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Articles avec #comedie dramatique tag

Le Cours de la vie

Publié le par Rosalie210

Frédéric Sojcher (2023)

Le Cours de la vie

Une masterclass avec Agnes JAOUI dans la ville rose, cela ne se refuse pas. Certes, on dira qu'un cours magistral n'a rien de très cinématographique. Que les personnages secondaires ont du mal à s'imposer. J'ajoute pour ma part que l'histoire de Noémie, le personnage joué par Agnes JAOUI est pétrie de clichés sentimentaux censés certes nourrir ses scénarios. Mais la mise en abyme est un peu facile. L'homme qui trente ans après s'être fait larguer soupire encore après son premier amour comme un adolescent attardé, saigne du nez en la voyant et conserve pieusement sa lettre d'adieu sans l'avoir ouverte, c'est plus pathétique que vraiment touchant. Mais passons sur tous ces défauts. L'intérêt du film est ailleurs. D'abord dans la présence de Agnes JAOUI que l'on pourrait écouter des heures sans se lasser. Le réalisateur, Frederic SOJCHER qui est également scénariste et professeur d'université à la Sorbonne trouve en elle un alter ego pour exprimer et transmettre la passion du cinéma. La mise en abyme fonctionne cette fois de façon positive étant donné le charisme de la réalisatrice et scénariste qui dans un rôle taillé pour elle explique aux élèves comment écrire un bon scénario. Pas de recettes mais des pistes destinées à stimuler l'imagination tout en ancrant les récits dans un vécu (dans toutes ses dimensions) ainsi que quelques exemples dont celui de Paul SCHRADER (un autre réalisateur-scénariste) élaborant l'histoire de "Taxi Driver" (1976) ou du moins donnant une version de cette élaboration contredite par un élève qui en donne une autre, sans doute plus proche de la vérité mais Noémie préfère la légende (la vérité, ce serait plutôt le goût de Agnès ^^). L'autre aspect réussi du film, c'est le cadre. D'après le journal "La Dépêche", "Le Cours de la vie" (2022) est le premier film tourné intégralement à Toulouse, principalement dans les locaux de l'ENSAV, la troisième école de cinéma française mais personne n'en parle s'amuse à dire son directeur fictif dans le film, Vincent (Jonathan ZACCAI). Il serait peut-être temps d'en parler davantage alors de cette école et aussi de la cinémathèque, située juste à côté dans un bâtiment identique et qui est la deuxième de France. Des institutions phare de la rue du Taur qui donnent sur la place St-Sernin, autre lieu filmé abondamment puisque c'est là que les protagonistes font leur pause déjeuner. Le progressif refoulement hors du centre-ville des parkings a libéré de l'espace pour des esplanades, des cafés et des restaurants autour de la splendide basilique et du lycée où j'ai fait mes études. Des lieux plein de charme et qui n'avaient jamais été aussi bien mis en valeur.

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Pruning the Movies

Publié le par Rosalie210

Anonyme (1915)

Pruning the Movies

Cet excellent court-métrage, découvert aujourd'hui dans le cadre d'une conférence consacrée au code Hays est une charge satirique contre la censure qui sévissait aux USA depuis le XIX° siècle avec la loi Comstock contre l'obscénité qui touchait aussi bien la contraception que l'expression artistique. Il s'agissait d'élever moralement les migrants qui entraient par millions à cette époque aux USA en leur inculquant les valeurs américaines puritaines des WASP. Donc "exit" l'immoralité sous toutes ses formes (drogue, alcool, délits et crimes, luxure, nudité...). Le film "Pruning the Movie" dont on ne connaît pas le réalisateur fait partie d'une série de courts et de longs métrages se moquant ouvertement de la censure sortis dans les années 10. Un notable (inspiré d'un véritable censeur de l'époque) réunit un comité pour décider des coupes à effectuer dans un film pas encore sorti sur les écrans. C'est vraiment très drôle, on voit d'abord la scène non censurée puis la réaction choquée des spectateurs, notamment une mémère prude assise à côté du censeur, puis un carton indiquant le changement à faire, carton souvent plein d'ironie ("coupez cette jambe"! "coupez ce couteau"!), puis on voit la scène retouchée qui en devient parfois loufoque ou absurde, notamment lorsque le "brigand" devenu un "fripon" porte des coups à une femme à l'aide de fleurs puis l'endort en versant de l'huile de ricin dans son verre (en lieu et place de la drogue illicite initiale). Vraiment délicieusement impertinent.

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Une Nuit

Publié le par Rosalie210

Alex Lutz (2023)

Une Nuit

L'idée de départ était séduisante. Suivre la déambulation nocturne de deux inconnus choisissant spontanément de s'offrir une parenthèse hors du temps. Qui n'a pas fantasmé un jour de s'abandonner aux surprises de la nuit, période propice à l'intimité et au lâcher-prise? Hélas, après une entrée en matière percutante qui règle d'emblée la question de la tension sexuelle entre Aymeric (Alex LUTZ) et Nathalie (Karin VIARD), le film s'enfonce dans un ennuyeux bavardage ponctué de lieux communs sur le couple. La vulnérabilité des personnages n'émeut guère, tant elle semble reposer sur du nombrilisme, du genre "regardez comme je suis malheureux, regardez comme je souffre". De plus, Alex LUTZ bafouille beaucoup au point qu'il devient difficile de saisir la teneur de ses propos. Karin VIARD a quant à elle tendance à surjouer, surtout au début. Leurs "aventures" de noctambules sont toutes plus improbables les unes que les autres et la fin également purement fantasmagorique est incompréhensible. Bref, je ne suis jamais entrée dans ce "délire" plein de vacuité.

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La Veuve Joyeuse (The Merry Widow)

Publié le par Rosalie210

Erich Von Stroheim (1925)

La Veuve Joyeuse (The Merry Widow)

Erich von STROHEIM transforme une opérette légère de Frantz Lehar en satire des moeurs des classes dirigeantes corrompues par l'argent, le sexe et le pouvoir. Il injecte même un côté franchement tordu à l'histoire d'une "petite" danseuse américaine courtisée par deux princes héritiers d'un trône imaginaire d'Europe balkanique. Tordu comme le sourire carnassier de Mirko (Roy D'ARCY), l'odieux prince héritier qui prend un plaisir sadique à torturer ceux qu'il domine. A commencer par son cousin, second sur la liste des héritiers au trône, Danilo (John GILBERT). Si lors d'une remarquable scène d'introduction, ce dernier apparaît infiniment plus sympathique que Mirko, réagissant de façon enthousiaste à la vue de l'auberge où il doit résider là où son cousin manifeste de la colère et du mépris à l'idée de dormir dans une porcherie (allusion à la présence de ces animaux de ferme ainsi que de flaques de boue non loin de l'entrée, une facétie de plus du réalisateur), Danilo se comporte comme un séducteur sans vergogne considérant que le corps des femmes de l'auberge lui appartient. Les deux hommes rivalisent d'audace pour séduire Sally la danseuse (Mae MURRAY) lors de scènes menées de main de maître, notamment lorsqu'il faut jouer des pieds et des jambes sous la table. Celle-ci tombe sous le charme de Danilo mais se ferme comme une huître dès que ses instincts de prédateur deviennent manifestes ce qui l'arrête net. Une véritable intimité finit par se créer entre eux que Eric von STROHEIM filme avec intensité, que ce soit dans une alcôve ou lors d'une scène de danse ou encore après un duel. Evidemment, les parents royaux s'offusquent de cette mésalliance qu'ils parviennent à déjouer mais lorsque Sally devient la richissime veuve du vieux baron concupiscent et infirme qui finance le royaume en sous-main (qui heureusement pour elle claque lors de leur nuit de noces, il semblait porter sur lui les verrues de la syphilis), elle devient "bankable", excitant encore plus les appétits malsains de Mirko qui peut ainsi faire d'une pierre deux coups: mettre la main sur des millions et détruire définitivement son cousin dont la nature joyeuse s'est muée en désespoir. Bref, tout un art du contraste qui en fait une oeuvre fascinante, à la fois populaire et personnelle tant le réalisateur se l'est appropriée.

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Annie du Klondike (Klondike Annie)

Publié le par Rosalie210

Raoul Walsh (1936)

Annie du Klondike (Klondike Annie)

Au cinéma tout est possible: faire passer Mae WEST pour une bonne soeur, c'est comme déguiser Ginger ROGERS en gamine de 12 ans ou Jack LEMMON et Tony CURTIS en femmes, et pourtant, ça marche. Bien que "Annie du Klondike" ne soit pas réalisé par Billy WILDER mais par Raoul WALSH, il a quelque chose de cet état d'esprit issu du music-hall dont Mae WEST était issue, d'autant que c'est elle qui a écrit la pièce de théâtre et l'a adaptée en scénario. Mae WEST, largement oubliée aujourd'hui a été une immense star mais a tourné dans assez peu de films. Véritable bête de scène à la verve gouailleuse et aux formes particulièrement généreuses (très loin des canons de beauté occidentaux actuels), Mae WEST a beaucoup joué au chat et à la souris avec la censure pour imposer ses dialogues remplis de sous-entendus sexuels et son tempérament de croqueuse d'hommes à l'esprit canaille. "Annie du Klondike" est un film dans lequel elle s'amuse avec son image, passant donc du statut de poule de luxe à celui d'évangéliste aux méthodes peu orthodoxes, véritable pied-de-nez à l'Amérique puritaine dont elle était on s'en doute la bête noire. Le film vaut essentiellement aujourd'hui pour la performance de l'actrice forte en gueule qui certes appartient au même monde que Jean GABIN ou Marlene DIETRICH (dont elle parodie le style dans les numéros chantés de ses films pour Josef von STERNBERG) mais qui comme cette dernière apparaît aussi comme une icône féministe moderne. Ainsi on savoure sa manière de damer le pion aux hommes en leur répondant du tac au tac, de jeter sur eux le même regard de désir qu'ils ont pour elle et on apprécie ses réparties, notamment celle qui semble parfaitement la résumer: "je préfère suivre mon instinct qu'être assujettie".

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La Fille de son père

Publié le par Rosalie210

Erwan Le Duc (2023)

La Fille de son père

Bien qu'un chouia confus et inabouti dans sa progression dramatique, "La fille de son père" est rempli de trouvailles originales, drôles ou poétiques ainsi d'un recul salutaire sur notre époque. Il n'y a guère que chez Albert DUPONTEL que l'on peut trouver ainsi conjugués loufoquerie et esprit critique comme la décision radicale de la maire éco-anxieuse (Noemie LVOVSKY) pour reverdir sa commune ou cet agent immobilier qui vend des pieds à terre qu'il n'habitera jamais pour reprendre une phrase de la chanson "Ma Rue" de Zebda. Agent qui se définit comme un grouillot du capitalisme et dont j'aime beaucoup cette phrase "ne rien lâcher, ne jamais rien lâcher, pourtant, on serait plus léger". Et puis le duo père-fille est lui même original et porté par des acteurs que j'aime beaucoup mais bien trop rares: Nahuel PEREZ BISCAYART (que d'ailleurs Albert DUPONTEL avait fait jouer dans "Au revoir la-haut") (2016) et Celeste BRUNNQUELL. Le premier, immature et fragile n'est jamais parvenu à se rétablir de la fuite de sa compagne qui l'a planté avec leur fille lors d'une ouverture menée tambour battant où elle a disparu sous prétexte de chercher une place (de stationnement) qu'elle n'a manifestement jamais trouvé. La seconde devenue une artiste de talent dont les peintures illuminent le film semble plus mature que son père mais ne s'autorise pas à le quitter de peur de le voir s'écrouler. L'enjeu est donc pour lui de réinvestir pleinement une relation et pour elle de devenir une adulte autonome. Les désirs et les sentiments s'expriment avec une certain décalage dû à une écriture littéraire un peu alambiquée mais leur traduction visuelle est vraiment réussie, notamment la réactualisation des scènes d'amour où le prétendant grimpe jusqu'au balcon de sa belle. Un film encore un peu trop brut mais vraiment très prometteur.

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L'Homme sans passé (Mies vailla menneisyyttä)

Publié le par Rosalie210

Aki Kaurismäki (2002)

L'Homme sans passé (Mies vailla menneisyyttä)

"L'homme sans passé" est le premier film que j'ai vu de Aki KAURISMAKI et une belle entrée en matière dans son univers attachant et reconnaissable entre tous. Une fable sociale autour d'une renaissance symbolisée par une attention aux petits gestes du quotidien qui n'est pas sans rappeler Yasujiro OZU. M (Markku PELTOLA) nettoie son conteneur-bungalow, récupère un juke-box que l'électricien du campement répare, plante des pommes de terre et les regarde pousser, adopte un chien et apprivoise son maître (nommés respectivement Anttila et Hannibal avec l'humour pince-sans-rire caractéristique du réalisateur) et enfin, rencontre l'amour sous les traits de Irma (Kati OUTINEN, l'actrice-fétiche de Aki KAURISMAKI) qui travaille pour l'armée du salut et vit dans un foyer. La reconstruction personnelle de M qui est amnésique suite à une violente agression subie au début du film quand il débarque à Helsinki est indissociable de la réparation du lien social abîmé par la misère et l'oppression (Aki KAURISMAKI renvoie dos à dos le capitalisme et les institutions). L'armée du salut (la bien nommée) joue le rôle d'infirmier, pas seulement à travers Irma qui restaure la dignité de M en lui donnant des vêtements et un travail mais aussi à travers l'avocat qui vient sauver M de l'emprisonnement parce qu'il ne peut décliner son identité. On croirait entendre Adolphe Thiers en 1850 "Nous avons exclu cette classe d'hommes dont on ne peut saisir le domicile nulle part (...) Mais ces hommes que nous avons exclus, sont-ce les pauvres ? Non, ce n'est pas le pauvre, c'est le vagabond. Ce sont ces hommes qui forment, non pas le fond, mais la partie dangereuse des grandes populations agglomérées." Cette citation éclaire particulièrement bien je trouve la filiation entre le cinéma de Charles CHAPLIN et celui de Aki KAURISMAKI. L'adoption du chien (que l'on retrouve dans son dernier film "Les Feuilles mortes") (2023) et le dernier plan où les amoureux s'éloignent à la manière du final de "Les Temps modernes" (1936) en sont autant d'exemples. "L'Homme sans passé" sous ses airs peu engageants est en réalité gorgé d'espoir. Que ce soit dans le collectif des déshérités qui chasse les voyous responsables de l'agression de M, dans le patron qui comme dans les fables sociales de Frank CAPRA se retourne contre la logique capitaliste pour rendre justice à ses ouvriers ou dans l'amour qui irradie les personnages ou encore dans l'oeuvre d'art totale dont Aki KAURISMAKI est adepte. Comme ses autres films, "L'Homme sans passé" bénéficie d'une esthétique particulière, minimaliste et vintage mais profondément étudiée. Chaque plan est composé et éclairé comme un tableau et la musique rock rythme l'ensemble.

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Winter Break (The Holdovers)

Publié le par Rosalie210

Alexander Payne (2023)

Winter Break (The Holdovers)

J'avoue ma perplexité devant le concert d'éloges autour de "Winter break" qui se veut un hommage aux oeuvres de Hal ASHBY, hommage que l'on entend notamment lors du générique, chanté par Cat Stevens. Mais je n'ai pas du tout retrouvé l'état d'esprit anticonformiste du réalisateur de "Harold et Maude" (1971) et de "Bienvenue Mister Chance" (1979) dans "Winter Break". Le début est plutôt prometteur avec quelques punchlines bien senties du prof vachard envers ses élèves et des élèves entre eux. Mais cela ne dure pas longtemps puisque le principe du film est de réunir trois laissés-pour-compte des fêtes de noël dans le lycée déserté: le prof vachard qui en réalité est un pathétique loser, un élève abandonné par sa famille et la cuisinière qui a perdu son fils au Vietnam et n'a pas le coeur à la fête. J'ai eu bien du mal à croire en cette reconstitution des années 70 qui m'a parue artificielle et surtout, j'ai trouvé l'intrigue du film terriblement convenue. On sait dès le départ que le professeur (joué par Paul GIAMATTI) bourru a un coeur d'or, on a déjà vu ça cent cinquante fois au moins, on sait qu'il va s'attacher au gamin (insignifiant) et vice-versa. Quant à la cuisinière, le scénario a prévu le moyen de compenser sa perte. Tout ce petit monde forme au final une jolie famille de substitution réunie autour des repas et de la soirée télévision sur le canapé. On cherche désespérément quelques aspérités auxquelles se raccrocher pour se sentir quelque peu concerné par ce qui se passe sur l'écran mais rien ne dépasse. Pour couronner le tout, fallait-il pour justifier le rejet quasi unanime que subit le professeur l'affubler de tant de tares? Petit, borgne, misanthrope, pédant, puant le poisson pourri (un désordre métabolique socialement invalidant), suant des mains et vraisemblablement impuissant même si Alexander PAYNE ne s'aventure pas sur ce terrain là hormis lors d'une scène maladroite alors que Hal ASHBY l'aurait exploré sans aucun tabou. Mais de toutes façons, on aura compris que ce n'est pas véritablement chez lui que Payne a puisé son inspiration mais dans le "Merlusse" (1935) de Marcel PAGNOL, une référence nettement moins "arty".

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Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)

Publié le par Rosalie210

Robert Siodmak, Edgar George Ulmer (1930)

Les Hommes le dimanche (Menschen am Sonntag)

Voilà un film qui sidère par sa pépinière de talents, son avant-gardisme autant que par sa restitution documentaire du Berlin de la République de Weimar. D'un côté un monde disparu, de l'autre un monde qui n'est pas encore né. Le tout imaginé par un groupe de jeunes artistes débutants de la Mitteleuropa, juifs pour la plupart et devenus célèbres une fois passés de l'autre côté de l'Atlantique: Robert SIODMAK et son frère Curt SIODMAK, Edgar G. ULMER, Billy WILDER et enfin Fred ZINNEMANN. "Les hommes, le dimanche" est considéré comme le premier film indépendant de l'histoire, le précurseur des cinémas néo-réalistes et nouvelle vague en Italie, en France, aux USA. Notamment par le tournage en décors naturels, avec des non-professionnels, entre documentaire et fiction. C'est le reflet de petits moyens budgétaires (le film est muet alors que le cinéma parlant existait déjà depuis quelques mois) mais pas seulement. La scène où Erwin et Annie déchirent des photos de stars glamour (parmi lesquelles Greta GARBO et Marlene DIETRICH) a la même valeur iconoclaste que l'article de Francois TRUFFAUT dans les Cahiers du cinéma intitulé "Une certaine tendance du cinéma français".

Sorti en 1930, le film a été tourné en 1929, juste avant que la crise économique ne frappe l'Allemagne. On y voit donc un Berlin années folles en pleine effervescence artistique, jeune, actif et prospère où converge la jeunesse bohème. A l'image du groupe situé derrière la caméra, le film suit cinq jeunes gens et jeunes filles situés en marge du monde du spectacle (une figurante, une mannequin, une vendeuse de disques, un chauffeur de taxi et un colporteur ayant expérimenté divers emplois dont gigolo, métier rappelons-le alors pratiqué par Billy WILDER dans les grands hôtels berlinois sous le titre de "danseur mondain" en alternance avec ses activités de journaliste). A l'exception d'Annie la mannequin neurasthénique qui se morfond dans sa mansarde, tout ce petit monde profite de son dimanche pour partir pique-niquer et se baigner dans la banlieue de Berlin, au bord du lac du grand Wannsee. On fait alors un bond dans le futur car si l'on fait abstraction du gramophone en lieu et place du transistor, du walkman ou du MP3 sur la plage, on se croirait catapulté dans "Conte d'ete" (1996) de Eric ROHMER ou dans "Les Roseaux sauvages" (1994) de Andre TECHINE. A l'exception d'Erwin qui est marié à Annie et reste à l'écart, ça marivaude à qui mieux mieux dans l'eau et dans les bois entre le beau Wolf (l'ex-gigolo) et les deux amies, Brigitte et Christl, la blonde et la brune, toutes deux d'une beauté juvénile très moderne avec leurs coupes à la garçonne et filmées de très près. La première des deux a un visage qui se situe quelque part entre Jean SEBERG et Scarlett JOHANSSON et est complètement fascinante. Tout cela respire la fraîcheur et la liberté, même si ce n'est qu'une parenthèse, assombrie par le retour du quotidien, de la mansarde et de son occupante dépressive et par le fait que nous savons que ce monde est au bord du gouffre.

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Première année

Publié le par Rosalie210

Thomas Lilti (2018)

Première année

Avec un film aussi bien documenté -Thomas LILTI est fils de médecin et médecin lui-même- on découvre les ravages de cinquante années de numerus clausus dont nous payons maintenant le prix avec des déserts médicaux qui ne cessent de se renforcer en France. Et si officiellement, celui-ci a été supprimé, les capacités des universités et des CHU restent trop limitées pour former tous les médecins dont le pays aurait besoin. Un manque d'anticipation bien pratique pour limiter de fait l'offre et donc les dépenses de santé alors que le vieillissement de la population ne peut que les faire augmenter. Mais plutôt qu'à l'aval, c'est à l'amont que s'intéresse Thomas LILTI, c'est à dire à la première année commune aux études de santé (PACES) qui était en vigueur jusqu'en 2020. Au menu, bachotage intensif et sélection drastique sur fond de massification du nombre d'étudiants. Un élevage en batterie que Thomas LILTI montre à l'aide de nombreux plans sur les hangars à concours ainsi que sur des amphis bondés à craquer où les meilleures places sont aussi chères que celles de l'obtention du concours. On se demande d'ailleurs quand ces pauvres étudiants pressurisés de tous les côtés peuvent trouver le temps de dormir et de manger tant leur quotidien est vampirisé par les études. Si encore ce qu'ils apprenaient était intéressant. Mais Thomas LILTI montre qu'il s'agit de régurgiter bêtement des tonnes de données inutiles sous forme de réponses-réflexes à des QCM en temps limité. Comme le dit ironiquement Benjamin (William LEBGHIL), ce sont les cerveaux reptiliens qui réussissent le mieux ces épreuves abrutissantes où il suffit de faire deux ou trois erreurs de trop pour perdre toutes ses chances. Un tel mode de sélection ne semble donc guère lié aux compétences ou à la motivation. En revanche et c'est l'autre aspect sur lequel porte le film de Thomas LILTI, il a tout à voir avec l'inégalité des chances. A travers l'amitié contrariée liant Benjamin à Antoine (Vincent LACOSTE), il dépeint deux profils bien différents. Celui de Benjamin, l'héritier au sens bourdieusien du terme qui en plus de ses facilités intellectuelles et matérielles évolue avec aisance dans un monde dont il possède les clés de lecture qu'il décode pour Antoine et pour nous. Antoine en revanche n'est pas du sérail et bien qu'ayant la vocation, il se retrouve en échec, triplant sa première année et mettant sa santé physique et mentale en danger. Si la pirouette finale déçoit par son manque de crédibilité, le reste du film est en tous points remarquable.

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