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Articles avec #drame tag

Maria

Publié le par Rosalie210

Jessica Palud (2024)

Maria

"Maria" qui est l'adaptation de la biographie de Maria SCHNEIDER par sa cousine, Vanessa Schneider raconte des faits survenus il y a plus de cinquante ans mais qui résonnent avec l'époque actuelle, celui des abus sexuels commis sur de jeunes actrices au cours des tournages de films dans une ambiance d'omerta généralisée. Pour commencer, le film nous dépeint la situation familiale de Maria dans laquelle on reconnaît un schéma dysfonctionnel marqué par l'absence du père (l'acteur Daniel GELIN qui était marié par ailleurs et ne l'a jamais reconnue) et une mère mannequin jalouse et narcissique qui la rejette. Bien qu'elle puisse trouver un refuge chez son oncle et sa tante (les parents de Vanessa Schneider), Maria se lance à l'adolescence dans la quête de la reconnaissance paternelle en le suivant sur les plateaux et dans les fêtes nocturnes. C'est ainsi qu'elle devient "tout naturellement" une proie de choix pour des réalisateurs peu scrupuleux comme Bernardo BERTOLUCCI qui l'engage pour "Le Dernier tango a Paris" (1972). Une jeune actrice novice et mineure face à un réalisateur déjà célèbre et une star de presque trente ans plus âgée, Marlon BRANDO: une configuration hélas familière reflétant la domination masculine sur le cinéma, un art fait par des hommes pour des hommes comme le rappellera le "Sois belle et tais-toi" (1976) de Delphine SEYRIG dans lequel intervient Maria SCHNEIDER. Il est dommage que la mise en scène de Jessica PALUD ne soit pas plus lisible à ce sujet, comme si la scène du beurre était une transgression au sein d'un tournage jusque là idyllique alors que les inégalités de traitement entre Maria SCHNEIDER et Marlon BRANDO (sur la nudité par exemple) étaient présentes dès le début. Le fait de coller à la vision de l'actrice n'a jamais empêché le recul critique. La réalisatrice n'exploite d'ailleurs que trop peu l'aspect également très contemporain des images à caractère sexuel prises sans consentement de l'intéressé et ensuite largement diffusées, salissant son image et l'humiliant profondément. Si les rares cinéastes à avoir su proposer à Maria SCHNEIDER des rôles plus valorisants comme Michelangelo ANTONIONI ou Jacques RIVETTE sont salués, si sa franchise est soulignée celle-ci refusant de faire semblant pour assurer la promo du film de Bernardo BERTOLUCCI, c'est surtout sa descente aux enfers qui est mise en avant, l'émergence du mouvement féministe auquel elle a contribué étant réduit au personnage de son amante, Noor (Celeste BRUNNQUELL). Heureusement, Anamaria VARTOLOMEI porte le film sur ses épaules avec une belle présence.

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La Traversée

Publié le par Rosalie210

Florence Miailhe (2020)

La Traversée

Film d'animation aussi beau que prenant, "La Traversée" dépeint les pérégrinations de deux adolescents fuyant la guerre et les persécutions dans leur pays. Volontairement, celui-ci n'est pas identifiable, pas plus que le contexte historique afin de donner à l'histoire une résonance universelle. Mais la réalisatrice, Florence MIAILHE dont c'est le premier long-métrage y rend hommage à ses parents, obligés de fuir en zone libre pendant la seconde guerre mondiale et à ses arrières grands-parents ayant quitté l'Ukraine au début du siècle dernier pour fuir les pogroms. Elle effectue ainsi la jonction avec les migrations forcées d'aujourd'hui et ce avec brio - rien à voir par exemple avec le raté "Transit" (2018) de Christian PETZOLD. L'animation est évidemment un élément-clé dans la réussite de l'entreprise, donnant à l'histoire des allures de conte. On oublie trop souvent combien les contes initiatiques peuvent être cruels. Or les épreuves que traversent Kyona et son petit frère Adriel coïncident avec leur passage de l'enfance à l'adolescence et de l'adolescence à l'âge adulte, celui-ci étant accéléré par les événements. Très tôt séparés du reste de leur famille qui ne réapparaîtra pas, Kyona et Adriel s'engagent dans une périlleuse aventure peuplée d'obstacles qui révèlent leurs caractères et leur capacité de survie: la première par la rébellion et le dessin, le second par des capacités d'adaptation qui ne sont pas sans faire penser au "Zelig" (1983) de Woody ALLEN. Les personnages qu'ils rencontrent sont tous extrêmement intéressants. A l'exception de Jon, le trafiquant, tous sont à l'image du conseil donné par l'un d'entre eux à Kyona, celui d'apprendre à voir le monde en gris plutôt qu'en noir et blanc. Ce sont des tueurs, des exploiteurs, des combinards, des mouchards, des gens rudes vivant à la dure mais ces mêmes personnes peuvent aussi abriter, protéger, aider, aimer. Cette palette élargie se retrouve dans l'animation qui est superbe. La mère de Florence MIAILHE était peintre et la réalisatrice a mis au point une technique d'animation originale consistant à peindre sur une plaque de verre directement sous la caméra, prendre le cliché, effacer et recommencer, le mouvement se construisant ainsi au fil de l'eau, sans filet. Le style qui a été comparé à celui de Chagall oscille entre fauvisme et abstraction. Les couleurs flamboient d'autant plus qu'elles s'inscrivent dans un univers sombre et gris. Jamais le film ne cède au misérabilisme ou au pathos. L'image de la pie voleuse qui symbolise impertinence et liberté vient toujours à point nommé désamorcer les situations les plus tendues sans pour autant les édulcorer.

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La petite prairie aux bouleaux

Publié le par Rosalie210

Marceline Loridan-Ivens (2002)

La petite prairie aux bouleaux

"La petite prairie aux bouleaux" est la traduction française du mot allemand Birkenau lui-même dérivé du polonais Brzezinka. La petite ville polonaise qui se trouvait là a été rasée par les allemands en 1941 pour laisser la place à un camp de concentration situé à 3 km du premier camp construits par eux dès l'invasion de la Pologne, celui d'Auschwitz. A partir de 1942, c'est dans l'enceinte de ce camp que des fermes sont reconverties en chambres à gaz avant la construction de cinq grands crématoires "intégrés" qui à leur apogée durant l'été 1944 et l'extermination des juifs hongrois pouvaient tuer 12 mille personnes par jour. Néanmoins, les cadences et les quantités de tueries étaient telles qu'ils ne pouvaient plus les absorber et une partie des corps ont dû être brûlés en plein air. C'est de cet épisode que proviennent les quatre seules photos qui témoignent visuellement du génocide. C'est également lui qui est au coeur du premier film de Marceline LORIDAN-IVENS. Elle-même rescapée de Birkenau où elle fut internée pendant deux ans alors qu'elle avait une quinzaine d'années, elle travailla longtemps dans l'ombre de son compagnon, le documentariste Joris IVENS. Mais ce qu'elle documente dans "La petite prairie aux bouleaux", c'est l'impossibilité de combler le fossé entre histoire et mémoire, surtout lorsque celle-ci est de nature traumatique. Son double à l'écran, interprété par Anouk AIMEE revient à Paris où elle fut arrêtée une soixantaine d'années plus tôt pour une cérémonie de commémoration de la libération des camps d'extermination. Elle y retrouve d'anciennes camarades de déportation mais découvre que ses souvenirs ne coïncident pas avec les leurs. Troublée, elle décide de retourner sur les lieux de sa captivité et de tenter de retrouver les traces oubliées de ce passé. Sur son chemin, elle croise d'autres témoins. D'abord un juif polonais qui tente de faire revivre la mémoire du quartier juif de Cracovie, celui-ci ayant été englouti avec la Shoah avant que Steven SPIELBERG ne l'exhume en venant y tourner "La Liste de Schindler" (1993). Et un jeune photographe allemand, petit-fils de SS (August DIEHL) qui traque également l'invisible à l'aide notamment de relevés cartographiques. L'entreprise est d'autant plus forte que c'est la première fois qu'un film a reçu l'autorisation de tourner à l'intérieur du camp. Peu à peu, on découvre qu'Oskar et Myriam sont les deux facettes de la même pièce. Lui a hérité du fardeau de culpabilité de son grand-père puisque son père n'a pas pu le supporter et en est mort et elle éprouve la culpabilité du survivant, le voile d'oubli jeté sur les souvenirs les plus éprouvants où elle a dû servir les bourreaux dans leur entreprise d'extermination en creusant les fosses où ont été brûlés les corps près des crématoires. Ce témoignage brut, parfois maladroit aussi dérange, bouleverse, questionne et reste longtemps en mémoire.

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Partir, revenir

Publié le par Rosalie210

Claude Lelouch (1985)

Partir, revenir

"Une histoire romanesque pour piano, orchestre et caméra", tel se présente "Partir, revenir", le 27eme film de Claude LELOUCH qui entrecroise littérature, musique et cinéma. L'histoire du film qui traite de la persécution des juifs sous l'occupation en France, thème récurrent (et autobiographique) de la filmographie de Claude LELOUCH est traitée selon un double filtre: celui de la mémoire et celui de l'écrit. Le récit est en effet fondé sur les souvenirs de l'unique rescapée d'une famille juive déportée, Salomé Lerner (Monique LANGE, elle-même romancière) qui présente son livre dans l'émission Apostrophes en 1985 avec Bernard PIVOT et Bernard-Henri LEVY dans leurs propres rôles. Pour entrer dans sa tête et montrer ses mots en images, Claude LELOUCH utilise deux procédés. Tout d'abord le plan-séquence en caméra subjective où une voiture dévale à toute vitesse une route déserte sous la pluie avec des tournants brusques et des montées et descentes en montagnes russes. Une belle métaphore de la vie accidentée et tumultueuse de Salomé. Puis un concert d'Erik BERCHOT lui aussi dans son propre rôle interprétant un concerto de Rachmaninov dirigé par Michel LEGRAND (qui a ajouté un mouvement supplémentaire). Salomé Lerner assiste au concert et croit reconnaître en Erik BERCHOT la réincarnation de son frère disparu, Salomon (évidemment interprété par le même acteur) qui était lui aussi pianiste. L'éternel retour "lelouchien" est présent tout au long du film par des valses tourbillonnantes incarnant les jours heureux mais également les germes de l'horreur à venir (comme dans "Les Miserables" (1995) qui reprend aussi le thème de la traque des juifs et de la trahison de leurs protecteurs) mais également par une sorte de roue de la fortune qui tourne mal, à l'image du château de conte de fées dans lequel la famille Lerner s'est réfugié. Si le point de départ de la fuite de la famille Lerner a une motivation parfaitement mesquine (se débarrasser de voisins bruyants), ce sont ensuite les passions tristes qui vont enclencher l'engrenage fatal, lequel se retourne ensuite comme un boomerang sur celui ou celle qui l'a provoqué. L'ombre du film de Henri-Georges CLOUZOT, "Le Corbeau" (1943) plane alors que la fracture dans la vie de Salomé s'incarne dans la transformation impressionnante de celle qui l'interprète jeune, Evelyne BOUIX, revenue des enfers tel le fantôme d'Hamlet pour demander des comptes à son ancienne concierge et à ses anciens logeurs. L'occasion pour Annie GIRARDOT de briller encore dans un rôle intense sous les yeux de Francoise FABIAN et d'hommes quelque peu dépassés (Jean-Louis TRINTIGNANT et Michel PICCOLI) alors que Richard ANCONINA joue lui les funambules d'un casting étincelant.

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Une aussi longue absence

Publié le par Rosalie210

Henri Colpi (1960)

Une aussi longue absence

Comment expliquer que "Une aussi longue absence" qui a reçu la Palme d'or et le prix Louis Delluc en 1961 soit tombé dans l'oubli? Il a été sans doute "ringardisé" par l'irruption de la nouvelle vague dont les films sont passés à la postérité. Aujourd'hui, il mérite d'être redécouvert et réévalué à la hauteur des prix obtenus à l'époque.

"Une aussi longue absence" possède un titre qui n'est pas sans évoquer "Un long dimanche de fiançailles" (2004). Si les deux films n'ont sur la forme rien en commun, il n'en va pas de même du fond puisque dans les deux cas, les séquelles de la guerre sont mises en lumière à travers la séparation d'un couple dont l'époux ou le fiancé est porté disparu. Mais alors que l'héroïne du film de Jean-Pierre JEUNET mue par son intuition part activement à sa recherche, Thérèse Langlois (Alida VALLI) se résigne sans pour autant véritablement le remplacer. Jusqu'au jour où une quinzaine d'années après la fin de la guerre, elle croit reconnaître son mari en la personne d'un clochard amnésique qui passe régulièrement devant son café en chantant des airs d'opéra. Pas à pas, elle tente d'apprivoiser cet homme taiseux, solitaire et privé de mémoire dans l'espoir de finir par susciter chez lui des réminiscences de son passé.

Ce qui frappe l'esprit dans ce film, c'est d'abord le paysage dans lequel s'inscrivent les personnages. Celui de Puteaux, ville de la banlieue parisienne ayant encore des airs de village en 1960 et des bords de Seine avec en arrière-plan, l'île Seguin et les usines Renault. Un paysage qui reflète l'état d'esprit des personnages avec l'église délabrée proche du café de Thérèse et les bateaux qui ne cessent de passer sur le fleuve, lieu d'élection du clochard sans racines. Toute la mise en scène repose sur le passage progressif de cet homme d'une vague silhouette informe en arrière-plan à un visage (celui de Georges WILSON) vu en gros plan au fur et à mesure que Thérèse parvient à se rapprocher de lui. Hélas, c'est pour découvrir qu'il porte une blessure ayant fait des dégâts sans doute irréversibles dans son cerveau. Seuls les sens semblent encore faire réagir cet homme: un goût, la musique, la danse. Mais sans pouvoir les relier au moindre souvenir. La fin néanmoins laisse entrevoir qu'il lui reste peut-être quelque chose: un immense traumatisme. Beau et triste comme les trois petites notes de musique que l'on entend au générique et à la fin, chanson écrite par le réalisateur Henri COLPI (qui fut le monteur de Alain RESNAIS ce qui explique sans doute que Marguerite DURAS ait écrit le scénario) et composée par Georges DELERUE.

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The Empress

Publié le par Rosalie210

Alice Guy (1917)

The Empress

"The Empress" ("L'Impératrice") est l'un des rares films qu'il nous reste de la dernière période d'activité de Alice GUY dans le cinéma aux USA. La première guerre mondiale fragilisa beaucoup la Solax, ce qui l'obligea à travailler pour d'autres studios. Ainsi "The Empress" qui date de 1917 a été réalisé pour la Popular Plays and Players. La Cinémathèque qui le diffuse gratuitement depuis quelques mois sur sa plateforme de streaming HENRI possède un négatif des images mais sans la musique et sans les intertitres. Pour que l'histoire soit compréhensible, un résumé complet est proposé avant le début du film. On reste quand même gênés à certains moments par l'absence d'explications d'autant que deux personnages se ressemblent beaucoup.

Le film qui dure un peu plus d'une heure ce qui correspond à peu près aux standards de la période raconte une histoire d'une brûlante actualité, quelque part entre le "male gaze" et le mouvement Metoo. L'héroïne, Nedra est en effet victime de deux hommes. Le premier qui est l'artiste-peintre pour lequel elle pose ne cesse de la harceler. Le second qui est l'hôtelier qui les héberge lui fait du chantage à partir d'une photo prise à son insu sous un angle compromettant ce qui n'est pas sans rappeler "La Victime" (1961) de Basil DEARDEN. On peut ajouter qu'elle également victime de son mari qui préfère jouer les Othello plutôt que de la croire. Par ailleurs tous trois confondent la personne et sa représentation. L'artiste-peintre et son mari fantasment sur un portrait idéalisé d'elle en impératrice (le premier l'a créé, le deuxième est tombé amoureux du portrait, comme dans "Laura" avant de l'épouser) (1944). Quant à l'hôtelier, il la manipule à partir d'un cliché volé, lui aussi biaisé. On pense au mythe de Pygmalion mais aussi à "Cleo de 5 a 7" (1961) qui partait de ce mythe pour montrer l'héroïne s'en affranchissant et retrouvant une amie posant en toute liberté pour des artistes. Car comme Agnes VARDA, Alice GUY croit en la sororité. Nedra, acculée au suicide est sauvée de la calomnie et de la jalousie par une autre jeune femme, Winnie qui a été témoin de son refus de céder aux avances de l'artiste-peintre.

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Music Box

Publié le par Rosalie210

Costa-Gavras (1989)

Music Box

"Music box" est un film aux enjeux dramatiques très puissants qu'il ne faut pas prendre qu'au sens littéral. Comme "Incendies" (2010) de Denis VILLENEUVE d'après la pièce de Wajdi Mouawad, tragédie historique et tragédie familiale sont inextricablement mêlées, la seconde libérant ses effets dévastateurs avec une génération de décalage par rapport à la première en raison d'un exil nord-américain qui a fait momentanément table rase du passé. Mais comme on peut également le constater avec les lois d'amnistie, s'il est possible et même nécessaire dans l'immédiat de refouler le passé pour se reconstruire hors du champ de la conscience, tôt ou tard, celui-ci finit par ressurgir. Dans le film de COSTA-GAVRAS, cela se matérialise dans une scène extrêmement forte (celle qui donne son titre au film) où la véritable identité d'un proche est révélée. Il est remarquable d'ailleurs que ce soit d'un objet insignifiant en apparence que sortent les preuves irréfutables des crimes commis par Michael Laszlo alors que la grosse machine judiciaire déployée auparavant pour le confondre semble avoir échoué. Je dis "semble" car en fait, les témoignages bouleversants des victimes survivantes du tortionnaire nazi font leur chemin dans la tête de la fille de Michael Laszlo, Ann (Jessica LANGE dont le visage peu à peu défait reflète les tourments qui la tenaillent). Celle-ci, en avocate chevronnée prend en charge l'affaire de son père avec une redoutable efficacité, usant de toutes les ressources procédurales avec talent pour le disculper. Mais si son personnage social semble sans faille, il n'en va pas de même de sa personnalité intime, peu à peu assaillie par le doute. Car non seulement les témoignages sont bouleversants mais ils sont concordants et l'amènent à s'interroger sur le personnage que prétend être son père, y compris auprès d'elle et de son frère, ce personnage qui lui a permis d'obtenir la nationalité américaine et qu'il risque de perdre si l'on prouve ses crimes. C'est pourquoi en parallèle, elle mène une enquête sur lui et bien que celle-ci reste longtemps cantonnée à l'arrière-plan, elle finit par porter ses fruits. Ann illustre alors parfaitement la phrase de Peter Sichrovsky "Les enfants des nazis portent le poids des sentiments de culpabilité que leurs parents n'ont pas voulu accepter". Le scénario original de Joe ESZTERHAS (qui s'inspire de sa propre histoire) s'intitulait à l'origine "Les péchés des pères". Pour qu'ils ne retombent pas sur leurs enfants et les enfants de leurs enfants (le film souligne l'antisémitisme du père mais aussi du beau-père d'Ann et la façon dont son jeune fils l'absorbe insidieusement), s'affranchir de cette monstrueuse filiation s'avère une nécessité vitale, quel qu'en soit le prix à payer.

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Les quatre filles du docteur March (Little Women)

Publié le par Rosalie210

Vanessa Caswill (2017)

Les quatre filles du docteur March (Little Women)

Comme nombre de grands classiques de la littérature populaire, "Les quatre filles du docteur March" a été adapté de nombreuses fois au cinéma mais aussi à la télévision. Ma génération, celle qui a grandi avec la Cinq se souvient du générique de la série de la Nippon Animation chanté par Claude LOMBARD "Toutes pour une, une pour toutes". Mais la BBC a également sa version en mini-série de trois épisodes réalisée un an avant le film de Greta GERWIG. Pas de stars dans les rôles principaux, hormis la fille de deux célébrités* dans le rôle de Jo (à quand son "Marcello Mio"?) (2023) mais un casting particulièrement relevé pour les rôles secondaires. Emily WATSON dans le rôle de Mary March, Michael GAMBON dans celui de James Laurence, le grand-père de Laurie (pour rappel, c'est lui qui interprète Dumbledore dans la saga Harry Potter à partir de "Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban") (2004) et enfin dans le rôle de la tante March, Angela LANSBURY dans son dernier rôle où elle s'avère aussi drôle qu'émouvante. La série est comme la plupart des adaptations de la BBC particulièrement soignée, très fidèle au roman de Louisa May Alcott mais avec une touche de finesse psychologique en plus dispensée ici et là autour des "démons intérieurs" que chaque soeur doit tenter de surmonter comme l'impulsivité, la colère, la coquetterie ou la timidité. Jo y écrase en effet moins ses soeurs que dans d'autres adaptations. S'il est difficile de développer un personnage aussi conventionnel que celui de Meg, la scénariste Heidi THOMAS s'appuie beaucoup sur les caractères antinomiques de Beth et d'Amy qui représentent également deux facettes de la personnalité de Jo. Elle partage avec la première un lourd sentiment d'inadaptation au monde étriqué promis aux femmes du XIX° siècle alors qu'elle est en rivalité avec la seconde à qui tout semble mieux réussir qu'à elle, que ce soit au niveau artistique ou relationnel.


* Maya HAWKE est la fille de Uma THURMAN et Ethan HAWKE.

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Bobby Deerfield

Publié le par Rosalie210

Sydney Pollack (1977)

Bobby Deerfield

"Bobby Deerfied" n'est pas le film le plus connu de Sydney POLLACK. C'est l'une de ces pépites secrètes qu'un cinéphile est ravi de découvrir au fond du panier. Un film américain aux accents européens, plus précisément Mitteleuropa. C'est logique puisqu'il s'agit d'une adaptation du roman de Erich Maria Remarque "Le Ciel n'a pas de préférés". D'ailleurs on pense également à son contemporain Thomas Mann et à "La Montagne magique". Deux des plus grands auteurs allemands de la première moitié du XX° siècle dont les livres furent brûlés par les nazis. On ne cesse de voyager dans "Bobby Deerfied" sur les circuits automobiles français, dans les Alpes suisse puis à plusieurs reprises via le tunnel du Simplon près du lac de Côme et jusqu'à Florence où se déroule la majeure partie de l'intrigue. L'action qui se déroule juste après la seconde guerre mondiale est transposée dans les années 70, période de tournage du film. De même que "Le vent se leve" (2013), autre film "déterritorialisé" se référant à Thomas Mann racontait la relation entre un concepteur d'avions de guerre et une jeune femme tuberculeuse, le film de Sydney POLLACK narre la rencontre amoureuse entre deux jeunes gens marqués par la mort: un pilote de formule 1 hanté par le décès en pleine course de son coéquipier et une jeune femme leucémique. Outre l'excellence de l'interprétation par Al PACINO et Marthe KELLER qui comme chacun sait sont réellement tombés amoureux sur le tournage du film, ce qui m'a plu est la fantaisie qui se dégage du personnage de Lillian. Parce que le temps lui est compté, elle vit à 100 à l'heure en brûlant la chandelle par les deux bouts alors que le champion automobile fatigué est lui plutôt à l'arrêt dans sa vie. Cela donne des scènes assez drolatiques où Bobby est complètement dépassé par l'énergie un peu fo-folle de sa partenaire qui n'a au contraire aucune inhibition et ne cesse de le "challenger". Intrigué, agacé, jaloux puis bouleversé quand il apprend la raison de son comportement déroutant, il se laisse aller lui aussi à quitter la boucle dans laquelle il tourne en rond pour emprunter ces chemins de traverse de la vie que tant de gens ne voient pas (lui-même porte longtemps des lunettes noires symbole de sa cécité comme de sa vanité). Comme dans "Les Ombres du coeur" (1993) auquel j'ai beaucoup pensé, c'est la proximité de la mort qui contraint ces jeunes gens à vivre avec intensité et sincérité une histoire qu'ils savent sans issue. Avec une justesse de ton qui déjoue tous les pièges liés au mélodrame, Sydney POLLACK filme l'étincelle qui jaillit du choc des contraires, le chemin qu'ils parcourent ensemble et l'empreinte ineffaçable que Lillian laissera dans la vie de Bobby.

"Le vent se lève, il faut tenter de vivre" (Paul Valéry, le cimetière marin).

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Classe tous risques

Publié le par Rosalie210

Claude Sautet (1960)

Classe tous risques

Claude SAUTET est définitivement l'un de mes cinéastes préférés. Même dans une oeuvre de jeunesse comme "Classe tous risques" on reconnaît sa personnalité. Pourtant ce deuxième film aurait pu être écrasé sous les références, aussi bien françaises qu'américaines. Il s'agit en effet de l'adaptation d'un roman de José Giovanni avec Lino VENTURA dans le rôle principal d'un "bandit d'honneur"* ce qui établit une parenté avec le cinéma de Jean-Pierre MELVILLE, "Le Deuxieme souffle" (1966) en particulier. De l'autre, certains plans où l'on voit Jean-Paul BELMONDO déambuler dans les rues de Paris ne sont pas sans rappeler "A bout de souffle" (1960) sorti peu de temps avant. L'influence de la nouvelle vague est également palpable dans la manière dont a été filmée le hold-up du début, en pleine rue, au milieu des passants et en caméra cachée. Jean-Luc GODARD et Jean-Pierre MELVILLE étaient par ailleurs très influencés par le polar américain et l'on retrouve cette influence logiquement dans "Classe tous risques".

Bien qu'étant un film de genre très bien réalisé, "Classe tous risques" est aussi un drame intimiste où l'on retrouve la sensibilité de Claude SAUTET envers les plus faibles. Ainsi Abel (Lino VENTURA) "voyage" avec sa famille et après le drame qui la frappe par sa faute, on est attristé par le sort de ses deux petits garçons dont il est bien obligé de se séparer avant de s'enfoncer dans une spirale sans issue. Quant à Eric (Jean-Paul BELMONDO), il a le coeur sur la main que ce soit avec Abel qu'il vient aider (contrairement à ses anciens complices embourgeoisés qui lui tournent le dos), ses gosses ou avec Liliane (Sandra MILO) qu'il défend contre un homme violent.

* Bien qu'il soit inspiré du gangster Abel Danos surnommé "Le Mammouth" qui collabora au sein de la Gestapo française avec les allemands et en profita pour s'enrichir pendant la seconde guerre mondiale et qui n'avait rien d'un bandit d'honneur.

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