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Articles avec #comedie dramatique tag

Summer Wars (Samā wōzu)

Publié le par Rosalie210

Mamoru Hosoda (2010)

Summer Wars (Samā wōzu)

Lorsque l'artiste plasticien Takashi Murakami a exposé ses œuvres dans les grands appartements et la galerie des glaces à Versailles en 2010, les dents ont grincé. D'un côté le classicisme, la tradition, de l'autre l'art contemporain inspiré de l'esthétique manga avec ses personnages acidulés et kawai, le choc des cultures était assuré.

Or c'est à cette même période que "Summer Wars", le deuxième long-métrage d'auteur de Mamoru Hosoda arrive chez nous, suscitant sur le moment des avis plutôt mitigés voire négatifs, notamment sur le graphisme d'Oz, l'univers virtuel, proche de celui de Takashi Murakami. Hosoda a été depuis reconnu en France comme un auteur majeur de l'animation japonaise avec "Ame et Yuki, les enfants-loups" et par conséquent "Summer wars" a été réévalué.

L'un des thèmes centraux de "Summer Wars" est la confrontation entre la tradition et la modernité. Le titre fait allusion aussi bien aux guerres féodales entre samouraï et shogun qu'à la cybercriminalité contemporaine. Il contient en plus un paradoxe qui annonce son caractère fondamentalement divertissant, l'été étant plus propice à la farniente qu'au combat.

La tradition est incarnée par le clan Jinnouchi, une très vieille famille vivant près de Nagano dans une immense demeure et s'étant réunie pour fêter le 90eme anniversaire de leur bisaïeule. Leur histoire reflète celle du Japon: guerriers samouraï au Moyen-Age, ils se sont reconvertis en marchands de soie sous l'ère Meiji avant d'être ruinés par leur de leurs membres. Lorsque le héros, Kenji débarque dans cette immense famille, il découvre que ses membres exercent des métiers variés: pêcheur, policier, joueur de baseball, informaticien etc.

Face à la tradition, la modernité est incarnée par Kenji mais aussi par le monde virtuel d'Oz. Kenji est un jeune lycéen japonais surdoué en mathématiques. Il vit dans un petit appartement, sa famille, vraisemblablement réduite brille par son absence et il passe l'essentiel de son temps à geeker. C'est par lui que l'on découvre que le web est devenu un véritable monde parallèle dans lequel chaque personne possède un avatar, peut travailler, acheter, jouer comme dans le monde réel. Mais une nuit, il craque sans le savoir le code d'Oz, permettant à une I.A malveillante, "Love machine" de s'emparer de façon exponentielle des comptes utilisateurs de particuliers mais aussi d'entreprises et d'administrations. La société réelle est totalement désorganisée ce qui révèle sa dépendance vis à vis des hautes technologies (la réalité a depuis rejoint la fiction avec le logiciel wannacry qui a touché une grande partie du monde et désorganisé des pans entiers de l'économie et de la société). Love machine n'a plus qu'à programmer la fin du monde en faisant tomber un satellite artificiel sur une centrale nucléaire.

Tradition et modernité s'entremêlent lorsqu'on découvre que le créateur de la Love machine est Wabisuke, le vilain petit canard du clan Jinnouchi, marginalisé par son origine illégitime et que la maison du clan est dans le périmètre de chute du satellite. Cette opposition entre une menace planétaire et un point de vue domanial fait penser à "Mélancholia" de Lars Von Trier. On pense aussi un peu à "Matrix" (même si Oz à l'image de sa référence magique est autrement plus coloré et joyeux que l'alignement austère de chiffres sur fond vert de la matrice.) et à "Docteur Folamour". Les spécialistes des mangas et jeux vidéos penseront eux plutôt aux "War games."

Les thèmes sont graves mais le ton reste léger car l'humour est omniprésent et le rythme, très enlevé sans parler du graphisme. C'est frais et pétillant comme une boisson estivale!

 

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Tootsie

Publié le par Rosalie210

Sydney Pollack (1982)

Tootsie

En 1963, Aragon écrivait que "L'avenir de l'homme est la femme", maxime devenue dans l'album de Jean Ferrat sorti en 1975 "La femme est l'avenir de l'homme." Michael Dorsey (Dustin Hoffman) en est l'incarnation. Du jour où il décide de se travestir pour décrocher un rôle, sa vie bascule. Au premier degré, c'est une histoire de success story: un acteur au chômage devient une star de la télévision. Mais c'est bien plus subtil que ça. Dorsey apparaît comme un homme veule, fade, faible, comme s'il lui manquait une épine dorsale. Lorsqu'il devient Dorothy (ou plutôt lorsqu'il découvre Dorothy en lui), il devient une personne énergique, déterminée, franche, empathique et surtout courageuse donc capable de renverser l'ordre établi, celui du sexisme ordinaire du show business. Et en dehors, les rapports de force dominant les relations entre les hommes et les femmes comme l'illustrent les hilarantes scènes de taxi où ce n'est qu'avec une voix ou un comportement masculin que Dorsey prend le dessus.

Les scènes de tournage du soap opera, satiriques à souhait, frappent par leur justesse d'observation et leur brûlante actualité alors que le film est vieux de 35 ans. On pense aux récentes affaires de harcèlement qui ont défrayé la chronique (DSK en 2011, Denis Baupin et Jean-Michel Maire dans TPMP en 2016) car on retrouve les mêmes comportements déplacés: main aux fesses, baisers forcés, tentatives de viols, tout cela parfaitement banalisé. Julie, la jeune actrice jouée par Jessica Lange, ravissante mais peu sûre d'elle sort avec Ron, le réalisateur (Dabney Coleman), un macho de première qui se croit irrésistible. Sa mauvaise foi lorsqu'il justifie ses mensonges ("c'est pour ne pas la blesser") et ses tromperies ("c'est pour ne pas être exploité") laisse pantois.

Face à ce monde factice, la relation sensible qui se développe entre Julie et Dorothy donne lieu à de belles scènes intimistes où la fragilité de l'une et la tendresse de l'autre peuvent s'exprimer, révélant d'autres possibles entre les femmes et des hommes connectés à leur part féminine et non plus en guerre avec elle. Dustin Hoffman est bien sûr absolument parfait, plus "vrai que nature". Mais Jessica Lange offre également une interprétation très fine de son personnage.

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Cars: 4 roues (Cars)

Publié le par Rosalie210

John Lasseter et Joe Ranft (2006)

Cars: 4 roues (Cars)

Cars est un Pixar sous-évalué en France à cause de sa culture "américano-centrée" à commencer par ses personnages, des automobiles humanisées. Des a-priori complètement stupides (et c'est une personne qui déteste les automobiles qui l'affirme). Outre sa qualité technique irréprochable, Cars comme la majorité des films des studios Pixar possède un scénario absolument remarquable, bien plus étoffé et subtil qu'un énième récit d'apprentissage pour enfants destiné à passer le temps.

C'est justement de temps dont il est question dans Cars. Deux temps, deux espace temps. L'introduction nous plonge avec un dynamisme et une efficacité qui devrait être enseignée dans toutes les écoles spécialisées au beau milieu d'une course automobile comme métaphore de la société américaine actuelle et par extension de la mondialisation libérale. Culte de la vitesse, absence de vision à long-terme, compétition acharnée pour être le premier dans un monde se divisant entre winner et loosers, podium offrant trois profils typiques (le ponte indéboulonnable soutenu par une écurie de sponsoring que tout le monde rêve d'intégrer, l'éternel second frustré et revanchard prêt à tous les coups bas et le jeune rookie ambitieux), marchandising effréné, médias omniprésents... La suite ne fait que peaufiner la critique de l'individualisme, de l'argent roi et de la société de consommation. Harv, l'agent de Flash McQueen se réduit à une calculatrice dont la jovialité est démentie par de petites phrases bien assassines ("quelle course mon vieux! Bon je ne l'ai pas vue mais on m'a dit que tu t'es surpassé"; "Je regrette presque de te prendre 10% de tous tes gains, produits dérivés, droits d'exploitation"; "Tu te passes très bien de moi. Non je rigole, t'as signé de toutes façons". McQueen lui-même est un orgueilleux qui refuse d'écouter les conseils, cabotine à mort devant les projecteurs oups, un "one-man-show" qui "travaille en solo", méprise les pit stoppers qu'il appelle "machin", a honte de son sponsor tout pourri, la marque Rust-eze (excellente satire des produits cosmétiques censés rendre la jeunesse/dérouiller les vieux tacots) et rêve d'atteindre les sommets de la gloire et de la toute-puissance.

Mais à force d'être trop pressé, McQueen se retrouve largué à Ploucville, au milieu de la cambrouse, condamné à accomplir des travaux d'intérêt général pour réparer la route que son comportement de chauffard a dévasté. Une ville morte située au milieu du désert et où le temps s'est arrêté. Il bascule alors dans le passé oublié du rêve américain symbolisé par les Ford T Stanley et Lizzie fondateurs de la ville et la mythique route 66, dévitalisée, abandonnée par la construction en parallèle d'une autoroute en ligne droite "Il y a 40 ans, on roulait de façon différente. La route épousait le paysage. Elle montait, descendait, serpentait, elle ne coupait pas à travers les terres pour gagner 10 minutes." Et de mesurer le temps perdu non en quantité mais en qualité "On ne cherchait pas à gagner du temps. On cherchait à prendre du bon temps."

C'est alors que la société altermondialiste se fait jour, puisant paradoxalement dans les racines de l'histoire des USA. Une société de la lenteur, de la contemplation, des émotions, de l'anti-consumérisme (le décor de montagnes en arrière-plan de Radiator Springs fait allusion à une œuvre d'art contestataire bien réelle le "Cadillac Ranch" où 10 épaves de Cadillac sont alignées dans le désert) du travail bien fait et de l'écologie avec pour emblème Fillmore le van Volkswagen hippie adepte de Hendrix et accessoirement vendeur de carburant bio. Fillmore qui tempère l'Amérique réac profonde symbolisée par le sergent. Radiator springs s'avère être un refuge pour tous les cabossés-rebuts de la société dominante qu'ils soient immigrés (Luigi et Guido, Ramone et Flo), inadaptés (Red), trop vieux (le shérif), simples d'esprit (Martin) ou désabusés (Sally l'ancienne avocate et Hudson Hornet l'ancien champion), tous sont partis se ressourcer (et soigner leurs blessures) au "vert" (enfin plutôt au "rouge" du désert).

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Ce jour-là

Publié le par Rosalie210

Raoul Ruiz (2003)

Ce jour-là

Film complètement délirant, décalé et surréaliste aux multiples niveaux de lecture, Ce jour là est une comédie macabre pleine de loufoquerie, d'inquiétante étrangeté et de poésie avec un arrière-plan politique.

Il y a du conte dans cette histoire. Elsa Zylberstein (Livia) fait penser à Blanche-Neige et les fous qui croisent sa route, aux sept nains. Ça tombe bien, comme elle est folle elle aussi, ils peuvent se comprendre. Si bien que lorsque le commanditaire du crime donne la pomme empoisonnée à l'un de ces fous furieux, Emil Pointpoirot, et l'envoie chez elle, il devient tout naturellement son prince charmant. Un drôle de chevalier servant cet Emil sans accent et sans e à qui Bernard Giraudeau prête sa douceur et sa fureur. Un tueur au comportement infantile qui lorsqu'il voit quelqu'un mourir devant lui s'exclame "Ça, c'est pas moi!" ou bien "Je n'y suis pour rien". Un tueur diabétique guéri par l'amour ou plutôt touché par la grâce. Car Livia croit aux anges et aux sciences occultes si bien que le combat du bien contre le mal devient celui du ciel contre les ténèbres. D'un côté dieu "qui décide" et de l'autre le diable avec en arbitre Emil, l'archange déchu luciférien à moins que ce ne soit son frère (ne vient-il pas de l'asile "San Michele"?) qui interprète au piano l'Ave Maria chanté par Livia que son innocence protège de la corruption du monde même lorsqu'elle porte une robe tachée de sang.

Mais qui en veut ainsi à cette noble princesse un peu/beaucoup perchée? Au lieu d'un miroir c'est tout un marigot social et politique qui en est responsable. Il apparaît très vite que Livia vit au milieu d'un panier de crabes bourgeois et qu'elle a été condamnée à mort par son propre père Harald (Michel Piccoli) avec le reste de la famille pour complice. Ce qui donne lieu à un jeu de massacre assez jubilatoire façon Chabrol où des acteurs typés comme Edith Scob (qui joue Léone la marâtre de Livia) ou Rufus (qui joue Hubus son oncle dont le prénom vient selon Livia de son genou qu'il faut entendre ainsi "je [dans le] nous" ou "je noue" histoire de souligner l'imbroglio familial) s'en donnent à cœur joie. Le motif est une sombre histoire d'héritage autour d'un marque à succès le "Sal Sox" un alicament miracle, si sombre qu'il s'avère d'ailleurs que la famille est elle-même manipulée par l'Etat suisse et ses sbires corrompus (Ce jour là se présente comme une "comédie helvétique" avec un gros coffre-fort en jeu!) Mais heureusement il y a aussi ceux qui restent intègres comme Treffle (Jean-François Balmer) qui face à son collaborateur et criminel de frère Warff (Féodor Atkine) dit qu'il ne sert que "Mademoiselle" (et non l'Etat). Et puis il y a les inénarrables flics Raufer et Ritter (Jean-Luc Bideau et Christian VADIM) qui choisissent "de ne rien faire". Une résistance passive aussi hilarante qu'absurde qui leur permet de cueillir Warff comme une fleur.

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Delicatessen

Publié le par Rosalie210

Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet (1991)

Delicatessen

Charcuterie et poésie au menu tout est dit. Mais quel film, quelle pépite que ce premier long-métrage de Jeunet et Caro que je ne me lasse pas de voir et de revoir. C'est comme si Brazil de Terry Gillam avait rencontré Le Jour se lève de Marcel Carné dans les vignettes BD d'un Métal Hurlant. Et ce qui enchante c'est cette créativité débridée alliée à une précision millimétrée, le tout baignant dans une image aux teintes jaune-orangée signée Darius Khondji.

Nous sommes dans un univers rétrofuturiste situé quelque part entre la seconde guerre mondiale et un futur post apocalyptique. Une sorte de décor steampunk à la sauce Front populaire avec un panel de "gueules" d'ordinaire reléguées aux rôles de troisième couteaux mais qui ici dévorent l'image d'autant plus qu'elles sont filmées très souvent en courte focale. Toutes sont affublées de métiers surréalistes. C'est Jean-Claude Dreyfus le boucher spécialiste du découpage d'humains en rondelles, Ticky Holgado en M. Tapioca recycleur d'objets loufoques, Rufus en frère Kube fabricant de boîtes à meuh!, Howard Vernon en M.Potin éleveur d'escargots, le tordant couple bourgeois Interligator (Sylvie Laguna et Jean-François Perrier) dont l'épouse invente des dispositifs plus complexes les uns que les autres pour tenter de se suicider et enfin l'homme à tout faire en sursis, Louison (Dominique PINON) un ancien clown qui enchante tout ce qu'il touche à commencer par Julie (Marie-Laure Dougnac), la douce fille de l'ogre Dreyfus. A cet inventaire déjà fourni viennent s'ajouter les troglodistes, espèce de résistants végétariens vivants dans les égouts et leur pire ennemi, le facteur (Chick Ortega), un fasciste à grosses bottes et révolver mis KO par deux enfants farceurs (quelle belle idée!)

Le film est un quasi huis-clos, se concentrant sur sa micro-société répartie dans les différents étages de l'immeuble. Un immeuble qui est bien plus qu'un décor. Comme chez Terry Gillam, l'obsession pour les conduits et les tuyaux en fait un organisme vivant. De même que les nombreux objets qui grincent, couinent, crient en parfaite synchronisation. L'immeuble fonctionne comme une souricière mais il est si délabré qu'il suffit d'une salle de bains remplie d'eau (qui fait penser au Testament du Dr Mabuse de Fritz Lang) pour provoquer le déluge salvateur.

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Les Temps modernes (Modern Times)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1936)

Les Temps modernes  (Modern Times)

La première chose que nous voyons s'afficher sur l'écran, c'est le cadran d'une horloge sur laquelle l'aiguille des secondes se déplace inexorablement vers le haut de l'heure. Aucune miette de ce temps mesuré mécaniquement ne doit être perdue. Car le temps c'est de l'argent. Et plus on contrôle le temps, plus ça rapporte. C'est exactement la démonstration faite par l'ingénieur américain Frederic Winslow Taylor, inventeur de l'organisation scientifique du travail (OST) à la fin du XIX° siècle. Il a l'idée de décomposer la fabrication de l'objet en tâches simples et de mesurer le temps effectué pour l'accomplissement de chaque tâche par un ouvrier spécialisé à l'aide d'un chronomètre. L'industriel Henry Ford décide d'appliquer l'OST dans ses usines en y rajoutant en 1913 la chaîne de montage "aucun ouvrier ne doit avoir plus d'un pas à faire. Aucun ouvrier ne doit avoir à se baisser." Le travail à la chaîne est né "un gain de temps pour un maximum de rendement".

Et l'homme dans tout ça? Il n'est plus qu'un mouton voire un simple rouage de la machine toute-puissante. Son corps et son esprit sont aliénés par la machine au point de le transformer lui-même en machine. Par la pantomime, Chaplin dénonce tout en faisant rire les cadences infernales, les troubles musculo-squelettiques, la vidéosurveillance à la Big Brother jusque dans les toilettes. Très vite, il devient fou et casse son outil de travail. La fin du calvaire? Non ce n'est que le début. Le film s'enfonce toujours plus profondément dans le tourbillon de la grande dépression du système capitaliste, le chômage, les grèves, les boulots précaires, la répression à tous les coins de rue, la prison et l'hôpital psychiatrique. Et Charlot subit, tournoie encore, encore et encore dans le tourbillon à l'image de la scène où il tente sans succès de se frayer un passage dans la foule dansante afin de servir un client.

Face à cet enfer, une seule solution, l'exil, prémonitoire. Et un plan devenu iconique. Celui de deux silhouettes qui s'éloignent vers un horizon incertain.

Quatre ans plus tard, réalisant que la pantomime ne suffit plus à dénoncer l'horreur de l'autodestruction humaine en marche, il fusionnera son alter ego avec lui-même afin de lui donner la parole et lancera l'un des plus vibrants, l'un des plus visionnaires appels à la résistance jamais entendus sur un écran: " Ne vous donnez pas à ces brutes, à un minorité qui vous méprise et qui fait de vous des esclaves, enrégimente toute votre vie et qui vous dit ce qu'il faut faire et ce qu'il faut penser, qui vous dirige, vous manœuvre, se sert de vous comme chair à canon et qui vous traite comme du bétail. Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, ces hommes-machines avec une machine à la place de la tête et une machine dans le cœur. Vous n'êtes pas des machines, vous n'êtes pas des esclaves, vous êtes des hommes." 

 

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Le Cirque (The Circus)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1928)

Le Cirque (The Circus)

Chaplin s'investissait totalement dans son art. A peine avait-il terminé un film qu'il s'attaquait au suivant. Mais le tournage du Cirque fut une telle accumulation de scandales et d'épreuves (dignes du Lost in la Mancha de Gilliam mais avec un happy-end puisque le film fut terminé et rencontra le succès) que Chaplin le remisa aux oubliettes jusqu'à la fin des années 60 date à laquelle il accepta d'enregistrer la musique du film, allant jusqu'à interpréter lui-même à près de 80 ans la chanson titre "Swing high little girl". L'histoire compliquée du Cirque explique sans doute qu'il reste moins connu que ses autres chefs-d'oeuvre.

On rit beaucoup dans Le Cirque. Pourtant il décrit un monde qui ne fait pas rire. Un théâtre de pantins, dominé par le cercle vicieux de la brutalité, de l'exploitation, de la dictature des faux-semblants (le labyrinthe de miroirs). Arrive l'élément perturbateur. Il s'agit du Vagabond, un SDF sans le sou, affamé, mais riche en humanité. Involontairement, il réanime un spectacle moribond mais il ne peut faire rire sur commande. Et pour cause, le rire naît du mouvement même de la vie qui ne peut être contrôlé et encore moins enfermé. On peut faire d'ailleurs un parallèle évident avec un autre film de Chaplin. Dans Les Feux de la Rampe, Calvero, un clown vieux et fatigué ne parvenait plus à faire rire personne, sauf le temps d'une ultime prestation lorsqu'il était revigoré par l'amour que lui portait Terry, une jeune danseuse. Merna (Merna Kennedy), la danseuse du Cirque inspire les mêmes sentiments au Vagabond mais il découvre qu'elle lui préfère Rex, le bellâtre de service (Harry Crocker) et son abattement se ressent dans ses prestations. Hormis lorsqu'il remplace Rex dans son numéro de funambule, un morceau de bravoure spectaculaire réalisé sans filet (mais avec des singes ^^). Son effacement final au profit du jeune couple ressemble comme deux gouttes d'eau à l'intrigue du court-métrage "The Tramp" ("Le Vagabond") réalisé en 1915 pour la Essanay. L'histoire se déroulait dans une ferme et non dans un cirque mais le Vagabond n'y trouvait pas sa place et devait repartir seul sur les chemins.

Condamné à être libre.  

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Lost in translation

Publié le par Rosalie210

Sofia Coppola (2003)

Lost in translation

" Pourquoi ce mystère/ Malgré la chaleur des foules/ Dans les yeux divers/ C'est l'ultra moderne solitude." Cet extrait de la chanson d'Alain Souchon pourrait tout à fait illustrer la teneur du film de Sofia Coppola. L'ultra moderne solitude de deux américains paumés dans leurs baskets et dans leur vie, errant sans but la plupart du temps dans leur hôtel de luxe tokyoïte aux proportions démesurées.

Film lent, contemplatif, mélancolique voire dépressif, "Lost in translation" n'a pas un style spécialement séduisant. De plus comme dans d'autres films de la réalisatrice, l'histoire de ces gens riches déracinés, tournant en rond dans leur bocal doré et se regardant le nombril peut sembler creuse voire parfaitement ridicule.

Mais en fait on accroche quand même et ici plutôt deux fois qu'une. La caméra de Sofia Coppola est élégante, les personnages, bien décalés, surtout dans un pays dont ils ne maîtrisent ni la langue, ni les codes. Bill Murray trouve avec Bob Harris un de ses meilleurs rôles. Tantôt absolument désopilant (les scènes de tournage de la pub pour le whisky Suntory sont des moments d'anthologie), tantôt neurasthétique façon Droopy, tantôt profondément ému, il fait une prestation mémorable qui vaut 4 étoiles à elle seule. Et Scarlett Johansson dans le rôle de Charlotte apporte de la sensualité, une bienvenue fraîcheur et un regard plus observateur et plus ouvert sur le monde extérieur. Leur belle relation en miroir fait gagner de l'épaisseur au film car elle contraste avec le monde de superficialité (mode/pub) dans lequel ils évoluent. On peut déplorer tout de même l'enfilade de clichés sur la culture japonaise traditionnelle (le mont Fuji, l'ikebana, les kimono, le temple, la scène du mariage) et pop (la trash TV, les manga lus dans le métro, les jeux de pachinko, le karaoké, la débauche technologique)... Coppola capte une atmosphère mais reste extérieure. Pouvait-il en être autrement avec ce qui est une autobiographie déguisée?  

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Un roi à New-York (A King in New-York)

Publié le par Rosalie210

Charles Chaplin (1957)

Un roi à New-York (A King in New-York)

Je suis presque plus attachée aux Chaplin tardifs qu'aux chefs-d'oeuvre muets de sa carrière. Un roi à New-York, son avant-dernier film est sous-estimé dans sa filmographie et c'est bien dommage. Certes, il est imparfait. Les conditions de sa réalisation en exil n'ont pas permis à ce perfectionniste d'en contrôler toutes les finitions. Cela se sent au niveau du scénario et son trop-plein de satire bavarde au détriment de la poésie et de la grâce de ses précédents films, au niveau des éclairages, bâclés, et des scènes d'extérieur tournées à Londres alors que le film est censé se dérouler à New-York.

Mais voilà, on s'en fiche. Là n'est pas l'essentiel. L'essentiel, le cinéaste Roberto Rossellini le résume parfaitement. Un roi à New-York est "le film d'un homme libre". Et "Un film libre et fruste sera toujours préférable à un film élégamment enchaîné." (Kenneth Tynan) Et oui!

On retrouve dans ce film le Chaplin profondément révolté contre l'injustice, l'intolérance et la tyrannie. Comme celles-ci se déchaînent sur un enfant (l'innocence victime d'une société malade), on l'a comparé au Kid. Personnellement il me fait davantage penser au Dictateur car en dépit des dénégations de Chaplin, il s'agit d'un film engagé, politique qui ose se dresser contre les travers de son pays d'adoption (jusqu'en 1952) avec pour cœur de cible les dégâts du Maccarthysme. La séquence burlesque où Chaplin asperge le comité des activités antiaméricaines avec une lance à incendie façon arroseur arrosé est particulièrement jouissive. Les USA interdirent d'ailleurs le film durant une bonne quinzaine d'années, preuve qu'il dérangeait.

Chaplin était un esprit particulièrement clairvoyant. Si les éléments de satire sont trop nombreux dans le film, certains font tellement mouche qu'ils sont passés à la postérité et ont été repris dans des films plus récents. Un homme filmé à son insu, manipulé par une femme qui interrompt leur conversation toutes les 3 secondes pour débiter d'ineptes publicités? C'est peu ou prou le scénario de "The Truman Show" de Peter Weir. Un individu transplanté d'un ancien monde dans un monde nouveau dont il ne maîtrise pas les codes, en perpétuel transit dans une chambre d'hôtel, contraint à cause de ses déboires financiers de tourner un ridicule spot publicitaire pour une mauvaise marque de whisky? On reconnaît bien entendu la trame de "Lost in translation" de Sofia Coppola. Ajoutons une hilarante séquence autour de la chirurgie esthétique et du jeunisme et on mesure à quel point Chaplin était en avance sur son temps.

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Indiscrétions (The Philadelphia Story)

Publié le par Rosalie210

George Cukor (1940)

Indiscrétions (The Philadelphia Story)

Oui, Indiscrétions (The Philadelphia story) est l'une des meilleures comédies réalisée aux USA à cette époque, mélange de screwball (dialogues percutants, comédie du remariage, guerre des sexes) et de comédie sophistiquée à la Lubitsch dans la high society. C'est d'ailleurs peut-être cette pratique de l'entre soi (bourgeois, aristos, parvenus et paparazzi) renforcé par l'origine théâtrale du film qui explique que je n'y adhère pas complètement. Katharine Hepburn avait besoin de redorer son blason au box-office après plusieurs échecs successifs et une réputation de ch...se sur les plateaux, alors Cukor met le paquet sur elle. Certes elle est éblouissante, cassant son image de déesse hautaine pour dévoiler ses fragilités (dans le film et dans son jeu). Mais elle prend tellement de place qu'elle éclipse un peu trop ses partenaires masculins. Cary Grant est génial, dommage que sa présence dans le film soit en pointillés. La séquence muette d'ouverture est un très grand moment, hélas isolé. Quant au talent de James Stewart, il ne peut s'exprimer pleinement, son rôle étant trop étriqué. Grant et lui sont surtout des faire-valoir et c'est bien dommage.

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