur ont été présentés. Cet échec est camouflé par le portrait de deux couples autistes déjà constitués (qui n'ont pas eu besoin de l'émission donc). En effet le problème est plus profond car les autistes ont non seulement du mal à capter les signaux d'intérêt qu'une autre personne peut leur envoyer et à adopter un comportement approprié mais beaucoup n'arrivent pas non plus à savoir ce qu'ils ressentent vis à vis d'elle, du moins à court terme. La série "Atypical" également diffusée sur Netflix décrit très bien la difficulté à régler le curseur émotionnel qui est soit sur "off" (aucune émotion n'est ressentie) soit sur "100%" (la personne est au contraire submergée par l'émotion). Le coaching ne peut rien face à cette difficulté à accéder à ses émotions et ne parlons pas du speed dating qui est l'inverse de ce qu'un autiste a besoin (du temps). J'ajoute que la série a un autre gros défaut, elle présuppose que les autistes ne peuvent s'entendre qu'avec d'autres autistes puisque les rencontres se déroulent exclusivement entre personnes ayant des TSA. Ce communautarisme est démenti par la réalité. Il existe de nombreux cas de couples mixtes mais surtout cela occulte le fait que l'immense majorité des autistes, y compris légers, faute de prise en charge reste célibataire à vie.

 

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Top of the Lake: China Girl

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2017)

Top of the Lake: China Girl

Quatre ans après la première saison de "Top of the Lake" (2013), Jane CAMPION scénarise et réalise une suite tout aussi prenante mais néanmoins bien plus inégale (les avis ont d'ailleurs été mitigés lors de la première diffusion). C'est en partie lié au choix de situer l'intrigue à Sydney alors que les œuvres les plus puissantes de Jane CAMPION sont en relation étroite avec la nature sauvage (ce qui est le cas de la première saison de "Top of the Lake"). Le choix d'un environnement urbain n'est pas follement original pour un thriller et on ressent moins la claustrophobie propre à la première saison, sauf lors d'une séquence mémorable dans une plage bondée lors du dernier épisode. L'autre reproche que l'on peut faire à cette deuxième saison est son aspect "too much". Trop de pistes, trop de personnages, trop de rebondissements et de coïncidences rocambolesques finissent par nuire à la lisibilité et la cohérence de l'ensemble. Comme il faut recréer une unité de lieu pour que l'intrigue fonctionne, Sydney étant une trop grande ville, tous les personnages sont condamnés à graviter autour du Silk 41, une maison close employant des jeunes filles asiatiques qui fait aussi office d'agence de location de ventres pour couples inféconds. Comme par hasard, la coéquipière de Robin Griffith a fait appel à une mère porteuse dans cette agence, comme par hasard le cadavre sur lequel Robin enquête est celui d'une jeune femme qui travaillait dans cette agence, comme par hasard sa fille Mary sort avec un type louche qui vit juste au-dessus de l'agence et veut l'y faire travailler. Bref les ficelles sont très grosses et ce n'est pas la prise d'otages du dernier épisode par un geek énervé (où? Au Silk 41 bien sûr, chacun sait que le tout Sydney fréquente les pseudos salons de massages thaï ^^) qui arrange les choses. Si on rajoute qu'à une exception près tous les personnages masculins sont particulièrement négatifs et que les femmes ont en gros le choix soit d'être bafouées (il faut voir le nombre d'agressions physiques que subit Robin Griffith dans cette saison!) soit de rejeter les hommes (ce que fait le personnage interprété par Nicole KIDMAN que je trouve complètement raté tant il est caricatural tant sur le plan du féminisme que de la maternité d'ailleurs), on ne peut pas dire que cette saison brille par sa subtilité. Reste un excellent casting et quelques personnages vraiment attachants. Robin bien sûr dont la relation avec sa fille Mary (remarquablement jouée par la propre fille de Jane CAMPION, Alice ENGLERT) constitue l'intérêt majeur de cette saison. Mais aussi Pyke (Ewen LESLIE) le père adoptif de Mary, personnage masculin en rupture complète avec les brutes épaisses, les psychopathes ou les pervers narcissiques dépeints par ailleurs. Enfin la coéquipière de Robin, Miranda (Gwendoline CHRISTIE) est également un personnage intéressant par sa personnalité et son physique hors normes. Hélas il n'est pas assez creusé et sa fin est bâclée.

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Top of the Lake

Publié le par Rosalie210

Jane Campion (2013)

Top of the Lake

"Top of the lake" est une mini-série réalisée par Jane CAMPION d'une grande richesse thématique et formelle. Construit sur des dichotomies telles que le ciel et l'enfer, la nature et la culture ou encore les hommes et les femmes, l'histoire brouille cependant les pistes et joue beaucoup sur les apparences trompeuses. En dépit de son décor naturel majestueux, le site de Lake Top est un cul-de-sac, un lieu clos dans lequel on étouffe. Nombre de maisons abritent d'hideux secrets dans leurs sous-sols (du genre de celui de l'affaire Fritzl qui avait inspiré le roman "Claustria" à Régis Jauffret). Le patriarcat y règne en maître ainsi que la culture du viol dont les femmes et les enfants sont les principales victimes. "Top of the lake" a d'ailleurs été comparé à "Le Ruban blanc (2009) qui montre comment à l'intérieur d'une communauté la violence se transmet de génération en génération en écrasant les plus faibles.

Cependant, si tout le monde est trempé jusqu'au cou dans la violence machiste (le langage des femmes comme celui des hommes est celui des armes et fait des dégâts irréparables) "Top of the lake" raconte comment celles-ci réussissent à réinvestir le champ occupé par les hommes avec la nature pour alliée. De manière très symbolique, l'une des premières scènes de la mini-série voit l'un des caïds du bled, Matt Mitcham (Peter MULLAN) tenter sans succès de chasser le groupe de femmes qui s'est installé sur son ancienne propriété ironiquement appelée "Paradise". Plus tard il tentera par la ruse puis la force de leur reprendre ce qu'il considère comme son bien. De façon tout à fait symbolique, ces femmes d'âge mûr rejetées par les hommes (selon un schéma tout à fait classique) se sont regroupées autour de GJ, une sorte de gourou new-âge aux réparties cinglantes, interprétée par une Holly HUNTER qui s'est fait la tête de Jane CAMPION! Mais le combat entre hommes machistes et leurs victimes prend des formes multiples. Comme dans "Le Silence des agneaux" (1991) de Jonathan DEMME, Robin, une femme-flic déterminée mais vulnérable (Elisabeth MOSS) doit composer avec une hiérarchie masculine plus que trouble à son égard et descendre au plus profond de ses traumatismes passés pour parvenir à résoudre l'énigme de la disparition d'une fillette enceinte à laquelle elle s'identifie profondément. La manière désinvolte dont est traité le dossier de Tui (qui en plus d'être une fille très jeune est par sa mère d'origine thaïlandaise) est tout à fait édifiante, de même que les méthodes brutales du supérieur de Robin, Al Parker (David WENHAM) pour faire parler les jeunes délinquants qu'il arrête. Sans parler de la façon dont il les exploite sous couvert de les réinsérer. Derrière son apparence respectable et ses manières protectrices, il pourrait s'avérer être un prédateur bien plus redoutable que le parrain de la drogue Matt Mitcham.

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