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Articles avec #godard (jean-luc) tag

Sauve qui peut (la vie)

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1979)

Sauve qui peut (la vie)

Présenté comme un retour de Jean-Luc GODARD au cinéma "commercial", ce "Sauve qui peut (la vie)" (1979) est en réalité un film expérimental de plus dans sa carrière. Il est vrai qu'à la différence de ses films les plus radicaux, il y a des stars (Jacques DUTRONC, Nathalie BAYE, Isabelle HUPPERT), Gabriel YARED à la musique, Jean-Claude CARRIERE au scénario avec Anne-Marie MIEVILLE, la compagne de Godard, de beaux plans de ville et de montagne. Mais on est loin du film classique et davantage dans une collection de fragments. D'une certaine manière, "Sauve qui peut (la vie)" est une mise en pratique de ce que Godard théorisait dans "Le Petit soldat" (1960), à savoir que "la photographie c'est la vérité et le cinéma c'est vingt-quatre fois la vérité par seconde". Du moins c'est comme cela que j'ai compris les nombreux arrêts sur image et ralentis qui décomposent le mouvement et rappellent que le cinéma capture le temps qui suspend ainsi son vol. A cette succession d'images correspondent les instants de vie de trois personnages qui se croisent plutôt qu'ils ne se rencontrent. l'isolement (dans le cadre comme dans la vie) est assez omniprésent dans le film qui correspond assez bien à l'image d'un Godard misanthrope qui tourne le dos à "Les Lumieres de la ville" (1927) de Charles CHAPLIN tout en le citant pour évoquer la deshumanisation des rapports sociaux, lesquels se réduisent à du sexe mécanique et tarifé. Jean-Luc GODARD décrit dans son film surtout des échecs, que ce soit celui du couple ou celui de la famille. Le personnage de Paul Godard (qui souligne à quel point le film est autobiographique) incarne même le nihilisme absolu, rappelant dans sa marche vers l'autodestruction le parcours d'un Michel Poiccard ou d'un Ferdinand. On comprend le choix de sa dernière compagne, Denise Rimbaud (encore un nom à référence) de prendre le large ou plutôt de se mettre au vert. Quant à Isabelle qui fait commerce de son corps, elle navigue entre l'aliénation de l'un (la peur) et la volonté émancipatrice de l'autre (l'imaginaire) ce qui me semble assez bien résumer les contradictions du cinéma. Il y a donc un équilibre dans ce film construit comme une partition à quatre temps et entre les images (plutôt belles voire lyriques) et les paroles (souvent obscènes). Un film intéressant certes mais loin d'être fait pour la majorité ce qui me paraît être la définition du cinéma commercial.

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La Chinoise

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1967)

La Chinoise

En regardant "La Chinoise" de Jean-Luc GODARD, j'ai pensé à un autre film, vu à sortie, "La Seconda volta" (1995) dans lequel une ancienne victime des brigades rouges jouée par Nanni MORETTI retrouvait fortuitement la militante qui avait tenté de l'assassiner 10 ans auparavant (jouée par Valeria BRUNI-TEDESCHI) au nom de slogans criminels tels que "en tuer un pour en éduquer cent". Véronique, le personnage joué par Anne WIAZEMSKY dans "La Chinoise" pourrait représenter les années de formation de Lisa Venturi, le personnage joué par Valeria BRUNI-TEDESCHI. Soit une étudiante en philosophie à la faculté de Nanterre un an avant les événements de 1968 (ce qu'était réellement Anne WIAZEMSKY, nouvelle compagne de Jean-Luc GODARD) sous influence maoïste, l'idéologie alors tendance car d'un rouge "pur et parfait"* rejoignant la soif d'idéalisme de la jeunesse face aux "socio-traîtres" soviétiques ayant osé pactiser avec "le tigre de papier" américain pour éviter une guerre nucléaire. Si Jean-Luc GODARD utilise de nombreux procédés de distanciation (l'influence de Brecht est explicitement revendiquée) pour ridiculiser les discours de Véronique et de ses amis étudiants qui jouent au grand timonier entre les quatre murs d'un appartement bourgeois repeint aux couleurs aussi primaires que les idées qu'ils "bêlent comme des moutons" jamais il ne se place d'un point de vue véritablement humain ce qui rend son positionnement au final assez ambigu. Tout au plus, insère-t-il dans son film un moment qui le sort de la cour d'école pour le placer sur un terrain plus réaliste. Il s'agit de la séquence de conversation dans le train entre Véronique et son professeur de philosophie, joué par Francis Jeanson, le véritable professeur de philosophie de Anne WIAZEMSKY qui avait été Résistant puis engagé aux côtés du FLN durant la guerre d'Algérie et qui donc a l'expérience nécessaire pour mettre Véronique face à l'inanité de ses projets terroristes. Néanmoins la légitimité de la méthode n'est quant à elle jamais questionnée et encore moins l'aliénation de toutes les formes d'endoctrinement, à l'opposé de l'émancipation individuelle recherchée par la jeune fille mais aussi collective défendue par son professeur. Le film de Jean-Luc GODARD manque donc de hauteur de vue aussi bien que d'humanité, se réduisant pour l'essentiel à un exercice de style (un manifeste?) esthetico-intellectuel désincarné.

* Un rouge si pur et si parfait qu'il fit des millions de victimes (celles du Grand Bond en avant superbement ignorées avant celles dans les années 70 des Khmers rouges).

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Masculin, féminin

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1966)

Masculin, féminin

Etat des lieux de la jeunesse en 1965, "Masculin, féminin" se présente comme une enquête sociologique éclatée en 15 tableaux façon puzzle ou photos façon collage entrecoupés de cartons (comme au temps du muet) sur lesquels sont inscrits des répliques qui claquent comme des coups de feu. Cette jeunesse est montrée comme ambivalente et c'est là tout l'intérêt du film. Certes, Jean-Luc GODARD tombe à bras raccourcis sur la société de consommation et sa culture de masse venue des USA, une nouveauté à l'époque à laquelle adhère cette jeunesse, que ce soit à travers la musique yé-yé ou le magazine associé "Mademoiselle 19 ans" inspiré de "Mademoiselle âge tendre" apparu en 1964 pour créer un pendant féminin à "Salut les copains". D'ailleurs pour décrypter le film de Jean-Luc Godard, connaître le contexte est fondamental. Ainsi Chantal GOYA qui était déjà chanteuse à l'époque avait été promue marraine du magazine. Elle joue ainsi quasiment son propre rôle dans le film et si Jean-Luc Godard n'a pas réussi à faire apparaître France GALL ou Sheila, on voit passer brièvement Françoise HARDY et plus longuement Brigitte BARDOT. Mais cette jeunesse post-crise des missiles de Cuba, "les enfants de Marx et de coca-cola" pour reprendre la formule godardienne la plus célèbre du film n'est pas pour autant montrée comme frivole. Elle semble plutôt en proie aux doutes, aux interrogations, au désarroi. Elle est également clivée (le titre est de ce point de vue programmatique), les garçons d'un côté, les filles de l'autre et les deux mondes ont bien du mal à communiquer. Les garçons sont engagés politiquement (contre la guerre du Vietnam ou le gouvernement De Gaulle par exemple) et cherchent de la tendresse mais n'en trouvent pas auprès de filles incultes sur le plan politique (comme le montre l'interview avec "un produit de consommation") et préoccupées avant tout par leur carrière et leur indépendance. Par leur libération sexuelle aussi et le film, interdit aux moins de 18 ans à sa sortie (Godard a d'ailleurs malicieusement souligné que c'était bien le signe qu'il s'adressait à eux!) aborde sans tabou des sujets qui l'étaient encore comme l'amour libre, la prostitution, la contraception ou l'avortement. C'était le premier film où s'aventurait Jean-Pierre LÉAUD en dehors de ceux de François TRUFFAUT d'où le clin d'oeil à un certain "général Doinel". Quant aux copines de Madeleine (alias Chantal GOYA), si Catherine-Isabelle DUPORT n'a pas par la suite eu une véritable carrière, on remarquera que Godard a fait débuter Marlène JOBERT. En dépit de la narration éclatée, cette radiographie sur le vif reste pleine de fraîcheur et d'intérêt aujourd'hui sans parler des moments décalés. L'usage que Godard imagine par exemple pour "Le Figaro" que je vous laisse le soin de découvrir ou les propos plutôt crus énoncés par une Chantal GOYA contrastant avec sa pruderie foncière qui explique l'absence quasi-complète de contact physique avec Jean-Pierre LÉAUD (marrant pour une scène de lit à trois) et que Marlène JOBERT a dû remplacer pour la scène de la salle de bains. Pour mémoire on peut entendre l'un des tubes qu'elle enregistre dans "The French Dispatch (2018).

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Une histoire d'eau

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard, François Truffaut (1958)

Une histoire d'eau

"Une histoire d'eau" est l'une des rares collaboration entre Jean-Luc GODARD et François TRUFFAUT bien qu'il ne soit pas le fruit d'un travail commun. Les images sont tournées par François Truffaut qui a l'idée de se rendre avec Jean-Claude BRIALY et une jeune actrice inconnue, Caroline Dim sur les lieux des inondations touchant l'Ile-de-France en 1958. Mais déçu par le résultat qui pèche par son manque de scénario, il abandonne le film. Jean-Luc Godard reprend le matériau délaissé par Truffaut et décide d'y imprimer sa marque très "nouvelle vague" par un riche montage visuel et sonore qui donne tout son piment au film. Celui-ci adopte le ton d'un itinéraire géographique et sentimental à la manière de la carte du tendre (que Godard citera ultérieurement dans "Bande à part") (1964). Une jeune fille souhaite se rendre à Paris depuis Villeneuve-saint-Georges ce qui va s'avérer pour le moins compliqué. Echouant à plusieurs reprises dans son entreprise à pied, en barque et faute d'autobus elle finit par se laisser embarquer dans une voiture conduite par un jeune homme entreprenant. Mais la voiture prenant l'eau, c'est plutôt la direction du flirt que prend le couple ainsi nouvellement formé dans des images impressionnistes très picturales qui font penser à celles de "Une partie de campagne" (1936) de Jean RENOIR. Ce couple, on ne l'entend qu'en voix-off, essentiellement celle de Caroline Dim dont le commentaire brode voire digresse sur les images et enchaîne les citations littéraires et philosophiques alors que celle de Jean-Claude Brialy est doublée par Godard comme avec Jean-Paul BELMONDO pour "Charlotte et son jules" (1960). A intervalles réguliers, la flânerie du couple est interrompue par des images aériennes des inondations sur une musique de percussions afro-cubaines qui créé un énième décalage assez loufoque avec ce qui est montré ce qui peut expliquer l'hommage rendu à Mack SENNETT à la fin du film.

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Le Parti des choses: Bardot et Godard

Publié le par Rosalie210

Jacques Rozier (1963)

Le Parti des choses: Bardot et Godard

"Mettre en scène, c'est prendre, modestement, le parti des choses". Cette phrase, Jacques Rozier la prononce tout en filmant son ami de la nouvelle vague Jean-Luc Godard tourner une scène de "Le Mépris" avec Michel Piccoli, Brigitte Bardot et Fritz Lang. Il ajoute donc un niveau de réflexion sur le cinéma à un film qui était déjà une mise en abyme du septième art. En seulement dix minutes, Jacques Rozier décortique les enjeux du film. Au travers  de la scène filmée à Capri, d'abord dans une crique puis refaite sur un bateau, il souligne la caractéristique fondamentale de la nouvelle vague qui est de s'appuyer sur un dispositif léger et des décors naturels en acceptant la part d'imprévu que le fait de ne pas pouvoir contrôler l'environnement comporte. Il évoque aussi l'acte créateur qui dans le film échoit à Fritz Lang, alter ego du cinéaste et  "porte-parole des Dieux" puisque celui-ci a tout pouvoir sur le destin de ses personnages. La statue de Zeus qui revient à plusieurs reprises dans "Le Mépris", le lieu de l'action ainsi que le sujet du film tourné par Fritz Lang, L'Odyssée se réfère à la tragédie antique, laquelle laisse une grande place à la fatalité c'est à dire à l'homme comme jouet des Dieux exactement comme les personnages sont les créatures du cinéaste. Enfin il évoque le mythe Brigitte Bardot, né dans un film intitulé "Et Dieu... créa la femme" et ajoute "Le Mépris ayant Brigitte Bardot comme objet ne peut avoir que le cinéma pour sujet". 

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Le Redoutable

Publié le par Rosalie210

Michel Hazanavicius (2016)

Le Redoutable

En regardant "Le Redoutable", j'ai réalisé queMichel HAZANAVICIUS aimait prendre pour héros des personnages détestables, reflétant souvent leur époque, époque sur le point de connaître un basculement. C'est George Valentin, star du muet foudroyé par l'arrivée du parlant ou OSS 117, coincé dans la France de René Coty et dépassé par les mutations politiques, économiques et sociales des 30 Glorieuses (décolonisation, émancipation des femmes, mouvement hippie etc.) "Le Redoutable" qui d'ailleurs fait allusion au premier sous-marin nucléaire français (pièce indispensable du puzzle de la grandeur de la France voulue par De Gaulle) n'échappe pas à ce prisme. On y voit un des réalisateurs majeurs de la nouvelle vague (que l'on aime ou pas Jean-Luc GODARD, on ne peut lui enlever son génie créatif et tout ce qu'il a apporté au cinéma hexagonal et mondial) chercher à surfer en 1967-1968 sur une vague contestataire qu'il finit par se prendre de plein fouet ("le plus con des suisses pro-chinois"). Si l'homme a été avant-gardiste dans le domaine du cinéma, le temps l'a rattrapé et il s'est pris les pieds dans d'insurmontables contradictions concernant la politique et les rapports avec ses semblables. Bien sûr, il faut bien avoir en tête que le portrait du cinéaste qui nous est offert est tout sauf objectif puisqu'il est le fruit de l'adaptation du roman de son ex-femme, la comédienne Anne WIAZEMSKY "Un an après". Celle-ci semble régler son compte à un homme décrit comme péremptoire (il s'exprime à coup de slogans), donneur de leçons, méprisant, condescendant, rabat-joie, jaloux et misogyne. Mais le film de Michel HAZANAVICIUS et l'interprétation convaincante de Louis GARREL apportent des nuances. Sans édulcorer ce que l'homme pouvait avoir d'odieux, Godard apparaît aussi comme un personnage burlesque (le running gag des lunettes) ce qui souligne son inadaptation croissante au monde qui l'entoure. Un homme tourmenté, insatisfait, qui ne supporte pas de se voir vieillir (et de ne plus être donc à l'avant-garde) et préfère pratiquer la politique de la terre brûlée plutôt que de devenir "un con de bourgeois has-been". Michel Hazanavicius ne se contente pas de reconstituer l'époque et l'esthétique des films de Godard avec le savoir-faire pasticheur qu'on lui connaît*, il met sa mise en scène au service de ce récit de disparition programmée. Ainsi l'une des premières scènes du film montre Godard, sa femme Anne (jouée par Stacy MARTIN que j'ai trouvé un peu monolithique) et un couple d'amis manger joyeusement dans un restaurant chinois dont le nom est "au pays du sourire". Plus tard dans le film, Anne et Godard croisent ce même couple avec lequel Godard s'est fâché (comme il s'applique à le faire avec tous ses amis) devant ce même restaurant. Après quelques mots de convenance teintés de compassion pour Anne, ils se séparent et c'est seulement alors que la caméra filme la devanture du restaurant et nous fait mesurer le gâchis humain qu'a provoqué l'attitude de Godard.

* Sa reconstitution de mai 68 est d'ailleurs bien meilleure que celle, figée et superficielle de Wes ANDERSON dans "The French Dispatch" (2020).

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Charlotte et son jules

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1958)

Charlotte et son jules

Dans les courts-métrages de Jean-Luc GODARD, "Tous les garçons s appellent Patrick" (1957) et toutes les filles s'appellent "Charlotte et Véronique" (1957). Mais si le trio devait autant sa paternité à Jean-Luc GODARD qu'à Éric ROHMER, "Charlotte et son jules" est une esquisse de "À bout de souffle" (1959). En effet, bien que sorti sur les écrans en 1961 dans la foulée du premier long-métrage de Godard, il a été tourné juste avant, en 1958 avec une actrice inconnue (et qui allait le rester) et un acteur inconnu de 25 ans (mais qui n'allait pas le rester longtemps, lui). "Charlotte et son jules" scelle en effet la rencontre de deux iconoclastes du cinéma tel qu'il se pratiquait alors, Jean-Luc GODARD, qui allait devenir un des réalisateurs phare de la nouvelle vague et l'acteur Jean-Paul BELMONDO dont le physique hors-norme (par rapport au style du jeune premier canonique de l'époque) lui faisait manger de la vache enragée. Encore que dans ce film, Belmondo ne prête que son corps à la caméra étant donné que sa voix est celle de Godard lui-même, l'acteur étant indisponible au moment de la post synchronisation (film fauché oblige!). On ne peut pas mieux figurer la fusion entre un acteur et un cinéaste (Vanityfair évoque un monstre à deux têtes qui s'appellerait Belmondard ou Golmondo!) Quant au film lui-même, il fonctionne tout entier sur une méprise, celle de "Jules" qui croit que Charlotte qui l'a quitté veut revenir avec lui. S'ensuit 12 minutes de quasi-monologue de misogyne aigri durant lequel la belle dont les interventions sont réduites pour l'essentiel à des onomatopées semble ouvertement se moquer des propos de son ex ce que confirme une chute très ironique qui renverse complètement la perspective du film: l'identité de l'idiot n'est pas celle que l'on croit.

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Pierrot le Fou

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1965)

Pierrot le Fou

En hommage à Jean-Paul Belmondo, j'ai eu envie de revoir enfin "Pierrot le Fou". Enfin car cela faisait plusieurs décennies que je ne l'avait pas revu. Liste d'impressions, non exhaustive (mais comment l'être avec ce film foisonnant qui fourmille d'idées, d'images, de citations...):

- De la première vision du film quand j'étais enfant, il ne m'est resté qu'un seul souvenir: les couleurs primaires.  Le bleu, le rouge, le jaune. J'avais l'impression que Pierrot-Ferdinand juste avant de se faire exploser était devenu un indien. Avec une peinture de guerre, des plumes (les bâtons de dynamite) et que le feu de l'explosion servait à lancer des signaux. Pas étonnant que ce soit la seule scène qui me soit restée en mémoire. La picturalité du film est telle qu'il est impossible de ne pas en conserver une trace.

- A la deuxième vision, j'ai remarqué d'abord la présence de Samuel Fuller qui vient apporter un vent cinématographique venu d'outre-atlantique. Comme il le fera quelques années plus tard dans "L'Ami américain" de Wim Wenders. Deux films qui ont pour personnage principal un homme qui ne supporte plus sa vie conformiste étriquée et qui envoie tout balader pour goûter enfin à la liberté "bigger than life" imprégnée de film noir (gangsters, femme fatale, issue fatale, tueurs à gages se retrouvent dans l'un ou l'autre de ces films ou les deux) mais aussi de road-movie, autre genre associé à l'Amérique dont Wenders a réalisé l'un des plus beaux fleurons. Même si la cavale de Pierrot-Ferdinand et de Marianne (Anna Karina) ressemble bien davantage à celle de "Bonnie et Clyde" qu'à celle de "Paris-Texas".

- Pourtant il y a aussi du contemplatif dans "Pierrot le Fou". Entre deux scènes de cavale effrénées (que Luc Lagier de "Blow Up" associe à "Sailor et Lula" de David Lynch ce qui est d'autant plus pertinent qu'il utilise un code couleur et des filtres assez semblables), Jean-Luc Godard fait respirer ses personnages dans ce qui s'apparente à "la possibilité d'une île" façon Paul et Virginie, On y dort sur la plage, on y apprivoise un perroquet, on y chante mais on s'y ennuie aussi beaucoup "Qu'est ce que je peux faire? Je ne sais pas quoi faire" entre autre phrases cultes reprise comme on le découvre dans "Blow Up" jusque dans un épisode de Tchoupi!

- Et puis il y a la poésie et la littérature, omniprésentes, du "Voyage au bout de la nuit" qui a baptisé "Ferdinand" à la "saison en Enfer" d'un certain Arthur Rimbaud, l'homme aux semelles de vent qui a toujours pensé que la vraie vie était ailleurs... au cinéma par exemple, même s'il n'existait pas à son époque. Autre amoureux des mots mais bien vivant celui-là en 1965, Raymond Devos qui le temps d'une séquence vient croiser le verbe avec Pierrot-Ferdinand.

- Le contexte politique s'invite aussi régulièrement dans le film, rappelant que si les personnages mènent une vie dangereuse, ils sont plongés dans une époque qui ne l'est pas moins, entre la guerre d'Algérie (le tag "OASis") et la guerre du Vietnam (rejouée par des acteurs qui brisent à plusieurs reprises le quatrième mur en s'adressant au spectateur, comme dans "A bout de Souffle").

-Mais le plus grand miracle de "Pierrot le Fou", c'est qu'un tel collage d'éléments hétérogènes ne cherchant absolument pas à dissimuler ses coutures (montage heurté, désynchronisation image-son etc.) aboutisse à un tout aussi cohérent!

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Bande à part

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1964)

Bande à part

"Bande à part" est considéré comme un "petit" film de Jean-Luc GODARD parce qu'il vient juste après "Le Mépris" (1963) et que c'est un hommage aux polars/films noirs de série B (raison sans doute pas étrangère au fait que c'est une référence pour Quentin TARANTINO). C'est pourtant l'un des films du cinéaste les plus accessibles voire même l'un des plus souvent cités, notamment grâce à sa célèbre scène de danse dans le bistrot entre Odile (Anna KARINA), Franz (Sami FREY) et Arthur (Claude BRASSEUR) ponctués d'arrêt de la musique au profit de la voix-off de Jean-Luc GODARD qui commente les pensées des personnages, pensées qui tournent autour de leur jeu de séduction à trois à la "Jules et Jim" (1962) (une autre scène célèbre les montre tous trois en train de traverser le Louvre à toute allure, séquence semi-improvisée qui en fait toute la saveur). La référence à François TRUFFAUT se double d'une référence à Jacques DEMY avec Michel LEGRAND à la musique et des airs de "Les Parapluies de Cherbourg" (1964). Références que l'on trouvait aussi dans "Une femme est une femme" (1960). Ca reste en effet du Godard avec des digressions, des jeux sur le langage et les codes cinématographiques, au détriment de l'intrigue qu'il ne semble pas prendre au sérieux. Tout ce qui fait l'ADN du polar (la tension, le suspense, l'action) est éludé au profit des interstices étirés à l'extrême dans lesquels les personnages flirtent et cherchent à tuer le temps. Ils ne semblent pas non plus prendre l'intrigue au sérieux d'ailleurs. Tels des enfants, ils jouent aux truands et font semblant de mourir (c'est particulièrement vrai pour Arthur qui tombe de façon bien peu naturelle sans parler des tirs qui ne font pas mouche, de la fausse morte etc. comme si tout cela "c'était pour rire" ^^).

Cependant, "Bande à part" n'est pas totalement léger, il est traversé par la mélancolie. D'abord parce que Anna KARINA allait mal et que ça se voit. Jean-Luc GODARD lui a offert ce film pour lui remonter le moral, notamment en la laissant pousser la chansonnette. Et comme de nombreux films de la Nouvelle vague, "Bande à part" est aussi un instantané saisissant de Paris et sa banlieue au début des années 60, la caméra étant particulièrement mobile et la photographie de Raoul COUTARD, nocturne notamment, superbe.

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Une femme est une femme

Publié le par Rosalie210

Jean-Luc Godard (1960)

Une femme est une femme

"Une femme est une femme", le troisième film de Jean-Luc GODARD (mais le deuxième sorti sur les écrans à cause de la censure de "Le Petit soldat") (1960) est aussi son premier en couleur. Et comme son contemporain et "collègue" de la Nouvelle vague, Jacques DEMY avec son troisième film "Les Parapluies de Cherbourg" (1964), Godard donne avec "Une femme est une femme" son interprétation toute personnelle de la comédie musicale qu'il s'amuse à déstructurer tant du point de vue du montage des images que celui du son. Il multiplie d'ailleurs les clins d'oeil à ses amis de la Nouvelle vague (Jacques DEMY n'ayant pas encore tourné "Les Parapluies de Cherbourg" (1964), c'est "Lola" (1960) qui sert de référence, notamment pour les scènes de cabaret avec Anna KARINA sans parler de l'emprunt de Michel LEGRAND et ses airs jazzy si reconnaissables mais on trouve aussi des allusions à "Tirez sur le pianiste" (1960) de François TRUFFAUT, à "L'Opéra-mouffe" de Agnès VARDA et à "À bout de souffle (1959) son premier film, c'est d'ailleurs Jean-Paul BELMONDO qui veut comme par hasard "ne pas le louper" à la TV) mais aussi aux grands noms de la comédie musicale hollywoodienne (Cyd CHARISSE, Gene KELLY future vedette des "Les Demoiselles de Rochefort" (1966) à Bob FOSSE). L'exercice de style est fort réussi, notamment en ce qui concerne l'usage de la couleur qui m'a fait penser à un détonnant mélange de portraits polychromes de Andy Warhol et de chauvinisme cocorico bleu blanc rouge! Le fond en revanche est bien léger et l'intrigue tient sur un timbre-poste. Il ne suffit pas de citer Ernst LUBITSCH pour avoir sa subtile "touch". Même si le badinage à trois reste charmant et élégant, Anna KARINA et surtout Jean-Claude BRIALY surjouent par rapport à un Jean-Paul BELMONDO qui reste parfait de naturel. Bref c'est rafraîchissant et récréatif, innovant et audacieux mais un peu plus de charpente aurait été bienvenu.

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