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Articles avec #comedie dramatique tag

Don't look up: Déni cosmique (Don't look up)

Publié le par Rosalie210

Adam McKay (2021)

Don't look up: Déni cosmique (Don't look up)

Le titre en soi est un message: "Ne lève pas la tête" sous-entendu, continue à faire l'autruche dans ta réalité alternative créée de toute pièces par l'ère numérique. Chaque époque a ses "Don't look up", ces films lanceurs d'alerte d'une catastrophe imminente faisant aussi l'état des lieux d'un pays et d'une société tournant résolument le dos aux périls leur fonçant dessus, voire contribuant à l'alimenter. Par exemple "La Règle du jeu" de Jean Renoir montrait une société dansant sur le volcan de la seconde guerre mondiale prête à se déclencher alors que "Docteur Folamour" de Stanley Kubrick offrait une désopilante satire de l'Etat américain composé de figures plus grotesques les unes que les autres dont la paranoïa, l'incompétence, le jusqu'au-boutisme patriote ou encore le cynisme provoquait l'apocalypse nucléaire au temps de la guerre froide. "Don't look up" mêle un peu de ces deux influences: on y voit à la fois une société hors-sol abrutie par la surconsommation, la désinformation et la course à la popularité sur les réseaux sociaux qui ne voit rien venir presque jusqu'au bout et une galerie de personnages grotesques incarner le sommet de l'Etat US allant de la présidente ignare obsédée par sa réélection et le profit (Meryl Streep en version féminisée de Trump) à l'infotainment (incarné par deux "journalistes" dont l'un est interprété par Cate Blanchett) en passant par le Folamour 2.0, un milliardaire illuminé joué par Mark Rylance (qui jouait déjà le rôle du cerveau de l'OASIS dans "Ready Player One") espérant faire son petit beurre personnel sur le malheur planétaire. Au milieu de cet énorme barnum, deux scientifiques (joués par Léonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence que j'ai trouvés tous deux très bons et complémentaires alors que je ne suis pas fan d'eux à la base: la jeune doctorante révoltée qui ne mâche pas ses mots et le professeur rongé d'angoisses, un peu veule, prêt au compromis voire à la compromission mais qui a conservé suffisamment les pieds sur terre pour finir lui aussi par péter les plombs devant l'orgie de folie collective à laquelle il assiste) essayent de se faire entendre mais ne maîtrisant pas la com (renommé "media training") personne de les écoute: ils sont ridiculisés, cyniquement récupérés ou bien quand ils s'avèrent incorruptibles, la "raison d'Etat" les fait taire. Là non plus, rien de neuf depuis Cassandre et les jeux du cirque et si on peut trouver que le réalisateur (et certains acteurs) en font trop, que certaines séquences sont trop étirées voire inutiles (le personnage de Timothée Chalamet ne sert franchement pas à grand-chose, certains passages de type télé-réalité ou de concert sont un peu longs, la fin hésite trop entre une sobriété émouvante du type "Mélancholia" et un grand-guignol grinçant proche de "Docteur Folamour") ça n'empêche pas le film de taper souvent dans le mille. Par exemple les spéculations des Etats et des entreprises sur l'exploitation des ressources d'une comète qu'ils laissent heurter la terre en espérant contrôler sa chute fait penser à celles qui favorisent l'accélération de la fonte des glaces ou la déforestation alors que les conséquences pourraient être tout aussi apocalyptiques. Ou encore l'indifférence de l'opinion vis à vis des lanceurs d'alerte qui échouent à éveiller les consciences et la décrédibilisation de la science au profit des fake news nourrissant les théories du complot en raison de la plus grande popularité de ces dernières sur les réseaux sociaux. Même ça ce n'est pas nouveau: la majorité des gens préfèrent des réponses faciles plutôt que celles qui prennent la tête avec cependant une tendance au zapping que l'on ressent dans beaucoup de films actuels (dont celui-ci, très bavard, rapide et aux images bourrées d'informations). Bref une énième illustration de la maison qui brûle pendant que la majorité regarde ailleurs et qu'une minorité privilégiée surfe sur la catastrophe en perfectionnant un plan B chimérique de fuite sur une autre planète au cas où ça tournerait mal.

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L'Homme de Rio

Publié le par Rosalie210

Philippe de Broca (1964)

L'Homme de Rio

L'Homme de Rio, deuxième collaboration entre Philippe de Broca et Jean-Paul Belmondo (après "Cartouche") c'est le film qui fait la liaison entre les aventures de Tintin et la saga Indiana Jones. Les emprunts aux albums du célèbre reporter sont légion et rappellent que L'Homme de Rio est issu d'un projet d'adaptation de l'oeuvre de Hergé: les statuettes dissimulant un secret? "L'Oreille Cassée". Les enlèvements d'ethnologues? "Les Sept boules de cristal". La superposition des trois parchemins? "Le Secret de la Licorne". Le héros suspendu juste au-dessus d'un crocodile affamé? "Tintin au Congo". Ou cascadeur le long d'un immeuble? "Tintin en Amérique". Les fléchettes empoisonnées? "Les Cigares du pharaon". Cette ligne claire par son extrême précision se combine avec une vitesse d'exécution sans pareille, d'immenses espaces à défricher (la jungle), ou à investir (Brasilia), les qualités athlétiques de Jean-Paul Belmondo qui ne cesse de courir, sauter, grimper, nager, se bagarrer du début à la fin du film à pied, en vélo, en voiture, en avion ou de liane en liane (mais toujours en ligne droite, de case en case!) et un zeste du rire unique de Françoise Dorléac. La dynamique de leur couple rappelle les meilleures comédies américaines, les séquences de saloon font penser au western, celle où le héros grimpe le long d'un mur et les bagarres où le décor est détruit aux burlesques muets et juste retour des choses, le film sera à son tour une source d'inspiration majeure pour Spielberg (qui découvrira ensuite par ricochet l'oeuvre belge d'origine et lui rendra hommage en 2011). L'ensemble défie les lois de l'apesanteur dans une esthétique bariolée proche de son modèle original, la BD mais aussi de la légèreté de la Nouvelle Vague (décors naturels, faux raccords privilégiant le rythme à la cohérence).

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Marquise

Publié le par Rosalie210

Véra Belmont (1997)

Marquise

Librement inspiré de la vie de Marquise-Thérèse de Gorla dont le nom de scène était Mademoiselle du Parc ou Marquise du parc, le film de Véra BELMONT s'inscrit dans une veine du divertissement historique "qualité française" à grand spectacle populaire, léger et grivois. D'ailleurs cela va de pair avec le choix de Sophie MARCEAU pour l'incarner, celle-ci étant plus remarquable pour sa superbe plastique que pour son jeu de petite fille aguicheuse et boudeuse (surtout lorsqu'il s'agit de jouer Andromaque: le fait qu'elle ait pu inspirer le personnage est risible). L'Histoire est vue par le petit bout de la lorgnette (pour ne pas dire au fond de la cuvette des WC au vu des scènes récurrentes de défécation) et la modernité féministe de ce personnage est toute relative: son ascension est due plus à ses charmes qu'à son talent, Marquise s'avérant être avant tout la maîtresse de Molière qui la relègue à l'arrière-plan de ses pièces puis la muse et la maîtresse de Racine tout en ne laissant pas indifférent Louis XIV. On reste dans un territoire bien balisé, celui des égéries et concubines d'hommes de pouvoir qui dépendent d'eux et de leur désir pour exister. Le film n'est tout de même pas complètement dénué de qualités. La distribution est prestigieuse (avec notamment deux membres de l'ex-troupe du Splendid, ANÉMONE dans le rôle de La Voisin et Thierry LHERMITTE qui campe un réjouissant et inattendu Louis XIV), les dialogues (co-signés par le romancier Gérard Mordillat) sont recherchés et il y a de beaux décors et costumes. Mais dans le genre, je préfère "Ridicule" (1996) sorti peu de temps auparavant et surtout "Que la fête commence" (1974), beaucoup plus profond.

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Désir (Desire)

Publié le par Rosalie210

Frank Borzage (1936)

Désir (Desire)

Un film peut en cacher un autre. Je pensais au départ regarder un mélodrame de Frank Borzage, le spécialiste de l'amour fou sans me douter que j'allais regarder en fait une comédie sophistiquée de Ernst Lubitsch, officiellement producteur mais dont l'influence sur la mise en scène ne fait aucun doute. Tout le début est 100% lubitschien avec le montage d'un savoureux quiproquo par une croqueuse de perles (Marlène Dietrich) qui pour parfaire son joli tour de passe-passe à la douane se sert d'un pauvre quidam, genre grand dadais naïf (Gary Cooper évidemment) comme "mule", à l'insu de son plein gré. Le pauvre ingénieur américain Tom Bradley qui espérait passer des vacances tranquilles au soleil en faisant au passage la promotion des voitures de sa firme se retrouvé doublé puis dépouillé de son véhicule par l'escroqueuse qui est aussi chauffarde: de purs moments de screwball comédie. La façon dont il se laisse mener par le bout du nez par Madeleine est également assez irrésistible. Mais la suite m'a moins convaincue. Je l'ai trouvé plus convenue. La manipulatrice qui tombe amoureuse de sa proie, c'est du déjà vu, en mieux, ailleurs (dans "L'Extravagant M. Deeds" par exemple avec le même Gary Cooper qui date de la même année). On ne retrouve pas dans la romance naissante entre Tom et Madeleine le caractère sacré de l'amour que se portent les amants de Frank Borzage. Le film est trop léger pour ça. Il y a plutôt des allusions coquines... à la Lubitsch, une fois de plus (une difficulté suspecte à réveiller les deux tourtereaux qui certes dorment chacun dans leur chambre mais pensent à l'autre avec une expression de béatitude sur le visage). Quant à la fin, elle est moralisatrice et on finit par se demander si ce n'est pas "Tante Olga" (la meneuse du gang d'escrocs) qui a fait le bon choix en renonçant à l'amour et en conservant sa liberté plutôt que Madeleine obligée de courber l'échine devant tous ceux qu'elle a volé, cornaquée par Tom qui détient sa liberté conditionnelle dans une poche et sa licence de mariage dans l'autre.

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Les Beaux Gosses

Publié le par Rosalie210

Riad Sattouf (2008)

Les Beaux Gosses

"Les Beaux Gosses" ce n'est pas "De Nuremberg à Nuremberg" mais "De la BD à la BD". Le film, sorti en 2009 est la libre adaptation par Riad Sattouf de deux de ses bandes dessinées consacrées à la jeunesse, "Le manuel du puceau" (2003) et "Retour au collège" (2005). En 2021 paraît le premier tome de la série "Le jeune acteur" qui revient sur l'histoire du premier film de Riad Sattouf mais pour se focaliser cette fois sur Vincent Lacoste dont c'était le premier rôle au cinéma. Sattouf y explique notamment comment il lui a fallu faire un casting sauvage dans les collèges pour y dénicher un adolescent aux prises avec les ravages biologiques de la puberté et non une belle image léchée très éloignée de "l'âge ingrat" telle qu'il voulait le représenter à l'écran. Un adolescent ordinaire plutôt timide et complexé qui n'avait jamais rêvé d'être acteur et qui n'était pas spécialement doué au départ. Mais qui a appris très vite le métier (en travaillant...) avec le résultat qu'on connaît: un vilain petit canard devenu depuis un beau cygne ^^.

C'est ce souci de réalisme ainsi que le ton sarcastique qui l'accompagne qui fait de "Les Beaux Gosses" un teen-movie savoureux* et non son intrigue (un récit d'apprentissage à base de "pelles" et de "râteaux"). En effet dès les premières images, on est dans le vif du sujet, au plus près de visages gras et boutonneux s'embrassant goulûment, bref on sait qu'on va parler de choses très organiques et pas forcément ragoûtantes. De fait les premiers émois amoureux et sexuels de Hervé (Vincent Lacoste) s'inscrivent dans un corps disgracieux et gauche, affublé d'un petit rire niais (et bagué évidemment) devant les situations gênantes qu'il vit avec sa première copine, Aurore: la technique du baiser qu'il faut perfectionner, l'éjaculation précoce et puis les détails concrets du corps de l'autre qui peuvent faire peur voire dégoûter (des pieds sales par exemple). Ladite Aurore n'est pas elle-même plus à l'aise. On comprend à demi-mot que son attirance pour Hervé est liée au manque d'assurance de celui-ci (parce que justement c'est rassurant) et elle refuse ses caresses dès qu'elles deviennent plus poussées. Evidemment comme si cela n'était pas déjà assez compliqué comme ça, Camel (Anthony Sonigo) le copain de Hervé collant, obsédé et si possible encore plus frustré ne fait rien pour arranger les choses et ne cesse de s'incruster. De même que la mère de Hervé divorcée, collante, obsédée et si possible encore plus frustrée (Noémie Lvovsky). Bref, Hervé a la lose qui lui colle aux baskets et le comique jaillit évidemment du décalage entre les efforts qu'il fait pour donner l'apparence qu'il contrôle la situation et une réalité qui ne cesse de lui échapper.

En dépit de son caractère très ancré dans la réalité hormonale des adolescents, le film de Riad Sattouf a aussi quelques liens avec la BD. De nombreux amis bédéastes célèbres y font des apparitions clin-d'oeil (de Marjane Satrapi à Joann Sfar). Les personnages ont une dégaine facilement transposable dans l'univers de la BD (dont une tenue vestimentaire faite pour leur coller à la peau). Une des raisons qui a poussé Riad Sattouf à choisir Vincent Lacoste était justement le fait qu'il semblait sortir d'une planche de ses BD (et comme je le disais au début il a fini par devenir un personnage de BD). Enfin le générique est traité à la manière d'une série de vignettes de BD ce qui accentue la drôlerie des chutes humoristiques.

* Evidemment on pense aux films américains spécialisés dans le genre et notamment à "American Pie", la masturbation étant une des principales activités de "Les Beaux Gosses" ^^.

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Marie-Francine

Publié le par Rosalie210

Valérie Lemercier (2017)

Marie-Francine

"Marie-Francine" n'est peut-être pas la comédie du siècle mais elle se situe un cran au-dessus de la moyenne hexagonale. Son premier atout: sa charge satirique basée sur une justesse d'observation des inégalités (sociales, sexuelles, générationnelles) qui traversent la société française vues à travers un microcosme familial élargi. Son deuxième atout: le soin particulier apporté aux seconds rôles qui donnent toute sa saveur à ce microcosme. Les parents de Marie-Francine se taillent la part du lion en ce domaine. Hélène VINCENT et Philippe LAUDENBACH sont désopilants en grands bourgeois du XVI° aussi hypocrites que remplis de petites manies. A travers eux, on ressent comme rarement dans le cinéma français la réalité de la captation du patrimoine par les seniors au détriment de leurs enfants beaucoup plus précaires. Car l'autre coup de griffe bien senti de Valérie LEMERCIER s'adresse à l'institution du mariage bourgeois et au-delà à la domination du patriarcat. Alors que le mari de Marie-Francine (Denis PODALYDÈS) la largue d'une manière particulièrement indélicate pour une femme plus jeune, c'est elle qui se retrouve à payer les pots cassés tandis que seule sa mère subit des commérages sur ses relations extra-conjugales (considérées comme normales lorsqu'il s'agit du père).

Alors effectivement, on peut considérer que l'ajout d'une intrigue romantique dans un but évident de rééquilibrage est maladroit. Elle ne s'élève pas à la hauteur de la comédie satirique et il y a même des moments où l'on sent un peu trop les ficelles, néanmoins Patrick TIMSIT est charmant en "prince charmant" de la cuisine roborative et bien secondé (lui aussi) par Nadège BEAUSSON-DIAGNE et pas seulement aux fourneaux!

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Sometimes always never

Publié le par Rosalie210

Carl Hunter (2018)

Sometimes always never

"Sometimes always never" est un film britannique étonnant (disponible en ce moment sur Canal) que j'ai découvert grâce à une critique élogieuse sur une page dédiée au cinéma. Et puis le personnage principal est joué par Bill NIGHY qui est un acteur que j'adore depuis que je l'ai vu dans "Love Actually" (2003) (le who's who des plus grands comédiens britanniques, à égalité avec la saga Harry Potter dans laquelle il a d'ailleurs fini par décrocher un petit rôle, disant non sans humour qu'il était le dernier à ne pas y avoir été embauché!) et plus récemment dans "The Bookshop" (2017) (je l'ai vu aussi dans "Good Morning England" (2008) mais à l'époque, je n'avais pas trop accroché et cela demande donc un second visionnage).

Disons-le tout de suite le gros point fort du film est son esthétique qui fait beaucoup penser à celle de Wes ANDERSON: même obsession de la symétrie, même goût pour les couleurs pop et les collections d'objets vintage, même maniaquerie du détail. S'y ajoute quelque chose que je n'avais encore jamais vu au cinéma, une composition du cadre à la manière d'un collage dans lequel les personnages (et parfois même leur voiture) semblent détourés et aplatis par rapport au décor, à la limite du cartoon. Il faut dire que le réalisateur, Carl HUNTER a travaillé dans le monde de la musique mais aussi du livre et a réalisé des pochettes de disque, des illustrations photographiques et des posters. C'est pourquoi (comme Wes ANDERSON encore!), le film a une forte identité littéraire: il est découpé en chapitres avec des pages-titre ("itinéraire", "embarrassant" et "espoir") alors que le jeu de Scrabble qui est le point de ralliement de tous les personnages permet de belles associations poétiques. Ainsi quand Jack, le petit-fils de la famille invite la fille qui lui plaît à jouer, on constate que les mots de leur partie se rapportent tous au champ lexical de l'amour alors que lorsque le grand-père, Alan, joue (alias Bill NIGHY) on navigue davantage dans le monde de l'exotisme (il évoque ses voyages mais comme le film épouse son point de vue et que celui-ci est complètement décalé par rapport au réel, on est "dépaysé").

Tout cela forme un ensemble tellement charmant, créatif et rafraîchissant que l'on oublie largement les faiblesses du scénario. Celui-ci tourne en effet autour d'une intrigue ténue (pour ne pas dire fantôme), prétexte à réunir une famille désunie autour de son patriarche, Alan. Lequel en sa qualité de tailleur élégant mais quelque peu maniaque (à l'image du film évidemment puisque comme je l'ai dit, celui-ci épouse son point de vue) explique la règle du boutonnage de la veste à trois boutons à son petit-fils Jack, règle qui donne son titre au film: celui du haut, parfois, celui du milieu toujours et celui du bas jamais.

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A l'est de Shangai (Rich and Strange)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1931)

A l'est de Shangai (Rich and Strange)

Sixième film parlant de Alfred HITCHCOCK (en deux ans!), "Rich and Strange", encore marqué dans son style par l'ère du muet (cartons, phrases non sonorisées, peu de dialogues, jeu forcé, plans expressifs) est une comédie sentimentale et d'aventures atypique dans sa filmographie. A mi-chemin entre "L'Ile de la tentation" et "Titanic" (1997), le film raconte le naufrage puis le sauvetage d'un couple parti se régénérer dans une croisière autour du monde. C'est un film mineur mais très plaisant, rehaussé par un humour percutant et une réflexion sur le couple qui ne manque pas de pertinence. D'abord parce que Fred et Emily cherchent des raisons extérieures à l'usure de leur couple (le train-train quotidien) et pensent que l'exotisme va tout résoudre. Evidemment, c'est le contraire qui se passe puisque l'exotisme prend la forme de l'adultère (très habilement suggéré). Ensuite parce qu'en mettant ainsi en danger leur couple, chacun découvre l'autre sous un jour plus réaliste et Fred et Emily peuvent ainsi prendre un nouveau départ. Nul doute qu'il y ait une part d'autobiographie dedans (même si l'argument est tiré d'un roman de Dale Collins rédigé en parallèle) d'autant que le scénario a été co-écrit avec Alma REVILLE, épouse de Alfred HITCHCOCK à la ville. Joan BARRY, l'actrice qui joue Emily n'est autre que la voix que l'on entend dans "Chantage" (1929), le premier film parlant de Alfred HITCHCOCK.

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Je sens le beat qui monte en moi

Publié le par Rosalie210

Yann le Quellec (2012)

Je sens le beat qui monte en moi

Cet excellent court-métrage raconte la rencontre amoureuse de deux collègues travaillant pour une agence touristique "vintage" proposant des visites guidées de la ville de Poitiers en mini-van "vintage". Dès le début, on sent donc poindre la comédie décalée. Le premier personnage est chauffeur, sa collègue est guide. Tous deux auraient pu appartenir au club de "Les Émotifs anonymes" (2010). Mais fort heureusement pour eux (et pour nous), il s'avèrent qu'ils sont possédés par le démon de la musique et de la danse. S'ils sont rongés par la timidité dans des situations ordinaires, leur corps échappe à leur contrôle et "parle" pour eux dès que la température commence à monter. Chacun avec son identité propre cependant. Alain (Serge BOZON BG à tendance dandy bien plus accessible cependant qu'un Benjamin BIOLAY) ne vibre que sur un certain type de musique (celle qu'aime justement Serge BOZON, la northern soul) et sinon est du genre à raser les murs ou à multiplier les maladresses. Rosalba (Rosalba TORRES GUERRERO, danseuse et chorégraphe professionnelle) donne en revanche l'impression d'être possédée dès la première note de musique, quelle qu'elle soit (hip-hop, toccata et fugue de Bach, air joué à la flûte à bec, sonnerie de portable, techno...). Ce qui donne lieu à pas mal de séquences fort cocasses quand elle doit s'habiller, se maquiller, porter des verres remplis à ras bord alors que ses bras, jambes ou hanches se mettent à onduler ou tressauter dans tous les sens. Le film se situe au carrefour de trois genres: la comédie musicale (façon Jacques DEMY au vu du choix des couleurs pétantes rouge et bleue, de la ville de Poitiers et de compositions scéniques et chorégraphiques affirmant délibérément leur artificialité), la comédie burlesque (façon Jacques TATI avec un choix de gags millimétrés dont l'un des plus drôles semble sorti tout droit de "Playtime"(1967) qui libérait les êtres de leur aliénation par la danse) et enfin la comédie romantique.

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Mon oncle d'Amérique

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1980)

Mon oncle d'Amérique

C'était l'un des rares films de Alain RESNAIS que je n'avais pas encore vu. Il m'est arrivé d'être déçu par certains de ses films, quand les parti-pris formels prenaient le pas sur une dimension humaniste atrophiée ("Je t aime, je t aime" (1967), "Pas sur la bouche" (2003) ou encore "Vous n avez encore rien vu" (2012) pour n'en citer que quelque uns). Mais ce n'est pas le cas ici. "Mon Oncle d'Amérique" est un grand film absolument bouleversant. Il l'est d'autant plus qu'il se situe à l'exact croisement des deux parties de la filmographie de Alain RESNAIS, celle des années 50 à 70 à dominante historique et mémorielle et celle des années 80 à 2010 davantage axée sur un petit théâtre social à l'artificialité surlignée trop étroit pour des individus en quête d'absolu. Dans "Mon oncle d'Amérique", il réussit le tour de force grâce à sa mise en scène (choix des plans, montage, découpage etc.) de concilier harmonieusement deux dimensions contradictoires et à faire sens:

- D'une part la dimension sociologique, incarnée par trois personnages venus d'horizons très divers, dont on suit le parcours de la naissance à l'âge adulte et qui sont appelés à se rencontrer et à interagir: un bourgeois carriériste, Jean Le Gall (Roger PIERRE), une actrice puis styliste et ancienne militante communiste issue d'un milieu modeste, Janine Garnier (Nicole GARCIA) et enfin un fils de paysans catholiques devenu directeur d'usine, René Ragueneau (Gérard DEPARDIEU). Cette dimension sociologique s'appuie sur les travaux du neurobiologiste Henri Laborit, un spécialiste du comportementalisme animal et humain. Ses interventions sont ponctuées d'illustrations établissant un parallèle entre ses expériences sur les rats de laboratoire et celles qui animent les comportements de Jean, Janine et René, révélant leur caractère primitif (la fuite ou la lutte face à une situation désagréable ou douloureuse, la recherche de gratifications et de récompenses, l'inhibition génératrice d'angoisse et de somatisations diverses face à une situation d'impuissance). Cette lecture fait la part belle aux déterminismes sociaux puisqu'elle se fonde sur la loi de la jungle dans laquelle le plus fort l'emporte sur le plus faible. Et il s'avère qu'effectivement Janine bat en retraite face à l'épouse légitime de Jean et que René, considéré comme meilleur exécutant que décideur est déclassé à plusieurs reprises sans pouvoir véritablement riposter, sinon contre lui-même. Même Jean, le plus privilégié des trois connaît un moment de disgrâce qui le rend malade.


- Mais à cette dimension fataliste de la destinée humaine (c'est à dire axée sur des phénomènes sur lesquels il n'a pas de prise), Alain RESNAIS superpose la dimension émotionnelle et spirituelle, intimiste, qui prend le pas sur la dimension pulsionnelle grâce au jeu plein de sensibilité des comédiens, tous remarquables et à sa mise en scène empathique qui nous fait ressentir leurs angoisses, leur souffrances, leurs peurs, leurs tristesse notamment grâce à des gros plans expressifs sur leurs visages. Mais ce qui m'a le plus remué est l'idée de visualiser leur âme à l'aide d'images récurrentes d'une star de cinéma issue du passé. Les pulsions primitives cèdent le pas à ce que l'homme a de plus élevé, de plus noble, sa capacité à vibrer, à aimer et à créer. René est ainsi suivi comme une ombre par Jean GABIN (une filiation assez évidente avec Gérard DEPARDIEU) alors que Janine elle voit un Jean MARAIS chevaleresque et romantique apparaître dans des images d'une beauté à couper le souffle (et qui donnent envie de voir tous les films dont elles sont issues).

La conciliation des deux dimensions atteint une portée historique, philosophique et métaphysique. Henri Laborit explique que la méconnaissance du fonctionnement du cerveau humain conduit à l'utiliser pour dominer ou détruire l'autre. Et Alain RESNAIS montre immédiatement en images ce que cela signifie à l'aide de travellings sur des bâtiments en ruine qui renvoient au souvenir des guerres passées et aux horreurs qui les ont accompagnées, horreurs dont Alain Resnais a rendu compte dans ses premiers films. Par là-même, il relie explicitement les deux dimensions à l'oeuvre dans son récit en montrant que les pulsions non apprivoisées peuvent détruire toute la beauté dont l'homme est capable et qu'il devient urgent selon la maxime de Socrate d'apprendre à se connaître en pleine conscience.

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