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Articles avec #miyazaki (hayao) tag

Arrietty, le petit monde des chapardeurs (Kari-gurashi no Arietti)

Publié le par Rosalie210

Hiromasa Yonebayashi (2010)

Arrietty, le petit monde des chapardeurs (Kari-gurashi no Arietti)

Très belle découverte que ce film d'animation du studio Ghibli réalisé en 2010 par Hiromasa YONEBAYASHI. Certes, l'influence de Hayao MIYAZAKI (qui a écrit le scénario d'après les livres de la britannique Mary Norton consacrés "au petit monde des borrowers") se fait sentir. On pense surtout à "Mon voisin Totoro" (1988) pour le caractère intimiste, l'enfant malade et la représentation (splendide) de la nature dans et hors de la vieille maison (les chapardeurs font penser aux noiraudes) ainsi qu'à "Kiki la petite sorcière" (1989) au travers d'une adolescente venue d'un autre monde en quête d'émancipation. On peut aussi citer "Princesse Mononoké" (1997) pour la belle relation qui se tisse entre deux personnages (une liliputienne assimilée au monde sauvage et un jeune humain malade du coeur) qui cependant restent condamnés à demeurer de part et d'autre d'une barrière infranchissable. Mais le film a aussi sa petite musique bien à lui, bien plus modeste que les grands opus de Miyazaki certes mais avec sa sensibilité propre. On a par exemple le temps d'apprécier la finesse de la caractérisation des personnages. Ainsi on découvre que l'attitude intransigeante du père d'Arrietty vis à vis des humains (ne pas être vu, sinon fuir immédiatement) n'est pas un réflexe de repli mais de survie et que l'attitude d'un Sho amical ne change rien au danger que les humains font courir à leur espèce en voie de disparition. Ainsi la maison de poupée construite à leur intention peut faire penser à une cage dorée, c'est pourquoi elle reste inoccupée. Quant à Haru, la gouvernante qui cherche à capturer les chapardeurs, elle est assez emblématique des gens qui veulent éradiquer ce qui leur échappe. Ce sens de la nuance ce retrouve dans l'esthétique: l'ode à la nature adopte des couleurs chatoyantes et une picturalité impressionniste qui n'est pas sans rappeler les tableaux de Claude Monet. L'écologie s'y manifeste autant par le plaidoyer envers la cohabitation respectueuse de différentes espèces que par le mode de vie des chapardeurs qui recyclent les objets perdus et se contentent de peu. S'y ajoute un travail minutieux sur le rapport d'échelle et la perception que des êtres miniatures peuvent avoir d'un monde gigantesque. Un rapport qui fait penser à "Alice au pays des merveilles", oeuvre fétiche d'un certain... Hayao MIYAZAKI.

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Boro la petite chenille (Kemushi no boro)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (2018)

Boro la petite chenille (Kemushi no boro)

En 2013, Hayao MIYAZAKI annonçait qu'il arrêtait la réalisation de longs-métrages après "Le vent se lève (2013), avant de faire volte-face comme il l'avait déjà fait après "Princesse Mononoké (1997)" qui devait déjà être son ultime film. En attendant son prochain long-métrage attendu pour 2020, il a réalisé ce merveilleux petit film de 14 minutes pour le musée Ghibli. Celui-ci y a été projeté en exclusivité du 21 mars au 14 août 2018.

Dans son roman de science-fiction "L'homme qui rétrécit", Richard Matheson nous offre une très belle description de la nature du point de vue de l'infiniment petit. C'est également le tour de force de ce court-métrage : donner corps au monde vu par les yeux d'une chenille minuscule. Une prouesse visuelle mais aussi auditive car il n'y a pas de dialogues, juste des onomatopées. Hayao MIYAZAKI créé des images merveilleuses (les molécules d'eau et de lumière) ou surprenantes (des insectes aussi gros que des bulldozers). Comme dans tous ses films, il allie le plus trivial (les déjections des chenilles donnent lieu à des gags étonnants et sont même reproduites en peluche au premier étage du musée) au plus existentiel (Boro ne cherche pas seulement à survivre mais à trouver sa place dans l'univers).

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Le Vent se lève (Kaze tachinu)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (2013)

Le Vent se lève (Kaze tachinu)

"Les avions sont des rêves magnifiques et maudits à la fois". Tout est dit dans cette citation de la profonde ambivalence qui habite Miyazaki, pacifiste convaincu et néanmoins passionné d'aviation y compris militaire. Ambivalence à la fois terrible et précieuse. Elle nous a donné ces œuvres si belles et si nuancées que sont "Nausicaa de la vallée du vent", "Le château dans le ciel", "Princesse Mononoké" et bien sûr "Le Vent se lève" qui aurait tout aussi bien pu s'intituler "Guerre et amour" ou encore "Menace et élan" selon le sens (mort ou vie) dans lequel souffle le vent. Le titre s'inspire d'une citation de Paul Valéry extraite du cimetière marin qui porte en elle cette ambivalence "Le vent se lève, il faut tenter de vivre".

"Le Vent se lève", oeuvre testamentaire (même si depuis Miyazaki est revenu sur sa décision: une contradiction de plus!) est aussi sans nul doute l'une de ses œuvres les plus personnelles. Comment ne pas le reconnaître à travers le destin de Jiro qui comme lui a dû renoncer à son rêve de devenir pilote en raison de sa mauvaise vue? D'autre part le père de Hayao Miyazaki dirigeait une entreprise au service de l'armée impériale et sa mère était tuberculeuse (comme le raconte "Mon voisin Totoro.") Or Miyazaki fusionne dans "La Vent se lève" deux destins, celui de Jiro Horikoshi, inventeur du chasseur Mitsubishi A6M Zero, fleuron de l'armée nippone durant la guerre et celui de Tatsuho Hori qui dans son autobiographie a décrit sa relation avec son épouse malade de la tuberculose. Dans le film, le sacrifice du grand amour de Jiro est le prix à payer pour son génie créateur et destructeur à la fois. On pense plus d'une fois à "Porco Rosso", tant les points communs entre les deux films sautent au yeux: le modèle de Jiro est un concepteur d'avions italien, Giovanni Caproni, la fiancée joue un rôle rédempteur et Miyazaki avait représenté Jiro dans un court manga doté d'une tête de cochon (de fasciste) comme son Marco Pago!

"Le Vent se lève" est nettement moins familial que les autres films de Miyazaki car beaucoup plus réaliste. Le film est en effet ancré dans des événements historiques précis: le tremblement de terre du Kanto en 1923, la crise de 1929, la montée des totalitarismes, la seconde guerre mondiale. Les séquences oniriques soulignent à quel point il est facile de dévoyer les intentions les plus pures pour les mettre au service des pires desseins.

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Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1984)

Nausicaa de la vallée du vent (Kaze no Tani no Naushika)

"Nausicaa de la vallée du vent" est le deuxième long-métrage de Miyazaki mais c'est sa première œuvre totalement personnelle. C'est aussi sa première collaboration avec Joe Hisaishi (alors peu connu). Pour obtenir le financement nécessaire à sa réalisation, il dû créer une version manga qui rencontra un important succès. Le film est basé sur les deux premiers tomes de ce manga dont la publication s'étala sur 12 ans. Quant au succès du film, il lui permis de fonder les studios Ghibli.

Nausicaa est une œuvre-clé magnifique, d'une brûlante actualité, qui contient tous les thèmes et obsessions de son auteur. Il s'agit également d'une œuvre universelle qui s'inspire aussi bien de la culture occidentale qu'orientale. Ainsi le prénom de l'héroïne est une référence à la princesse phéacienne qui recueillit Ulysse dans "l'Odyssée" d'Homère en dépit de son aspect repoussant mais son caractère s'inspire aussi d'un conte japonais du XII° siècle intitulé "La princesse qui aimait les insectes" (plutôt que les apparences). On discerne également l'influence de l'un des plus grands auteurs de BD français, Jean Giraud alias Moebius. Miyazaki connaissait "Arzach" et aussi le film d'animation de René Laloux "Les Maîtres du temps" dont Moebius avait co-signé le scénario et conçu l'univers visuel. En retour, Moebius qui a découvert par hasard le film de Miyazaki en 1986 a prénommé sa fille Nausicaa.

On a tendance à réduire le film à un récit de science-fiction écologique. Mais il s'agit surtout d'une grande œuvre philosophique et spirituelle. L'héroïne est un personnage messianique, une sorte d'ange de la paix qui du haut de son planeur survole la terre ravagée par les conflits entre l'homme et la nature et entre les communautés humaines avec l'objectif de ramener la paix et l'harmonie sur terre. Ce rôle de messagère et de médiatrice préfigure Ashitaka le héros de "Princesse Mononoké" (les deux films sont en effet très proches.) De plus Nausicaa est un personnage christique prêt à se sacrifier pour sauver tous les êtres vivants. Car Nausicaa contrairement aux autres personnages ne fait aucune différence entre les formes de vie. Sa compassion est universelle. Elle touche aussi bien les ennemis de son peuple que les insectes géants qui peuplent la forêt toxique dont l'extension menace d'empoisonner les humains survivants (la manière dont elle leur tend la main et communique avec eux fait penser aux "Rencontres du troisième type" de Spielberg ou l'Alien est perçu comme un frère). Plutôt que de chercher à détruire la forêt, elle tente de comprendre son fonctionnement. Et découvre qu'au contraire, elle absorbe le poison que les hommes ont répandu dans le sol, l'eau et l'air 1000 ans auparavant quand ils ont détruit la planète (une métaphore de l'apocalypse nucléaire capable de polluer l'environnement sur des centaines de milliers d'années). Miyazaki enfonce un peu plus le clou de l'homme stupide et aveugle, incapable d'apprendre de ses erreurs et qui (se) détruit faute de (s') accepter tel qu'il est.


"Nausicaa de la vallée du vent" est donc un récit qui nous élève à tous les sens que peut recouvrir ce terme.

 

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Kiki la petite sorcière (Majo no takkyūbin)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1989)

Kiki la petite sorcière (Majo no takkyūbin)

Kiki, film enchanteur et vivant comme toutes les œuvres de Miyazaki est aussi l'un des plus subversifs. Pourtant son thème principal est archi-classique. Il s'agit du passage à l'âge adulte avec ses rituels comme l'adoubement avec la remise du balai ou le voyage initiatique à la manière du grand tour d'Europe qu'effectuaient les jeunes gens de bonne famille à l'époque moderne. S'y ajoute un récit d'apprentissage, d'émancipation et d'intégration. L'aspect intemporel et universel de cette histoire est renforcé par le fait que la ville est une synthèse architecturale de nombreuses villes d'Europe voire des USA (San Francisco) et que plusieurs époques se télescopent des années 30 (le ballon dirigeable) aux années 60 (la télévision noir et blanc).

Mais là où l'histoire devient originale et profondément moderne c'est dans le renversement des rôles sexués. Miyazaki remplace en effet le héros habituel de ce genre de récit (en littérature comme au cinéma) par une héroïne. Il ne pouvait s'agir d'ailleurs que de que cette figure féministe avant l'heure qu'est la sorcière. Dans son livre "Ame de sorcière ou la magie du féminin" Odile Chabrillac écrit que la magie est aussi (et avant tout) "un parcours de vie, un chemin initiatique, que l’on peut souhaiter investiguer" et que "se réapproprier leur histoire, leurs savoirs, leurs pouvoirs, c’est autoriser chaque femme à retrouver sa puissance, en faisant d’elle une digne héritière des guérisseuses et des sages-femmes d’antan. C’est ouvrir de nouveaux possibles, dans tous les champs (politique, artistique, écologique, philosophique, humain surtout), c’est oser se revendiquer différente, puissante et néanmoins bienfaisante".

Ainsi en attribuant à une jeune fille ayant des pouvoirs des préoccupations dévolues habituellement aux garçons (trouver sa place dans le monde, se réaliser professionnellement, s'affirmer, devenir indépendante) Miyazaki en chantre du féminisme offre aux filles japonaises (mais aussi occidentales) un magnifique récit d'émancipation auxquelles elles peuvent s'identifier. Et il ne s'arrête pas là puisque les deux femmes adultes qui aident Kiki à se réaliser sont de la même trempe. Osono la figure maternelle enceinte jusqu'aux yeux qui tient la boulangerie porte la culotte face à un conjoint complètement effacé. Quant à Ursula, elle est une artiste-peintre un peu marginale qui vit seule dans la forêt. Elle symbolise une Kiki un peu plus âgée, trouvant son inspiration dans le cosmos c'est à dire exactement là où Kiki puise son pouvoir magique (l'énergie du ki qui relie l'homme à l'univers).   

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Princesse Mononoké (Mononoke Hime)

Publié le par Riosalie210

Hayao Miyazaki (1997)

Princesse Mononoké (Mononoke Hime)

Eblouissant poème visuel porté par la sublime musique de Joe Hisaishi, récit épique foisonnant où s'affrontent les hommes entre eux mais surtout les hommes et les dieux, "Princesse Mononoké" est également une réflexion philosophique de haut niveau sur la complexité des relations entre l'homme et la nature. La difficulté que rencontre aujourd'hui le développement durable à concilier le progrès économique, la justice sociale et le respect de l'environnement est parfaitement retranscrite par le clairvoyant Miyazaki.

L'histoire de "Princesse Mononoké" se déroule dans un Japon médiéval en proie à une mutation irréversible. Celle où l'homme jusque là soumis à la nature cherche à en devenir le maître. Il y a quelque chose de prométhéen dans cette problématique car la forêt dépeinte par Miyazaki est le refuge des dieux. Ceux-ci prennent la forme d'animaux géants aux capacités exceptionnelles. Comme dans "King Kong" qui bien qu'occidental a un imaginaire proche, l'assaut des hommes leur est fatal. Tout au long du film, on voit ces êtres surnaturels agoniser ou se consumer de haine, dévorés de l'intérieur par des vers géants.

Leur principal antagoniste est le village des forges qui incarne l'industrialisation et le progrès technique par lequel l'homme s'élève au-dessus de sa condition initiale au prix de l'abattage des arbres. Qui voudrait aujourd'hui vivre dans les ténèbres de l'ignorance? (cela me fait penser au film de Solveig Anspach "Haut les cœurs" où une femme enceinte atteinte d'une cancer -jouée par Karin Viard- disait haut et fort qu'elle "remerciait la science et emmerdait la nature"). De plus le village des forges incarne aussi le progrès social. Il est dirigé par une femme, Dame Eboshi qui a ouvert sa porte à tous les exclus de l'ère féodale (lépreux, vachers, prostituées) soigne les premiers et donne aux seconds de grandes responsabilités aussi bien dans la production économique que dans la défense du village.

C'est pourquoi, et c'est l'une des grandes forces du film, Miyazaki, à l'image du héros Ashitaka se refuse à choisir un camp. Il recherche le dialogue, l'équilibre, la cohabitation pacifique. Et pour cause, à l'image de San, fille de la forêt élevée par une louve mais qui est humaine, ces deux mondes en conflit sont en réalité inextricablement liés. Lorsque Dame Eboshi décapite le dieu-cerf qui est le principe d'équilibre entre la vie et la mort pour offrir l'immortalité à l'empereur, ce qui reste de l'entité divine détruit aussi bien la forêt que les constructions humaines (une image évidente de l'apocalypse). Quant à Dame Eboshi, elle paye ce geste de la perte d'une part d'elle-même puisque elle y laisse un bras. A l'inverse, les efforts de San et d'Ashitaka pour réunifier le dieu-cerf sont récompensés par la guérison du mal qui gangrenait leur corps. Mais en dépit de leur amour qui les lie, chacun vivra dans son monde sans pouvoir espérer les réunir. Et tout est à reconstruire. Si la civilisation repart de zéro, la fragilité de la renaissance de la forêt est telle qu'elle reste ambiguë: le petit Kodama est-il un rescapé ou le premier rejeton d'une ère nouvelle?

 

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Ponyo sur la falaise (Gake no ue no Ponyo)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (2008)

Ponyo sur la falaise (Gake no ue no Ponyo)

Comme Kubrick, Miyazaki n'a réalisé que des chefs-d'oeuvre au prix d'une certaine parcimonie (13 long-métrages pour Kubrick, 11 pour Miyazaki à ce jour). Aucun de ses films ne peut être qualifié de "mineur", même ceux qui comme Ponyo semblent simples et "enfantins".

Comme la plupart de ses autres films, Ponyo dépeint un univers profondément animiste où les forces de la nature malmenées par l'homme se rappellent brutalement à son souvenir avec le déclenchement d'un cataclysme. Mais Miyazaki n'est pas belliciste. C'est bien pour cela d'ailleurs que le seul personnage qui éprouve du ressentiment, Fujimoto le sorcier est désavoué. Sa "Brünnhilde", un poisson rouge quelque peu hybride tombe amoureuse d'un petit humain Sosûké qui l'a renommée "Ponyo". Après avoir léché son sang et mangé du jambon, deux actes à forte symbolique autour du thème de la pureté et de la contamination, elle choisit de se métamorphoser en petite fille pour aller vivre avec lui en s'appropriant les pouvoirs magiques de son père. Par conséquent sa chevauchée des Walkyries sur le dos des vagues-poissons relève de la joie et non de la colère. Même si l'énergie phénoménale qu'elle utilise met l'humanité et son propre avenir en jeu, sa confiance est récompensée contrairement au conte d'Andersen dont le réalisateur s'inspire, une autre marque d'hybridité typiquement miyazakienne. Il y a également la réconciliation des générations, le film mettant en scène des enfants, des parents et des vieillardes dans une maison de retraite que le tsunami (c'est à dire le contact avec les pouvoirs magiques de Fujimoto) vont régénérer. Il est enfin intéressant de souligner la manière dont Miyazaki dépeint les relations entre les sexes. Si l'on retrouve le schéma traditionnel de l'homme en mer et de la femme s'occupant du foyer en plus de son travail, Lisa casse l'image que l'on se fait d'une femme traditionnelle notamment de par sa façon de conduire très casse-cou.

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Le Château dans le ciel (Tenkū no shiro Rapyuta)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1986)

Le Château dans le ciel (Tenkū no shiro Rapyuta)

"Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entier, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins; descendus au fond inexplorable des siècles avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs sciences pures et appliquées (...) Elam, Ninive, Babylone." Ce texte de Paul Valéry écrit sur des décombres fumantes de la première guerre industrielle de l'histoire peut parfaitement s'appliquer à l'île volante de Laputa (titre du film en VO). Issue d' un passage des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, elle évoque à la fois la tour de Babel et le mythe de l'Atlantide. Elle permet à Miyazaki outre d'époustouflantes scènes aériennes et célestes de développer un discours sur l'hubris des hommes, leur désir fou d'égaler Dieu qui les aveugle et les détruit. Il montre également que cette vanité est vaine et que la nature reprend toujours ses droits. L'île de destruction massive se débarrasse de son dôme inférieur rempli d'engins de mort, libérant les racines de l'arbre géant qui en est le centre. Quant aux robots soldats (ou robots bombes) qui peuplent l'île, dès qu'ils ne sont plus contrôlés dans un but guerrier, ils deviennent des jardiniers protecteurs de la faune et de la flore ou finissent cassés et recouverts par la mousse. L'ambivalence de ces robots qui peuvent être destructeurs comme protecteurs s'inspire de la bergère et du ramoneur de Paul Grimault, première version du Roi et l'Oiseau. Sheeta est une bergère qui découvre en chemin ses origines royales. Comme dans le château de Cagliostro (et chez Grimault) elle doit être unie de force à l'héritier du roi de Laputa. Ce dernier, Muska représente les ténèbres alors que Sheeta n'est que lumière (ce que symbolise le cristal bleu qu'elle porte autour du cou et qui lui permet entre autre de léviter). Muska est un tyran dont le seul but est de s'emparer de Laputa pour dominer le monde. Mais comme le lui fait remarquer Sheeta, Laputa est déserte car déracinée de la terre, aucun homme ne peut supporter d'y vivre longtemps. Sheeta se croit donc condamnée à périr avec Muska ou de sa main. Mais le ramoneur veille, un jeune mineur au cœur pur du nom de Pazu qui a le même rôle de preux chevalier auprès d'elle que Lupin auprès de Clarisse dans le château de Cagliostro. Les scènes d'action et de contemplation s'enchaînent avec une parfaite fluidité et atout supplémentaire, le film bénéficie de la musique de Joe Hisaichi.

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On your mark (On Yua Māku)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1995)

On your mark (On Yua Māku)

Au Japon, le clip musical On Your Mark fut projeté en salles en ouverture du film Si tu tends l'oreille de Yoshifumi Kondô en 1995. Il illustre la chanson du même nom, du célèbre groupe Pop-Rock japonais Chage and Aska (Chage&Aska à l’époque du clip). Le film a permis pour la première fois à Hayao Miyazaki d’utiliser le format du clip musical, caractérisé par une durée très courte et dépourvu de dialogue, et au studio Ghibli de se familiariser avec les images de synthèse qu’il utilisera intensivement deux ans plus tard pour le film Princesse Mononoke.

Bien que d'une durée très courte, la réalisation de Miyazaki est aussi forte, originale et personnelle que dans ses longs-métrages. Ce qui ne l'empêche pas de s'abreuver de multiples références.

Une catastrophe nucléaire (manifestement inspirée de Tchernobyl) a anéanti la civilisation humaine à la surface de la terre. Ceux-ci se sont réfugiés sous terre (comme dans la Jetée ou Docteur Folamour) et ont construit des métropoles tentaculaires semblables à celles de Metropolis ou de Blade Runner. Une descente de policiers masqués dans les locaux d'une secte cagoulée (l'église sainte Nova) permet de mesurer le degré de deshumanisation atteint par cette nouvelle civilisation. On pense aux bonzes Dork de Nausicaa mais aussi à Twentieth Century boys d'Urasawa avec la secte d'Ami et le logo de l'œil sur les cagoules ("Dieu vous surveille"). Deux policiers (les membres du groupe Chage et Aska) enlèvent leurs masques lorsqu'ils découvrent une mystérieuse jeune fille ailée, évanouie et enchainée au fond d'un vide-ordure (qui représente à peu près tous ce que les hommes ont renié: la beauté, la liberté, l'innocence...). Mais ils vont être obligés de remettre des masques pour l'aider à s'évader lorsqu'elle est récupérée par des scientifiques avides de l'utiliser comme cobaye. Ils la relâchent à la surface, dans un paysage post-apocalyptique où la nature a repris ses droits (thème de Nausicaa, de Laputa...) ou bien ils meurent avec elle. Le film propose en effet deux fins. Une fin tragique et une fin heureuse. Les dénouements chez Miyazaki ne sont en effet jamais totalement heureux et après avoir vu ces deux fins, le doute subsiste sur la capacité de l'homme à retrouver la raison en même temps que ses racines.

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Le château de Cagliostro (Rupan sansei: Kariosutoro no shiro)

Publié le par Rosalie210

Hayao Miyazaki (1979)

Le château de Cagliostro (Rupan sansei: Kariosutoro no shiro)

Premier long-métrage de Miyazaki réalisé en 1979, Le château de Cagliostro est en quelque sorte l'aboutissement au cinéma d'une série animée sur laquelle il avait travaillé durant plusieurs saisons, Lupin the third ("Rupan Sansei" en VO). Cette série est dérivée du manga du même nom réalisé par Kazuhiko Katō sous le pseudonyme de Monkey Punch. Dans le manga, le héros n'est autre que le petit-fils d'Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur créé par Maurice Leblanc. Problème, Monkey Punch n'a pas demandé aux ayants droit de Maurice Leblanc la permission d'utiliser le nom du personnage qu'il a créé. C'est pourquoi la série est arrivée (partiellement) chez nous sous le titre "Edgard, le détective cambrioleur". Le personnage a pris les noms les plus variés selon les pays: Edgard de la cambriole donc petit-fils d'un certain "Gaspard" mais aussi Wolf, Rupan III ou Vidocq IV, avant que l'œuvre de Maurice Leblanc ne tombe dans le domaine public et que le nom de Lupin ne s'impose partout dans le monde.

Malgré le fait que le film soit issu d'œuvres préexistantes, il ne s'agit en aucun cas d'un simple produit dérivé mais d'une œuvre originale et personnelle parfaitement accomplie. Coup d'essai, coup de maître. Miyazaki reprend certes les personnages du manga (Lupin, ses associés Goemon et Jigen, son ex-maîtresse Fujiko, l'inspecteur perpétuellement à ses trousses Zenigata/Lacogne) mais il en change sensiblement le caractère. L'atmosphère de l'histoire est également très différente. Pour résumer le manga est plus proche des stéréotypes associés aux films de gangster/films noirs, le film de Miyazaki plus proche de Heidi, une série à laquelle Miyazaki avait également participé et dont il reprend les décors montagneux et champêtres. La violence et l'érotisme du manga sont complètement gommées. Lupin est d'abord un gentleman avant d'être un cambrioleur (dans le manga c'est même un criminel de la pire espèce et l'ambivalence du personnage de Maurice Leblanc est complètement ignorée), ses associés sont également adoucis tout comme Fujiko.

Mais adoucis ne signifie pas affadis. Bien au contraire, Miyazaki revient à la source, c'est à dire aux romans de Maurice Leblanc pour mieux casser les stéréotypes manichéens et développer un univers de nuances entre deux pôles extrêmes: le comte de Cagliostro (l'ombre) et la princesse Clarisse (la lumière). Lupin se situe exactement entre les deux, il est pour reprendre de nombreux analystes la "pénombre", entre chien et loup plutôt que loup. Malfaiteur d'un côté, preux chevalier cherchant à délivrer sa dame enfermée dans la tour par un monstre de l'autre. Lupin est à mi-chemin entre Marco Pago (un solitaire sans attaches au passé trouble et dont une jeune fille au cœur pur représente la part lumineuse, rédemptrice sans que pour autant il ne se sente digne de vivre avec elle) et James Bond (pour les gadgets, les prouesses physiques improbables que seule l'animation peut permettre, une certaine prestance classieuse et l'univers du casino) avec une touche humoristique et cool à la Belmondo (dont le physique a inspiré un autre héros de manga d'action, Cobra de Buichi Terasawa). Devant la noble cause qu'il défend, l'inspecteur Zenigata accepte de faire une trêve pour collaborer avec lui, exactement comme dans Le Havre d'Aki Kaurismaki. Clarisse, jeune fille candide et Fujiko, femme intrépide et expérimentée ont été souvent comparées à Fio et Gina ce qui renforce le parallélisme déjà évoqué avec Porco Rosso (avec lequel Lupin partage aussi les caractéristiques animales).

Le film alterne avec brio des scènes d'action étourdissantes (inspirées de la Main au collet et de la Mort aux trousses d'Hitchcock) et des scènes de contemplation poétiques comme la découverte de la cité engloutie. Le décor absolument magnifique contribue beaucoup à cet équilibre. Comme d'autres films de Miyazaki, la principauté de Cagliostro est un résumé d'Europe victorienne fantasmée où les ruines côtoient un château, une tour et un aqueduc assez vertigineux. Le goût des hauteurs se marie avec des scènes d'envol mêmes si peu nombreuses en comparaison avec d'autres films de ce réalisateur. Les références littéraires et cinématographiques européennes sont prédominantes. Le titre provient d'un roman de Maurice Leblanc, La comtesse de Cagliostro qui introduit le personnage de Clarisse et son amour pour Lupin. La demoiselle aux yeux verts, autre roman de Maurice Leblanc évoque un trésor caché sous les eaux d'un lac. La justice d'Arsène Lupin de Boileau-Narcejac évoque la fabrication de fausse monnaie par l'Empire allemand pour déstabiliser la France pendant la première guerre mondiale. Les romans de Jules Verne qui fascinent Miyazaki fournissent les mécanismes extraordinaires et brinquebalants qui peuplent tous ses films. Enfin il y a La bergère et le ramoneur de Paul Grimault (1953), première version du Roi et l'Oiseau de 1979. Architecture du donjon, pièges et oubliettes, ascenseur grimpant à des hauteurs vertigineuses, tyran contraignant une jeune fille innocente à un mariage forcé (même la robe de mariée est identique!), passage à la trappe des indésirables, milice chargée d'assurer l'ordre sont autant d'hommages au premier long-métrage d'animation français.

Enfin les voitures présentes dans le film (Fiat 500 et 2CV) sont des clins d'œil. La Fiat 500 était la voiture du chef animateur Yasuo Otsuka et la 2CV, la première voiture de Miyazaki. De plus elles se marient bien avec le décor et renforcent le caractère anti bling-bling de Lupin (qui à contrario dans le manga roule dans des voitures de luxe)

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