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Articles avec #drame tag

La Foule (The Crowd)

Publié le par Rosalie210

King Vidor (1928)

La Foule (The Crowd)

"La Foule" est un film étonnant, par sa forme mais aussi par son propos sur l'envers du rêve américain qui démonte au passage le cliché de "l'usine à rêves". Réalisé dans les dernières années du muet par King Vidor, il voit naître un personnage appelé à revenir ultérieurement dans sa filmographie, John Sims. Avec sa femme, Mary, ils représentent la petite classe moyenne dont la vie se caractérise par la banalité et les difficultés du quotidien. Pourtant, John Sims est né un 4 juillet et selon son père, il est appelé à devenir "un homme important" c'est à dire l'un de ces self made men qui nourrissent le rêve américain. Mais la mort prématurée de son père lorsqu'il a 12 ans met un coup d'arrêt à son ascension programmée dans une scène expressionniste filmée dans un escalier. Dès qu'il atteint l'âge adulte et se rend à New-York pour y faire fortune, King Vidor met sans cesse en tension cet individu et la masse dont il cherche à s'extraire. Les plans d'ensemble sur les bureaux en open space de la compagnie d'assurances dans laquelle il est employé font de lui un simple rouage parmi des centaines d'autres absolument identiques. Ces plans préfigurent ceux des films critiquant les trente glorieuses tels que "La Garçonnière" et "Playtime". Assez rapidement, on se rend compte que la haute opinion qu'il a de lui-même ne correspond pas à ses capacités réelles. John (James Murray) est un tâcheron au bureau et un poids mort chez lui, l'entretien du foyer reposant sur les épaules de Mary (Eleanor Boardman) qui doit en plus se coltiner les jérémiades d'un époux immature. De ce côté là aussi, le film fonctionne sur une désillusion entre la magie de la rencontre amoureuse dans les manèges de Coney Island et la morosité du train-train quotidien ponctué de disputes. Qu'un dramatique accident surgisse et le peu d'efforts que John avait fait pour s'élever retombe comme un soufflé. S'il ne sombre pas complètement grâce à son fils, il connaît une déchéance relative, se retrouvant dans la peau du clown sandwich qu'il méprisait au début du film. Les derniers plans, remarquables sont extrêmement expressifs: La caméra s'éloigne de John Sims et de sa famille qui finissent par se fondre dans l'anonymat de la foule avant qu'elle ne se referme sur eux.

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Géant (Giant)

Publié le par Rosalie210

George Stevens (1955)

Géant (Giant)

Oui Géant est une saga familiale qui s'étire sur plus de 3h, un quart de siècle et trois générations. Oui l'histoire se déroule au Texas et on y évoque l'enrichissement par le pétrole. Non ce n'est pas un pudding indigeste pour autant et la comparaison avec les soap des années 80 tels que "Dallas" ne rend pas justice à la qualité de "Géant". D'ailleurs il existe une autre façon de présenter le film, tout aussi parcellaire mais néanmoins nettement plus valorisante, celle qui consiste à mettre en avant James DEAN dont ce fut le troisième et dernier film puisqu'il se tua quelques jours après que le tournage fut terminé. Quoique parler de James Dean est à double tranchant car plusieurs articles préférèrent se focaliser sur son comportement détestable durant la réalisation du film et les frasques entourant les autres acteurs symboles de la démesure (mais aussi de l'hypocrisie en matière de moeurs) de l'âge d'or hollywoodien (alcoolisme, chantages, débauche, fiestas débridées etc.) plutôt que de parler du film en lui-même.

Toujours est-il que ce qui frappe dans ce "Géant", c'est le talent du réalisateur George STEVENS pour composer des plans-tableaux à la Edward Hopper ("La maison au bord de la voie ferrée" a inspiré celle des Benedict) et le progressisme de l'oeuvre originale de Edna Ferber (adapté par Ivan MOFFAT) qui donne au film son caractère humaniste. D'autre part les acteurs de "Géant" étaient peut-être remuants mais ils étaient extrêmement bien choisis. Elizabeth TAYLOR qui n'avait que 23 ans et qui était belle à se pâmer joue le rôle d'une femme de caractère venue du Maryland pour suivre son mari, Bick, rancher au Texas. Elle découvre comme on peut se l'imaginer un "Ploucland" sexiste et raciste dans lequel elle met son grain de sel, infléchissant quelque peu le destin de sa belle-famille. Rock HUDSON qui était alors au faîte de sa gloire joue son mari assez brut de décoffrage mais qui finit par amour pour elle par s'avérer plus tolérant que ses paroles et son comportement psychorigide ne le laissent penser (au point de se retrouver vingt-cinq ans plus tard de l'autre côté de la barrière à la grande joie de sa femme d'ailleurs). Inutile de dire que l'acteur est plus que parfait pour jouer un tel rôle dans lequel le masque social s'avère de plus en plus en décalage avec la réalité de ses actes. James DEAN joue le rôle de Jett, l'employé des Benedict plein de rancoeur et de frustration qui hérite d'un bout de terre à la mort de la soeur de Bick, Luz, vieille fille frustrée secrètement amoureuse de lui (joué par Mercedes McCAMBRIDGE tout juste sortie de "Johnny Guitare" (1954) et tout aussi revêche) avec lequel il fera fortune grâce au pétrole qui se trouve en-dessous. Un argent qui néanmoins ne lui apporte pas le bonheur mais au contraire précipite son autodestruction (quand je disais que les rôles étaient bien choisis). La sourde rivalité entre Bick et Jett qui incarnent deux formes de capitalisme (et de spoliation des indiens comme cela est rappelé) se nourrit de la confrontation de deux acteurs au style très différent (même s'il est ironique d'en avoir fait deux amoureux transis du personnage de Elizabeth TAYLOR alors que dans la réalité ils étaient tous deux homosexuels). Le travail sur le vieillissement des trois acteurs est remarquable étant donné qu'ils étaient dans leur vingtaine et qu'à la fin, leurs personnages sont censés en avoir plus de cinquante. Cela permet d'avoir une idée de la façon dont James Dean aurait évolué s'il avait vécu (personnellement je lui ai trouvé des airs de Johnny DEPP). A ce trio, il faut rajouter un quatrième personnage et un quatrième acteur, Jordan, le fils de Bick joué par Dennis HOPPER qui était à peine plus jeune que les trois stars (19 ans) mais qui incarne (déjà) la rébellion d'avec le modèle féodal et ségrégationniste du père promis au déclin. D'une part parce qu'il rejette la propriété terrienne au profit d'une profession libérale (médecin), ensuite parce qu'il épouse une mexicaine et s'installe avec ceux de sa communauté alors que ceux-ci sont traités en parias par les texans WASP. Il faut dire que sa mère a sauvé contre l'avis des siens un bébé mexicain qui devenu adulte est mort à la guerre (et qui joue ce mexicain? Sal MINEO alias Plato dans "La Fureur de vivre" (1955), film dans lequel joue également Dennis HOPPER!)

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Adieu les cons

Publié le par Rosalie210

Albert Dupontel (2020)

Adieu les cons
Adieu les cons

"Etre intégré dans ce monde de tarés, ce n'est pas une preuve de réussite". Voilà une phrase qui pourrait parfaitement servir de sous-texte à "Adieu les cons", film percutant qui m'a tenu en haleine et dont je n'ai pas vu arriver la fin abrupte et sans concession, au point d'en sursauter (fin qui a provoqué dans la salle cette remarque éloquente d'une gamine "ils ont tiré quoi les policiers qui a fait tant de bruit" et sa mère qui répond "des pétards" ^^). L'histoire est celle de la rencontre de trois "désintégrés" qui unissent leurs forces le temps d'un dernier tour de piste. Tous trois ont en commun d'avoir eu "très très mal au travail". La première Suze (Virginie Efira) a détruit ses poumons à force de respirer les émanations des sprays coiffants qu'elle utilisait pour son métier. Le second JB (Albert Dupontel), informaticien a la police aux fesses depuis que son suicide raté sur son lieu de travail (dont il était sur le point d'être renvoyé) le fait passer pour un dangereux terroriste. Le troisième, M. Blin (Nicolas Marié tellement enthousiaste qu'il n'a même pas fait semblant de se prendre les portes lors du tournage) travaille au service des archives dans un placard oublié depuis qu'il s'est fait taser par erreur par la police, y perdant la vue au passage. C'est pourtant là que débarquent Suze et JB qui sont à la recherche d'indices sur le fils né sous X de cette dernière. L'occasion pour Albert Dupontel de tirer à boulets rouges sur l'administration kafkaïenne, l'inhumanité de la bureaucratie, sa mémoire sélective qui a relégué les archives non numérisées aux oubliettes et la fausse empathie des supérieurs hiérarchiques lorsqu'il doivent annoncer à quelqu'un qu'il est condamné dans un hommage appuyé à "Brazil" (les clins d'oeil abondent: caméo de Terry Gilliam, couloirs interminables donnant sur des bureaux sinistres, télésurveillance, open space, casiers d'archivage à l'infini, explosions libérant des tuyaux, noms familiers aux oreilles des admirateurs du film tels "M. Kurtzman", "M. Tuttle ou "M. Lint", chanson festive aux antipodes de l'univers mortifère du film, "Mala Vida" de Manu Chao). Ce n'est pas le seul objet de ses critiques, la dévitalisation des centres-villes et leur deshumanisation par l'édification de tours de bureaux fait l'objet d'une très belle séquence autour des souvenirs de M. Blin qui croit guider Suze en lui décrivant les lieux d'un quartier dont le spectateur constate qu'ils ont tous disparus ou sont en voie de l'être. Scène d'une mélancolie poignante qui m'a fait penser par son jeu de reflets à "Playtime" de Jacques Tati. Car le burlesque est omniprésent au coeur de la tragédie et sa force destructrice permet à l'humain de reprendre la main sur ces buildings de verre et d'acier de temps de quelques séquences aussi drôles que poétiques avant le grand feu d'artifice final (les fameux "pétards" ^^).

Ce n'est guère surprenant, le film est dédié à Terry Jones, décédé en janvier 2020 et qui avait joué dans deux des précédents films de Albert Dupontel, "Le Créateur" et "Enfermés dehors". Pour mémoire, celui-ci tout comme Terry Gilliam a été l'un des piliers des Monty Python dont l'influence dans le domaine comique a été comparée à celle des Beatles dans celui de la musique.

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Holy Lola

Publié le par Rosalie210

Bertrand Tavernier (2004)

Holy Lola

"Holy Lola" est un film qui divise critiques et public parce qu'il est sans doute lui-même divisé entre deux axes directeurs qui se mélangent assez mal. D'un côté un arrière-plan documentaire sur le Cambodge, ancienne colonie française ayant payé un effroyable tribut humain au nom de l'idéologie maoïste durant la période où les khmers rouges étaient au pouvoir dans la deuxième partie des années 70. Cette souffrance apparaît toujours bien active dans la mémoire collective d'un pays magnifique mais encore convalescent et très pauvre. De l'autre, une fiction autour du parcours du combattant d'un couple français, Pierre et Géraldine (Jacques GAMBLIN et Isabelle CARRÉ) pour parvenir à adopter un bébé cambodgien, leurs difficultés révélant aussi bien l'incurie administrative du pays que son degré élevé de corruption, tous les coups semblant permis dans ce qui s'apparente plus parfois à du trafic d'enfants qu'à une adoption en règle. Le problème réside principalement dans cette partie fictionnelle qui ressemble davantage à une brochure explicative sur les pièges de l'adoption en pays étranger qu'à une expérience cinématographique qui laisserait au spectateur de l'espace pour ressentir et réfléchir par lui-même. On est bombardé de chiffres et de faits qui ne s'incarnent pas à l'écran ou alors maladroitement. Le fait que le couple réside dans un hôtel rempli d'occidentaux dans la même situation ne permet pas de se laisser porter dans cette immersion dans le pays que promettaient les premières images. Cette sensation de coupure est également visible dans les passages, ridicules, où ceux-ci s'adressent à leur futur bébé via un dictaphone. Il aurait mieux valu à la limite leur donner un appareil photo (mais cela aurait fait trop touriste, là ça fait juste bobo). Ou alors, encore mieux, donner du temps pour la rencontre émotionnelle et charnelle avec le bébé, passage largement escamoté (quelques plans lointains tout au plus) alors qu'il me semblait crucial au profit d'une dernière demi-heure redondante autour des énièmes problèmes de paperasse du couple. Quand on sait à quel point une adoption est une greffe délicate, surtout quand la transplantation s'effectue entre deux pays aussi lointains et inégalitaires, on peut se dire que ce que montre le film ne permet pas au final de répondre aux vraies questions que cette adoption pose. C'est dommage car les acteurs sont impeccables, justes et sensibles et l'amour de toute l'équipe vis à vis du pays est palpable, d'ailleurs le grand cinéaste cambodgien Rithy PANH fait une apparition providentielle dans le film. Mieux que rien donc mais Bertrand TAVERNIER nous avait habitué à mieux.

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Le Fils préféré

Publié le par Rosalie210

Nicole Garcia (1994)

Le Fils préféré

Je ne suis pas très fan des films de Nicole GARCIA. Si je devais résumer en quelques mots ce que j'en pense, je dirais que c'est une vision du monde étriquée de "bourgeois coincé". Tels des mannequins de papier glacé, les hommes évoluent en costard-cravate et les femmes en chignon et tailleur dans les halls et chambres de superbes hôtels ou dans le salon de belles maisons d'architecte. Ils semblent plus poser que jouer, rien ne parvenant à les émouvoir vraiment. En dépit des efforts de la réalisatrice pour varier un peu dans son deuxième film, "Le Fils préféré" le panel géographique, sociologique et même sexuel de ses protagonistes, cette impression persiste. Il faut dire que ces variations n'ont lieu qu'à la marge. Il faut attendre la fin du film pour que l'identité du père (petit immigré italien inculte) s'incarne enfin à l'image avec le combat de boxe (enfin de la sueur, du sang, des larmes!) alors que le frère aîné homosexuel, Francis, joué par un Bernard GIRAUDEAU excellent comme d'habitude est totalement sous-exploité. Il ne semble là que pour offrir une touche gay-friendly dans un monde hétéro-macho dominant. Le frère cadet, Philippe est transparent (les Inrocks vont jusqu'à comparer la prestation de Jean-Marc BARR à celle d'un topinambour cuit à l'eau). Reste le troisième frère et protagoniste principal, Jean-Paul. Si je n'apprécie pas particulièrement les mines renfrognées de Gérard LANVIN (complice par ailleurs de Bernard GIRAUDEAU depuis "Les Spécialistes") (1985), Nicole GARCIA lui offre une belle partition qui lui permet de nuancer son jeu d'autant qu'il est souvent filmé en gros plan ce qui permet de saisir l'évolution de son personnage face à ce qui s'avère être au final une enquête sur l'énigme de sa naissance, énigme qui fait de lui un être bien plus instable et tourmenté que ses frères, paisibles et rangés.

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A l'est d'Eden (East of Eden)

Publié le par Rosalie210

Elia Kazan (1955)

A l'est d'Eden (East of Eden)

« Caïn se retira de devant l'Éternel, et séjourna dans le pays de Nôd, à l'est d'Éden. » Genèse (4;16). Cette citation de la Bible donne son titre au film, adapté d'une partie du livre éponyme de John Steinbeck. L'histoire se focalise sur une famille de propriétaires terriens dysfonctionnelle et plus précisément sur les deux fils jumeaux, privés de mère et élevés sans amour par un père rigoriste, Aaron et Caleb (allusion transparente à Abel et Caïn). Alors qu'en atteignant l'âge adulte, Aaron est devenu en tous points la copie conforme de son père qui de ce fait éprouve de la fierté pour lui, Caleb est au contraire rejeté parce qu'il ne parvient pas à entrer dans les cases, à s'adapter. Il n'y parvient tellement pas d'ailleurs que les cadrages adoptent son point de vue et se font obliques, soulignant qu'il y a quelque chose qui va de travers dans cette famille. Caleb comme n'importe quel enfant à la fois endoctriné par le manichéisme de la morale religieuse et carencé affectivement rejette la faute sur lui et se croit mauvais. Sauf que plus le film avance et plus on découvre que ce qui va de travers, ce n'est pas lui mais bien ceux qui l'entourent, à commencer par son père. L'évolution psychologique de la petite amie de Aaron, Abra (Julie HARRIS) qui au contact de Caleb libère sa propre souffrance en est un des marqueurs les plus évidents. Aaron l'idéalise en tant que future mère alors qu'ils ne savent ni l'un ni l'autre de quoi il s'agit, ayant été tous deux eu la même carence de base. Mais il est impossible de discuter avec Aaron qui est aussi rigide que son père. C'est un sursaut de vitalité qui la fait se rapprocher de Caleb (qui pourtant lui fait peur) avec qui elle peut parler. Un autre élément important qui permet à Caleb de sortir de son isolement est la rencontre avec sa mère, une femme indépendante et "indigne" (au sens où elle a abandonné mari et enfants pour devenir la tenancière d'une maison close) en tous points opposée au père et à ce qu'il représente (le patriarcat). Néanmoins il est frappant de constater que le seul mode d'échange possible avec elle comme avec le père est de l'ordre de la transaction financière. La différence étant qu'elle accepte franchement (et cyniquement) d'exploiter son semblable pour s'enrichir alors que le père réagit hypocritement lorsque Caleb veut lui prouver son amour par l'argent qu'il a gagné en faisant du profit sur la guerre (l'histoire se déroule en 1917). Il le rejette alors que lui-même vit pourtant également des rouages mortifères du conflit.

Evidemment, la puissance de ce récit aux accents lyriques* n'aurait pas été la même sans ce qui a projeté le jeune prodige de l'Actors studio, James DEAN à qui le film reste à jamais associé. C'était son premier grand rôle au cinéma et il bouffe d'emblée l'écran. A l'image de son personnage, il se démarque complètement des autres acteurs par sa manière de se tenir, d'occuper l'espace, d'exprimer les émotions. Caleb et lui ne font qu'un, pas seulement parce que c'était l'esprit de la méthode co-fondée par le réalisateur Elia KAZAN mais tout simplement parce que James DEAN avait connu la même configuration familiale et souffrait donc des mêmes tourments que Caleb. Cela lui était naturel. C'est ce qui fait entrer James DEAN dans l'éternité comme toute personne qui parvient à projeter son âme dans une oeuvre d'art. John Steinbeck et Elia KAZAN ont également projeté leur propre relation conflictuelle vis à vis de leur père dans leur oeuvre, renforçant son aspect autobiographique (on reconnaît aussi la marque de Kazan à travers les allusions aux persécutions subies par l'émigré allemand, Kazan étant lui-même un émigré).

* L'usage de la couleur et du Cinémascope magnifient particulièrement les paysages champêtres dans lesquels évoluent les personnages, exaltant ainsi leurs sentiments.

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Pale Rider-Le Cavalier solitaire (Pale Rider)

Publié le par Rosalie210

Clint Eastwood (1985)

Pale Rider-Le Cavalier solitaire (Pale Rider)

Le générique de "Pale Rider", le troisième des quatre westerns réalisés par Clint EASTWOOD* alors que le genre était moribond est un modèle d'épure cinématographique en plus d'être un film sur les origines de l'Amérique. Dès le générique, alors qu'aucun mot n'a encore été prononcé, le spectateur a déjà saisi l'enjeu principal du film à savoir celui de la lutte entre deux conceptions opposées du monde grâce au principe du montage alterné. D'un côté, une communauté de petits prospecteurs qui vit en harmonie avec la nature ce que souligne une bande son paisible. De l'autre, le bruit et la fureur des mercenaires envoyés par le magnat Coy LaHood (Richard DYSART) pour terroriser les villageois et les faire partir afin que ce dernier puisse faire main-basse sur leurs terres. C'est l'histoire de la lutte entre les petits entrepreneurs indépendants et les trusts qui en dépit des lois votées par les gouvernements dans la deuxième moitié du XIX° pour tenter de les dissoudre ont largement façonné le capitalisme américain. Une lutte sociale bien sûr mais aussi une lutte écologique. L'entreprise de Coy LaHood est montrée comme prédatrice aussi bien sur les hommes (les raids sur le village, la tentative de viol sur Megan par le fils LaHood joué par Chris PENN) que sur la nature: paysages défoncés, eaux détournées, pollutions etc.

Pour arbitrer cette lutte entre deux directions possibles pour une Amérique alors en construction propre à la mythologie du western, Clint EASTWOOD choisit non pas une dimension civique comme l'aurait fait John FORD mais une dimension mystique. Son personnage énigmatique est un fantôme revenu d'entre les morts à la suite de la prière de Megan (Sydney PENNY) dans la forêt qui demande qu'un miracle vienne la sauver, elle et l'ensemble des villageois. Le caractère biblique du personnage ne fait pas de doute, il apparaît aux yeux de Megan et de sa mère alors que la première récite un extrait de l'Apocalypse: " Et voici que parut un cheval d'une couleur pâle. Celui qui le montait se nommait "la Mort", et l'enfer l'accompagnait." Cette figure d'ange de la mort provient également des légendes païennes convoquées par la prière de Megan dans la forêt tout comme le "prêcheur" (nouvel avatar de "l'homme sans nom") s'avère être un impitoyable justicier qui règle des comptes personnels tout en insufflant aux villageois la force qui leur manque pour tenir tête à leurs adversaires corrompus. Sur un plan plus intime, il travaille de même à souder Hull Barrett (Michael MORIARTY), Sarah (Carrie SNODGRESS) et Megan en se servant du désir qu'il suscite auprès de ces deux dernières. J'aime beaucoup cette ambivalence du sauveur, son aspect très masculin mais son apparition due à la magie féminine, son comportement individualiste et en même temps le fait qu'il prend la défense des plus faibles et de la nature, son détachement vis à vis des passions terrestres et en même temps la caractère impitoyable de ses actes. L'économie de gestes, l'économie de mots, le hiératisme de la haute figure du prêcheur lui confèrent un charisme directement héritée des films de Sergio LEONE qui renforce sa dimension surnaturelle.

* Que beaucoup considèrent comme se situant dans la continuité des précédents voire de toute sa carrière dans le western et comme une relecture moderne de "L'Homme des vallées perdues" (1953) à qui il emprunte la plupart de ses thèmes et motifs mais auxquels il donne une direction différente.

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Les Doors (The Doors)

Publié le par Rosalie210

Oliver Stone (1991)

Les Doors (The Doors)

Bien que plus délicat à manier que d'autres genres, celui du biopic peut accoucher de grands films. Cependant il faut pour cela au minimum que l'artiste évoqué soit incandescent (au sens d'un artiste qui "brûle encore" en nous), que celui qui l'interprète le soit également et que le réalisateur soit particulièrement inspiré. Le film de Oliver STONE réunit ces conditions. Il s'agit d'ailleurs d'un projet très personnel noué lors de la guerre du Vietnam quand les jeunes recrues se droguaient et écoutaient les Doors pour oublier leur peur de la mort comme dans la magistrale ouverture de "Apocalypse Now" (1979) sur "The End". Oliver STONE était l'un d'eux et idolâtrait celui qui s'était construit (ou déconstruit?) dans le rejet d'être le fils d'un amiral de la marine américaine. Pourtant, s'il est incontestable que "les Doors" est centré sur la figure messianique de Jim MORRISON qui offre à ses proches des cachets de LSD comme s'il s'agissait d'hosties, il ne l'idéalise pas pour autant. L'une des grandes réussites du film est de faire ressentir au spectateur la profonde ambivalence du génie au visage d'ange mais au corps habité par la diable. La figure éminemment rimbaldienne qu'est Jim MORRISON qui va jusqu'à citer littéralement l'une des phrases les plus connues du célèbre poète français "Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens" a tout du poète maudit. Ses trips psychédéliques remplis de références littéraires et de mysticisme virent au cauchemar sataniste et à l'autodestruction programmée, ravageant tout ce (et tous ceux) qui se trouvent sur son passage: sa petite amie (pauvre Pamela-Meg RYAN écrasée par le narcissisme monstrueux de celui qui proclame en toute modestie être le nouveau Dionysos), les membres du groupe, les managers etc. Le film retranscrit avec beaucoup de puissance ces transes chamaniques, individuelles et collectives, Jim MORRISON (et son interprète complètement habité, Val KILMER) entraînant dans son sillage des foules déchaînées dans ce qui s'apparente à des grands-messes païennes (du type sabbat de sorcières). Autre aspect fondamentalement réussi du film, sa façon de retranscrire l'esprit d'une époque, celle de l'affrontement entre la jeunesse contestataire et les institutions conservatrices de l'Amérique prêtes à dégainer le big stick face aux débordements subversifs du power flower, notamment en matière de liberté sexuelle. Les provocations du "Roi-lézard" (autre titre dont s'était affublé Jim MORRISON) qui refuse de censurer ses textes dans les émissions coincées du style "The Ed Sullivan Show" sont jouissives, ses démêlés avec la police et la justice eux sont glaçants, notamment le gaz lacrymogène reçu dans les yeux pour attentat à la pudeur. Le film lui se permet un corps à corps avec l'artiste. Au détriment certes des autres membres du groupe qui sont renvoyés dans l'ombre. Mais il ne s'agit pas d'un documentaire non plus, plutôt d'une évocation, voire d'une invocation. Et c'est réussi.

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Un temps pour vivre, un temps pour mourir (Tong nien wang shi)

Publié le par Rosalie210

Hou Hsiao-hsien (1985)

Un temps pour vivre, un temps pour mourir (Tong nien wang shi)

Avec un titre occidental qui fait penser au roman de Erich Maria Remarque "Le temps de vivre et le temps de mourir" adapté par Douglas SIRK sous le titre "Le temps d'aimer et le temps de mourir", le film de HOU Hsiao-Hsien intrigue. Il intrigue aussi par ce qu'il nous montre: Taïwan comme lieu d'un déracinement symbolisé par la maison de style japonais* dans laquelle vit la famille de Ah-hsiao, réfugiée sur l'île depuis 1948. L'ambivalence de l'exil y est bien montrée. Dans les premières années, les parents refusent véritablement de s'installer et la grand-mère, de plus en plus rongée par la maladie d'Alzheimer ne pense qu'à rentrer au pays, ne parvenant pas à se configurer Taïwan comme une île. Parallèlement, les échos des ravages du Grand Bond en avant leur font regretter de ne pas avoir pris davantage de membres de leur famille avec eux alors qu'ils sont déjà très nombreux et très pauvres. Et la mise en scène, faisant écho à un besoin d'ancrage ne cesse de revenir sur les mêmes lieux, les mêmes plans déclinés cependant en une infinité de variations selon qu'il fait jour ou nuit, soleil ou pluvieux, ou encore selon l'époque racontée.

Adoptant le style d'une chronique de souvenirs d'enfance (le titre du film en VO est "l'histoire de mon enfance") sans véritables enjeux dramatiques (du moins apparents), le film de HOU Hsiao-Hsien fait partie d'une série largement autobiographique. Il se divise en deux parties, chacune se concluant sur la mort d'un membre de la famille: d'abord le père quand Ah-hsiao a une dizaine d'années, puis celle de la mère quand il est adolescent suivie de sa grand-mère. Ce qui frappe le spectateur, c'est la volonté manifeste de distanciation vis à vis de ce que le cinéaste raconte et qui lui est pourtant très proche. Il y a dans cette démarche un travail de deuil manifeste, vu l'instance à nous montrer les corps privés de vie de ceux qui furent ses géniteurs et qui constituent autant de moments traumatiques retravaillés par la mémoire (le regard lourd de reproches d'un employé des pompes funèbres devant le corps laissé trop longtemps à l'abandon de la grand-mère, le cri déchirant de la mère lors de la veillée funèbre du père etc.). Il y a aussi la volonté d'éclairer cette enfance avec un regard adulte. L'espace extrêmement compartimenté de la maison mais aussi le découpage fait ressortir à quel point chaque personnage est isolé des autres, à quel point la circulation (des paroles, de l'affection) est entravée, à quel point chacun est finalement très seul. La froideur et la lenteur qui se dégage d'un film elliptique et contemplatif peuvent d'ailleurs rebuter. L'ouverture et l'épilogue du film se répondent: l'indifférence de Ah-hsiao aux appels de sa grand-mère qui le cherche fait écho au fait que sa famille ne s'apercevra de sa mort que lorsque le travail de décomposition aura commencé à faire son oeuvre. L'asthme du père s'avère être en fait la tuberculose qui comme pour la mère et la grand-mère, imprime sa marque sur les surfaces de la maison. La soeur aînée a dû sacrifier ses études et la cadette est morte de négligence au profit d'un fils adoptif appelé (ironiquement?) King. Bref alors que dans la première partie, Ah-Hsiao semble être un enfant tout ce qu'il y a de plus espiègle, adepte des antisèches et des 400 coups, il se mue en petit chef de bande sauvage et taciturne, la privation de repères s'accentuant au fil des décès**.

* Comme nombre d'îles (je pense par exemple à la Sicile), Taïwan a subi plusieurs occupations étrangères et en a gardé les stigmates culturels.

** De ce point de vue, le film offre un démenti cinglant à tous ceux qui pensent que la solution à la crise que nous vivons actuellement est l'immunisation collective (sous-entendu le sacrifice des aînés inutiles au profit des jeunes productifs). Le résultat ne serait qu'un immense traumatisme qui priverait les êtres humains à la fois de passé et d'avenir. 

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Sonate d'automne (Höstsonaten)

Publié le par Rosalie210

Ingmar Bergman (1978)

Sonate d'automne (Höstsonaten)

"Sonate d'automne" fait partie des affrontements à huis-clos particulièrement éprouvants qu'affectionnait Ingmar BERGMAN. Il y interroge (magistralement) la relation mère-fille(s) dans ce qu'elle peut avoir de plus sombre, de plus aliénant, tant d'un côté que de l'autre. Et ce au final sans jugement. On est plutôt dans la philosophie de Jean RENOIR "Chacun a ses raisons". Je ne sais si c'était une volonté délibérée de Ingmar BERGMAN ou si c'est le jeu de sa compatriote qu'il fait tourner pour la première (et dernière) fois, Ingrid BERGMAN plus connue pour les rôles hollywoodiens de ses jeunes années que pour celui de la femme vieillissante à qui sa fille, Eva (Liv ULLMANN) demande de rendre des comptes "sur le tard". Plus l'affrontement entre ces deux femmes gagne en intensité jusqu'à l'étouffement, plus on constate leur incapacité fondamentale à communiquer et à ressentir, chacune restant enfermée dans sa prison intérieure qui les condamne à une solitude absolue. Ce que le spectateur constate également en effet, c'est la reproduction de la même stratégie d'évitement (de la vie) de génération en génération. Charlotte, la mère s'est réfugiée dans sa carrière de pianiste et dans son jeu d'actrice consommée du lien social pour masquer son incapacité à donner de l'amour à ses enfants. Incapacité liée au fait qu'elle n'a elle-même pas reçu d'amour et qu'elle en est donc restée sur ce plan à un stade infantile, espérant même renverser les rôles en réclamant que sa fille lui en donne. Ses carences se remarquent également dans le fait qu'elle a oscillé toute sa vie entre une conduite d'évitement (qui se reproduit à la fin du film) et des exigences de perfection aliénantes que l'on retrouve même dans son jeu au piano tout en contrôle et en retenue. Besoin de contrôle qui se paye par des maux psychosomatiques. Eva, la fille qui est filmée au début et à la fin de la même façon (observée de loin par son mari, seule au piano dans un surcadrage accentuant sa solitude et son enfermement) semble ne jamais avoir accédé au statut d'adulte. Ses propos, son maintien, ses tenues, ses tresses font d'elle une éternelle petite fille "pleurnicheuse" (selon sa mère) c'est à dire perpétuellement en demande. Et lorsque toutes ses rancoeurs finissent par sortir de sa bouche, cela ressemble à une régurgitation assez vaine puisqu'elle reste scotchée à une mère qui est un arbre mort (comme le suggère la séquence de fin). A cause de cette fixation maladive sur le ressentiment qu'elle éprouve envers sa mère, Eva ne peut ni donner d'amour, ni donner la vie puisqu'elle a avorté d'une première relation puis perdu le fils qu'elle avait eu avec son mari qui par son âge avancé et son regard rempli de compassion ressemble davantage à un père (il est pasteur). Eva s'est d'ailleurs réfugié dans un mysticisme qui ressemble à un refus de faire le deuil de ce fils et qui contribue à l'impression de temps figé que véhicule le film. Pour le remplacer, Eva a accueilli chez elle sa soeur handicapée, Héléna qui symbolise en mode "brut" les dégâts de l'abandonisme de leur mère puisque ne pouvant ni parler ni marcher, elle en est réduite à hurler son besoin que sa mère s'occupe enfin d'elle (il y a aussi un peu du complexe d'Electre là-dedans -au sens de séduire le père pour se substituer à la mère- comme on le découvre par la suite). La présence d'Héléna est une façon de matérialiser le mal qui ronge Eva et de maximiser la culpabilité de leur mère, laquelle comprend lorsque Eva l'évoque pour la première fois qu'elle a été "piégée" rendant tout réconciliation impossible.

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