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Articles avec #comedie dramatique tag

Samba

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano et Olivier Nakache (2014)

Samba

Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE aiment mettre des coups de projecteur sur les passerelles qui font communiquer des mondes a priori étanches les uns aux autres mais qui partagent une expérience commune de l'exclusion.

"Samba", réalisé trois ans après "Intouchables" (2011) n'est pas aussi immédiatement séduisant mais ce qu'il perd en efficacité, il le gagne en subtilités et en nuances. Le plan séquence remarquable d'ouverture a une valeur programmatique. Il part d'une soirée mondaine pour nous entraîner ensuite jusqu'au coin le plus reculé des coulisses, c'est à dire à la plonge où officie Samba (Omar SY) un sénégalais en situation irrégulière vivant en France depuis dix ans grâce à de petits boulots et à l'aide de son oncle*. On ne peut mieux dire cinématographiquement à quel point la société française a besoin pour fonctionner de ces travailleurs de l'ombre auxquels elle n'accorde pourtant pas de place. C'est pourquoi Samba survit dans les interstices et doit toujours se cacher, fuir et mentir sur son identité à l'aide de "papiers d'emprunt" au point de ne plus savoir qui il est. Ce manque de repères est également moral. Samba n'est pas un modèle de droiture. Le personnage de Jonas (Issaka SAWADOGO) sert à révéler la part sombre de lui-même. Sa part lumineuse est incarnée quant à elle par le joyeux "Wilson" (Tahar RAHIM) qui a compris que pour mieux se faire accepter il valait mieux se faire passer pour brésilien plutôt qu'algérien (un appariement récurrent dans le cinéma français, dans "Le Nom des gens" (2010), l'héroïne passait son temps à répéter que son prénom Bahia n'était pas brésilien mais algérien).

Au cours de l'un de ses moments de galère, Samba rencontre Alice (Charlotte GAINSBOURG) au sein d'une association qui vient en aide aux sans-papiers. Elle ne s'appelle peut-être pas ainsi par hasard étant donné que Alice est quand même un prénom que l'on associe à la traversée du miroir (pas vraiment de pays des merveilles ici ^^). Alice dont l'apparence et le comportement trahissent son appartenance à la bourgeoisie est complètement incongrue dans cet endroit. Elle est même tellement perdue qu'elle fait tout de travers. En résumé, elle aussi a un gros problème de place et d'identité. Samba comprend tout de suite qu'il a affaire à quelqu'un de "spécial" c'est à dire qui sort de la norme. Au cours d'un échange intimiste en pleine nuit dans une station-service qui fait penser à une séquence similaire de "Intouchables" (2011) elle lui confie qu'elle est en congé maladie depuis qu'elle a agressé un collègue dans l'entreprise où elle travaillait en tant que DRH après des années sous tension et que depuis elle ne parvient plus à reprendre pied. Mise sur la touche, elle tente de reprendre le contrôle de sa vie à travers des activités très simples et très concrètes. Son personnage à fleur de peau semble rencontrer des problèmes dérisoires comparés à ceux de Samba mais il n'y a aucun problème dérisoire à partir du moment où ils vous rongent de l'intérieur. Le burn-out est une pathologie de nos sociétés modernes productivistes qui touche particulièrement ceux qui ont des postes à responsabilité. C'est ainsi qu'en mettant face à face les deux extrémités du spectre d'un monde du travail malade, les réalisateurs font ressortir les similitudes de Samba et d'Alice, en particulier leur solitude et leur mal-être que seul leur rapprochement peut soulager.

* On reconnaît la trame de leur film suivant, "Le Sens de la fête" (2016)

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Le goût des merveilles

Publié le par Rosalie210

Eric Besnard (2015)

Le goût des merveilles

Peu de films de fiction français traitent du syndrome d'Asperger même si cela est en train d'évoluer en lien avec la prise de conscience progressive du retard considérable pris par notre pays dans la connaissance et la prise en charge adéquate des troubles autistiques. Retard encore très loin d'être comblé si l'on en juge par la critique du film de Benoît Sotinel dans le Monde qui qualifie l'Asperger "d'importation américaine" (expression révélatrice d'un chauvinisme bas du front) ou les ravages de la lecture psychologique de l'autisme qui l'attribue à la maltraitance parentale et entraîne des placements forcés en institution traumatisants, excluants et débilitants. Quand les personnes atteintes de ces troubles ne sont pas internées, elles sont néanmoins la plupart du temps exclues de la société (80% des enfants autistes ne sont pas scolarisés, l'accès à l'emploi s'avère également d'autant plus compliqué que les adultes autistes sont sous-diagnostiqués etc.) Enfin le mot autiste est lui-même utilisé de façon stigmatisante en France.

Ce préambule me semble nécessaire pour comprendre le décalage entre la réalité et le film, une comédie romantique dans laquelle (presque) tout le monde est particulièrement bienveillant envers Pierre (Benjamin LAVERNHE), où ses qualités sont exacerbées (d'autant qu'il fait partie des autistes de haut niveau ayant des capacités hors-normes en mathématiques et informatique ce qui facilite son acceptation alors que c'est loin d'être le cas chez tous les autistes*) et où son inclusion dans la société des neurotypiques semble (presque) ne poser aucun problème. Certes il y a en toile de fond la menace de son internement mais jamais celui-ci n'est envisagé de façon sérieuse. Bref si l'on accepte cette dimension de conte de fée un peu à la "Chouchou" (2003) (en moins caricatural tout de même), le film vaut d'être vu car il est bien documenté sur le syndrome d'Asperger** et surtout il nous le fait ressentir en nous faisant entrer dans le monde de Pierre. Un monde où comme dans "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) l'hypersensorialité du personnage donne une dimension extraordinaire aux petits plaisirs de la vie (comme de caresser des textures ou d'observer la forme des nuages, les variations de la lumière ou les boutons de fleur) mais sans masquer pour autant ce que cette hypersensorialité a de problématique lorsque l'environnement devient agressif (comme dans "Love and Mercy" (2014), des scènes montrent le personnage faisant une crise de panique à la suite d'une exposition à des bruits ou des lumières trop fortes et il n'aime également pas être touché). On s'amuse aussi des stratégies utilisées par Pierre pour entrer en contact en évitant de recourir au téléphone ou se faire ramener chez lui sans avoir à prendre de taxi. Tout ce qui tourne autour de lui a beau être assez convenu (à commencer par le personnage joué par Virginie EFIRA) et son personnage, pas exempt de clichés, la délicatesse du film et sa beauté formelle le font in fine sortir des sentiers battus.

* Le fait de prendre pour sujet les autistes de haut niveau (sans déficience intellectuelle ni retard de langage) s'explique aussi par le fait que ce sont ceux qui peuvent le mieux témoigner de leur condition, ayant les outils pour le faire.

** Benjamin Lavernhe s'est appuyé sur les livres de deux autistes asperger célèbres: Temple Grandin et Joseph Shovanec mais aussi et ce que déplore Hugo Horiot (lui aussi asperger) dans le plus du "Nouvel Observateur" daté du 22 décembre 2015, sur ceux d'une psychanalyse, Chantal Lheureux-Davidse placée sur la liste noire des formations sur l'autisme. Preuve qu'il y a encore du chemin à faire.

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La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1958)

La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Voir où George LUCAS a puisé l'âme de sa saga "Star Wars" n'est pas très compliqué. Il suffit de bien observer la forme du casque de Dark Vador, les postures des maîtres Jedi et leurs sabres… laser (et je ne parle même pas de la Force) pour comprendre qu'il est autant allé chercher son inspiration du côté du pays du soleil levant que dans le livre de Joseph Campbell "Le Héros aux mille et un visages". La première scène de la "Forteresse cachée" est quasiment reprise telle quelle dans "Star Wars: Episode IV - A New Hope" (1977) avec son étendue désertique dans laquelle errent non les héros mais les comparses, chargés de servir et de divertir la galerie avec leurs comportements grotesques (cupidité, veulerie etc.) Cette ouverture marque d'ailleurs un tournant dans la filmographie de Akira KUROSAWA qui après les échecs successifs de ses films adaptés de grandes oeuvres littéraires s'essaye avec brio à un cinéma d'inspiration plus populaire. Ce récit d'aventures picaresques tourné dans de splendides décors naturels et ponctué de scènes d'action spectaculaires et admirablement filmées (voir la scène où le général Makabe alias Toshiro MIFUNE se lance à la poursuite de ses ennemis le sabre levé) se paye en plus le luxe d'être féministe. La princesse Yuki (Misa UEHARA) est une guerrière (comme l'est également la princesse Leia qui incarne l'âme de la rébellion et finit générale) et si elle doit se faire passer pour muette afin de voyager incognito, sa langue est en réalité bien pendue et elle n'a pas les yeux dans sa poche. Le fait d'être traquée par le clan adverse est une chance pour elle car il lui permet de quitter sa tour d'ivoire et d'observer le monde tel qu'il est, le meilleur et le pire des hommes. Elle est également très critique envers les mentalités féodales (et patriarcales) japonaises, notamment le sens du sacrifice, de la loyauté et de l'honneur poussé jusqu'à ses extrémités les plus mortifères. La manière dont elle bouscule les deux généraux, Makabe et Tadokoro (Susumu FUJITA) dans leurs certitudes (alors qu'elle n'a que 16 ans, soit l'âge auquel Greta Thunberg est devenue célèbre mais je dis ça je ne dis rien) s'avère décisive pour l'issue de l'histoire.

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Pension d'artistes (Stage Door)

Publié le par Rosalie210

Pension d'artistes (Stage Door)

"Pension d'artistes" est comme l'année précédente "Mon homme Godfrey" (1936) un grand cru de Gregory LA CAVA. Il se distingue par son fabuleux casting d'actrices, ses dialogues brillants et sa grande résonnance contemporaine. En effet bien que réalisé en 1937, "Pension d'artistes" évoque l'ère "#Me Too" dans le monde du spectacle hollywoodien, sans doute parce qu'en 80 ans, la distribution inégalitaire des rôles sociaux n'a guère changé. Aux hommes, les postes de pouvoir, dont celui de faire et de défaire les carrières au gré de leur bon plaisir. Aux femmes, les postes de subordonnées contraintes de se soumettre à un mécénat qui ressemble furieusement à une promotion canapé. Les scènes entre le producteur Anthony Powell (Adolphe MENJOU) et les jeunes actrices sont extrêmement révélatrices, qu'il les fasse attendre pour rien ou qu'après avoir fait son "marché" il ne tente de les séduire avec de fallacieuses promesses tout en s'assurant de leur soumission (la censure l'empêche de leur sauter dessus comme Harvey Weinstein mais on y pense forcément d'autant que les poses devant le canapé sont suggestives).

A cet aspect d'inégalité des sexes, Gregory LA CAVA ajoute comme dans "Mon homme Godfrey" (1936) une dimension d'inégalités sociales. La riche héritière Terry Randall (Katharine HEPBURN) décroche un rôle convoité parce que son père a graissé quelques pattes alors qu'elle répète d'une manière désespérément atone et s'embrouille avec tout le monde. Bref, face à la concupiscence et à la corruption, le talent qui devrait être le seul critère du choix des actrices (avec la motivation) ne pèse pas bien lourd et les âmes trop fragiles comme celle de Kay Hamilton (Andrea LEEDS) le paieront au prix fort.

Mais le film de La Cava, en dehors d'une séquence franchement dramatique (et très émouvante) se tient constamment dans un entre-deux doux-amer comme pouvait l'être "La Garçonnière" (1960) de Billy WILDER qui était une féroce et drolatique satire sociale tout en étant tendre et mélancolique. Face au joug masculin, la pension de Mrs Orcutt où logent les aspirantes actrices est un espace de liberté où les énergies se libèrent et les personnalités s'expriment sans retenue, avec une verve d'enfer. Le personnage de Jean à la langue particulièrement acérée a ainsi été pour Ginger ROGERS une façon de montrer une autre facette de son talent.

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Le Terminal (The Terminal)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2004)

Le Terminal (The Terminal)

L'aéroport international d'une grande métropole mondiale (ici c'est JFK mais cela pourrait être tout aussi bien Roissy où s'est déroulée l'histoire vraie dont s'est inspiré Steven SPIELBERG) est un parfait concentré de toutes les problématiques contemporaines. C'est un lieu de passage et de transit bourré de sas et de points de contrôle. C'est un lieu cosmopolite où s'exerce cependant la souveraineté étatique avec sa douane, sa police des frontières, ses règlementations complexes et parfois kafkaïennes. C'est un lieu de foultitudes anonymes où cependant chacun est renvoyé à sa solitude et où s'exerce une hiérarchie sociale et raciale qui est le miroir de celle de la société: les WASP dans les bureaux de dirigeants et les minorités ethniques à la cuisine et au nettoyage des sols.

C'est dans ce lieu ouvert et clos à la fois que Steven SPIELBERG construit une fable humaniste qui lorgne clairement du côté de Frank CAPRA mais aussi de Robert ZEMECKIS. Comment ne pas penser à "Forrest Gump" (1994) et à "Seul au monde" (2001) devant un Tom HANKS dont l'inadaptation au monde n'est cette fois pas due à un QI légèrement inférieur à la moyenne ou à de longues années d'isolement sur une île déserte mais à son statut d'apatride "krakozhien" (Etat fictif d'Europe centrale dont le nom fait penser à Cracovie en Pologne) et sa méconnaissance de la langue anglaise. Bien que traité sur le mode de la comédie, la perte de la nationalité est une authentique tragédie qu'ont vécu des millions de personnes condamnées à errer d'un pays à l'autre dans l'espoir d'être acceptées quelque part, notamment les juifs allemands dans les années 30 (c'est le sujet du roman de Erich Maria Remarque "Les Exilés"). C'est pourquoi il ne faut pas s'y tromper: sous sa légèreté apparente (qui l'a fait un peut trop vite cataloguer comme un "film mineur" dans la filmographie de Steven SPIELBERG comme s'il fallait obligatoirement faire sérieux pour traiter de sujets graves), "Le Terminal" est un film engagé, politique. Il montre comment un étranger traité en paria parvient à retisser du lien social dans un lieu impersonnel et atomisé au point de créer une micro-société plus juste, plus solidaire et plus égalitaire. Peut-être que le seul reproche que je ferais au scénario est de ne pas avoir tranché entre un personnage transparent à la Tintin créé pour permettre l'identification du spectateur et un vrai personnage doté d'une identité propre. La chute de l'histoire m'a parue de ce fait décevante.

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Jabberwocky

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1977)

Jabberwocky

J'ai rarement vu une restauration produire des effets aussi spectaculaires que dans "Jabberwocky", le premier long-métrage réalisé par Terry GILLIAM. En effet celui-ci en dépit d'un budget modeste a créé un magnifique univers visuel qui s'était terni avec le temps. En retrouvant son éclat, l'image révèle des paysages ruraux de chateaux-forts nimbés d'une somptueuse lumière. Les mêmes que ceux de "Monty Python sacré Graal" (1975), l'œil du peintre en prime. Cela n'empêche pas de reconnaître le style Gilliam, récurrent de film en film, celui des courtes focales et des contre-plongées qui écrasent les personnages sous l'architecture, bouchent la vue et déforment les perspectives et les traits jusqu'à la caricature. Le Moyen-Age dépeint par Gilliam est pictural et en même temps il s'en dégage une impression de réalisme comme dans le film antérieur des Monty Python. C'est lié à une intimité avec cette époque dans ce qu'elle a de plus "terre-à-terre" c'est à dire sa violence et sa saleté. Celles-ci deviennent d'ailleurs les supports d'un long gag où la tribune royale d'un tournoi est progressivement recouverte de sang et de morceaux de chair sans que les personnages ne s'en émeuvent (un type de gag non-sensique récurrent chez les Python*). Mais de la saleté au sens propre à la saleté au sens figuré il n'y a qu'un pas et la crasse ou la poussière qui recouvre les dirigeants qui utilisant leurs vassaux comme de la chair à canon n'a rien de gratuit. A travers le Moyen-Age, Terry GILLIAM critique en réalité le fonctionnement de la société britannique des années 70 touchée par la crise et le chômage et désormais rétive comme le reste de l'Europe à l'immigration de travail venue des pays pauvres. Quant au "monstre" (emprunté à un autre univers de l'absurde, celui de Lewis Carroll) qui terrorise la contrée, il est cyniquement instrumentalisé pour manipuler les masses puisque les habitants n'ont guère envie de s'aventurer à l'extérieur et apaisent leurs angoisses en… consommant. Il est presque dommage que Terry GILLIAM finisse par le montrer (d'autant que ce n'est pas une réussite, contrairement aux plans où la caméra adopte son point de vue et où il est donc invisible) car comme le magicien d'oz, il aurait pu tout aussi bien n'être qu'une illusion.

* Une partie d'entre eux participent au film en tant qu'acteurs. Michael Palin interprète le rôle principal et le regretté co-fondateur des Python Terry Jones y joue un petit rôle, celui du braconnier qui apparaît en introduction et est la première victime du monstre.

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Lulu femme nue

Publié le par Rosalie210

Solveig Anspach (2013)

Lulu femme nue

Même si l'histoire de "Lulu femme nue" semble à première vue peu originale, le regard de la réalisatrice Sólveig ANSPACH est quant à lui singulier. Tout d'abord c'est celui d'une survivante, d'une résiliente. Dans "Haut les cœurs" (1999), elle avait porté à l'écran sa propre histoire de femme atteinte par le cancer se battant pour donner la vie avec déjà Karin VIARD dans le rôle principal. Cette expérience sous-tend l'histoire (fictionnelle cette fois, adaptation d'une bande dessinée d'Etienne Davodeau) de "Lulu femme nue" qui n'est pas malade physiquement mais qui a perdu son identité (d'où le surnom "Lulu" comme le "Babou" du "Le Prénom") (2011) et par là même le goût de l'existence dans un mariage aliénant. Elle incarne le mal être de l'épouse et de la mère de famille de la société patriarcale qui lui dénie toute liberté et toute autonomie. La première scène du film est éloquente puisqu'alors qu'elle tente de se faire belle pour un entretien d'embauche dans les toilettes de l'entreprise, elle s'entend dire qu'elle est ici "chez les hommes". Des hommes qui à l'image du recruteur et de son mari dénient sa démarche en l'humiliant sur son âge et son accoutrement comme s'il fallait être désirable et bien habillée pour être compétente. C'est alors qu'inconsciemment, cette femme brimée se révolte en ratant son train: elle ne rentrera pas chez elle ce soir. Ni le lendemain en dépit des coups de pression de son mari qui lui coupe les vivres et la harcèle au téléphone. Elle ira plutôt respirer au bord de la mer et aller à la rencontre d'autres paumés, d'autres solitaires, d'autres "déchets de la société" rejetés sur le bas-côté. Parmi eux il y a Charles et ses drôles de frères toujours flanqués à ses basques. Charles qui a l'idée de jeter son téléphone boulet par dessus bord et avec lequel elle échange des sourires rayonnant à la fête foraine. Il n'a ni biens matériels ni statut à lui offrir puisqu'il est repris de justice et vit dans un camping mais à son contact doux et tendre, elle retrouve l'envie de partager des moments d'intimité avec un homme. Mais comme elle est rattrapée par sa sœur et sa fille, elle s'en va plus loin et là elle fait la connaissance dans des circonstances un peu rocambolesques d'une dame âgée, Marthe (Claude GENSAC) qui n'en peut plus de vieillir dans la solitude. Toutes deux viennent en aide à Virginie, une troisième femme, très jeune celle-là mais qui ploie sous le joug d'une patronne de bar tyrannique (Corinne MASIERO).

Ce qui m'a particulièrement plu dans ce film, c'est sa finesse d'observation. Alors que certains passages semblent plutôt relever du burlesque quelque peu fantaisiste (les deux frères de Charles), certaines des situations évoquées sont très réalistes comme celle de l'acte manqué (qui n'a jamais raté un train parce qu'il ne voulait pas en réalité le prendre?) ou de la jeune employée se faisant houspiller par sa patronne (j'ai entendu des propos du même type que "tu appelle ça nettoyer des verres?" dans une boulangerie proche de chez moi).

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L'Arbre, le maire et la médiathèque

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1993)

L'Arbre, le maire et la médiathèque

Film hybride se situant entre la fiction et le documentaire où les jeux des "sept hasards" (sous-titre du film) ne concernent plus l'amour mais l'action politique. Un maire vendéen tendance gauche plurielle (Pascal GREGGORY) veut faire construire un grand centre sportif et culturel dans le village qu'il dirige. S'engage une discussion sur le bien-fondé de son projet avec des journalistes, des politiques, sa petite amie romancière (Arielle DOMBASLE), l'instituteur du village (Fabrice LUCHINI) et les habitants. Quoiqu'on pense du style très écrit de Éric ROHMER, le fait est qu'il est l'égal d'un Jacques TATI pour ce qui est d'analyser les transformations du paysage français. Au début des années 90 (époque où a été réalisé le film), les villes s'étendent et les campagnes soit se périurbanisent, soit se désertifient. Dans le premier cas de figure, elles sont menacées de perdre leur identité (c'est l'un des enjeux de la construction de la médiathèque dans un pré du village de St-Juire: s'agit-il de le "revitaliser" ou de l'annexer à la ville?) Dans le second, c'est le vieillissement et la disparition des agriculteurs et des services de proximité qui guette. Le film s'interroge aussi déjà sur la question sociale et écologique. Il oppose les paysans gardiens de la nature à l'agriculture productiviste et aux projets d'aménagement mégalos et hors-sol d'hommes politiques n'ayant plus qu'un lien ténu avec leurs racines rurales (une maison secondaire par exemple) et bien plus proches des technocrates parisiens que de leurs administrés. Une opposition qui dessine déjà la coupure profonde de la société française entre son peuple et ses élites avec tous les conflits qui en résultent. Et ce même si la fin du film est optimiste avec une pirouette en forme de "la vérité sort toujours de la bouche des enfants"!

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Un dimanche à la campagne

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (1984)

Un dimanche à la campagne

L'un des plus beaux films de Bertrand TAVERNIER à la fois renoirdien et proustien. Les Renoir grand-père et petit-fils ne sont pas seulement présents par un titre qui renvoie à "Une partie de campagne" (1946) ou par la reconstitution d'une époque et d'une atmosphère dépeinte dans nombre de tableaux d'Auguste: les guinguettes, les barques, les canotiers, les petites filles en robe de mousseline, ceinture enrubannée et nœud dans les cheveux. C'est dans la finesse d'écriture de ses personnages et l'excellence de l'interprétation que Bertrand TAVERNIER est le plus impressionniste voire même pointilliste. Les portraits de Gonzague et d'Irène, le frère et la sœur en tous points opposés constituent un travail d'orfèvre tout en nuance et demi-teinte. Gonzague (Michel AUMONT) guindé, engoncé dans son costume et ses habitudes, fiable mais ennuyeux est rongé par une tristesse sourde, celle d'être mal aimé par son père (Louis DUCREUX) qui le lui fait bien sentir. En résulte un manque d'assurance et un côté taciturne et solitaire en dépit d'une vie de famille bien rangée avec sa femme et ses trois enfants. Irène (Sabine AZÉMA) à l'inverse est une tornade pleine de vivacité et d'énergie, une femme émancipée et anticonformiste qui possède un métier, conduit une voiture en 1912 et vit des passions amoureuses fulgurantes. Mais ces passions l'absorbent au point de lui faire oublier la réalité qui l'entoure et l'instant présent. La petite Mireille fait l'amère expérience de son inconstance mais celui qui souffre le plus de ses absences et de son manque de fiabilité est son père. Irène selon les propres mots de sa mère décédée "demande trop à la vie" et est donc incapable d'en profiter. Elle vit trop vite et trop fort, obnubilée par ce qui lui échappe sans se soucier vraiment de ceux qui l'entoure qu'elle prend et qu'elle jette selon son humeur du moment. Elle ne supporte pas l'immobilisme de son frère et l'académisme de la peinture de son père mais sa bougeotte est telle qu'elle passe finalement elle aussi à côté de la vie. Proust et sa célébration des petits plaisirs du quotidien comme moyen de retrouver le temps perdu est discrètement cité à travers la dégustation d'une petite madeleine ou l'écoute d'un air de musique de chambre qui a servi de modèle pour la sonate de Vinteuil.

"Une dimanche à la campagne" a également ceci de remarquable qu'il est construit autour du présent et ses trois unités (lieu, temps, action) ce qui va de pair avec ses origines littéraires ("Monsieur Ladmiral va bientôt mourir" de Pierre Bost) mais qu'en même temps il réussit à évoquer le passé et le futur. Le passé surgit à l'occasion des réminiscences de M. Ladmiral: le fantôme de son épouse apparaît ainsi que celui de deux petites filles mystérieuses qui symbolisent son enfance alors que lui-même est au crépuscule de sa vie. Le futur quant à lui ne se présente pas sous les meilleurs auspices au travers de la sombre prédiction qu'Irène fait à propos de Mireille. On peut y voir l'ombre portée de la première guerre mondiale qui mit un point final à cette "Belle Epoque" dorée pour la bourgeoisie et provoqua en plus des poilus de nombreux décès dans les populations les plus fragiles liées aux famines et aux maladies (épidémie de grippe espagnole).

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Les Nuits de la pleine lune

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1984)

Les Nuits de la pleine lune

L'un des plus beaux et aussi l'un des plus pathétiques films de Éric ROHMER. Quatrième opus du cycle "Comédies et proverbes", il illustre le nomadisme géographique et sentimental d'une jeune femme mélancolique et un peu paumée qui gravite entre plusieurs pôles sans parvenir à se fixer quelque part. Une jeune femme perdue quelque part entre l'adolescence et l'âge adulte, quelque part entre le centre de Paris et la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, quelque part entre Rémi (Tchéky KARYO) son compagnon architecte banlieusard très "carré" (à l'image des tableaux de Mondrian qui décorent son appartement et de la ville dans laquelle il habite) qui la rassure mais l'étouffe et l'ennuie, Octave (Fabrice LUCHINI), son ami et confident, un écrivain germanopratin avec lequel elle entretient une relation de séduction trouble mais qu'elle tient à distance et Bastien (Christian VADIM), son "coup de folie d'un soir" qui représente la jeunesse et l'insouciance qu'elle souhaite conserver mais qui s'échappe dès qu'elle cherche à concrétiser. Bref, Louise veut le beurre et l'argent du beurre et à force de s'éparpiller en tentant de tout concilier, elle finit par se retrouver dans un cul-de-sac existentiel.

Cette jeune femme indécise au comportement égocentrique pourrait être une tête à claques mais la fragilité de Pascale OGIER la rend bouleversante. Avec ses yeux trop grands pour son visage, ses paupières lourdes, sa voix éthérée si particulière et son extrême maigreur, elle dégage une mélancolie qui confine au mal de vivre. Éric ROHMER s'est appuyée sur sa personnalité, notamment ses goûts vestimentaires et ses talents de décoratrice d'intérieur pour construire son personnage. De fait il est devenu son film-testament puisque l'actrice (fille de Bulle OGIER) est décédée deux mois plus tard à l'âge de 25 ans.

Enfin "Les nuits de la pleine lune" est également remarquable comme d'autres films de Éric ROHMER par son ancrage dans une réalité urbanistique et sociologique, ici celle du Paris branché de la première moitié des années 80 et du développement des villes nouvelles comme mode de vie bourgeois alternatif.

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