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Articles avec #scorsese (martin) tag

Alice n'est plus ici (Alice doesn't live here anymore)

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1974)

Alice n'est plus ici (Alice doesn't live here anymore)

"Alice n'est plus ici" est le quatrième long-métrage de Martin SCORSESE, atypique dans sa filmographie puisqu'il s'inscrit dans le genre du road-movie au féminin, popularisé par "Thelma et Louise" (1991) mais qui avait déjà fleuri dans les marges du nouvel Hollywood contestataire des années 70. On pense à "Wanda" (1970) de Barbara LODEN mais aussi aux films de John CASSAVETES avec Gena ROWLANDS tels que "Une femme sous influence" (1974). Ce dernier n'est pas un road-movie mais décrit très bien le profond malaise de la femme au foyer qui est aussi le lot d'Alice (Ellen BURSTYN). Martin SCORSESE utilise ce prénom à dessein avec une séquence d'introduction flamboyante en studio reconstituant l'âge d'or hollywoodien. On pense plus précisément à un improbable croisement entre "Autant en emporte le vent" (1938) et "Le Magicien d'Oz" (1938). L'artificialité du dispositif de comédie musicale ressort à la manière d'un David LYNCH non pour tracer une frontière entre le conscient et l'inconscient mais entre le "wonderland disneylandisé" où évolue Alice enfant et la réalité nettement moins glamour qui est son quotidien adulte de femme au foyer de l'Amérique profonde aliénée par un mari indifférent et désagréable et un gamin insupportable. La mort subite du mari est vécue une fois le choc passé comme un nouveau départ autant que comme une nécessité de survie. Le film bascule alors dans le road-movie mais ne revient pas pour autant dans le monde de l'enfance. Il cherche sa voie comme Alice cherche la sienne, brièvement retrouvée dans la séquence où elle chante pour un public mais qui tourne court à la faveur d'une mauvaise rencontre (Harvey KEITEL, glaçant). Finalement c'est comme serveuse qu'elle découvre les joies de la sororité avec une sorte d'Arletty de comptoir et un homme relativement plus ouvert et positif que ce qu'elle a connu jusque là. Son fils pré-adolescent fragile et hyperactif a droit également à une véritable attention de la part du cinéaste, que ce soit dans la relation à sa mère ou à son pendant féminin rebelle, jouée déjà par la toute jeune et déjà dotée d'un caractère bien trempé Jodie FOSTER. Le résultat n'est pas tout à fait abouti, en tout cas pas toujours pleinement convaincant mais il ne manque pas d'intérêt.

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Killers of the Flower Moon

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2023)

Killers of the Flower Moon

Bien que le livre de David Grann, "La Note américaine" ne puisse pas totalement, faute d'archives, documenter la totalité des faits relatifs aux meurtres des Osage dans l'entre-deux-guerres parallèlement à la naissance du FBI, son enquête exhume un pan sordide du passé des USA. Rien que le choix de porter à l'écran un tel livre montre s'il en était encore besoin l'engagement de Martin SCORSESE d'écrire cinématographiquement une autre histoire de l'Amérique que celle, officielle des vainqueurs.

"Killers of the flower moon" est pourtant quelque peu différent d'autres grandes fresques de sa filmographie. Son traitement est classique, voire académique (mais certainement pas télévisuel comme j'ai pu le lire, rien que par sa durée, il n'entrerait pas dans la case du téléfilm!) et c'est à l'évidence un choix délibéré. Il faut donc chercher autre part les audaces stylistiques auxquelles le réalisateur nous a habituées, audaces mises au service de l'histoire. Encore que la petite musique ironique de la fin qui tourne en dérision le verdict du procès n'est pas sans rappeler la première bataille de "Gangs of New York" (2002) transformée en pugilat grotesque. Il y a d'abord le choix du personnage principal, Ernest Burkhart (Leonardo DiCAPRIO) qui est tout à fait atypique. L'acteur ne devait pas à l'origine incarner ce personnage mais plutôt l'enquêteur du FBI (un rôle purement fonctionnel) et il a bien fait de changer de rôle. Car cet Ernest est pour le moins dérangeant en tant que figure majeure du déni. Il incarne une Amérique que celle-ci ne veut pas voir et lui-même d'ailleurs refuse de se voir tel qu'il est et ce, jusqu'à la fin du film. Il se dépeint comme un américain type, bon mari et bon père dont les actions ont été guidées par le souci de protéger sa famille. Son pire aveuglement concerne sa femme qu'il croit sincèrement aimer alors que ses actes visent à la détruire, elle et sa famille. Car en réalité, il est guidé par sa cupidité et sa soumission à son oncle, William Hale (Robert De NIRO) qui est le cerveau du complot visant à éliminer les Osage pour prendre leurs richesses. Car le deuxième choix fort du film réside dans la centralité de ce personnage de grand manipulateur au sourire affable et dans la description du système mafieux et meurtrier qu'il a mis en place, rendu possible par l'écoeurante mise sous tutelle du peuple Osage, victime des préjugés racistes des dirigeants des USA. Si la justice fédérale n'en était qu'à ses balbutiements, en revanche pour envoyer des administrateurs gérer l'argent et les biens de ce peuple indien déplacé qui découvre que dans la réserve qu'on leur a attribuée l'or noir coule à flots, le gouvernement n'a pas perdu de temps. Comme dans "La Perle" de John Steinbeck, la richesse des Osage est en même temps une malédiction qui attire sur eux la convoitise et la haine dans un système dominé par les blancs et où les dés sont donc pipés dès le départ. Ceci étant, c'est parce qu'ils sont riches que les Osage peuvent tout de même agir jusqu'au sommet de l'Etat et qu'une enquête finit par voir le jour. Enquête qui révèle le plan diabolique de William Hale, comparable à celui de Mme de Villefort dans "Le Comte de Monte-Cristo" qui empoisonne un à un les membres de sa famille par alliance pour que l'héritage finisse entre les mains de son clan. Enfin, le troisième choix fort s'appelle Lily GLADSTONE. Le secret le mieux gardé du cinéma de Kelly REICHARDT a tapé dans l'oeil de Martin SCORSESE qui lui confie le rôle de Mollie, l'épouse d'Ernest qui voit mourir un par un les membres de sa famille avant d'être empoisonnée à petit feu. Le fait que les Oscar aient boudé le film et raté une occasion historique de couronner une actrice d'origine indigène est révélateur du déplaisir que celui-ci suscite et donc, que Martin SCORSESE a visé juste.

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Gangs of New-York

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2002)

Gangs of New-York

"Gangs of New York" est un grand film, traversé par des fulgurances de mise en scène comme on n'en voit pas si souvent. C'est le "Naissance d'une nation" de Martin SCORSESE qui offre un contrechamp à la vision sudiste et raciste que donnait D.W. GRIFFITH de la guerre de Sécession et qui complète celle qu'en donne les westerns. D'ailleurs le film a été qualifié, non sans raison de western urbain. Même si l'histoire de vengeance racontée dans le film est très classique dans son déroulement, elle s'inscrit toujours dans une histoire qui la dépasse et c'est cette profondeur de champ qui est passionnante. Ainsi la guerre de territoire entre les gangs qui ouvre et ferme le film recouvre des visions opposées de l'Amérique en train de se construire. Celle-ci est dominée par les autoproclamés "native americans" ce qui est une imposture car les seuls véritables autochtones sont les indiens, absents du film. Par "native", il faut comprendre WASP (white anglo-saxons protestants), les descendants des premiers migrants arrivés sur le sol des USA au XVII° siècle avec le Mayflower et qui constituent encore aujourd'hui l'élite des USA. Ces élites, on les voit bien dans le film à travers la famille Schermerhorn qui vit sur la cinquième avenue ou encore William "Boss" Tweed (Jim BROADBENT), un homme politique influent et corrompu. Dans le contexte de la guerre de Sécession qui est aussi une guerre de civilisation entre le Nord urbain et industriel et le Sud rural agricole et esclavagiste, ces élites recrutent à tour de bras de la chair à canon venue d'Europe. Dans un plan-séquence virtuose génial qui rappelle combien il vénère le cinéma muet et en maîtrise le langage, Martin SCORSESE montre les migrants sortir du bateau pour remonter aussitôt dans un autre après avoir revêtu l'uniforme de l'Union avant qu'une grue ne descende les cercueils innombrables de ceux qui sont tombés au champ d'honneur.

Mais les WASP ont aussi leur lot de laissés-pour-compte, "petits blancs" pauvres qui n'ont que leurs origines pour se valoriser au détriment des autres vivant avec eux dans la fange des bas quartiers de Manhattan*. On comprend mieux le terme "natif" et la haine pugnace que Bill le Boucher (Daniel DAY-LEWIS) et les siens vouent aux migrants de fraîche date et aux non-WASP, tout particulièrement les irlandais qualifiés de "mangeurs de pommes de terre" (comme les "macaronis" italiens chez nous à la même époque). C'est parmi eux que se dresse le gang rival, celui des "Dead Rabbits" dont le chef est le père Vallon (Liam NEESON) que son fils Amsterdam (Leonardo DiCAPRIO) a décidé de venger en s'attaquant à son meurtrier, Bill le boucher devenu un puissant roi de la pègre qui a ses entrées chez les flics et les politiciens, le Boss Tweed en tête.

Martin SCORSESE dresse ainsi un tableau éloquent des fractures ethniques et sociales qui ont servi de fondation à une nation qui s'est érigée dans la violence. En effet les solutions pacifiques sont systématiquement torpillées au profit d'affrontement meurtriers entre gangs rivaux et d'émeutes violemment réprimées des pauvres contre les riches face à l'iniquité de la conscription, émeutes également à caractère raciste, les petits blancs utilisant les noirs comme boucs-émissaires. Les cinq plans finaux, absolument magistraux décrivent l'effacement progressif des traces de ce passé sauvage et sanglant au premier plan pendant que Manhattan revêt peu à peu au second plan son visage contemporain de forêt de buildings de verre et d'acier.

* Ce sont leurs descendants qui votent aujourd'hui Trump.

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Mean Streets

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1973)

Mean Streets

"Mean Streets", le troisième film de Martin SCORSESE est une plongée dans les bas-fonds de Little Italy qui a des airs de "Les Quatre cents coups" (1959) d'autant plus qu'on y rencontre pour la première fois celui qui deviendra l'alter ego du cinéaste, Robert De NIRO. Mais en beaucoup plus trash et torturé. Le film déconcerte de par son hétérogénéité voire ses nombreuses contradictions. D'un côté, un aspect néoréaliste voire documentaire, pris sur le vif, nerveux, souvent caméra à l'épaule. De l'autre, des effets maniéristes qui deviendront la signature du réalisateur tels que le rouge écarlate, les ralentis, les explosions de violence, l'utilisation flamboyante de la musique. Les contradictions sont également au coeur du personnage de Charlie, joué par le premier acteur important du cinéma de Scorsese, Harvey KEITEL. En quête de respectabilité et de réussite dans la mafia de son quartier dont l'un des bonnets est son propre oncle, le jeune homme ne peut pas s'empêcher de risquer de tout perdre en protégeant envers et contre tout Johnny Boy (Robert De NIRO), un jeune chien fou inconscient et incontrôlable. Le catholicisme est aussi important que la pègre chez Scorsese et Charlie ne cesse d'osciller entre l'Eglise et le bar comme si Johnny boy était sa croix et son rachat. Même contradictions vis à vis de la gent féminine car le quartier est un théâtre où il ne faut pas montrer qu'on en pince pour une afro-américaine ou pour une épileptique. Le machisme, le racisme et la morale chrétienne font écran aux désirs et aux sentiments. "Mean Streets" avec son apparence de patchwork désordonné, son absence de véritable scénario, ses personnages de petites frappes immatures n'est franchement pas un film aimable ni confortable. Mais il vaut la peine d'être vu non seulement parce qu'il annonce la filmographie d'un grand cinéaste mais parce qu'une direction finit par émerger de tout ce chaos. Comme dans "Les Vitelloni" (1953) qui décrivait également le marigot dans lequel vivotait une bande de jeunes paumés soudés comme des frères, le salut est à chercher seul et dans l'exil lors d'une fin autrement plus violente que dans le film de Federico FELLINI (également largement autobiographique). Une fin dans laquelle Martin Scorsese apparaît d'ailleurs en personne dans un rôle des plus symboliques.

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Les Infiltrés (The Departed)

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2006)

Les Infiltrés (The Departed)

Remake américain de "Infernal Affairs" (2002), j'ai trouvé "Les Infiltrés" franchement réussi. Nerveux dans son montage mais aussi grâce à une musique du tonnerre, entre pop-rock (Rolling Stones en tête de gondole comme souvent dans les films de gangsters de Scorsese) et cornemuses-hard rock ("Shipping Up to Boston" du groupe punk celtique Dropkick Murphys décoiffe). Cette chanson est d'ailleurs particulièrement bien choisie: l'histoire est transposée à Boston (la chanson est devenue d'ailleurs l'hymne officiel de son équipe de baseball) et les origines ethniques des personnages sont soulignées, en particulier celles, irlandaise, du chef de la mafia, Frank Costello (Jack NICHOLSON) qui a un compte personnel à régler avec le clergé catholique et la pédophilie de nombre de ses prêtres couverte par la hiérarchie. Alors certes, Martin SCORSESE et son scénariste cassent la symétrie qui existait entre le parrain de la mafia et le chef de la police dans l'oeuvre d'origine pour donner la part du lion à Jack NICHOLSON mais le duo complémentaire Martin SHEEN-Mark WAHLBERG fonctionne bien, seul Alec BALDWIN est de trop. Quant aux infiltrés, si Matt DAMON est un peu trop lisse pour le rôle trouble qu'il interprète, Leonardo DiCAPRIO qui était alors à son zénith est absolument remarquable en taupe de la police infiltré chez les truands, écorché vif, toujours sur la corde raide entre son identité d'emprunt et son identité réelle. Par ailleurs la construction du film est plus rigoureuse que dans le film hong-kongais d'origine qui a donné lieu à deux suites assez confuses. Dans "Les Infiltrés", c'est la fatalité qui guide les personnages vers une issue que l'on devine être la mort, chacune étant précédée ou accompagnée par la lettre x placée quelque part dans l'image par Martin SCORSESE de façon plus ou moins subliminale. Un hommage direct au "Scarface" (1931) de Howard HAWKS. Quant aux téléphones portables qui jouaient un rôle clé dans le le jeu de pistes du film de Andrew LAU et Alan MAK, ils sont repris ainsi que d'autres outils technologiques (ordinateurs, vidéo-surveillance, micros) avec la même efficacité. On a donc à la fois une reprise des meilleurs ingrédients du film d'origine et un oeuvre personnelle car imprégnée de l'univers propre à Martin SCORSESE le tout mené de main de maître en terme de rythme, de dramaturgie ou encore de direction d'acteurs (et quels acteurs!)

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Raging Bull

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1980)

Raging Bull

J'ai vu plusieurs fois "Raging Bull" qui entretient des rapports assez étroits avec mon film préféré de Martin SCORSESE, "Taxi Driver" (1976): un personnage (interprété par un Robert De NIRO hallucinant de jusqu'au-boutisme) disons-le poliment pas très équilibré dans sa tête, ni dans son corps (la goinfrerie en lieu et place de l'insomnie) qui a tendance à parler à son reflet plus qu'à un autrui avec lequel il ne sait pas communiquer en vient à exorciser son mal-être dans une orgie de violence cathartique. Comme Travis Bickle, Jake La Motta est un grand malade dont la jalousie et la paranoïa détruisent tout sur leur passage y compris lui-même. Le film -et c'est une des raisons pour laquelle il est si admirable quand bien même son personnage principal a un comportement détestable- établit un continuum d'une fluidité et d'une limpidité parfaite entre sa vie et "le noble art", le ring de boxe étant un substitut du théâtre dans lequel les instincts primaires du taureau enragé peuvent se déchaîner sans retenue contre des hommes vus comme autant de rivaux à neutraliser ou au contraire pour "expier" par la souffrance tout le mal fait à soi-même et aux autres. Ce continuum est en effet également celui de la chair et de l'âme. La bestialité et la stupidité de Jake La Motta qui fait vivre un enfer à sa femme Vickie (Cathy MORIARTY) et à son frère Joey (Joe PESCI) pour un mot ou pour un geste interprété de travers, qui ne sait pas gérer ses émotions autrement que par la violence et dont le discernement est tellement altéré qu'il finit en prison (comme il aurait pu finir à la manière de Leonardo DiCAPRIO dans "Shutter Island" (2009) dans un asile) est pourtant aussi une âme en peine qui cherche une issue à sa propre tragédie. La dimension religieuse voire mystique de Raging Bull éclate dès le générique avec son noir et blanc somptueux et son ralenti en phase avec la musique inoubliable extraite de "The Cavalleria Rusticana" de Pietro Mascagni. Les italiens ont le sang chaud mais savent manier la corde lyrique mieux que personne et le vrai Jake La Motta comme Martin SCORSESE a grandi à Little Italy. Comme lui, il a connu les sommets de la gloire et les tréfonds de la déchéance avant de s'en sortir par le biais de l'art. Le ring de boxe était déjà une métaphore de la scène mais c'est en tant qu'artiste de stand up dans une boîte de nuit que Jake La Motta a trouvé une forme de rédemption. Nul doute que Leos CARAX s'est souvenu de lui pour créer Henry McHenry, son artiste de stand up jaloux et violent scruté par les flashs des photographes, vêtu comme un boxeur et surnommé "le gorille de dieu" dans "Annette" (2019).

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New-York, New-York

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1977)

New-York, New-York

Qui ne connaît pas la chanson "New York, New York", énorme hit de Frank SINATRA en 1979? Elle contribua à la reconnaissance publique du film de Martin SCORSESE sorti deux ans plus tôt qui avait été un échec commercial. Il faut dire qu'avec sa seule comédie musicale, le réalisateur tentait le mariage de la carpe et du lapin: un hommage aux comédies musicales en technicolor de la MGM des années 50 et une relecture critique du genre à l'aune du cinéma d'auteur indépendant des années 70 lorgnant du côté de John CASSAVETES. A l'image du couple improbable formé par Liza MINNELLI rejouant à la fois la partition de son père (la séquence "Happy Endings") et de sa mère (avec une trajectoire comparable à celle de "Une étoile est née") (1954) et de Robert De NIRO en saxophoniste de jazz au comportement ingérable. Plus qu'à une histoire d'amour à laquelle on ne croit guère (il n'y a aucune alchimie entre les deux acteurs qui semblent évoluer dans des sphères séparées), c'est à une guerre d'ego à laquelle on assiste entre deux personnalités artistiques aux parcours incompatibles avec en point d'orgue la chanson qu'ils sont censé écrire à quatre mains mais là encore, on ne verra rien d'autre que le résultat final. Si tout l'aspect grand spectacle du film est très réussi avec quelques scènes vraiment superbes comme celle de la rencontre entre Francine assise à table et Jimmy fendant la foule pour draguer tout ce qui bouge le tout dans un bain de danse et de musique d'une grande fluidité avec une bande originale en or (due aux compositeurs de "Cabaret" (1972) qui mettait déjà en scène Liza MINNELLI), l'aspect intimiste fait lui cruellement défaut. Les deux personnages s'évitent ou s'affrontent comme dans un ring de boxe tout en restant dans la superficialité. On est très loin de la profondeur des tourments endurés par les personnages de John Cassavetes et de la mise à nu humaniste dont son cinéma était capable.

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Le Temps de l'Innocence (The Age of Innocence)

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese, (1993)

Le Temps de l'Innocence (The Age of Innocence)

"Gosford Park"? "Downton Abbey"? "Chambre avec vue"? Il y a un peu de tout ça dans "Le Temps de l'innocence" avec sa description d'une passion interdite dans le milieu codifié de la grande bourgeoisie new-yorkaise de la seconde moitié du XIX°. C'est avec un œil d'entomologiste (d'où mon allusion au film de Robert Altman scénarisé par Julian Fellowes) que Martin Scorsese observe et dépeint ce milieu par le truchement d'une narratrice qui a un double rôle. Celui de nous expliquer le fonctionnement de ce monde centré sur les apparences, les convenances, les arrangements (matrimoniaux notamment) mais également empli de non-dits, d'hypocrisie et de ragots et où les hommes jouissent d'une liberté dont les femmes sont dépourvues. La narratrice est aussi le double de l'auteure du roman adapté par Scorsese, Edith Wharton qui fut la première femme à obtenir le prix Pulitzer du roman et faisait partie de cette haute société new-yorkaise. D'où sa connaissance approfondie des règles régissant son monde et en même temps un sensibilité féministe perceptible au travers du personnage de la comtesse Ellen Olenska (Michelle Pfeiffer) qui décide de vivre séparée de son mari quitte à faire scandale. Le sensible mais il faut le dire aussi très pusillanime Newland Archer (Daniel Day-Lewis aussi guindé que dans "Chambre avec vue" mais beaucoup moins ridicule) est attiré par la comtesse mais il la dissuade de divorcer par peur qu'elle ne soit définitivement mise au ban de la société. De même il s'avère incapable de remettre en question son mariage arrangé avec May (Winona Ryder) qui s'avère bien plus fine mouche qu'elle ne le paraît. Au final, son obsession du paraître social le conduit à creuser la tombe de son moi authentique au profit d'une vie de simulacre. Dans le fond, cela l'arrange car cette fuite lui permet de se réfugier dans la facilité de la rêverie nostalgique. La très belle scène dans laquelle il contemple de dos la comtesse en train d'observer un bateau croiser un phare définit assez bien sa conception de la vie: elle ne se retournera ou ne l'étreindra que dans son imaginaire et la dernière scène dans laquelle il est pourtant libéré de toute attache montre que c'est bien le rêve qu'il choisit au détriment du réel.

La beauté formelle du film éclate à chaque image qui est d'un grand raffinement (on sent l'influence de Visconti et aussi du duo formé par Michael Powell et Emeric Pressburger). Néanmoins j'ai trouvé la reconstitution et l'analyse du milieu social beaucoup plus convaincante que l'aspect intimiste de l'histoire. L'interprétation est certes brillante mais le film est très froid. Tout cela manque de passion, de sensibilité, de sensualité. Les quelques moments volés par Newland et la comtesse sont littéralement étouffés par le poids des conventions qui écrase le film. Cette comparaison peut sembler incongrue mais dans la catégorie du réalisateur le plus improbable de superbes mélodrames ce n'est pas Scorsese que j'élirais mais Bertrand Blier (pour "Beau-Père", "Trop Belle pour toi" et "Le Bruit des glaçons" qui racontent tous des histoires d'amour dérangeantes socialement avec une extrême sensibilité et un romantisme fulgurant).   

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Shutter Island

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (2010)

Shutter Island

Attention! Une histoire peut en cacher une autre. "Shutter Island" fait partie de ces thrillers paranoïaques en forme de films gigogne* reposant sur une mise en abyme (une mise en scène au sein de la fiction qui redouble celle du film lui-même) ce qui nécessite de le voir au moins deux fois pour l'apprécier pleinement. La première fois, on est guidé par le point de vue du personnage principal, Teddy Daniels (Leonardo DiCAPRIO très présent à cette époque dans les films en forme de labyrinthe mentaux) alors que la deuxième, on suit davantage celui du "chef d'orchestre" qu'est le Dr. Cawley (Ben KINGSLEY).

Même si à mon goût "Shutter Island" est un peu trop cérébral (je veux dire par là froid, désincarné), la virtuosité de la mise en scène ne peut que susciter l'admiration. La maîtrise de l'espace en particulier est remarquable. Comme le titre l'indique, le film est un huis-clos sur une île où le sentiment d'enfermement est omniprésent dès le départ avec une atmosphère oppressante (brouillard, tempête) et un système de clôture qui assimile d'emblée l'hôpital psychiatrique à un camp de concentration dans l'esprit de Teddy (on comprendra pourquoi plus tard). Néanmoins et c'est cela qui est remarquable, plus le film avance, plus le sentiment de claustrophobie du spectateur augmente au fur et à mesure que Teddy progresse dans une enquête qui à première vue est policière (disparition mystérieuse et indices laissant entendre que des expériences interdites ont lieu sur les patients de l'île) mais qui est en réalité psychanalytique (il progresse dans ses propres abysses ponctués de rêves qui nous permettent de reconstituer le puzzle de son passé traumatique). Les clés du mystère sont symbolisées par des forteresses a priori inexpugnables (le bâtiment C, le phare) qu'il parvient néanmoins à investir et dans lesquelles il fait des découvertes majeures. La question que la fin ouverte laisse en suspens est la suivante: va-t-il pouvoir supporter la vérité?

A cette double couche (policière et psychanalytique) s'en ajoute une troisième qui est historique. l'intrigue se déroule en pleine guerre froide, plus précisément dans les années cinquante où la paranoïa anticommuniste faisait rage aux USA avec le maccarthysme. Au nom de la doctrine de l'endiguement (du communisme), les USA ont commis des crimes d'Etat aussi bien à l'intérieur (chasse aux sorcières contre les présumés ennemis de l'intérieur) qu'à l'extérieur (coups d'Etat, assassinats pour conserver ou augmenter leur influence). Et dans la course à l'innovation technologique qui les opposait à l'URSS, ils ont "recyclé" dans le cadre de l'opération Paperclip plus de 1500 scientifiques nazis symbolisés dans le film par le docteur Naehring (Max von SYDOW) que Teddy assimile implicitement au docteur Mengele (réfugié en Amérique latine mais celle-ci n'était-elle pas la chasse gardée des USA?). Le traumatisme de Teddy a donc un double sens, individuel et collectif. Il symbolise la mauvaise conscience d'un pays qui n'a pas levé le petit doigt pour arrêter le génocide pendant la guerre et qui a ensuite offert un asile aux bourreaux afin de s'en servir dans ses objectifs de puissance. Tout comme "La Liste de Schindler" (1993), les victimes sont symbolisées par une petite fille qui ne cesse de dire à travers les réminiscences de Teddy "Pourquoi ne m'as-tu pas sauvée?"


* "Usual suspects" (1995) ou "Sixième sens" (1999) sont d'autres exemples de films célèbres où le spectateur suit une fausse piste avant qu'un retournement final ne lui donne les clés de la manipulation dont il a fait l'objet.

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Who's That Knocking at My Door

Publié le par Rosalie210

Martin Scorsese (1967)

Who's That  Knocking at My Door

J'ai une tendresse toute particulière pour les premiers longs-métrages de grands cinéastes. Et il se trouve que celui de Martin SCORSESE appartient comme "Taxi Driver" (1976) à sa veine introspective et intimiste (celle que je préfère). Son style n'est pas sans rappeler la nouvelle vague française à laquelle Scorsese fait d'ailleurs référence lorsqu'il engage pour une séquence hot la Anne COLLETTE de "Charlotte et Véronique / Tous les garçons s appellent Patrick" (1957) de Jean-Luc GODARD. On pense également beaucoup au premier film en noir et blanc de John CASSAVETES, "Shadows" (1958) qui dépeignait le destin d'une fratrie afro-américaine à New-York avec une liberté de ton et de style que Scorsese reprend: caméra portée, montage nerveux, bande-son avant-gardiste et jeu d'acteurs inconnus qui semble improvisé. Parmi eux, une révélation: Harvey KEITEL qui deviendra un abonné des premiers longs-métrages de grands cinéastes ("Les Duellistes" (1977), "Reservoir Dogs") (1992) mais qui était alors jeune et parfaitement inconnu. Son charisme éclate dès ce premier film qui oscille entre deux histoires racontées en montage parallèle et qui semblent ne rien avoir en commun alors qu'en réalité l'une "explique" l'autre. D'une côté une immersion au sein d'une bande de voyous du quartier de Little Italy qui naviguent entre bagarres, beuveries, drague et errances nocturnes. De l'autre une histoire d'amour romantique qui peu à peu se grippe lorsque les déterminismes sociaux et culturels finissent par l'emporter sur les sentiments.

Je ne peux que rejoindre le commentaire précédent en disant que "Who's That Knocking at My Door" (1967) est une illustration parfaite des mécanismes patriarcaux et de l'aliénation masculine que dénonce Virginie Despentes dans son essai "King Kong Théorie". JR est l'un de ces innombrables hommes que l'éducation religieuse catholique a coupé en deux dans son rapport à l'autre sexe (la première scène dans le foyer familial sous influence montre de façon symbolique ce clivage). D'un côté la "madone" vierge que l'on met sur un piédestal et qui est destinée à la conjugalité et à la maternité avec des rapports sexuels réduits au minimum une fois le mariage consommé. De l'autre les putains "avec lesquelles on s'amuse mais que l'on épouse pas". Sa "Girl" dont on ne saura jamais le nom a toutes les apparences de la première catégorie. Tellement d'ailleurs qu'il en perd tous ses moyens lors de leur premier essai, les hommes sous emprise religieuse se représentant leur sexualité comme coupable et dégradante. Mais lorsqu'il apprend que sa "madone" n'est en fait plus vierge à la suite d'un viol, celle-ci perd instantanément tout sa "valeur" et apparaît à jamais flétrie à ses yeux. Le vernis d'américanité grâce auquel il l'a rencontré (par le biais de discussions sur le western et sa figure la plus célèbre, John WAYNE) ne pèse alors pas bien lourd par rapport aux préjugés du milieu dans lequel il a grandi. "Who's that knocking at my door" dépeint ainsi une histoire d'échec, celui de l'ouverture à l'autre et du métissage face à l'identité communautariste du ghetto.

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