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Articles avec #comedie dramatique tag

Le Bossu

Publié le par Rosalie210

Philippe de Broca (1997)

Le Bossu

J'avais beaucoup aimé cette version cinématographique du "Bossu" adaptée du roman-feuilleton de Paul Féval à sa sortie et le revoir m'a procuré tout autant de plaisir. Bien sûr, il s'agit d'un film qui n'a d'autre prétention que de divertir et pour cause, le roman, modèle du genre "cape et épée" est lui-même truffé de péripéties rocambolesques savoureuses mais complètement invraisemblables sur un (vague) fond historique. Mais Philippe de BROCA qui était alors au creux de la vague réalise un film bien rythmé qui a permis au public de redécouvrir son savoir-faire dans le domaine de la superproduction bondissante. La mise en scène est soignée (beauté des décors qu'ils soient naturels ou reconstitués, chorégraphies précises des combats) et les acteurs sont particulièrement inspirés (ou bien dirigés). Outre le clin d'œil à "Que la fête commence" (1975) avec un Philippe NOIRET qui reprend son rôle du régent 20 ans après le film de Bertrand TAVERNIER, Vincent PEREZ qui était alors le jeune premier à la mode dans le genre s'en sort bien dans le rôle du Duc de Nevers. Mais les deux stars sont sans conteste Daniel AUTEUIL dans le rôle du chevalier de Lagardère et Fabrice LUCHINI dans celui de Philippe de Gonzague. Certes, Daniel Auteuil est clairement trop âgé pour un rôle aussi physique qui est aussi un rôle de séducteur (mais à cette époque comme plus tard les romances entre quadra-quinqua et jeunettes à l'écran étaient quasiment la norme) mais il fait merveille dans celui du bossu, double fantasmatique de Lagardère. Car le bossu est une projection de sa psyché, lui qui se voit comme le vilain petit canard parvenu dans le monde de la haute société qu'il est amené à fréquenter. Quant à Luchini, il compose un Gonzague aussi inquiétant qu'hilarant. C'est avec ce film que j'ai changé d'avis sur cet acteur que je n'appréciais pas jusque là car je pensais à tort qu'il était incapable d'autodérision.

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Down by Law

Publié le par Rosalie210

Jim Jarmusch (1986)

Down by Law

Je n'avais pas revu ce film depuis environ un quart de siècle dans le cadre d'un cycle Jim JARMUSCH mais si je ne me souvenais plus de l'intrigue, je me rappelais en revanche très bien de l'ambiance. Celle d'un film qui commençait de façon aussi neurasthénique que ses deux prédécesseurs, "Permanent Vacation" (1980) et "Stranger than Paradise" (1984) avant d'être revitalisé d'un coup de baguette magique par la joie de vivre et la chaleur humaine dégagée par le personnage de Roberto BENIGNI. Mais en fait le film a un côté bouffon dès le début avec une première partie construite en montage parallèle nous narrant les mésaventures tragi-comiques de Jack (John LURIE) et Zack (Tom WAITS) alias "Bonnet blanc et Blanc bonnet". Leurs prénoms sont quasi identiques (Roberto d'ailleurs les confond) et leurs trajectoires sont parfaitement parallèles ce que souligne aussi bien la mise en scène que la narration. Tous deux sont des types minables du genre avachi qui ont l'air de passer leur temps à se défoncer ou à broyer du noir à longueur de journée sous l'œil consterné ou goguenard d'une femme alanguie ou furibarde qu'ils n'ont pas l'air de vraiment voir. Il n'est guère étonnant que ces types un peu à côté de leurs pompes se fassent grotesquement piéger (ça ne m'avait pas fait rire la première fois mais le comique de situation m'est apparu assez savoureux la seconde) et se retrouvent dans la même cellule de prison d'abord à s'ignorer superbement puis à force de promiscuité forcée, à se bouffer le nez.

Et c'est donc au moment où ils vont s'entretuer qu'apparaît le troisième larron Roberto qui est enfermé avec eux. D'un dynamisme et d'une jovialité à toutes épreuves malgré un anglais approximatif il va d'abord alléger l'épreuve du confinement ^^ au point de réussir à tirer une esquisse de sourire (à mon avis il n'a pas eu besoin de se forcer) à John LURIE qui est plutôt du genre à tirer la tronche. Puis par ses connaissances littéraires et cinématographiques il va ouvrir une fenêtre dans le mur de la cellule et permettre à ses camarades d'infortune de s'évader au sens propre comme au sens figuré. Commence alors une drôle d'odyssée dans le "Deep South" (l'histoire se déroule à la Nouvelle-Orléans) où là encore la générosité de Roberto est décisive pour maintenir la cohésion du groupe. Dans ce film où la beauté de la photographie se combine avec une précision géométrique de la mise en scène, celle où Roberto cuisine un lapin pour eux trois tandis que les deux autres après s'être disputés tentent de partir chacun de leur côté montre que le parallélisme des destins de Jack et de Zack s'est transformé en une figure triangulaire dont Roberto constitue le sommet (là où les lignes de fuite convergent). Cette figure triangulaire culmine dans la scène de l'auberge. Alors que Roberto s'y engouffre avec confiance les deux autres, manifestant leur nature fuyante partent se cacher avant que la faim ne les poussent à rappliquer une fois de plus vers le sommet du triangle, là où se nichent la chaleur et la convivialité. Ils découvrent alors le rapport que Roberto entretient avec le sexe opposé, à l'opposé du leur (évidemment). C'est tout le sens de la scène de danse où Jack et Zack dont la relation aux femmes est fondée sur une impossibilité glaciale regardent depuis l'arrière plan Roberto et Nicoletta, son double féminin (Nicoletta BRASCHI) danser étroitement enlacés et visiblement très amoureux. Il n'est guère étonnant qu'en perdant celui qui les liait, Jack et Zack repartent, cette fois définitivement sur des chemins divergents, reformant le V du triangle, ouvert vers des perspectives inconnues.

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Vénus Beauté (institut)

Publié le par Rosalie210

Tonie Marshall (1999)

Vénus Beauté (institut)

"Vénus beauté institut", le plus grand succès critique et public de Tonie MARSHALL récemment disparue repose sur une mise en abyme. Il y a la bulle rose bonbon de l'institut, sorte de cocon dans lequel les femmes (mais aussi quelques hommes) déposent leur armure au vestiaire et se laissent aller aux confidences auprès des esthéticiennes-thérapeutes. Et puis il y a la vraie vie, nettement moins rose. La majorité des personnages, nous ne les verrons qu'à travers la vitre de l'institut qui rappelle l'écran du cinéma. Nous ne saurons jamais qui ils sont de l'autre côté du miroir. C'est le cas par exemple de la patronne, Nadine (Bulle OGIER) qui tient son rôle de vendeuse de beauté ou de Marie (Audrey TAUTOU alors débutante) jeune esthéticienne (faussement) ingénue qui n'est vue que par le prisme de son capital séduction. Il y a d'ailleurs une scène qui résume tout le film, c'est celle où Angèle (Nathalie BAYE) et Antoine (Samuel LE BIHAN) placés dans la position du spectateur regardent cachés dans le jardin Maris céder aux avances d'un de ses clients (Robert HOSSEIN) qui l'a invitée chez lui (mais le salon a de larges baies vitrées idéales pour jouer les voyeurs). Ils ne peuvent alors s'empêcher d'emboîter le pas sur le champ aux deux amants tant ils sont électrisés par le spectacle.

Cependant si la relation entre Marie et son vieux beau est motivée par l'argent et le sexe, ce n'est pas le cas de celle qui éclot entre Angèle et Antoine. Tous deux sont bien trop romantiques pour cela et vivent un pied dans le réel et un autre dans l'univers enchanté de l'institut. Ce n'est pas par hasard que l'on a souvent comparé le film à ceux de Jacques DEMY. Parce que la légèreté du sujet ("ici on ne vend que ça, des apparences") n'est qu'une façade cachant des tourments bien plus profonds. Comme nombre de ses clientes qu'elle s'attache à soigner avec beaucoup de délicatesse et d'empathie, Angèle est une femme de quarante ans meurtrie par les déceptions amoureuses et qui a peur de la vieillesse et de l'abandon. Elle s'enferre dans des relations sans lendemain qui l'aigrissent toujours davantage (son ex la décrit même comme "desséchée") alors qu'elle rêve en réalité du grand amour comme le révèle une des premières scènes du film lorsque derrière le mec de passage qui se fiche d'elle apparaît le prince charmant transi d'amour qui à la fin du film lui offre une magnifique robe de princesse toute droit sortie de "Peau d'âne" (1970) derrière des étincelles qui rappellent la baguette magique de la fée des lilas (la sonnette de la porte émet d'ailleurs un bruit féérique). Mais Angèle n'a rien de mièvre, elle est complexe, revêche et tendre, toute en contradictions (comme l'était Jacques Demy lui-même!), ne cessant de repousser celui qui l'aime par peur de souffrir puis de tenter maladroitement de recoller les morceaux par envie d'y croire. C'est l'un des plus beaux rôles de Nathalie BAYE et Samuel LE BIHAN en gros nounours est très touchant aussi. Le passage où il avoue que cet amour ne s'ajoute pas à celui qu'il avait pour sa fiancée (Hélène FILLIÈRES) mais le balaye m'a fait penser à "Le Bonheur" (1965) de Agnès VARDA qui reposait justement sur le faux-semblants de "bonheurs amoureux qui s'ajoutent".

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Samba

Publié le par Rosalie210

Eric Toledano et Olivier Nakache (2014)

Samba

Eric TOLEDANO et Olivier NAKACHE aiment mettre des coups de projecteur sur les passerelles qui font communiquer des mondes a priori étanches les uns aux autres mais qui partagent une expérience commune de l'exclusion.

"Samba", réalisé trois ans après "Intouchables" (2011) n'est pas aussi immédiatement séduisant mais ce qu'il perd en efficacité, il le gagne en subtilités et en nuances. Le plan séquence remarquable d'ouverture a une valeur programmatique. Il part d'une soirée mondaine pour nous entraîner ensuite jusqu'au coin le plus reculé des coulisses, c'est à dire à la plonge où officie Samba (Omar SY) un sénégalais en situation irrégulière vivant en France depuis dix ans grâce à de petits boulots et à l'aide de son oncle*. On ne peut mieux dire cinématographiquement à quel point la société française a besoin pour fonctionner de ces travailleurs de l'ombre auxquels elle n'accorde pourtant pas de place. C'est pourquoi Samba survit dans les interstices et doit toujours se cacher, fuir et mentir sur son identité à l'aide de "papiers d'emprunt" au point de ne plus savoir qui il est. Ce manque de repères est également moral. Samba n'est pas un modèle de droiture. Le personnage de Jonas (Issaka SAWADOGO) sert à révéler la part sombre de lui-même. Sa part lumineuse est incarnée quant à elle par le joyeux "Wilson" (Tahar RAHIM) qui a compris que pour mieux se faire accepter il valait mieux se faire passer pour brésilien plutôt qu'algérien (un appariement récurrent dans le cinéma français, dans "Le Nom des gens" (2010), l'héroïne passait son temps à répéter que son prénom Bahia n'était pas brésilien mais algérien).

Au cours de l'un de ses moments de galère, Samba rencontre Alice (Charlotte GAINSBOURG) au sein d'une association qui vient en aide aux sans-papiers. Elle ne s'appelle peut-être pas ainsi par hasard étant donné que Alice est quand même un prénom que l'on associe à la traversée du miroir (pas vraiment de pays des merveilles ici ^^). Alice dont l'apparence et le comportement trahissent son appartenance à la bourgeoisie est complètement incongrue dans cet endroit. Elle est même tellement perdue qu'elle fait tout de travers. En résumé, elle aussi a un gros problème de place et d'identité. Samba comprend tout de suite qu'il a affaire à quelqu'un de "spécial" c'est à dire qui sort de la norme. Au cours d'un échange intimiste en pleine nuit dans une station-service qui fait penser à une séquence similaire de "Intouchables" (2011) elle lui confie qu'elle est en congé maladie depuis qu'elle a agressé un collègue dans l'entreprise où elle travaillait en tant que DRH après des années sous tension et que depuis elle ne parvient plus à reprendre pied. Mise sur la touche, elle tente de reprendre le contrôle de sa vie à travers des activités très simples et très concrètes. Son personnage à fleur de peau semble rencontrer des problèmes dérisoires comparés à ceux de Samba mais il n'y a aucun problème dérisoire à partir du moment où ils vous rongent de l'intérieur. Le burn-out est une pathologie de nos sociétés modernes productivistes qui touche particulièrement ceux qui ont des postes à responsabilité. C'est ainsi qu'en mettant face à face les deux extrémités du spectre d'un monde du travail malade, les réalisateurs font ressortir les similitudes de Samba et d'Alice, en particulier leur solitude et leur mal-être que seul leur rapprochement peut soulager.

* On reconnaît la trame de leur film suivant, "Le Sens de la fête" (2016)

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Le goût des merveilles

Publié le par Rosalie210

Eric Besnard (2015)

Le goût des merveilles

Peu de films de fiction français traitent du syndrome d'Asperger même si cela est en train d'évoluer en lien avec la prise de conscience progressive du retard considérable pris par notre pays dans la connaissance et la prise en charge adéquate des troubles autistiques. Retard encore très loin d'être comblé si l'on en juge par la critique du film de Benoît Sotinel dans le Monde qui qualifie l'Asperger "d'importation américaine" (expression révélatrice d'un chauvinisme bas du front) ou les ravages de la lecture psychologique de l'autisme qui l'attribue à la maltraitance parentale et entraîne des placements forcés en institution traumatisants, excluants et débilitants. Quand les personnes atteintes de ces troubles ne sont pas internées, elles sont néanmoins la plupart du temps exclues de la société (80% des enfants autistes ne sont pas scolarisés, l'accès à l'emploi s'avère également d'autant plus compliqué que les adultes autistes sont sous-diagnostiqués etc.) Enfin le mot autiste est lui-même utilisé de façon stigmatisante en France.

Ce préambule me semble nécessaire pour comprendre le décalage entre la réalité et le film, une comédie romantique dans laquelle (presque) tout le monde est particulièrement bienveillant envers Pierre (Benjamin LAVERNHE), où ses qualités sont exacerbées (d'autant qu'il fait partie des autistes de haut niveau ayant des capacités hors-normes en mathématiques et informatique ce qui facilite son acceptation alors que c'est loin d'être le cas chez tous les autistes*) et où son inclusion dans la société des neurotypiques semble (presque) ne poser aucun problème. Certes il y a en toile de fond la menace de son internement mais jamais celui-ci n'est envisagé de façon sérieuse. Bref si l'on accepte cette dimension de conte de fée un peu à la "Chouchou" (2003) (en moins caricatural tout de même), le film vaut d'être vu car il est bien documenté sur le syndrome d'Asperger** et surtout il nous le fait ressentir en nous faisant entrer dans le monde de Pierre. Un monde où comme dans "Le Fabuleux destin d Amélie Poulain" (2001) l'hypersensorialité du personnage donne une dimension extraordinaire aux petits plaisirs de la vie (comme de caresser des textures ou d'observer la forme des nuages, les variations de la lumière ou les boutons de fleur) mais sans masquer pour autant ce que cette hypersensorialité a de problématique lorsque l'environnement devient agressif (comme dans "Love and Mercy" (2014), des scènes montrent le personnage faisant une crise de panique à la suite d'une exposition à des bruits ou des lumières trop fortes et il n'aime également pas être touché). On s'amuse aussi des stratégies utilisées par Pierre pour entrer en contact en évitant de recourir au téléphone ou se faire ramener chez lui sans avoir à prendre de taxi. Tout ce qui tourne autour de lui a beau être assez convenu (à commencer par le personnage joué par Virginie EFIRA) et son personnage, pas exempt de clichés, la délicatesse du film et sa beauté formelle le font in fine sortir des sentiers battus.

* Le fait de prendre pour sujet les autistes de haut niveau (sans déficience intellectuelle ni retard de langage) s'explique aussi par le fait que ce sont ceux qui peuvent le mieux témoigner de leur condition, ayant les outils pour le faire.

** Benjamin Lavernhe s'est appuyé sur les livres de deux autistes asperger célèbres: Temple Grandin et Joseph Shovanec mais aussi et ce que déplore Hugo Horiot (lui aussi asperger) dans le plus du "Nouvel Observateur" daté du 22 décembre 2015, sur ceux d'une psychanalyse, Chantal Lheureux-Davidse placée sur la liste noire des formations sur l'autisme. Preuve qu'il y a encore du chemin à faire.

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La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Publié le par Rosalie210

Akira Kurosawa (1958)

La Forteresse cachée (Kakushi toride no san akunin)

Voir où George LUCAS a puisé l'âme de sa saga "Star Wars" n'est pas très compliqué. Il suffit de bien observer la forme du casque de Dark Vador, les postures des maîtres Jedi et leurs sabres… laser (et je ne parle même pas de la Force) pour comprendre qu'il est autant allé chercher son inspiration du côté du pays du soleil levant que dans le livre de Joseph Campbell "Le Héros aux mille et un visages". La première scène de la "Forteresse cachée" est quasiment reprise telle quelle dans "Star Wars: Episode IV - A New Hope" (1977) avec son étendue désertique dans laquelle errent non les héros mais les comparses, chargés de servir et de divertir la galerie avec leurs comportements grotesques (cupidité, veulerie etc.) Cette ouverture marque d'ailleurs un tournant dans la filmographie de Akira KUROSAWA qui après les échecs successifs de ses films adaptés de grandes oeuvres littéraires s'essaye avec brio à un cinéma d'inspiration plus populaire. Ce récit d'aventures picaresques tourné dans de splendides décors naturels et ponctué de scènes d'action spectaculaires et admirablement filmées (voir la scène où le général Makabe alias Toshiro MIFUNE se lance à la poursuite de ses ennemis le sabre levé) se paye en plus le luxe d'être féministe. La princesse Yuki (Misa UEHARA) est une guerrière (comme l'est également la princesse Leia qui incarne l'âme de la rébellion et finit générale) et si elle doit se faire passer pour muette afin de voyager incognito, sa langue est en réalité bien pendue et elle n'a pas les yeux dans sa poche. Le fait d'être traquée par le clan adverse est une chance pour elle car il lui permet de quitter sa tour d'ivoire et d'observer le monde tel qu'il est, le meilleur et le pire des hommes. Elle est également très critique envers les mentalités féodales (et patriarcales) japonaises, notamment le sens du sacrifice, de la loyauté et de l'honneur poussé jusqu'à ses extrémités les plus mortifères. La manière dont elle bouscule les deux généraux, Makabe et Tadokoro (Susumu FUJITA) dans leurs certitudes (alors qu'elle n'a que 16 ans, soit l'âge auquel Greta Thunberg est devenue célèbre mais je dis ça je ne dis rien) s'avère décisive pour l'issue de l'histoire.

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Pension d'artistes (Stage Door)

Publié le par Rosalie210

Pension d'artistes (Stage Door)

"Pension d'artistes" est comme l'année précédente "Mon homme Godfrey" (1936) un grand cru de Gregory LA CAVA. Il se distingue par son fabuleux casting d'actrices, ses dialogues brillants et sa grande résonnance contemporaine. En effet bien que réalisé en 1937, "Pension d'artistes" évoque l'ère "#Me Too" dans le monde du spectacle hollywoodien, sans doute parce qu'en 80 ans, la distribution inégalitaire des rôles sociaux n'a guère changé. Aux hommes, les postes de pouvoir, dont celui de faire et de défaire les carrières au gré de leur bon plaisir. Aux femmes, les postes de subordonnées contraintes de se soumettre à un mécénat qui ressemble furieusement à une promotion canapé. Les scènes entre le producteur Anthony Powell (Adolphe MENJOU) et les jeunes actrices sont extrêmement révélatrices, qu'il les fasse attendre pour rien ou qu'après avoir fait son "marché" il ne tente de les séduire avec de fallacieuses promesses tout en s'assurant de leur soumission (la censure l'empêche de leur sauter dessus comme Harvey Weinstein mais on y pense forcément d'autant que les poses devant le canapé sont suggestives).

A cet aspect d'inégalité des sexes, Gregory LA CAVA ajoute comme dans "Mon homme Godfrey" (1936) une dimension d'inégalités sociales. La riche héritière Terry Randall (Katharine HEPBURN) décroche un rôle convoité parce que son père a graissé quelques pattes alors qu'elle répète d'une manière désespérément atone et s'embrouille avec tout le monde. Bref, face à la concupiscence et à la corruption, le talent qui devrait être le seul critère du choix des actrices (avec la motivation) ne pèse pas bien lourd et les âmes trop fragiles comme celle de Kay Hamilton (Andrea LEEDS) le paieront au prix fort.

Mais le film de La Cava, en dehors d'une séquence franchement dramatique (et très émouvante) se tient constamment dans un entre-deux doux-amer comme pouvait l'être "La Garçonnière" (1960) de Billy WILDER qui était une féroce et drolatique satire sociale tout en étant tendre et mélancolique. Face au joug masculin, la pension de Mrs Orcutt où logent les aspirantes actrices est un espace de liberté où les énergies se libèrent et les personnalités s'expriment sans retenue, avec une verve d'enfer. Le personnage de Jean à la langue particulièrement acérée a ainsi été pour Ginger ROGERS une façon de montrer une autre facette de son talent.

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Le Terminal (The Terminal)

Publié le par Rosalie210

Steven Spielberg (2004)

Le Terminal (The Terminal)

L'aéroport international d'une grande métropole mondiale (ici c'est JFK mais cela pourrait être tout aussi bien Roissy où s'est déroulée l'histoire vraie dont s'est inspiré Steven SPIELBERG) est un parfait concentré de toutes les problématiques contemporaines. C'est un lieu de passage et de transit bourré de sas et de points de contrôle. C'est un lieu cosmopolite où s'exerce cependant la souveraineté étatique avec sa douane, sa police des frontières, ses règlementations complexes et parfois kafkaïennes. C'est un lieu de foultitudes anonymes où cependant chacun est renvoyé à sa solitude et où s'exerce une hiérarchie sociale et raciale qui est le miroir de celle de la société: les WASP dans les bureaux de dirigeants et les minorités ethniques à la cuisine et au nettoyage des sols.

C'est dans ce lieu ouvert et clos à la fois que Steven SPIELBERG construit une fable humaniste qui lorgne clairement du côté de Frank CAPRA mais aussi de Robert ZEMECKIS. Comment ne pas penser à "Forrest Gump" (1994) et à "Seul au monde" (2001) devant un Tom HANKS dont l'inadaptation au monde n'est cette fois pas due à un QI légèrement inférieur à la moyenne ou à de longues années d'isolement sur une île déserte mais à son statut d'apatride "krakozhien" (Etat fictif d'Europe centrale dont le nom fait penser à Cracovie en Pologne) et sa méconnaissance de la langue anglaise. Bien que traité sur le mode de la comédie, la perte de la nationalité est une authentique tragédie qu'ont vécu des millions de personnes condamnées à errer d'un pays à l'autre dans l'espoir d'être acceptées quelque part, notamment les juifs allemands dans les années 30 (c'est le sujet du roman de Erich Maria Remarque "Les Exilés"). C'est pourquoi il ne faut pas s'y tromper: sous sa légèreté apparente (qui l'a fait un peut trop vite cataloguer comme un "film mineur" dans la filmographie de Steven SPIELBERG comme s'il fallait obligatoirement faire sérieux pour traiter de sujets graves), "Le Terminal" est un film engagé, politique. Il montre comment un étranger traité en paria parvient à retisser du lien social dans un lieu impersonnel et atomisé au point de créer une micro-société plus juste, plus solidaire et plus égalitaire. Peut-être que le seul reproche que je ferais au scénario est de ne pas avoir tranché entre un personnage transparent à la Tintin créé pour permettre l'identification du spectateur et un vrai personnage doté d'une identité propre. La chute de l'histoire m'a parue de ce fait décevante.

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Jabberwocky

Publié le par Rosalie210

Terry Gilliam (1977)

Jabberwocky

J'ai rarement vu une restauration produire des effets aussi spectaculaires que dans "Jabberwocky", le premier long-métrage réalisé par Terry GILLIAM. En effet celui-ci en dépit d'un budget modeste a créé un magnifique univers visuel qui s'était terni avec le temps. En retrouvant son éclat, l'image révèle des paysages ruraux de chateaux-forts nimbés d'une somptueuse lumière. Les mêmes que ceux de "Monty Python sacré Graal" (1975), l'œil du peintre en prime. Cela n'empêche pas de reconnaître le style Gilliam, récurrent de film en film, celui des courtes focales et des contre-plongées qui écrasent les personnages sous l'architecture, bouchent la vue et déforment les perspectives et les traits jusqu'à la caricature. Le Moyen-Age dépeint par Gilliam est pictural et en même temps il s'en dégage une impression de réalisme comme dans le film antérieur des Monty Python. C'est lié à une intimité avec cette époque dans ce qu'elle a de plus "terre-à-terre" c'est à dire sa violence et sa saleté. Celles-ci deviennent d'ailleurs les supports d'un long gag où la tribune royale d'un tournoi est progressivement recouverte de sang et de morceaux de chair sans que les personnages ne s'en émeuvent (un type de gag non-sensique récurrent chez les Python*). Mais de la saleté au sens propre à la saleté au sens figuré il n'y a qu'un pas et la crasse ou la poussière qui recouvre les dirigeants qui utilisant leurs vassaux comme de la chair à canon n'a rien de gratuit. A travers le Moyen-Age, Terry GILLIAM critique en réalité le fonctionnement de la société britannique des années 70 touchée par la crise et le chômage et désormais rétive comme le reste de l'Europe à l'immigration de travail venue des pays pauvres. Quant au "monstre" (emprunté à un autre univers de l'absurde, celui de Lewis Carroll) qui terrorise la contrée, il est cyniquement instrumentalisé pour manipuler les masses puisque les habitants n'ont guère envie de s'aventurer à l'extérieur et apaisent leurs angoisses en… consommant. Il est presque dommage que Terry GILLIAM finisse par le montrer (d'autant que ce n'est pas une réussite, contrairement aux plans où la caméra adopte son point de vue et où il est donc invisible) car comme le magicien d'oz, il aurait pu tout aussi bien n'être qu'une illusion.

* Une partie d'entre eux participent au film en tant qu'acteurs. Michael Palin interprète le rôle principal et le regretté co-fondateur des Python Terry Jones y joue un petit rôle, celui du braconnier qui apparaît en introduction et est la première victime du monstre.

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Lulu femme nue

Publié le par Rosalie210

Solveig Anspach (2013)

Lulu femme nue

Même si l'histoire de "Lulu femme nue" semble à première vue peu originale, le regard de la réalisatrice Sólveig ANSPACH est quant à lui singulier. Tout d'abord c'est celui d'une survivante, d'une résiliente. Dans "Haut les cœurs" (1999), elle avait porté à l'écran sa propre histoire de femme atteinte par le cancer se battant pour donner la vie avec déjà Karin VIARD dans le rôle principal. Cette expérience sous-tend l'histoire (fictionnelle cette fois, adaptation d'une bande dessinée d'Etienne Davodeau) de "Lulu femme nue" qui n'est pas malade physiquement mais qui a perdu son identité (d'où le surnom "Lulu" comme le "Babou" du "Le Prénom") (2011) et par là même le goût de l'existence dans un mariage aliénant. Elle incarne le mal être de l'épouse et de la mère de famille de la société patriarcale qui lui dénie toute liberté et toute autonomie. La première scène du film est éloquente puisqu'alors qu'elle tente de se faire belle pour un entretien d'embauche dans les toilettes de l'entreprise, elle s'entend dire qu'elle est ici "chez les hommes". Des hommes qui à l'image du recruteur et de son mari dénient sa démarche en l'humiliant sur son âge et son accoutrement comme s'il fallait être désirable et bien habillée pour être compétente. C'est alors qu'inconsciemment, cette femme brimée se révolte en ratant son train: elle ne rentrera pas chez elle ce soir. Ni le lendemain en dépit des coups de pression de son mari qui lui coupe les vivres et la harcèle au téléphone. Elle ira plutôt respirer au bord de la mer et aller à la rencontre d'autres paumés, d'autres solitaires, d'autres "déchets de la société" rejetés sur le bas-côté. Parmi eux il y a Charles et ses drôles de frères toujours flanqués à ses basques. Charles qui a l'idée de jeter son téléphone boulet par dessus bord et avec lequel elle échange des sourires rayonnant à la fête foraine. Il n'a ni biens matériels ni statut à lui offrir puisqu'il est repris de justice et vit dans un camping mais à son contact doux et tendre, elle retrouve l'envie de partager des moments d'intimité avec un homme. Mais comme elle est rattrapée par sa sœur et sa fille, elle s'en va plus loin et là elle fait la connaissance dans des circonstances un peu rocambolesques d'une dame âgée, Marthe (Claude GENSAC) qui n'en peut plus de vieillir dans la solitude. Toutes deux viennent en aide à Virginie, une troisième femme, très jeune celle-là mais qui ploie sous le joug d'une patronne de bar tyrannique (Corinne MASIERO).

Ce qui m'a particulièrement plu dans ce film, c'est sa finesse d'observation. Alors que certains passages semblent plutôt relever du burlesque quelque peu fantaisiste (les deux frères de Charles), certaines des situations évoquées sont très réalistes comme celle de l'acte manqué (qui n'a jamais raté un train parce qu'il ne voulait pas en réalité le prendre?) ou de la jeune employée se faisant houspiller par sa patronne (j'ai entendu des propos du même type que "tu appelle ça nettoyer des verres?" dans une boulangerie proche de chez moi).

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