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Articles avec #comedie dramatique tag

Le port de l'angoisse (To Have and Have Not)

Publié le par Rosalie210

Howard Hawks (1945)

Le port de l'angoisse (To Have and Have Not)

Adaptation très libre de To Have and have not, qu'Ernest Hemingway estimait être le plus mauvais de ses romans. Une rumeur prétend qu'il aurait mis au défi Hawks, son partenaire de chasse et de pêche de réaliser un bon film à partir de cette oeuvre (à moins que ce ne soit le contraire). Peu importe de toutes façons puisqu'au final, il ne reste rien du roman d'aventures initial et que le film est en revanche la quintessence du cinéma de Hawks (l'influence du film Casablanca est réelle -similitudes dans l'intrigue; le décor et même acteur principal- mais superficielle) Tous les autres films de ce cinéaste qu'ils le précèdent ou en découlent sont bâti sur le canevas de To Have and have not, à savoir:

- Etude des liens de camaraderie d'un petit groupe de personnalités disparates mais partageant la même philosophie de la vie: Morgan (Humphrey Bogart) le mercenaire qui loue son bateau de pêche à de riches clients, Frenchy (Marcel Dalio) le maître d'hôtel, Eddie le vieillard alcoolique gaffeur qui veille à ce que l'âme de Morgan ne se déssèche pas trop (Walter Brennan) etc.

- Respect absolu pour certaines valeurs: professionnalisme, fidélité, loyauté, transparence (se livrer imparfait, tel que l'on est, sans crainte du jugement des autres). Harry Morgan a beau être mercenaire, mauvais payeur et allergique à l'engagement, il obtient plus de considération de la part de Frenchy que n'en reçoivent ses collègues résistants, des "petites natures" amateuristes et idéalistes. De même, le riche client de Morgan, Johnson est descendu en flammes par Howks à cause de sa malhonnêteté, sa maladresse, son arrogance, son manque d'humour, son mépris vis à vis d'Eddie etc.

-Atmosphère chaleureuse et décontractée dans un cadre défini comme une scène de théâtre (ici le port et l'hôtel) permettant de particulièrement mettre en valeur les personnages et les acteurs qui les incarnent au détriment de tout le reste et particulièrement des codes du cinéma de genre. Il y a peu d'action et peu de meurtres dans le film et une partie d'entre eux sont situés hors-champ. En revanche il y a beaucoup plus important: ce cinéma "à hauteur d'homme" qui réduit au maximum la distance qui sépare les personnages de leurs interprètes nous permet d'être très proches de leur ressenti. Et c'est particulièrement important dans To Have and have not où s'accomplit sous nos yeux le coup de foudre Bogart-Bacall au travers de leurs rôles. La première scène, incandescente à tous points de vue ("Anybody got a match?") avec Frenchy/Marcel Dalio en témoin médusé (est-ce son personnage ou est-ce l'acteur qui comprend que quelque chose se passe?), est inoubliable. Grandiose moment de vie intime capté par une caméra.

-Bien qu'elle ait échappée à son pygmalion pour se mettre en couple avec Bogart (Hawks n'avait pas prévu d'aller jusque là et était même plutôt vexé et jaloux!) Lauren Bacall est l'une de ces formidables actrices de caractère qu'il savait découvrir et immortaliser. Dans To Have and have not, elle incarne la femme androgyne hawksienne type, regard qui tue et voix rauque, cette femme qui tout en ayant tous les attributs de la féminité sait tenir tête aux hommes et prendre les initiatives. C'est elle qui séduit, elle qui embrasse, elle qui met au défi son partenaire individualiste de s'engager "si vous avez besoin de moi, vous n'avez qu'à siffler. Vous savez comment faire, Steve? Vous n'avez qu'à serrer les lèvres et souffler.", réplique mythique mainte et mainte fois parodiée ou reprise par la suite.

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Les enfants de la chance

Publié le par Rosalie210

Malik Chibane (2016)

Les enfants de la chance

L'intérêt de ce film ne réside ni dans sa mise en scène, très classique, parfois même un peu lourde (les chansons des enfants qui tombent comme un cheveu sur la soupe hormis lors du repas, quelle coïncidence!) ni dans ses personnages pour la plupart archétypaux. L'histoire a un air de déjà vu tant elle est souvent traitée au cinéma (M. Batignolle, Le voyage de Fanny, La Rafle, Au Revoir les enfants etc.) mais elle est tirée de l'histoire vraie d'un survivant de la Shoah, Maurice Grosman (le créateur de l'entreprise de prêt-à-porter CELIO), et a donc valeur de témoignage à l'heure où justement les derniers protagonistes de ces événements disparaissent les uns après les autres. On entend d'ailleurs la voix de Maurice Grosman âgé aujourd'hui de 86 ans à la fin du film. Ce sont ses souvenirs qui forment la trame du film et lui donne au final sa personnalité. Pour survivre, il fallait avoir beaucoup de chance et le destin de Maurice est marqué par la chance. Il se casse la jambe au moment où a lieu la rafle du Vel d'hiv ce qui lui permet d'y échapper puis il est pris en charge par un docteur qui s'avère être un Juste et qui réussit à le garder pendant des années dans son hôpital, prétextant une tuberculose osseuse. Le dortoir de l'hôpital est un refuge même s'il n'est pas totalement à l'abri des exactions des allemands et de la police de Vichy. Le film casse les réflexes manichéens avec le personnage du collaborateur qui n'est autre que le frère du docteur et que celui-ci place sous sa protection quand le vent aura tourné. Ou encore avec les américains qui donnent à l'hôpital un médicament frelaté mortel alors que les allemands ont fait don d'un remède qui sauve deux enfants. Le film vaut enfin par toutes sortes de petits détails qui rappellent le contexte de la guerre, du venin antisémite distillé par Radio Paris aux repas de choux et de carottes liés aux privations.

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Boire et déboires (Blind Date)

Publié le par Rosalie210

Blake Edwards (1987)

Boire et déboires  (Blind Date)

Boire et déboires, moins connu et moins apprécié que d'autres oeuvres de Blake Edwards (peut être à cause de son esthétique datée) est le pendant burlesque années 80 du sombre Le jour du vin et des roses des années 60. Les deux films reposent en effet sur les ravages de l'alcoolisme qui fut l'un des démons du réalisateur. Mais dans Boire et déboires, il transforme le pouvoir dévastateur de cette addiction en moyen d'émancipation jubilatoire. Après Victor/Victoria et avant Dans la peau d'une blonde, il confie à une femme (Kim Basinger) le soin de semer la zizanie partout où elle passe. Mais il ne s'agit pas d'une zizanie gratuite. Les "délires" de Nadia lorsqu'elle est sous l'emprise de l'alcool fustigent les apparences et l'hypocrisie comme lorsqu'elle dévoile que la coiffure de la geisha n'est qu'un postiche ou qu'elle déchire le costume de Walter (Bruce Willis alors peu connu) que celui-ci n'arrive pas malgré tous ses efforts à porter avec élégance. Elle révèle ainsi le rôle de femme-objet dévolu aux épouses d'hommes d'affaires et l'imposture de Walter qui a délaissé sa véritable passion (la musique) pour la vitrine de la finance. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'un des gags récurrents du film est la voiture de David (le rival dégénéré de Walter joué par John Larroquette) qui enfonce des vitrines. On a même l'impression qu'inconsciemment, Walter cherchait à faire exploser sa fausse vie puisqu'il a fait boire Nadia alors qu'on lui avait formellement déconseillé de le faire (et le titre en VO "Blind Date" renforce cette impression). On retrouve comme dans La Party le goût pour la mise en pièces des soirées guindées (et derrière de l'american way of life et son cortège d'hypocrisies) et l'utilisation d'une maison comme source infinie de gags (ballet de portes, chassés-croisés, chutes, poursuites, dissimulations).

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Little miss Sunshine

Publié le par Rosalie210

Jonathan Dayton et Valérie Faris (2006)

Little miss Sunshine

Voilà un film qui fut un succès surprise il y a 10 ans et qui aujourd'hui encore est une sorte de référence de ce que le cinéma indépendant américain a produit de meilleur (mais non sans difficultés puisque sa gestation a duré 6 ans).

Little miss Sunshine, c'est une galerie de portraits aussi réussis les uns que les autres d'une famille américaine qui aimerait se fondre dans le moule sans y parvenir. Le père, Richard Hoover qui est coach enseigne la philosophie américaine de la réussite, celle des winners et des losers mais tout indique dans le film qu'il fait partie de la seconde catégorie. La mère Sheryl Hoover est dépassée. Le grand-père a un comportement d'adolescent rebelle (il se drogue, il parle vulgairement, il s'habille jeune) qui lui a valu d'être exclu de sa maison de retraite. Le frère de Mme Hoover, Frank est encore plus marginal qu'eux: spécialiste de Proust et homosexuel, il n'a pas obtenu la bourse qu'il espérait et son ami l'a quitté. Le fils lunaire et nietzschéen Dwayne rêve d'être pilote d'essai mais il est daltonien et n'a pas le physique d'un sportif. Enfin la fille boulotte et bigleuse, Olive rêve de participer au concours Little miss Sunshine alors qu'elle est loin de correspondre aux canons de beauté d'une mini-miss.

La qualification d'Olive permet de souder cette drôle de famille éclatée autour d'un projet commun: rallier la Californie où se déroule le concours. Le trajet et le dénouement confirment en tous points ce que nous savions dès le départ à savoir l'incapacité de cette famille à s'intégrer au rêve américain. Du minivan délabré qu'il faut pousser pour faire démarrer (comble d'horreur aux USA) au numéro de striptease d'Olive qui choque l'Amérique puritaine, tout n'est que dissonances et dysfonctionnements. Mais la beauté du film est le changement d'attitude des membres de la famille vis à vis de leur identité profonde. De subie voire niée, elle finit par être assumée et devient même un motif de fierté. Cette réconciliation avec soi-même aboutit à une communion avec les autres membres de la famille au moment où ils montent sur scène dans la joie et la bonne humeur pour soutenir Olive. C'est la norme américaine incarnée par des mini-miss transformées en ridicules poupées Barbie qui apparaît alors pour ce qu'elle est: un mirage monstrueux.

"Little Miss Sunshine" est par ailleurs un film qui a révélé des acteurs au diapason de son état d'esprit auxquels je me suis fortement attachée au fil des années et des rôles qu'ils ont interprété, en premier lieu Steve CARELL (Frank, l'oncle homosexuel et dépressif) et Paul DANO (Dwayne, le neveu mutique et nihiliste). Il s'est donc à mes yeux bonifié au fil du temps en devenant un porte-voix de la fierté de la différence.

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Soyez sympas, rembobinez (Be Kind Rewind)

Publié le par Rosalie210

Michel Gondry (2008)

Soyez sympas, rembobinez  (Be Kind Rewind)

Le film de Michael Gondry rattrape ses faiblesses budgétaires, esthétiques et rythmiques (le démarrage est laborieux et on se demande pendant 3/4 d'heure où il veut en venir) par un bouillonnement créatif jubilatoire et une grande richesse dans les domaines explorés.

Tout d'abord la filiation du cinéma de Gondry avec celui de Meliès saute aux yeux. On retrouve chez ces deux cinéastes le goût de la magie, des effets spéciaux, des trucages et de l'animation artisanale. Cette science du bricolage est ici mise en abyme: Gondry fabrique un film où deux personnages fabriquent des films suédés. Le suedage est un remake raccourci (15 minutes maximum) et parodique de films plutôt commerciaux et/ou cultes (Ghostbusters, 2001, Men in Black, Rush hour 2, King Kong etc.) réalisés avec des bouts de ficelle. Le plaisir jubilatoire ressenti par les personnages et le réalisateur est transmis au spectateur pour qui soudain le cinéma devient accessible. Avec cette technique, n'importe qui peut faire un film. De plus la durée très courte des films suédés fait penser aux clips et pubs que Gondry a réalisé au début de sa carrière.

Ensuite au travers de la démagnétisation des cassettes vidéos dont toutes les données disparaissent avant leur réenregistrement en suédé on retrouve le thème de l'effacement de la mémoire déjà exploré dans son 3° film Eternel sunshine of the spotless mind. En 2007, les VHS avaient déjà disparu et le DVD était en crise, le film est donc volontairement anachronique.

Enfin Soyez sympas rembobinez est un double hommage. D'abord à la comédie américaine classique et plus précisément celle de Capra, Vous ne l'emporterez pas avec vous où une communauté chaleureuse façon village gaulois résiste aux prédateurs capitalistes qui veulent raser leur immeuble (les exproprier de leur video-club et détruire les films piratés chez Gondry). Hommage aussi au sous-genre de la comédie qu'est le buddy movie (film de potes). Et hommage enfin à la musique noire populaire à travers la figure du jazzman Fats Waller qui serait né dans l'immeuble du video-club (Gondry est aussi musicien.)

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Un, deux, trois (One, Two, Three)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1961)

Un, deux, trois (One, Two, Three)

Comédie satirique réalisée en 1961 au moment de l'édification du mur à Berlin, Un, deux, trois se caractérise par son rythme molto furioso c'est à dire complètement hystérique. Dominé par La danse du sabre de Khatchadourian et l'abattage d'un James Cagney roublard au débit de parole digne d'une mitraillette, le film renvoie dos à dos le capitalisme et le communisme dans un joyeux jeu de massacre dont nul ne sort indemne. En grand admirateur des Marx Brothers (d'où le jeu de mots "I said Karl Marx, not Groucho!"), Wilder orchestre une logique du désordre qui envoie valdinguer les oppositions binaires, le communiste se convertissant en capitaliste pendant que le capitaliste fricote avec des communistes, tous deux se révélant au final aussi opportunistes et cyniques l'un que l'autre. Les gags, très réussis, jouent à fond sur les symboles des deux idéologies (Coca-Cola utilisé pour soudoyer les gardes est-allemands à l'égal du champagne, trabant qui se désosse lors d'une course-poursuite alors que la mercedes n'a pas une égratignure, horloge à coucou oncle Sam qui sonne de plus en plus vite au fur et à mesure que progresse le relookage du communiste, frénésie d'achats jusqu'à faire ressembler le bureau à un magasin, portrait de Khrouchtchev qui en tombant révèle celui de Staline, coup de chaussure d'un commissaire politique soviétique qui rappelle justement celui de Khrouchtchev à l'ONU etc.) mais aussi sur les nomenclatures, attitudes et jeux de mots les plus révélateurs. Les différents noms de l'hôtel est-allemand (Bismarck puis Göering puis Potemkine) évoquent l'histoire de la ville tout comme les employés constamment au garde à vous devant leur chef ou l'assistant qui claque des talons à tout va et reconnaît dans un journaliste son ancien patron nazi. L'épouse de Cagney surnomme son mari autoritaire "Mein Führer" et ironise sur sa secrétaire qui "lui donne des cours de langue". Quant à l'écervelée Scarlet, la fille du patron de Cagney "She has gone with the wind" of course!

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Embrasse-moi idiot (Kiss me, Stupid)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1964)

Embrasse-moi idiot (Kiss me, Stupid)

Les meilleures comédies de Wilder étaient fondées sur un équilibre entre l'audace de leur histoire et de certaines répliques/situations et une sensibilité humaniste qui finissait par emporter le morceau (Certains l'aiment chaud, Ariane, La Garçonnière). Rien de tel dans Embrasse-moi idiot qui est une satire féroce du rêve américain sans aucun compromis. C'est à la fois sa force et sa limite.

C'est une force car le film est un jeu de massacre brillant et jubilatoire sur le thème de l'arrivisme cher à Wilder. Pour décrocher un contrat avec Dino, un chanteur à succès obsédé sexuel de passage dans leur ville, deux compositeurs locaux Orville Spooner et Barbey Milsap imaginent un stratagème pour le retenir consistant à lui offrir l'épouse d' Orville pour une nuit. Comme Orville est un jaloux pathologique, le rôle de l'épouse est confié à une prostituée, Polly pendant que Zelda, la femme d'Orville est censée retourner chez ses parents. Mais à la suite d'une série de quiproquos les faux-semblants tombent et les deux femmes échangent vraiment leurs rôles. La première se prend à rêver à la vie d'une épouse respectable alors que la seconde en chaleur et frustrée par son odieux mari fait d'une pierre deux coups: elle se venge de son époux tout en le servant auprès de Dino. Après tout n'est-ce pas le rôle d'une épouse modèle? On comprend que l'amoralité totale de cette histoire qui égratigne la sacro-sainte famille américaine ait fait scandale et entraîné l'échec commercial du film. Et ce d'autant plus que le code Hays s'étant affaibli, Wilder peut aborder la sexualité et l'adultère de façon beaucoup plus frontale qu'avec 7 ans de réflexion auquel Embrasse-moi Idiot ressemble beaucoup. Les allusions sexuelles sont permanentes avec divers objets phalliques (cactus, bouteille, chandelles), le nom des lieux (Climax traduit en VF par "Jouy", Chaude-ville et vallée du paradis), et de savoureuses répliques à double sens dans la bouche de Dino: " Je mettrai la main à la pâte." "Elle me montrera son persil." etc. Dean Martin qui interprète Dino s'amuse beaucoup avec son image de crooner prédateur sexuel à qui il faut absolument son en-cas tous les soirs sinon il se réveille le matin avec la migraine!

Malgré toutes ces qualités, Embrasse-moi idiot est un film limité. Comme 7 ans de réflexion, c'est un vaudeville plus épicé certes mais tout aussi laid et vulgaire. Une laideur et une vulgarité assumées, nécessaires mais que rien ne vient contrebalancer. Laideur morale du mari douteux, mesquin, méchant, parano, hypocrite et intéressé (ne parlons même pas de son acolyte qui vendrait père et mère pour l'argent et la gloire). Vulgarité du chanteur hédoniste bouffi, crétin, animal, visqueux et de son regard sur la prostituée réduite à ses fesses et son décolleté plongeant. Les femmes sont nettement plus fines que leurs congénères cro-magnonesques. Kim Novak est sublime plastiquement et touche avec son beau visage mélancolique et Félicia Farr (l'épouse de Jack Lemmon à la ville) est mutine à souhait. Mais on est quand même pas loin du dégoût.

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Dans la peau d'une blonde (Switch)

Publié le par Roslie210

Blake Edwards (1991)

Dans la peau d'une blonde  (Switch)

La fin de la carrière de Blake Edwards recèle de belles pépites. Dans la peau d'une blonde n'a pas le cachet visuel de Victor/Victoria avec ses tenues vestimentaires et coupes de cheveux ringardes et sa photographie proche de la telenovela. Mais peu importe le flacon pourvu que l'on ait l'ivresse et de ce point de vue on est comblé. Blake Edwards réalise une comédie solide, maîtrisée de bout en bout, débridée et joyeusement satirique sur les rapports hommes-femmes. Mais surtout le film est un époustouflant numéro d'actrice. Ellen Barkin porte le film sur ses épaules et réalise une performance absolument prodigieuse. Avec un abattage phénoménal, elle campe un homme macho dans la peau d'une femme plus vrai(e) que nature. La discordance entre le corps et le comportement est une source majeure de situations comiques. Outre une vulgarité masculine portée à des sommets de drôlerie et de mauvais goût, le personnage nous fait ressentir à chaque instant à quel point il est mal dans sa nouvelle peau. Il ne supporte pas ses cheveux, est gêné par ses vêtements trop serrés et ne parvient pas à marcher avec des talons qui sont pour lui une torture perpétuelle. De même, il est dans une confusion sexuelle totale, ne se sentant à l'aise ni avec les femmes, ni avec les hommes. Il a bien conscience de son pouvoir de séduction sur les deux sexes mais il est bloqué par son sexisme et son homophobie. Soit il passe pour une lesbienne soit il vit la situation de la femme abusée. La seule chose qui au final l'apaise et le réconcilie avec lui-même c'est la maternité. Lui dont la rédemption passe par l'amour sincère d'une femme doit donner la vie pour pouvoir enfin rencontrer cet amour et reposer en paix. La comédie fantasque s'achève sur une quête de sens qui n'est pas dénuée de gravité.

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Un jour sans fin (Groundhog Day)

Publié le par Rosalie210

Harold Ramis (1993)

Un jour sans fin (Groundhog Day)

Il y a des films qui rencontrent un succès durable et mérité dès leur sortie, des films surestimés qui sombrent rapidement dans l'oubli et puis il y a des films qui passent dans un premier temps inaperçus avant peu à peu de conquérir la place qui leur revient au panthéon de l'histoire du cinéma. Un jour sans fin relève de cette dernière catégorie.

Dire qu'un jour sans fin est le film le plus spirituel du monde est sans doute le terme le plus juste pour le qualifier. En effet le mot spirituel a un double sens. Celui de l'humour étant donné que le film s'inscrit dans le registre de la comédie, une comédie à la drôlerie irrésistible. Et celui du conte métaphysique à l'image des nuages qui ouvrent et referment le film. Celui-ci s'inscrit en effet au carrefour de plusieurs philosophies et spiritualités: le bouddhisme et le samsara (cycle des renaissances de l'être non éveillé), le christianisme avec le thème central de la rédemption, la philosophie nietzschéenne avec le concept de l'éternel retour, le travail psychanalytique dont le film est en quelque sorte une illustration. Le film est avant tout une réflexion sur le temps. La boucle temporelle dans laquelle est enfermé Phil peut s'avérer être un fardeau ou un espace de liberté, une malédiction ou une bénédiction, un "verre à moitié vide ou à moitié plein" selon le point de vue dans lequel on se place. On passe ainsi progressivement du mythe de Sisyphe à celui de Superman. Le film est une démonstration du libre-arbitre que conserve l'être humain au sein de ce qui le dépasse.

Métaphorique, le film prend pour héros un présentateur météo dont l'âme est plongée dans un éternel hiver. Ce n'est pas par hasard s'il porte le même prénom que la marmotte de Punxsutawney dont le jour de célébration va devenir pour lui un jour sans fin. Imbu de sa personne, méprisant, cynique, Phil Connors (Bill Murray dans le rôle de sa vie) clame sur tous les tons qu'il est une super vedette et qu'il fait la pluie et le beau temps. En réalité c'est un misanthrope aigri, un minable, un raté qui de son propre aveu ne se supporte pas lui-même et passe ses frustrations sur ses collègues et tous les "ploucs" des bleds paumés couverts par la chaîne de télé régionale où il travaille. Bref un cas désespéré, irrécupérable. Pourtant lorsque Rita (Andie MacDowell) est engagée comme productrice, quelque chose se passe en lui, si enfoui sous son épaisse carapace qu'il faut plus de la moitié du film pour qu'il en prenne conscience. Il ne lui reste plus qu'à ramer encore et encore pour devenir un jour enfin digne d'elle. Un jour qui mettra fin à la malédiction. Celle-ci se révèle être au final une deuxième chance. A défaut de pouvoir changer le cours du temps, il peut se changer lui-même et changer son rapport au monde. Il a toute l'éternité pour ça (d'après les calculs de certains fans, l'épreuve de Phil a duré entre 34 et 40 ans). Incroyable paradoxe que ce temps cyclique, routinier que la métamorphose du héros empêche cependant de bégayer et le film de se répéter. "Je me suis suicidé tellement de fois que je n'existe plus." Mais je est un autre. Il y a comme un accouchement dans cette mue dans le même, dans cet éveil (à la connaissance, à l'amour, à l'altruisme, à l'art) dans le réveil au son de la rengaine I got you Babe de Sonny & Cher.

Enfin le film est aussi une mise en abyme du cinéma lui-même. Outre les manipulations de l'espace-temps, Phil, ce personnage que son épreuve rend omnipotent et omniscient est aussi un metteur en scène hors-pair qui tire les ficelles du petit monde dans lequel il est enfermé. La séquence du cambriolage ou de la cafétéria dans lesquelles il prédit ce qui va se passer à la seconde près sont de ce point de vue exemplaires.

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La vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes)

Publié le par Rosalie210

Billy Wilder (1970)

La vie privée de Sherlock Holmes (The Private Life of Sherlock Holmes)

Film réalisé après plusieurs échecs successifs et amputé d'une bonne partie de son intrigue initiale (à l'origine il devait durer 4h), La vie privée de Sherlock Holmes respire la brume, le blues, l'amertume. Non que le film soit dépourvu d'humour. On retrouve les dialogues ciselés habituels chez Wilder et des quiproquos hilarants, comme celui superbement chorégraphié où lors d'une fête dans les coulisses de l'opéra des danseurs se substituent aux danseuses autour de Watson au fur et à mesure que la rumeur de son homosexualité se répand. Mais l'arrière-plan est crépusculaire. Cinéaste des faux-semblants, Wilder a voulu sonder le célèbre personnage de fiction à la perfection inhumaine et en révéler les failles. D'où la métaphore limpide du monstre du Loch Ness qui oblige à plonger sous la surface des eaux pour en explorer les profondeurs. Son Sherlock Holmes est mélancolique, drogué et impuissant. Sa relation ambiguë avec Watson est un paravent qui lui permet de fuir le contact avec l'autre sexe. Lorsque Ilse s'offre à lui nue mais sous une fausse identité (celle de Gabrielle Valladon), il se laisse abuser psychologiquement tout en restant physiquement paralysé. Une situation réitérée tout au long du film tel un leitmotiv douloureux. En témoigne la scène où ils se surnomment par leurs noms d'emprunt, ceux d'un couple marié, alors qu'ils dorment dans deux lits-couchettes de train, jumeaux mais séparés. Celle-ci fait écho en négatif au rapprochement transgressif des corps au sein de ces mêmes trains-couchettes propices à la promiscuité dans "Certains l'aiment chaud" et "Uniformes et jupons courts". On pense également à la scène où il trouve Ilse nue dans son lit et la recouvre. Rarement la sexualité réprimée n'aura été aussi finement évoquée. Cela ne rend que plus poignantes les déclarations d'amour muettes ou codées que s'envoient l'espionne et le détective car la distance qui les sépare est infranchissable.

Derrière Sherlock Holmes, c'est aussi en arrière-plan un autoportrait de Robert Stephens, grand acteur shakespearien écrasé durant toute sa carrière par la figure de Laurence Olivier et souffrant de troubles bipolaires, d'alcoolisme et d'addiction sexuelle. Les exigences de Billy Wilder l'ont tellement fragilisé qu'il a fait une tentative de suicide pendant le tournage, fragilité qui ressort dans le film.

Rajoutons que la reconstitution de l'époque victorienne est somptueuse grâce notamment au travail d'Alexandre Trauner sur les décors, absolument fabuleux.

Echec à sa sortie, "La vie privée de Sherlock Holmes" est devenu culte avec le temps et a inspiré à son tour d’autres oeuvres à commencer par la série "Sherlock"  dont les auteurs ont d’ailleurs dit que le film de Wilder était plus proche de l’esprit des histoires originales que les adaptations "canoniques". En se situant de nos jours, l’aspect sociopathe et déréglé du personnage ressort de façon encore plus évidente.

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