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Je verrai toujours vos visages

Publié le par Rosalie210

Jeanne Herry (2023)

Je verrai toujours vos visages

Je m'étais déjà aperçue avec son précédent film, "Pupille" (2018), qu'il y avait beaucoup d'humanité et d'empathie dans le cinéma de Jeanne HERRY. Une approche documentaire sans pour autant renoncer à la fiction. Une envie de soigner les maux de la société qui dans "Je verrai toujours vos visages" s'applique à faire connaître et reconnaître le travail de la justice restaurative ou réparatrice. Une justice à hauteur d'individus dont l'application en France est relativement récente (moins de dix ans) mais dont l'existence remonte aux origines de l'humanité et qui s'est maintenue de façon informelle en dépit de sa prise en charge (ou de sa confiscation) par les Etats. Les principes en sont très simples: réintroduire de la parole en lieu et place de la violence à l'aide de un ou plusieurs médiateurs afin d'aider ceux qui sont pris dedans à sortir du statut de bourreau ou de victime qui les aliène. Deux déclinaisons de cette pratique sont montrées alternativement: un cercle de parole composé de trois victimes de vols avec violences (joués par MIOU-MIOU, Leila BEKHTI et Gilles LELLOUCHE), trois auteurs de délits du même ordre et autant d'accompagnants, tous volontaires. Et un processus plus intimiste, plus âpre et plus délicat concernant une rencontre entre une jeune femme ayant été victime d'inceste (jouée par Adele EXARCHOPOULOS) et son frère qui en a été l'auteur (joué par Raphael QUENARD), un dossier pris en charge par une seule personne (jouée par Elodie BOUCHEZ). Dans ce dernier cas, il ne s'agit aucunement de restaurer une relation de toute manière détruite mais de permettre à Chloé, l'ancienne victime de reprendre son destin en main et de parvenir enfin à se protéger de son agresseur, lequel s'effondre durant la confrontation après des années de déni. L'autre dispositif au contraire créé des liens entre d'un côté des victimes qui racontent leur calvaire et le traumatisme qui s'en est suivi et des délinquants assez peu conscients de la gravité de leurs actes. Cette partie bien que très bien interprétée est un peu plus survolée et convenue, sans doute en raison du trop grand nombre de personnages. Il est également important de se détacher du caractère immersif du film pour en mesurer la principale limite: seuls ceux qui le veulent vraiment peuvent parvenir à tirer quelque chose de bon de ce dispositif. Autrement dit il y a aussi bien du côté des victimes que de celui des auteurs des gens qui ne pourront jamais se parler. Peut-être que cela aurait été bien aussi de montrer cette réalité là.

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