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Articles avec #rohmer (eric) tag

La Femme de l'aviateur

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1981)

La Femme de l'aviateur

Le premier film de la série des "Comédies et proverbes" est le seul que je n'avais jamais vu. Il me semble également être le plus faible de la série. La faute sans doute à un certain manque de charisme des interprètes et à un éparpillement de l'intrigue. Anne jouée par Marie RIVIÈRE, petite amie de François (Philippe MARLAUD) est un personnage plutôt antipathique. Une sorte de miroir inversé de son rôle dans "Le Rayon vert "(1986) dans lequel elle se bougeait pour trouver une issue à son mal-être. Dans "La femme de l'aviateur" elle est au contraire statique, passive, retranchée pour l'essentiel au bureau ou dans sa chambre de bonne. Elle semble considérer François comme un gêneur qu'elle esquive sans que cela le décourage, bien au contraire. Plus elle le repousse, plus il s'accroche. Ayant découvert qu'elle revoyait son ex Christian (Mathieu CARRIÈRE), François, poussé par la jalousie (en théorie) décide de le prendre en filature d'autant qu'une femme inconnue chemine à ses côtés dont François aimerait découvrir l'identité pour sans doute inciter Anne à revenir vers lui. C'est le passage de loin le plus intéressant du film, celui de l'errance géographique comme ouverture des possibles propre au cinéma de Éric ROHMER. François rencontre en effet sur son chemin une lycéenne espiègle, Lucie (Anne-Laure MEURY) qui a tout ce qui manque à Anne: le dynamisme, l'esprit d'initiative, la confiance en soi, en somme, la force de caractère. Avec elle, François retrouve un peu de légèreté, tous deux jouant aux détectives dans le parc des Buttes-Chaumont (l'ancrage territorial des films de Rohmer fait partie de leur charme). Avec elle, il peut réfléchir sur lui-même, réaliser qu'il se fait mener par le bout du nez. Hélas, cet épisode ne s'avère être qu'une parenthèse, François retombant dans les bras de Anne lors d'une scène interminable dans sa chambre où l'on apprend l'identité (décevante) de la femme qui accompagnait Christian. Et si Lucie lui a laissé le moyen de la recontacter, force est de constater que François qui n'en a pas fait de même (peut-être pour se donner l'illusion qu'il maîtrise ses décisions?) risque bien d'avoir laissé passer sa chance bien que la fin soit équivoque.

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Conte d'hiver

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1992)

Conte d'hiver

C'est peut-être parce que son sujet de départ est proche de "Le Rayon vert" (1986) (la croyance en une magie amoureuse) que "Conte d'hiver" a été celui que j'ai préféré la première fois que j'ai vu le cycle de Éric ROHMER. La présence de Marie RIVIÈRE au moment des retrouvailles entre les deux ex-amants n'est peut-être pas le fruit du hasard ^^. Le fait est que comme tant de personnages rohmériens, Félicie (Charlotte VÉRY) est une indécise, hésitant entre plusieurs lieux et plusieurs hommes dont aucun ne la convainc véritablement. Nous non plus d'ailleurs. Loïc (Hervé FURIC) est un intello chrétien ennuyeux et Maxence (Michel VOLETTI) est un coiffeur sans relief. Mais contrairement à d'autres personnages déboussolés de Rohmer, Félicie se raccroche à une croyance, celle de son amour de vacances perdu à la suite d'une erreur d'adresse. Un lapsus plutôt selon ses propres dires qui lui permet d'entretenir le rêve d'un amour idéal plutôt que de le vivre véritablement. Cela pourrait être assez pathétique s'il n'y avait pas la petite Elise à ses côtés comme preuve de l'existence de cette relation ainsi que le goût d'inachevé de son interruption. Pourtant Félicie ne cherche nullement à le retrouver étant donné qu'elle ne sait rien de lui et de son côté, Charles (Frédéric VAN DEN DRIESSCHE) avec sa fausse adresse n'a pas les moyens d'être plus entreprenant. Résultat, chacun semble être entré en hibernation et compter sur un miracle pour se retrouver.

De deux choses l'une: ou le spectateur acceptera le jeu des hasards et coïncidences du film (ou bien son système de croyances, de signes, de prémonitions) et sera enchanté par ce conte de noël ou bien non et il trouvera l'histoire invraisemblable. Au premier visionnage, j'étais plutôt dans la première catégorie. L'avoir revu m'a plutôt mis dans la seconde. C'est sans doute lié au fait que les acteurs sont tous globalement un peu fades et que ni Félicie, ni Charles ne semblent mériter les attentes qu'ils suscitent. Les discours de Loïc sont casse-pied et Hervé FURIC n'est pas Jean-Louis TRINTIGNANT qui parvenait à mieux faire passer les passages philosophiques. Reste un début vraiment enchanteur, plein de sensualité et qui en dit plus long sur le désir que n'importe quel discours.

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Conte d'automne

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1998)

Conte d'automne

Bien avant que la télévision ne s'empare du problème du célibat des agriculteurs et agricultrices avec "L'amour est dans le pré", Éric ROHMER campait une vigneronne d'âge mûr désirant refaire sa vie (Béatrice ROMAND qu'il a filmé dans chacun de ses cycles, adolescente dans l'un de ses contes moraux, "Le Genou de Claire" (1970), jeune adulte dans l'une de ses comédies et proverbes, "Le Beau mariage" (1982) avant de la retrouver à 45 ans pour "Conte d'automne"). Soit disant trop occupée mais en réalité trop fière pour se lancer elle-même dans la recherche de l'âme soeur, Magali confie cette tâche à des intermédiaires de choix: la petite amie de son fils, Rosine (Alexia PORTAL) qui est étudiante et sa meilleure amie Isabelle qui est libraire (Marie RIVIÈRE, autre habituée du cinéma de Éric ROHMER). Rosine souhaite la caser avec son ancien prof de philosophie (Didier SANDRE), deux fois plus âgé qu'elle et avec qui elle a eu une liaison. Isabelle a recourt aux petites annonces pour dénicher la perle rare et ayant le nez creux, tombe sur Gérald (Alain LIBOLT).

Ce conte qui est sans doute mon préféré des quatre a un charme fou. Éric ROHMER parvient à faire ressortir avec beaucoup de finesse les désirs secrets de ses quadragénaires (voire pour certains quinquagénaires) et concocte un scénario irrésistible à base de quiproquos. Entre les moues boudeuses de Magali (qui de son propre aveu a un caractère de cochon accordé à ses cheveux en bataille), le goût prononcé de Etienne le prof de philo pour la chair fraîche et le jeu de séduction qui s'installe entre Gérald et Isabelle qui se fait passer pour Magali et ainsi retrouve le goût des premiers émois amoureux on se régale. Et puis Rohmer n'oublie jamais d'inscrire ses personnages dans un territoire, ici le sud de la vallée du Rhône entre les centrales nucléaires du Tricastin et Saint-Paul-Trois-Châteaux, la Drôme et l'Ardèche sans oublier bien évidemment de filmer longuement le vignoble bio de Magali qui laisse les mauvaises herbes l'envahir pour mieux l'aider à "bien vieillir": de quoi alimenter une réflexion on ne peut plus actuelle...

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Conte d'Eté

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1996)

Conte d'Eté

Si "Conte de Printemps" (1990) me faisait penser (toutes proportions gardées) à "Les Nuits de la pleine lune" (1984), c'est de "Pauline à la plage" (1983) que "Conte d'été" se rapproche le plus. De part la présence de Amanda LANGLET qui bien que devenue adulte a conservé une allure juvénile. Mais aussi de part l'ancrage dans un territoire. Car ce que l'on retient d'abord de "Conte d'été" c'est sa géographie. Les personnages passent l'essentiel du film à arpenter un périmètre bien délimité principalement entre Dinard, Saint-Malo et Saint-Lunaire. Arpenter, cheminer, labourer: il y a certes quelques moments statiques mais pour l'essentiel, Éric ROHMER fait des travellings suivant les personnages en train de marcher le long des plages ou des sentiers côtiers, ou se déplacer en bateau, à vélo ou encore en voiture. Ces êtres en perpétuel mouvement rappellent ce qui est pour moi le film fondateur du style de Éric ROHMER, "Le Signe du Lion" (1959). Un film non pas fondé sur le verbe contrairement au cliché auquel on veut le réduire mais sur une errance muette et solitaire lors d'une "vacance" d'été dans un Paris déserté. Gaspard (Melvil POUPAUD qui avait alors 23 ans mais en paraissait 18) semble lui aussi s'être "échoué" à Dinard comme une bouteille jetée à la mer. Totalement seul (il affirme à plusieurs reprises détester les groupes), il n'a durant les premières scènes personne à qui parler, sinon à sa guitare et erre comme une âme en peine d'un lieu à un autre. C'est Margot qui le remarque et engage la conversation avec lui à la plage, c'est elle qui lui propose des sorties, lui présente des amis et surtout prête une oreille à ses confidences quelque peu complaisantes. Il s'avère alors qu'à l'image du Pierre de "Le signe du Lion", Gaspard est "comme un clochard qui se réveille milliardaire": il passe du vide au trop plein, sans l'avoir vraiment cherché tant il se laisse porter par les événements. Sa passivité, son manque de caractère se confirment en effet lorsqu'il se retrouve tiraillé entre trois filles. Margot qui se pose en amie avec un copain tout aussi absent que la copine officielle de Gaspard mais qui n'hésite pas à flirter avec lui, Solène (Gwenaëlle SIMON), rencontrée via Margot, une pulpeuse brune avec laquelle il entretient un rapport de séduction et qui le somme de choisir et enfin Léna (Aurélia NOLIN) la petite amie officielle, une caricature de lui-même en girouette lunatique et irresponsable qui sème le chaos. Au final, Gaspard qui a promis à chacune d'entre elles de les emmener quelques jours à Ouessant saisit le premier prétexte pour prendre la fuite. Il faut dire qu'il aurait eu bien du mal à emmener qui que ce soit quelque part: il passe l'essentiel du film à se faire balader au sens propre par Margot et Solène (qui ont une voiture et pas lui) et au sens figuré par Léna qui souffle le chaud et le froid.

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Conte de Printemps

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1990)

Conte de Printemps

"Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison" était le (faux) proverbe champenois qui illustrait "Les Nuits de la pleine lune" (1984), le quatrième des six films de la série comédies et proverbes réalisés dans les années 80 par Éric ROHMER. Au début des années 90, le réalisateur débute un nouveau cycle de films, "les contes des quatre saisons" avec un "Conte de printemps" qui constitue une variation champêtre de son précédent récit. On y rencontre en effet une jeune femme, professeure de philosophie (Anne TEYSSÈDRE) qui à l'image de nombre d'héroïnes rohmériennes ne tient pas en place ou plutôt ne se sent à sa place nulle part. Jeanne se retrouve ainsi dans la situation ubuesque de posséder les clés de deux appartements (le sien et celui de son copain) mais de n'en habiter aucun, n'y faisant que passer. L'un (le sien) est en effet occupé par un autre couple et l'autre (celui du copain) est au contraire une coquille vide muséifiée. Telle Llewyn Davis, le héros SDF des frères Coen, Jeanne la nomade se met donc à squatter le canapé d'une amie lors d'une soirée où elle fait la connaissance de Natacha (Florence DAREL) qui l'invite à dormir chez elle. Plus exactement, elle l'invite à dormir dans la chambre de son père qui soi-disant n'est jamais là. Mais voilà que ledit père, un séducteur à quarantaine fringante (Hugues QUESTER) débarque juste au moment où Jeanne prend sa douche. Et pour couronner le tout, il possède lui aussi deux maisons, l'une à Paris et l'autre à Fontainebleau, idéale pour "conter fleurette" même si le panorama, à l'image du coeur des personnages est plongé dans le brouillard. A partir de là, tout est en place pour l'éclosion du désir et le marivaudage élégant dont Éric ROHMER a le secret. Et ce d'autant plus que la très jeune copine du père, Eve (Éloïse BENNETT) est détestée par Natacha qui rêve que sa place soit prise par Jeanne tandis que le copain absent de cette dernière semble ressembler presque trait pour trait au père de Natacha...

Comme à son habitude, on ne s'ennuie pas une seconde dans ce film aux dialogues finement ciselés dans lesquels le désir vient troubler les certitudes de Jeanne. On le sait, chez Rohmer les personnages se manipulent beaucoup eux-mêmes avant de l'être par les autres. Ainsi si le plan réel ou supposé de Natacha pour la jeter dans les bras de son père semble échouer, Jeanne en ressort suffisamment ébranlée pour permettre une fin ouverte à tous les vents... printaniers. S'il n'est pas le meilleur des quatre (il recycle beaucoup de thèmes vus précédemment et le casting n'est pas le plus flamboyant de la filmographie de Rohmer), il constitue un opening de bon augure pour la suite.

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L'amour l'après-midi

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1972)

L'amour l'après-midi

Le dernier des six contes moraux est le seul que je n'avais jamais vu. Et c'est à mon avis l'un des plus beaux. Avec un titre quelque peu trompeur qui m'a fait penser aux films que réalisait Agnès Varda dans les années 60 "Cléo de 5 à 7" et "Le Bonheur". "Cléo de 5 à 7" parce qu'en le lisant, on pense inévitablement à un adultère. Et "le Bonheur", parce que "L'amour l'après-midi" présente une configuration semblable quoique dans un milieu social différent. Un homme qui a tout pour être heureux mais qui se sent enfermé dans sa routine professionnelle et conjugale s'évade en imagination: d'abord par les livres, puis en regardant les autres femmes (dont toutes celles des précédents "Contes moraux" dont il rêve qu'elles tombent dans ses bras -enfin, presque toutes-). Jusqu'à ce qu'une possibilité d'aventure très concrète ne se propose lorsqu'une ancienne amie refait surface dans sa vie, bien décidée à le séduire. Mais la suite est différente du film de Agnès Varda. En effet, Chloé (et pas Cléo ^^) représente tout ce que Frédéric n'est pas: elle est libérée, instable, fantasque, aventureuse. Elle a de quoi le fasciner et il est inévitablement tenté d'autant qu'elle sait y faire pour susciter et entretenir son désir. Pourtant, et c'est là que réside toute la richesse du film, la manière dont Chloé lui assigne une identité de bourgeois conformiste ayant besoin d'aller voir ailleurs, la façon dont elle planifie à l'avance son rôle sans lui demander son avis (elle compte se servir de lui comme amant et géniteur en l'excluant par ailleurs de sa vie) finit par ressembler à sa vie conjugale marquée par l'absence de communication entre lui et sa femme. Et on le voit très bien par le fait que plus les choses se précisent entre Frédéric et Chloé et plus le cadre les entourant devient étroit et étouffant. Si bien que lorsque Frédéric se dérobe in extremis, on peut voir cette fuite montrée en plongée le long des escaliers qu'il dévale à toute vitesse de deux façons: soit comme une lâcheté, celle de n'avoir pas été jusqu'au bout de son désir et de ce fait, d'être condamné à nourrir des regrets. Soit au contraire comme un moyen d'échapper à l'emprise qu'elle exerçait sur lui. En se refusant au dernier moment, Frédéric reprend le contrôle de sa vie et de lui-même. Il rejette la proposition de Chloé qui le traitait de bourgeois mais lui proposait une double vie tout aussi voire encore plus conformiste. Il préfère rester intègre et tenter de concilier en une seule personne les caractéristiques de l'épouse et celles de l'amante tout en se donnant la possibilité de continuer une double vie, en rêve...

"L'amour l'après-midi" est un film dont le charme réside aussi dans la mesure où bien que se déroulant dans la grisaille parisienne, il est encore bien plus érotique que "Le genou de Claire". D'abord parce que Chloé (Zouzou) dévoile beaucoup plus de son anatomie (mais avec élégance: la manière dont elle pose avec puis sans serviette fait penser à la Vénus de Milo puis à un tableau d'Ingres). Et ensuite parce que Frédéric (et l'acteur qui l'interprète, Bernard Verley) est le moins antipathique des personnages masculins des "Six contes moraux". Certes, il s'illusionne en paroles comme les autres mais il est plus du genre à rêver en solitaire qu'à s'écouter parler devant un auditoire faire-valoir. Sa douceur toute féminine est à la fois rafraichissante et sensuelle. Il a de nombreux gestes tendres envers Chloé mais aussi sa femme. On le voit faire du shopping à plusieurs reprises, se laissant notamment conseiller par une vendeuse qui lui fait essayer une chemise plus seyante que ce qu'il porte habituellement. Bien que cadre, il se comporte avec ses secrétaires comme si elles étaient ses égales, n'hésitant pas à prendre leur place au besoin et ne cherchant pas à les séduire (alors qu'elles sont pourtant jolies, sexy et que la promiscuité du bureau est propice aux rapprochement des corps tout comme la cabine d'essayage du magasin où il se retrouve avec la vendeuse lorsqu'elle lui ajuste la chemise).

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La Collectionneuse

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1967)

La Collectionneuse

Quatrième conte moral de Eric Rohmer (mais tourné avant le troisième "Ma nuit chez Maud"), "La Collectionneuse" se situe dans la continuité de "La Carrière de Suzanne" et annonce "Le genou de Claire". Deux insupportables goujats intellos imbus d'eux-mêmes (mais paresseux et misanthropes comme pas deux) déversent leur misogynie sur une fille qui les trouble et les exaspère par son comportement libéré. Comme dans "Le genou de Claire", tout ce petit monde se retrouve en villégiature, le temps d'un été à marivauder dans un langage très écrit (bien que se laissant volontiers aller à quelques "vulgarités") dans une villa inondée de soleil. Avec l'apparition de la couleur, Eric Rohmer fétichise le corps de Haydée dont le ventre, la nuque et les genoux apparaissent en gros plan quand elle est en maillot de bain au moment même où Adrien prétend ne pas être intéressé (l'hypocrite). Cette ironie s'observe dès le prologue: Haydée qui ne prononce pas un mot et se contente de marcher sur la plage est présentée avant tout comme un objet de désir alors que les deux hommes avec qui elle va partager son espace sont au contraire des moulins à parole. Cette inégale répartition des rôles théâtralise en apparence ce qui se joue dans la société à ceci près que Eric Rohmer en inverse le sens. Le jugement moral que les deux hommes portent sur Haydée qu'ils définissent comme une "collectionneuse" (d'amants) révèle leur peur d'être eux-mêmes transformés en objets (de collection). Prise dans le tourbillon de la vie, Haydée ne cesse au final de leur échapper, se joue d'eux, sème la zizanie et leur renvoie la balle de la moralité, eux qui adorent s'écouter parler plutôt que d'écouter leurs vrais désirs. 

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La Boulangère de Monceau

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1962)

La Boulangère de Monceau

"La Boulangère de Monceau" est le premier des six contes moraux que Éric ROHMER a tourné entre 1962 et 1972. C'est un court-métrage qui pose le canevas sur lequel le cinéaste brodera des variations de plus en plus complexes au fil des cinq films suivants. Comme ceux qui le suivront, le personnage principal est un jeune homme plutôt imbu de sa personne et qui adore s'écouter parler (et penser) tant il est bourré de certitudes. C'est pourquoi il a souvent un plan de carrière et une stratégie matrimoniale prête à l'emploi. Bref, c'est la tête à claques parfaite. Mais un petit grain de sel vient faire (momentanément) dérailler la machine bien huilée sous la forme d'une ou plusieurs "tentatrices" qui n'appartiennent pas au même milieu social ou bien n'ont pas le même âge ou bien les mêmes moeurs que lui. Elles dévoilent sa profonde lâcheté devant le "tourbillon de la vie" avec lequel il préfère jouer plutôt que de s'y abandonner avant de reprendre le contrôle de sa vie, confirmant qu'il est bien une nature morte.

Bien entendu "La Boulangère de Monceau" n'est qu'une esquisse de cette intrigue, tant le manque de moyens se fait ressentir à l'image (qui présente un cadre particulièrement étriqué) mais sa simplicité et sa concision rendent les enjeux limpides. La boulangère est clairement présentée comme le "bouche-trou" du séducteur entre deux laps de temps durant lesquels il drague le véritable objet de son désir, Sylvie, une jeune fille "digne de lui" (entendez par là issue de la bourgeoisie) mais qu'il est trop mou pour rechercher lorsqu'il ne la rencontre plus dans la rue. Seul le hasard pallie le manque de volonté du héros qui considère la boulangère comme une facilité étant donné qu'elle ne bouge pas de sa place et qu'il n'a pas besoin de se casser la tête pour aller la trouver. C'est donc une stratégie assez minable qui nous est présentée et on s'amuse de voir l'ami de Éric ROHMER, Barbet SCHROEDER tiré à quatre épingles très loin des films hippies qu'il réalisera pourtant seulement quelques années plus tard.

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La Carrière de Suzanne

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1963)

La Carrière de Suzanne

Comme le premier film de la série des six contes moraux de Éric ROHMER, "La Boulangère de Monceau" (1962), "La Carrière de Suzanne" (1963) le deuxième opus est un métrage fauché (comme d'autres films débutants des cinéastes de la nouvelle vague) se caractérisant par sa durée écourtée, ses acteurs amateurs, un son post synchronisé etc. Néanmoins on reconnaît parfaitement la thématique à venir de ce cinéaste sur les apparences trompeuses, les mensonges que l'on se raconte à soi-même et aux autres, sur soi-même et sur les autres. Le contexte historique et sociologique, très important chez Rohmer est minutieusement décrit. C'est celui de la jeunesse étudiante du quartier latin quelques années avant la révolution de 1968. Le film tourne principalement autour de trois jeunes dont il interroge les rapports amicaux et amoureux. Des rapports qui n'ont d'ailleurs d'amicaux et d'amoureux que la façade puisque ce qui est en réalité étudié, ce sont les relations de domination et de soumission. Guillaume le bourgeois séducteur et manipulateur a besoin d'un confident, d'un spectateur (de ses exploits), d'un admirateur, d'un miroir etc. Il trouve tout cela auprès de l'influençable et mollasson Bertrand qui bien que non dupe de la "crapulerie" de son "ami" (dont on devine qu'il est son modèle) le suit partout sans résister et semble épouser son point de vue (puisque c'est lui que l'on entend en voix-off). Ces deux parfaits spécimens de petits goujats misogynes, vieux avant l'âge jettent leur dévolu sur ce qu'ils pensent être une "pauvre fille" qu'ils passent leur temps à humilier et exploiter de toutes les façons possibles. Sauf que la fille en question n'est pas la gourde qu'elle a l'air d'être ce qui laisse au spectateur tout le loisir d'apprécier le savoureux retournement final.

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Le Signe du Lion

Publié le par Rosalie210

Eric Rohmer (1959)

Le Signe du Lion

Contrairement à ses compatriotes des "Cahiers du cinéma", François Truffaut et Jean-Luc Godard* qui firent une entrée "fracassante" sur la scène du septième art avec leur premier long-métrage (respectivement Prix de la mise en scène à Cannes et Ours d'argent à Berlin et aujourd'hui devenus de grands classiques incontournables du cinéma français), celui d'Eric Rohmer tourné la même année ne sortit sur les écrans que trois ans plus tard, dans une version écourtée et ne connut pas la même gloire. Aujourd'hui encore il reste méconnu. Bien à tort selon moi. "Le Signe du Lion" est même l'un de mes films préférés d'Eric Rohmer. Il contient en germe toute son oeuvre ou plutôt tout l'ADN de son oeuvre à venir, bien loin de l'idée que beaucoup s'en font. On y retrouve les notions de hasard et de destin mais aussi les illusions que l'on se fait sur soi-même et l'épreuve qu'implique le fait de s'y confronter. Cette épreuve qui prend la plupart du temps la forme d'une errance (physique et/ou intellectuelle et spirituelle) aboutit à l'émergence d'un "autre soi". Evidemment cette possibilité fait peur et nombre de personnages préfèrent retourner dans le giron d'une identité factice mais qu'ils maîtrisent. Dans le cas du "Signe du Lion", Pierre, un musicien américain fréquentant le milieu germanopratin se retrouve du jour au lendemain sans le sou, à la rue et totalement seul pour avoir eu le tort de vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Avec beaucoup de sensibilité et un certain naturalisme**, Eric Rohmer filme sa douloureuse métamorphose en SDF arpentant du matin au soir et du soir au matin les rues de la capitale désertée et brûlante à la recherche d'une aide qui sonne aux abonnés absents. Avec sa déchéance, il découvre l'aspect factice du monde dans lequel il a vécu, la seule personne lui tendant la main étant justement celle qui est le plus méprisée par ce milieu de mondains. Facticité encore plus soulignée par le fait qu'il suffit que Pierre retrouve à la faveur de l'un de ces coups du destin improbables dont Rohmer a le secret toute la fortune qu'il croyait avoir perdue pour qu'en un instant il redevienne le roi de ce milieu et jette son seul véritable ami aux oubliettes. Bien que n'en faisant pas officiellement partie, "La Signe du Lion" préfigure déjà les six contes moraux des années 60 et 70.

* Jean-Luc Godard fait d'ailleurs une furtive apparition au début du film de Eric Rohmer.

** La déchéance physique et morale du personnage est soulignée par de multiples petits détails: la marche de plus en plus lourde, le regard qui devient hagard sous l'effet de la chaleur et de la fatigue, la faim qui tenaille les tripes et pousse à faire les poubelles ou chaparder, les chaussures et chaussettes qui se trouent, la saleté qui se répand sur ses vêtements etc.

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