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Articles avec #comedie dramatique tag

Pédale douce

Publié le par Rosalie210

Gabriel Aghion (1995)

Pédale douce

"Pédale douce" est une comédie inégale mais beaucoup plus habile que ne le laissent penser ses oripeaux criards des années 90 (tubes à foison, vision tape à l'œil des homosexuels comme s'il s'agissait d'une faune à part, ressorts comiques boulevardiers etc.) Les bonnes comédies disent toujours quelque chose de leur époque. Le choc culturel frontal entre le monde bourgeois pétri de valeurs conservatrices d'Alexandre Agut (Richard BERRY) et celui du monde de la nuit débridé représenté par le restau-club d'Eva (Fanny ARDANT) ne sont que les deux faces d'une même pièce schizophrénique. Eva vient du même milieu mais donne l'impression d'avoir mis les doigts dans la prise. Ce qui est presque le cas: Alexandre lui offre un bouquet d'ampoules électriques après l'avoir vu en voler une chez lui. Mais par-delà sa crinière ébouriffée, c'est surtout par elle que le scandale arrive puisqu'avec son look de tigresse et son franc-parler, elle révèle les faux-semblants du couple Agut, et plus largement, les turpitudes qui se cachent derrière les convenances bourgeoises. Tous les personnages qui gravitent autour d'elle ont un double fond, à l'image du salon privé de son restaurant qui représente "la face cachée de la lune". Ainsi, lorsque Alexandre décrit l'image qu'il avait de son employé André Lemoine (Jacques GAMBLIN) avant qu'il ne le découvre en plein strip-tease libérateur dans le salon privé d'Eva (un fameux plan-séquence sur le tube de Dalida "Salma ya Salama"), on a l'impression qu'il se décrit lui-même: trop sérieux, voire ennuyeux. Adrien, le collègue d'André Lemoine et ami fusionnel d'Eva (Patrick TIMSIT) est le plus clivé de tous. Obsédé par les apparences, c'est lui qui a l'idée de présenter Eva comme sa femme chez les Agut, introduisant sans le savoir le loup dans la bergerie. On rit beaucoup de ses efforts pour ne pas vieillir et ne pas paraître gay mais dans le fond, c'est un personnage qui illustre assez bien les difficultés de nombre d'homosexuels de l'époque qui pour faire carrière devaient cacher leur homosexualité et ne pouvaient pas se mettre en couple ou fonder une famille (ou alors comme dans le film, d'une manière bancale et en faisant souffrir tout le monde). Sans parler de l'ombre du sida qui s'invite au beau milieu de la fête dans l'appartement des Agut transformé en boîte de nuit sous l'impulsion de Marie (Michèle LAROQUE) qui ne sait plus quoi inventer pour que son mari la regarde à nouveau. Tout le film repose ainsi sur des quiproquos et des malentendus entre des personnages déboussolés qui cachent leur mal-être sous l'extravagance ou sous les convenances. La pirouette finale qui fait penser à "Les Valseuses" (1974) est plutôt bien trouvée dans le sens où le film de Bertrand BLIER s'attaquait lui aussi aux conservatismes sociétaux même s'il s'atteint pas le même degré de méchanceté subversive. Le film de Gabriel AGHION en dépit de ses répliques acides signées Pierre PALMADE est plus bon enfant que véritablement dérangeant.

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Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (You will meet a tall dark stranger)

Publié le par Rosalie210

Woody Allen (2010)

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (You will meet a tall dark stranger)

"Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu" porte bien son titre car il fait partie des films restés quelque peu dans l'ombre du prolifique cinéaste. Pourtant, il ne manque pas de qualités. Le titre justement est fort bien trouvé car ce "bel et sombre inconnu" peut tout aussi bien être le prince charmant que la grande faucheuse comme si l'illusion de l'un n'allait pas sans la réalité de l'autre (ou permettait de la supporter). Il est donc beaucoup question de désirs et de mort dans le film au travers des tribulations d'une famille, les Shepridge traitée à la fois avec beaucoup d'humour et un arrière-goût d'amertume et de mélancolie qui en fait tout l'intérêt. Anthony HOPKINS fait une composition pleine d'autodérision en homme qui, sentant sa fin approcher envoie promener toutes les convenances pour se payer une bimbo qui espère-t-il, lui donnera un héritier, quitte à prendre du viagra, à fréquenter les salles de musculation, les cabines à UV et les boîtes de nuit. Son ex-femme Helena (Gemma JONES) se réfugie quant à elle dans les sciences occultes, un avatar de la magie du cinéma (Cristal, la diseuse de bonne aventure lui suggère une belle prophétie autoréalisatrice) alors que le gendre, Roy (Josh BROLIN), tente un gros coup de poker à la "Match point" (2005) pour relancer sa carrière littéraire en berne tout en lorgnant sa jolie voisine qui n'est plus sûre de vouloir se marier. Enfin Sally (Naomi WATTS), la fille des Shepridge, épouse frustrée de Roy, s'éprend de son patron Greg (Antonio BANDERAS) sur lequel elle cristallise tous ses fantasmes. Sa déception n'en sera que plus cruelle. Même les intrigues vouées à réussir portent en elle leur fantôme maléfique: l'auteur du roman que s'est approprié Roy le hantera à jamais de même que Claire, la femme décédée de Jonathan sera toujours présente dans son couple avec Helena.

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Les Amants passagers (Los Amantes Pasajeros)

Publié le par Rosalie210

Pedro Almodovar (2012)

Les Amants passagers (Los Amantes Pasajeros)

Pedro ALMODÓVAR en panne sèche dans ce qui est l'un de ses plus mauvais films. Bien plus mauvais que ceux de ses débuts qui avaient pour eux une certaine fraîcheur. Là, ça sent franchement la viande avariée dans cet avion qui tourne en rond-rond (comme le scénario du film). Moins une métaphore de l'Espagne en crise qu'une régression communautariste sans pour autant que l'énergie de la Movida n'anime le film. Ce qui est révolu ne peut être ranimé. Aussi le spectateur lambda se retrouve dans la situation du passager classe éco qui sous l'effet de ce puissant somnifère sombre peu à peu dans une douce torpeur et est exclu de la fête (à l'exception de celui qui, bien gaulé peut servir de poupée gonflable à Lola DUEÑAS). Seuls les initiés peuvent s'éclater à l'image des passagers classe affaire et de l'équipage qui s'envoient joyeusement en l'air durant 90% de l'histoire. Mais ils sont bien les seuls avec leurs cocktails à la mescaline et leur déchaînement de libido 100% "La Cage aux Folles" (1973): les personnages sont caricaturaux, les intrigues sont insignifiantes et décousues, le rythme est poussif, la construction, foutraque (la séquence initiale entre Antonio BANDERAS et Penélope CRUZ tombe comme un cheveu sur la soupe ou plutôt comme le téléphone depuis le pont du viaduc qui vient briser le huis-clos du reste du film) La seule scène un peu sympa est celle de la chorégraphie des trois stewards sur "I'm so Excited" des The Pointer Sisters, autrement dit, une séquence-clip. C'est trop peu.

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Mina Tannenbaum

Publié le par Rosalie210

Martine Dugowson (1993)

Mina Tannenbaum

J'avais beaucoup entendu parler de "Mina Tannenbaum" à sa sortie. Force est de constater qu'aujourd'hui il est un peu oublié, sans doute parce qu'il a mal vieilli. C'est en tout cas l'impression que j'ai eu en le regardant. Il y a évidemment les deux actrices qui crèvent l'écran, Elsa ZYLBERSTEIN et Romane BOHRINGER auxquelles il faut rajouter une cousine hors-sol commentant leurs faits et gestes qui est devenue également célèbre, Florence THOMASSIN. Mais autour d'elles, force est de constater que c'est un peu le désert: personnages secondaires inconsistants, environnement qui manque de vie, passage du temps abstrait (leurs looks improbables n'aident pas et comme il y a peu de choses autour, on a du mal à se situer) et même au final une certaine difficulté à nous faire ressentir le poids de leurs origines familiales et culturelles dans leurs existences alors que c'est censé être essentiel. Tout cela fait que je me suis assez vite désintéressée de leurs petits problèmes amoureux (tous leurs Jules sont insipides à part celui joué par Jean-Philippe ÉCOFFEY qui avait un vrai potentiel mais hélas sous-exploité) aussi bien que de leurs ambitions professionnelles ou artistiques. En résumé, le talent et le charisme des actrices dissimule un film anémique. Lorsque des séquences entières sont occupées par des citations musicales ou cinématographiques restituées telles quelles, ce n'est en général pas bon signe. L'étendard qu'il a pu constituer pour une partie des jeunes filles de l'époque a dissimulé sa pauvreté intrinsèque.

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Mandibules

Publié le par Rosalie210

Quentin Dupieux (2020)

Mandibules

Dans "Mandibules", la trouvaille fantastico-absurde de Quentin DUPIEUX n'est ni un pneu psychopathe, ni un blouson en daim qui ne supporte pas la concurrence mais une mouche géante nommée Dominique trouvée dans un coffre de voiture volée par deux losers SDF particulièrement bas de plafond, Manu (Grégoire LUDIG) et Jean-Gab (David MARSAIS). Le genre à enchaîner les gaffes, à avoir un débit de "mongol", trois mots de vocabulaire et aucune suite dans les idées. De quoi bien s'entendre avec la mouche donc. Pas désarçonnés pour deux sous par cette étrange découverte, ils décident d'apprivoiser la bête pour l'utiliser comme drone à leur service. Là où le film devient carrément jubilatoire c'est lorsqu'à la suite d'une méprise, les deux compères quelque peu attardés se retrouvent avec leur passager clandestin dans une superbe villa avec piscine avec une bande de jeunes bourgeois pas très fute-fute eux non plus. Les quiproquos hilarants s'enchaînent portés par une Adèle EXARCHOPOULOS dans un rôle à contre-emploi. Elle est la seule "fine mouche" du groupe mais comme elle est handicapée dans son élocution suite à un accident, elle passe pour une complète agitée du bocal qui fait la paire avec les deux zigotos.

L'univers décalé de Quentin DUPIEUX fait donc encore une fois mouche ^^, nous délivrant une délicieuse petite comédie dont il a le secret, absurde en apparence mais qui retombe parfaitement sur ses pieds. Manu et Jean-Gab semblent coincés dans une réalité parallèle où le temps n'existe pas (ils vivent dans l'insouciance de l'instant) pas plus que l'ancrage dans un espace (ils vivotent dans la précarité la plus complète, dorment dans leur voiture volée déglinguée ou à la belle étoile, mangent ce qui leur tombe sous la main et ont une hygiène douteuse en contraste total avec les luxueuses villas qu'ils sont amenés à visiter ce qui n'a pas l'air de les affecter). D'une certaine manière, ils vont de pair avec la mouche qui vit dans les décharges et se nourrit de rebuts.

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A nous la liberté

Publié le par Rosalie210

René Clair (1931)

A nous la liberté

Impossible en regardant "A nous la liberté" de ne pas penser à "Les Temps modernes" (1934) et même à "Le Roi et l'Oiseau" (1979). Non seulement pour sa critique du travail à la chaîne comme instrument d'un système politique coercitif mais aussi pour le primat de l'image et de la musique sur la parole, associée au monde mécanique. Ce n'est pas seulement un choix lié à la proximité de deux de ces oeuvres avec le cinéma muet. C'est aussi un acte politique alors que les années 30 voyaient se multiplier "le viol des foules par la propagande politique" pour reprendre le titre du livre de Tchakhotine. L'homme nouveau des régimes totalitaires n'était en effet rien d'autre qu'un outil standardisé fabriqué à la chaîne pour servir les désirs de grandeur de leurs chefs: soldat, ouvrier ou les deux. En cela "Le Roi et l'Oiseau" en est leur parfait héritier, transformant en conte universel et atemporel l'expérience de la déshumanisation provoquée par les révolutions industrielles du XIX° siècle et les régimes totalitaires du XX° siècle et faisant par contraste l'apologie de la liberté individuelle et de la résistance à l'oppression, y compris à travers les objets du monde industriel délivrés de leur servitude (une idée reprise ensuite par Hayao MIYAZAKI dans "Le Château dans le ciel") (1986).

"A nous la liberté", l'un des premiers films parlant de René CLAIR est à l'image de ses films muets. Un pied dans l'avant-garde, architecturale notamment (le style Bauhaus des décors de Lazare MEERSON), l'autre dans le rétroviseur et plus précisément dans le burlesque muet dont la mécanique propre, celle de la course-poursuite endiablée, vient dérégler celle de l'usine. Il est d'ailleurs amusant de souligner que René CLAIR et Charles CHAPLIN se sont rendus mutuellement un hommage bien plus qu'ils ne se sont copiés. Le premier en créant des personnages de vagabonds libertaires qui ne peuvent se conformer ni au système de la prison, ni à celui de l'usine (qui est montrée sur le fond et la forme comme une nouvelle prison, évoquant même de façon anticipée la célèbre devise nazie affichée au portail des camps de concentration "le travail rend libre" mais aussi et c'est moins connu au fronton des usines chimiques de sa société IG Farben dont une succursale était installée à Auschwitz) en préférant partir sur les routes, le plan de fin reprenant celui de "The Tramp" (1915). Le second en maximisant les potentialités comiques du dérèglement de la machine à rendement et en terminant son film en ajoutant au vagabond s'éloignant vers l'horizon un autre personnage, celui de sa compagne plutôt que de son compagnon. Car se manifeste dans le film parlant de René CLAIR comme dans ceux de la même époque de Julien DUVIVIER une défiance vis à vis des femmes typique du cinéma français des années 30. Autre différence essentielle: Charles Chaplin ne manifeste pas la même naïveté que René Clair vis à vis du progrès technique qui viendrait délivrer l'homme de son aliénation.

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Pain, tulipes et comédie (Pane e tulipani)

Publié le par Rosalie210

Silvio Soldini (2001)

Pain, tulipes et comédie (Pane e tulipani)

Pain, tulipes et comédie" est un récit d'émancipation qui m'a fait penser (les couleurs pop en plus) à un film français bien postérieur "Lulu femme nue" (2013). Dans les deux cas, les personnages principaux sont des femmes au foyer d'une quarantaine d'années opprimées par le patriarcat qui peu à peu se libèrent de leur mari goujat (et plus largement des injonctions sociales liées à la bonne épouse-bonne mère) en multipliant les actes manqués. Lulu ratait son train et perdait son alliance. Rosalba rate son car de tourisme, son train, fait tomber des objets dans les WC et casse un bibelot. Par conséquent ces femmes désormais sans foyer passent un moment de transition à l'hôtel et font de nouvelles rencontres avant de se créer un nouveau foyer bohème temporaire qui répond mieux à leurs aspirations. Dans le cas de Lulu il s'agissait d'une caravane. Dans celui de Rosalba (Licia MAGLIETTA) qui sur une impulsion soudaine fait une virée à Venise (la ville du cliché romantique où elle n'est jamais allé, tout un symbole), c'est une pièce dans un logement occupé par Fernando (Bruno GANZ) qu'elle a rencontré dans un restaurant où il faisait le service. Rosalba se trouve également rapidement un travail en tant qu'assistante d'un fleuriste anar, se lie d'amitié avec Grazia (Marina MASSIRONI), une masseuse holistique (!) et sort du placard un accordéon qui s'accorde avec la personnalité de Fernando, lequel n'a pas seulement des talents de cuisinier mais aussi de chanteur. Mais avant de pouvoir s'exprimer, il doit lui aussi se libérer des boulets qu'il a au pied. Léger et pétillant, le film est extrêmement plaisant à regarder en dépit d'une fin très prévisible. Les seconds rôles très proches de la bouffonnerie apportent leur lot d'humour*. Le film s'avère émouvant aussi quand on le regarde aujourd'hui. Car pour rendre hommage à cet acteur hors-normes qu'était Bruno Ganz**, sa tombe a été fleurie avec des centaines de tulipes comme on peut le voir dans le documentaire "Bruno Ganz, les Révolutions d'un Comédien" (2021).

* Le titre français se réfère également à la culture italienne, plus exactement à des comédies antérieures "Pain, amour et fantaisie" (1953) et "Pain, amour et jalousie" (1954).

** Bruno Ganz était polyglotte (il parlait couramment cinq langues) notamment en raison de ses origines: un père allemand, une mère italienne et une enfance en Suisse. Mais sa manière de parler l'italien, comme le français était plus littéraire que naturelle. Aussi le scénario en fait un... islandais!

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Missing Johnny (Qiáng ní Kǎi kè)

Publié le par Rosalie210

Huang Xi (2017)

Missing Johnny (Qiáng ní Kǎi kè)

Dans le cadre de sa programmation consacrée au cinéma taïwanais en octobre, MK2 propose en salle et sur sa plateforme de streaming, MK2 Curiosity des films inédits en France dont "Missing Johnny", le premier film de Xi Huang qui a longtemps travaillé aux côtés de HOU Hsiao-Hsien, ce dernier ayant contribué à produire le film.

Bien que cela ne soit pas précisé, je pense que cette mise en avant du cinéma taïwanais par la plateforme alors que la menace géopolitique d'invasion de l'île par la Chine continentale se fait de plus en plus précise n'est pas un hasard d'autant que le congrès du Parti communiste chinois vient de donner un troisième mandat à Xi Jinping, partisan d'une ligne dure qui semble plus puissant que jamais. La plateforme de la Cinémathèque a créé une rubrique consacrée au cinéma ukrainien qui va dans le même sens, rappelant que la culture est un pilier du soft power à l'heure où les autocraties gagnent du terrain au détriment des démocraties.

"Missing Johnny" est avant tout un film d'atmosphère qui filme les pulsations de la capitale de Taïwan, Taipei qui comme toutes les grandes métropoles mondialisées possède sa Skyline (ou à défaut un CBD) et ne dort jamais. Le film suit trois personnages cohabitant dans le même environnement: deux vivent dans le même immeuble, le troisième y travaille. Chacun d'eux vit dans sa bulle. Hsu élève un couple de perroquets dans son appartement, Lee est autiste et accumule des piles de journaux dans sa chambre, Feng semble passer sa vie dans sa voiture. Sauf que l'un des perroquets de Hsu s'envole, que Lee disparaît durant des heures et que la voiture de Feng ne cesse de tomber en panne ce qui a pour conséquence de créer des interactions entre eux. Si l'intrigue reste tout de même très ténue (il ne se passe pas grand-chose en dehors du fait que l'on découvre la situation personnelle compliquée de Hsu au cours du film qui incarne la diaspora chinoise), les images de la ville sont absolument magnifiques: chaque plan semble construit comme un tableau animé, souvent de belles couleurs vives. Sur le plan esthétique, le film est un enchantement.

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Salé sucré (Yin shi nan nu)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (1994)

Salé sucré (Yin shi nan nu)

"Salé sucré" est une chronique familiale à la sauce délicate, subtile et riche en goût pour filer la métaphore culinaire. Il m'a fallu d'ailleurs deux visionnages pour en saisir toutes les nuances ce qui n'est guère étonnant avec un cinéaste de l'étoffe de Ang LEE qui n'est jamais meilleur selon moi que dans ce registre comme l'a confirmé par la suite son inoubliable "Raison et sentiments" (1995).

Deux thèmes majeurs traversent de part en part le film: celui du flux et celui de la place. Alors que des images de circulation de piétons, d'usagers de transports en commun et de voitures reviennent à intervalles réguliers, symbolisant le mouvement de la vie, la famille de M. Chu (Sihung LUNG) se caractérise au contraire par la fixité et la rétention. Fixité des rituels, tel celui du repas dominical auquel ses trois filles adultes n'osent se soustraire sans pour autant parvenir à "goûter" les plats raffinés que leur chef cuisinier de père leur a pourtant concocté avec soin. Pas plus que lui d'ailleurs qui dit avoir perdu le sens du goût. On est d'autant plus désarçonné par cette soupe à la grimace que toute l'introduction nous faisait saliver avec la promesse d'un festin. C'est qu'il manque la dimension fondamentale de la convivialité dans ces repas qui loin de réunir le père et ses filles les enferment dans des rôles qui les étouffent à petit feu, faute d'une circulation adéquate de la parole. Et cela concerne aussi leur entourage. Lorsque Madame Liang (Ah LEI GUA) qui a des vues sur M. Chu en parle à sa fille, Jin-Rong (Sylvia CHANG), quadragénaire en instance de divorce, elle s'exprime d'une manière éloquente: "M. Chu, qu'est ce que tu en penses? Je le trouve très charmant moi, il cuisine très bien, il ne parle pas beaucoup, mais on communique quand même." Quand on connaît la fin du film, on ne peut que sourire devant la naïveté de son propos. A l'image du quatuor formé par Madame Liang, Jin-Rong, sa fille écolière Shan-Shan et M. Chu, les relations sentimentales (et sexuelles) de ses trois filles sont marquées par les quiproquos, les malentendus et les secrets. L'aînée, Jia-Jen (Yang KUEI-MEI), professeure de chimie qui à la suite d'une soi-disant déception sentimentale a renoncé à l'amour pour embrasser la foi chrétienne reçoit jour après jour dans son lycée des lettres d'amour enflammées mais anonymes juste au moment où elle sympathise avec le capitaine de volley. La seconde, Jia-Chien (Jacqueline WU), directrice adjointe d'une compagnie aérienne n'arrive pas à rompre clairement avec son ex tout en flirtant avec un collègue de travail qu'elle soupçonne d'être à l'origine du célibat de sa grande soeur. Enfin la plus jeune, Jia-Ning (Yu-Wen WANG) qui est étudiante jette son dévolu sur un garçon qu'elle croit libre puisque sa copine jure qu'il ne l'intéresse plus. On remarque également qu'à force de monopoliser la sphère culinaire, le père empêche ses filles d'y accéder ce qui menace la transmission de sa culture. Jia-Chien a hérité de son talent mais ne se sent pas le droit de l'exprimer, son métier de femme d'affaires étant une inversion des rôles subie plus que choisie et Jia-Ning a un boulot d'appoint dans un fast-food ce qui rend très concrète la menace d'acculturation (plusieurs personnages ont des liens avec les USA comme Ang LEE lui-même dont une part de la filmographie s'est acculturée).

Bien évidemment les images de flux présentes dans le film dont l'une est associée à la petite Shan-Shan vont finir par faire sauter les digues et entraîner la famille dans son courant, redéfinissant les places en fonction des vrais désirs de chacun. La scène finale est de ce point de vue particulièrement symbolique.

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Garçon d'honneur (The Wedding banquet)

Publié le par Rosalie210

Ang Lee (1993)

Garçon d'honneur (The Wedding banquet)

Le deuxième film de Ang LEE a également été celui de sa consécration internationale puisqu'il obtient d'Ours d'or à Berlin. C'est une comédie souvent désopilante mais porteuse d'un message grave sur la difficulté d'être soi quand on est tiraillé entre deux appartenances incompatibles entre elles (un sujet que connaît bien le réalisateur puisqu'il est dans la même situation que son héros). On rit beaucoup devant les contorsions de Wei-Tong qui tente de préserver sa vie personnelle (individualiste, new-yorkaise, moderne, homosexuelle) tout en faisant plaisir à ses parents taïwanais traditionnalistes qui veulent une belle-fille et un héritier. Comme il est incapable de leur avouer la vérité, il imagine avec son amant, Simon un stratagème censé contenter tout le monde: contracter un mariage blanc avec Wei-Wei, sa locataire chinoise en situation irrégulière pour lui permettre d'obtenir une carte verte et en même temps se délivrer de la pression familiale. Mais ce qu'il n'avait pas prévu c'est que ses parents allaient débarquer à New-York bien décidés à s'installer chez lui pour organiser son mariage en grande pompe avec toute la communauté taiwanaise de New-York qui s'assure que celui-ci a été bien consommé. Wei-Tong qui tout au long de ces péripéties a révélé sa faiblesse de caractère face au poids des traditions de son pays d'origine et également face à Wei-Wei qui en pince pour lui se retrouve donc pris au piège de son mensonge au point de mettre en péril son véritable couple avec Simon relégué au rang de garçon d'honneur qui en vient à se demander ce qu'il fait dans cette galère. A force de vouloir marier la carpe et le lapin, Wei-Tong pourrait bien tout perdre d'autant que son père a le coeur fragile ce qui sert de prétexte pour repousser toute velléité de clarifier la situation. Mais ce père redouté s'avère bien plus fine mouche qu'il n'y paraît et on retrouve avec plaisir la subtilité d'approche de l'humain, par delà les différences culturelles du réalisateur de "Raison et sentiments" (1995).

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