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Chaînes conjugales (A Letter to Three Wifes)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1949)

Chaînes conjugales (A Letter to Three Wifes)


"Chaînes conjugales" est exemplaire de l'œuvre de Joseph L. MANKIEWICZ. Il s'agit d'une satire sociale de l'american way of life qui a d'ailleurs inspiré la série "Desperate Housewives" (2004) mais le réalisateur va bien au-delà pour interroger des sentiments mis à l'épreuve par les normes sociales. Cette épreuve comme souvent chez Joseph L. MANKIEWICZ se présente sous forme d'une lettre. Une lettre signée d'une femme, Addie Ross, omniprésente dans les discours et dont on entend la voix (celle de Celeste HOLM) mais invisible dans la réalité. Au vu de son caractère omnipotent et de son emprise sur les trois couples du film, elle peut représenter le rêve inaccessible et oppressant de "l'American way of life" ("on n'épouse pas ses rêves" disait déjà la mère de Miranda dans "Dragonwyck" (1946) à propos de son fantasme de la vie de château lui aussi façonné par son éducation et lui aussi concrétisé par une lettre). Dans celle-ci, elle annonce qu'elle est partie avec l'un des maris de ses trois "amies" sans préciser lequel. Bien entendu la lettre arrive au moment où les trois femmes partent en excursion. Sur le bateau, puis sur l'île, elles sont coupées de toute possibilité de communication avec l'extérieur ce qui leur laisse toute latitude pour s'interroger sur la viabilité de leur couple sous forme de trois flashbacks. Ceux-ci permettent de mettre en évidence le poids que les normes de la société américaine fait peser sur les relations de couple en restreignant leur liberté et en polluant leurs sentiments avec des considérations matérialistes. Dans le premier cas de figure, Deborah Bishop (Jeanne CRAIN) souffre d'un manque de confiance en elle lié à son statut de déclassée. Elle a rencontré son mari à la Navy où l'uniforme gommait les différences sociales mais de retour à la vie civile, elle a de grandes difficultés à s'intégrer dans un milieu social qui n'est pas le sien (symbolisé par ses problèmes vestimentaires). Dans le deuxième cas de figure le couple formé par Rita Philipps (Ann SOTHERN) et son mari George (Kirk DOUGLAS) a inversé le schéma de répartition des rôles sexués: Rita qui travaille à la radio est ambitieuse et carriériste alors que son mari qui gagne moins qu'elle est un enseignant érudit qui considère son métier comme un sacerdoce et se fiche de la réussite. On mesure toute la clairvoyance avant-gardiste de Joseph L. MANKIEWICZ lorsque George 70 ans avant les stylos rouges se définit comme un "prolétaire dans le pays le plus riche du monde" et lorsque 56 ans avant "le temps de cerveau disponible" du PDG de TF1 il évoque les émissions radio fabriquées notamment par sa femme comme du vide entre deux pages de publicités manipulatrices. Enfin le troisième couple, formé par Lora Mae (Linda DARNELL) et son ex-patron, Porter (Paul DOUGLAS) plus âgé qu'elle est celui qui est le plus abîmé par les représentations sociales. Leur différence d'âge, leur différence de classe et de statut social sont autant de moyens d'introduire le poison du soupçon de vénalité dans une société obsédée par l'argent. Ce soupçon introduit la peur de l'autre (pour elle d'être "possédée" par lui comme un objet que l'on achète et pour lui de se faire "avoir" par elle en exploitant ses sentiments pour profiter de son argent), la peur empêche la communication des sentiments, chacun s'enfermant dans une coquille de (faux) cynisme pour se protéger de ce qu'il perçoit comme une menace pour son intégrité. Et voilà comment ce qui est à la base un malentendu peut détruire un couple. Par delà leurs différences, c'est le même mal qui ronge les trois couples et s'il pèse davantage sur les femmes que sur leurs maris c'est parce que l'oppression sociale et la tyrannie des apparences s'exerce davantage sur elles. Pourtant la démonstration de Joseph L. MANKIEWICZ est sans appel: leurs craintes ne sont pas fondées car elles ont confondu des fiascos purement sociaux avec la réalité de l'amour bien réel que leur porte leur mari. Addie Ross peut casser tous les verres qu'elle veut: elle n'est que du vent.

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Le Château du Dragon (Dragonwyck)

Publié le par Rosalie210

Joseph L. Mankiewicz (1946)

Le Château du Dragon (Dragonwyck)

Il y a du "Rebecca" (1939), il y a également du "Laura" (1944) dans "Dragonwyck" (d'autant que l'héroïne s'appelle Miranda et qu'elle est jouée par Gene TIERNEY) mais il y a surtout du Joseph L. MANKIEWICZ dont c'est le premier film. A partir d'une commande dont il ne voulait pas en raison de son caractère de "roman de gare" il réussit à faire une œuvre personnelle sous la houlette de Ernst LUBITSCH qui en raison de problèmes de santé ne put réaliser lui-même le film et se contenta de le produire. Les raisons qui poussèrent Ernst LUBITSCH vers une œuvre a priori aux antipodes de son style sont aussi mystérieuses que celles qui permirent à Joseph L. MANKIEWICZ d'en faire une pièce maîtresse de sa filmographie. Bien qu'il y ait des éléments gothiques dans le film, rien ne se déroule selon le canevas habituel du genre. Le manoir pas plus que le portrait de la défunte ne sont des entités maléfiques, ce sont juste les oripeaux archaïques d'un monde aristocratique importé d'Europe condamnés à disparaître dans la société américaine telle qu'elle se construit au XIX°. Comme dans son dernier film "Le Limier" (1972), "Dragonwyck" est une satire sociale où la guerre des classes fait rage sur fond de rivalité amoureuse dans un lieu symbolisant l'ancien monde. D'un côté les paysans ne supportent plus leur subordination féodale à un maître dans un pays fondé sur des valeurs (celles des Lumières) qui sont en contradiction flagrante avec la tyrannie qui leur est imposée. De l'autre, Nicholas Van Ryn (Vincent PRICE qui n'avait pas encore entamé sa longue carrière dans l'épouvante couronnée par le "Thriller" de Michael JACKSON) est un homme psychorigide, corseté (au sens figuré et au sens propre, Vincent PRICE en portait réellement un sous ses vêtements) arc-bouté sur ses privilèges, un homme aliéné par son hérédité. La réduction inéluctable du territoire où il exerce son emprise le fait peu à peu sombrer dans la drogue et la folie meurtrière dirigée contre ses épouses qui ne parviennent pas à lui donner l'héritier qui lui permettrait de perpétuer son système. Van Ryn qui cultive les plantes toxiques est en effet aussi vénéneux que la Violet Venable de "Soudain l'été dernier" (1959). La gouvernante des Van Ryn dont le regard impitoyable sur le monde qu'elle sert rejoint la révolte paysanne qui gronde nous informe sur le triste sort des femmes qui vivent ou ont vécu dans le manoir. L'arrière-grand-mère de la famille était tellement opprimée qu'elle s'est suicidée. Katrine (Connie MARSHALL) la fille du premier mariage de Nicholas grandit sans amour. Johanna (Vivienne OSBORNE) la mère de Katrine compense sa frustration d'être délaissée par la boulimie. Miranda, la jeune gouvernante naïve et ignorante apparaît comme une proie d'autant plus idéale pour Nicholas qu'elle est d'origine modeste. Joseph L. MANKIEWICZ fait ainsi coup double. Sa satire sociale se double d'une critique de la condition des femmes. Leur imagination romantique débridée tant raillée par les hommes ("ce sont des sentimentales qui rêvent du grand amour") n'est que le contrecoup de leur enfermement domestique sous l'autorité du patriarcat. Ainsi l'itinéraire de Miranda se résume au passage d'une prison à une autre, certes plus grande et plus luxueuse mais plus aliénante encore. Le seul motif d'espoir est lié au personnage du docteur Jeff Turner (Glenn LANGAN) qui se pose ouvertement en rival de Nicholas, auprès des paysans comme auprès de Miranda. En effet la seule grande scène de plein air du film est celle où Miranda fait sa connaissance et par la suite il joue un rôle essentiel dans son sauvetage des griffes de son bourreau. Il incarne une perspective d'avenir autre que celle d'une éternelle claustration. Et ce n'est certainement pas par hasard si l'autre personnage déterminant dans le sauvetage de Miranda est Peggy sa petite servante estropiée (Jessica TANDY). Combinant plusieurs formes de discrimination (classe sociale, sexe et handicap), elle subit les propos haineux de Nicholas qui n'ont rien à envier à l'eugénisme nazi (« Repoussante petite infirme, pourquoi vous a-t-on permis de vivre et non à mon fils ?"). 

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Le Faussaire (Die Falschung)

Publié le par Rosalie210

Volker Schlöndorff (1981)

Le Faussaire (Die Falschung)

Volker SCHLÖNDORFF fait partie de la même génération de cinéastes allemands que Werner HERZOG et Wim WENDERS, celle qui est née pendant la seconde guerre mondiale et dont le cinéma, bien qu'ancré en apparence dans les années 70-80 est hanté par la volonté de revenir sur "le passé qui ne passe pas" en réglant des comptes avec les secrets et mensonges de la génération des parents ou en les escamotant purement et simplement.

Le gros problème du "Faussaire" provient de la contradiction entre ce qu'il prétend démontrer et ce qu'il produit effectivement. Le roman dont il s'inspire dénonçait les pratiques journalistiques falsifiant la réalité des conflits. Le film se veut un nouveau "Allemagne, année zéro" (1947) en prise avec le documentaire et l'actualité. Mais comme il est impossible de remonter le temps pour filmer les ruines de la seconde guerre mondiale, "Le Faussaire" s'inscrit dans un conflit contemporain de l'époque où il a été tourné: la guerre civile au Liban (1975-1990) en y projetant la grille de lecture de la "mauvaise conscience" allemande. Bien que tourné sur place, le film fausse l'histoire immédiate en faisant du conflit libanais une réitération de l'épuration raciale nazie (avec les phalangistes chrétiens dans le rôle de ces derniers), en simplifiant abusivement les enjeux, en mélangeant les époques (le Beyrouth représenté dans le film est celui de 1976 et non celui de 1981) et en reconstituant la plupart des scènes de guerre au lieu de filmer l'instant présent. Le résultat apparaît extrêmement factice.

Comme si cette approche pseudo-documentaire reposant sur la confusion des époques, des genres et des enjeux ne suffisait pas, "Le Faussaire" s'écarte également de la démarche de "Allemagne, année zéro (1947)" en ajoutant une dérive existentielle fictionnelle typique du cinéma allemand de cette époque. Le conflit libanais est une fois de plus instrumentalisé pour expliquer la recherche d'identité du reporter Georg Laschen (Bruno GANZ) qui n'est pas (euphémisme) très au clair avec sa propre vie, notamment amoureuse (guère passionnante au demeurant). Faire ainsi un tel parallèle entre les souffrances des libanais et les problèmes "petit-bourgeois" d'un occidental qui ne reste qu'à la surface des choses a même quelque chose d'indécent, tout comme l'est la première scène du film d'ailleurs qui ne passerait plus aujourd'hui.

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Le Procès Paradine (The Paradine Case)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1947)

Le Procès Paradine (The Paradine Case)

"Le Procès Paradine" aurait pu être un grand Hitchcock. On reconnaît d'ailleurs par moments l'empreinte du cinéaste. Il y a du "Vertigo" (1958) dans le duel à distance que se livrent la blonde épouse de l’avocat Anthony Keane et la brune et vénéneuse Mrs Paradine qui l’a fait chavirer en un seul regard. Il y a du "Rebecca" (1939) dans le passage gothique de la visite au manoir et dans l’allure de veuve noire de Mrs Paradine qui détruit tous les hommes qui ont le malheur de croiser son chemin. Il y a du "Les Amants du Capricorne" (1949) dans l’opposition de classe traversant le triangle amoureux du mari, de la femme et de l’amant, ce dernier étant le valet de chambre du premier. Le mépris de classe est également bien perceptible chez l'avocat Anthony Keane qui s'acharne à vouloir faire accuser le valet en lieu et place de Mrs Paradine. Il y a enfin le goût pour les expérimentations formelles telles que le plan circulaire qui tourne autour de Mrs Paradine lors de l’entrée et de la sortie de son amant du tribunal comme si elle avait des yeux derrière sa tête permettant de le voir.

Mais le film souffre de son caractère procédural et surtout d'une trop grande emprise du producteur David O. SELZNICK (avec lequel Alfred HITCHCOCK était en conflit, c'est d'ailleurs le dernier film sur lequel ils ont travaillé ensemble) qui impose un académisme étouffant, dans le choix du casting notamment. Gregory PECK, abonné aux rôles d’avocat ne fait pas british et n’arrive pas non plus à nous faire croire à son soudain envoûtement amoureux, lequel apparaît par conséquent assez ridicule. Louis JOURDAN qui joue le valet est aussi expressif qu’une huître et rend son personnage incompréhensible (il est également sans doute mal écrit). Alida VALLI la séductrice manipulatrice est belle mais trop hiératique pour susciter une quelconque émotion. Ann TODD qui joue l'épouse est transparente. Heureusement qu’il y a Charles LAUGHTON (qui a l'air de s'ennuyer ferme) pour secouer de temps à autre la torpeur de l'ensemble.

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Cyrano de Bergerac

Publié le par Rosalie210

Jean-Paul Rappeneau (1990)

Cyrano de Bergerac

"Cyrano de Bergerac" est un joyau cinématographique, une adaptation qui semble tellement couler de source que l'on en oublie ses origines théâtrales. Depuis près de 30 ans, on a eu le recul nécessaire pour analyser cet incroyable alignement de planètes ou plutôt de talents: la mise en scène minutieuse et enlevée de Jean-Paul RAPPENEAU, le brillant travail d'adaptation du texte en alexandrins du scénariste Jean-Claude CARRIÈRE, la musique de Jean-Claude PETIT, la photographie, les décors et costumes qui ont l'élégance et l'harmonie des toiles de maître et enfin le casting extrêmement bien dirigé avec en son sommet l'énorme performance de Gérard DEPARDIEU dans ce rôle de colosse aux pieds d'argile qui lui va comme un gant et dans lequel il se donne corps et âme. Tous rendent fluide, limpide, moderne (tout en conservant la poésie de la versification d'origine) et vivante l'œuvre d'Edmond Rostand. L'amour de Jean-Paul RAPPENEAU pour le grand cinéma hollywoodien transparaît dans un film qui est toujours en mouvement. Mouvements extérieurs liés aux scènes d'action qui rattachent "Cyrano de Bergerac" au genre d film de cape et d'épée et mouvements intérieurs liés aux tourments des personnages qu'à l'image des films de Alfred HITCHCOCK on voit penser. Contrairement au théâtre, le cinéma peut se passer de la parole si bien que de nombreuses scènes muettes s'intercalent entre les passages versifiés pour en accentuer la portée. Par exemple à la fin du dernier acte, Cyrano évoque le fait que sa mère ne l'a pas trouvé beau. Mais nous connaissons déjà la faille narcissique de Cyrano parce qu'elle est montrée bien plus tôt dans le film: on l'a vu renverser le miroir qui lui renvoyait son reflet juste avant qu'il découvre que Roxane (Anne Brochet) en aime un autre. On comprend alors pourquoi cet ogre maniant comme personne la langue et l'épée, capable d'embrocher 100 hommes et de rabattre le caquet de 100 autres ne puisse s'approcher d'une femme, ne pouvant s'épancher que par le biais de la plume sous une identité d'emprunt. Cyrano est par ailleurs un être entier et indomptable qui aime les actions d'éclat et refuse les compromissions et plus généralement tout ce qui peut entraver sa liberté de mouvement. Cette pureté d'âme est soulignée dans le film par un rôle muet qui vient ponctuer le film et qui est -comme par hasard- celui du Kid. Un enfant silencieux et admiratif qui donne encore plus de poids à la tirade finale du comte de Guiche (Jacques WEBER): "Il a vécu sans pacte, libre dans sa pensée autant que dans ses actes/Oui je sais, j'ai tout, il n'a rien, mais je lui serrerais volontiers la main/Oui parfois je l'envie, voyez-vous lorsque l'on a trop réussi sa vie, on sent […] mille petits dégoûts de soi dont le total ne fais pas un remord mais une gêne obscure."

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Le Petit César (Little Caesar)

Publié le par Rosalie210

Mervyn Leroy (1930)

Le Petit César (Little Caesar)


"Le Petit César" est l'un des piliers fondateurs du film de gangsters dont il a contribué à fixer les codes dans le cinéma parlant, repris et popularisés ensuite notamment par "Scarface" (1931) de Howard HAWKS. C'est aussi un film novateur de par son approche. Il infiltre le milieu des gangsters et le montre de l'intérieur au lieu de se placer du point de vue des forces de l'ordre. C'est également un film de crise (le contexte de Grande Dépression a imposé un budget réduit), sans fioritures. Il va à l'essentiel. Comme ses successeurs, il narre l'ascension, l'apogée et la chute éclair d'un caïd d'origine immigrée issu des bas-fonds (librement inspiré de la biographie d'Al Capone). Rico se distingue par son ambition et son ego démesuré ainsi que sa détermination sans scrupules qui lui permet de gravir les échelons dans une version perverse du rêve américain. Perverse et grotesque car en dépit de ses costumes de plus en plus élégants et de ses tentatives d'imitation des codes de la haute sphère de la pègre, Rico conserve son comportement de rustre mal dégrossi. Et en dépit de ses attitudes bravaches, Rico a une faille et pas des moindres puisqu'elle le perdra. En effet tout au long du film, il ne cesse de proférer des propos virilistes glorifiant l'inflexibilité et fustigeant la mollesse et le sentimentalisme ("l'amour c'est de la guimauve"), tous ceux qui s'y livrent étant qualifié du terme homophobe de "lavette". Pourtant c'est un autre homme qui le fait reculer, Joe Massera qu'il n'arrive pas à complètement plier à cette loi puisqu'il le considère comme son ami (alors qu'il combat par ailleurs tout espèce de sentiment jugé comme une faiblesse). De plus Joe est danseur ("ce n'est pas le travail d'un homme") at a une fiancée qui veut lui faire quitter un milieu "qu'on ne quitte pas". Bref, cela sent la transgression à plein nez et c'est bien cela qui donne toute son envergure tragique au personnage de Rico (qui sinon en serait juste resté au statut de pitoyable petit psychopathe). C'est le film qui a révélé Edward G. ROBINSON dans un rôle à contre-emploi de ce qu'il était vraiment (il détestait les armes à feu). Il crève l'écran et impose son physique singulier à la Jabba The Hutt, loin, très loin des standards hollywoodiens.

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L'ennemi public (The Public Enemy)

Publié le par Rosalie210

William Wellman (1931)

L'ennemi public (The Public Enemy)

"L'ennemi public" sorti en 1931 fait partie des œuvres matricielles du film de gangsters. Si le genre a été éclipsé dès le début de la décennie suivante par celui du film noir, il s'est perpétué dans le cinéma américain sous forme de clins d'oeils. "Key Largo" (1948) rend hommage à "Little Caesar" (1930) au travers du personnage joué par Edward G. ROBINSON, "Certains l'aiment chaud" (1959) dans lequel joue George RAFT reprend le tic de la pièce qu'il lançait dans "Scarface" (1931), le pamplemousse pressé de "L'Ennemi public" et le surnom "Petit Bonaparte" est décalqué sur "Little Caesar" (1930). Dans les années 70-80, le genre connaît une véritable consécration avec une nouvelle génération de cinéastes qui proposent d'éblouissantes versions "opératiques" des films des années 30: la saga du "Parrain" de Francis FORD COPPOLA, le remake de "Scarface" (1983) de Brian De PALMA ou encore "Il était une fois en Amérique" (1984) de Sergio LEONE qui s'inspire beaucoup de "L'Ennemi public".

Ce qui frappe à la vision du film de William A. WELLMAN, c'est sa touche de réalisme. Lequel s'incarne dans un aspect documentaire et biographique (voire psychologique, la brutalité du père flic s'avérant déterminante dans la violence du fils et sa décision de rejoindre la pègre), le refus de l'héroïsation des personnages et l'interprétation marquante de James CAGNEY un acteur vif et teigneux qui aime aller au contact, que ce soit la pichenette par lequel il exprime son affection ou à l'inverse le jet du demi-pamplemousse sur le visage de celle qui a le malheur de l'irriter. Il aurait pu être boxeur mais en fait il était danseur, il esquisse d'ailleurs quelques pas d'une grande dextérité au cours du film. Il n'en reste pas moins que les rapports entre lui et les femmes sont brutaux et empreints de bestialité, les seules relations un tant soit peu sentimentales qu'il se permette relevant de l'amitié virile. Néanmoins, le film de William A. WELLMAN est également romanesque, ne serait-ce que par sa structure narrative qui montre l'ascension puis la chute d'un caïd au temps de la prohibition. Il ne pouvait en être autrement car bien que datant de l'ère pré-code, le réalisateur se sent obligé de prouver qu'il n'a aucune complaisance pour les gangsters. D'où des cartons moralisateurs et une image accompagnant le générique montrant un mur symbolisant la voie sans issue que représente ce choix de vie.

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Incassable (Unbreakable)

Publié le par Rosalie210

M. Night Shyamalan (2000)

Incassable (Unbreakable)

"Incassable" commence par un accouchement, vu à travers un miroir ce qui est logique puisqu'il s'agit de la naissance du futur mister Glass (Samuel L. JACKSON) et d'une réflexion particulièrement intelligente sur la notion si ancrée dans la culture américaine de super-héros. Elijah Price naît dans la douleur: ses bras et ses jambes se sont cassés dans l'utérus de sa mère et cette fragilité osseuse génétique le met d'emblée sur la touche pour tout le reste de sa vie. Elijah se sent condamné à regarder le monde tourner derrière une vitre cloué dans un fauteuil roulant. De là découle une interrogation existentielle : pourquoi suis-je né? Question à laquelle seule la mère d'Elijah (Charlayne WOODARD) peut lui apporter une réponse, en lui offrant son premier Comic Book. Il échafaude une théorie sur le sens de son existence en partant à la recherche de son double inversé (par effet de miroir), David Dunn.

David contrairement à Elijah vit dans le déni complet de sa différence. Il a tout refoulé et vit une vie en apparence normale. Sauf qu'il est anormalement triste et anormalement solitaire (une caractéristique très profonde des films de M. Night SHYAMALAN.) Un accident de train dont il sort sans une seule égratignure alors que tous les autres passagers ont péri et le voilà sur la touche lui aussi, obligé de se livrer à une douloureuse introspection alimentée par les relances incessantes d'Elijah qui veut l'accoucher de lui-même. Comme dans "Sixième sens", une seule personne peut le suivre dans cette maïeutique, son fils Joseph (Spencer TREAT CLARK) qui a la foi chevillée au corps. Bruce WILLIS trouve là encore un grand rôle et livre une performance exceptionnelle, tout en retenue, l'émotion ne passant qu'à travers son regard. J'avais remarqué l'expressivité de ses yeux dans "La Mort vous va si bien (1992)" de Robert ZEMECKIS et là aussi il arrive à tout transmettre par le regard, notamment lors de la scène des haltères où il prend conscience de sa force surhumaine et encore plus lors de la poignante scène finale de la révélation de la vraie nature d'Elijah. S'il faut un méchant pour révéler le héros, alors la réciproque est vraie tant le bien ne peut exister sans le mal et le mal sans le bien, tous deux étant les facettes d'une même médaille. Celle de l'exception et donc de l'exclusion. Parce que d'un point de vue social et rationnel, Elijah est juste un dangereux psychopathe bon à enfermer et David un agent de sécurité misanthrope. Les scènes de foule dans la gare ou au stade soulignent d'autant mieux son isolement et son manque de communication par les voies normales. Tout passe par la mise en scène avec les visions de David lorsqu'il a un contact physique avec autrui et par le désarroi de son regard.

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La Corde (Rope)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1948)

La Corde (Rope)

"La Corde" est un tour de force technique mais contrairement à l'acte commis par Brandon et Phillip (et à la vision de Alfred HITCHCOCK lui-même qui qualifiait son film de simple "truc"), il n'a rien de gratuit. Difficile de faire plus oppressant, plus irrespirable que "La Corde". La mise en scène est à l'image du titre et de l'acte commis, elle nous enserre et nous étouffe avec son huis-clos et son illusion de filmage en temps réel. Illusion créée par les raccords de plans-séquence (impossible de faire autrement à l'époque) mais aussi par les changements de luminosité perceptibles à travers la grande baie vitrée. Plus on avance dans le film, plus l'atmosphère s'assombrit, rétrécissant encore plus l'espace vital des protagonistes jusqu'à le réduire à celui du coffre à secret autour duquel ils gravitent tous. Un double secret, sexualité et mort étant indissolublement liés chez Alfred HITCHCOCK sans parler du double sens du "cadavre dans le placard". Ce qui est dissimulé dans ce coffre-placard, c'est autant le non-dit de l'homosexualité du couple dominant-dominé Brandon-Phillip (John DALL et Farley GRANGER) et de leur professeur Rupert (James STEWART) qu'une victime des théories raciales nazies pour lesquels les êtres supérieurs autoproclamés ont le droit de supprimer les improductifs inférieurs. Le tout justifié philosophiquement par une interprétation erronée de la pensée nietzschéenne.
Cependant la "Corde" a aussi une dimension ludique de par son suspense haletant. Le spectateur ayant vu le crime se dérouler sous ses yeux se demande quand celui-ci sera découvert.Alfred HITCHCOCK joue sur cette attente et ne cesse de tendre un peu plus la corde tantôt avec la mise en scène perverse, macabre et provocante de Brandon, tantôt avec les réactions apeurées de Philip qui parvient difficilement à se contrôler, tantôt à l'aide de la mise en scène du film lui-même, que ce soit par les mouvements de caméra (l'apparition "surprise du chef" de Rupert dont on sait qu'il est le seul qui peut découvrir le secret) ou la science du cadre et de la profondeur de champ en plan fixe (la servante qui va et vient entre la cuisine et le coffre dont elle débarrasse le dessus pendant que les autres discutent en hors-champ avant de s'apprêter à l'ouvrir, une gestion de l'espace-temps que l'on retrouve à l'identique par exemple dans "Pas de printemps pour Marnie") (1964). Il est également intéressant de souligner que Rupert comprend tout bien avant d'ouvrir le fameux coffre car il partage les secrets de Brandon et Phillip. Mais il fait tout pour retarder le moment où il devra regarder la vérité en face et assumer ses responsabilités dans le crime commis par ses anciens élèves.

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Les Amants du Capricorne (Under Capricorn)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1949)

Les Amants du Capricorne (Under Capricorn)

"Les Amants du Capricorne" est un grand film incompris ou un grand film "malade" comme le disait François TRUFFAUT à propos de "Pas de printemps pour Marnie" (1964) qui a pour point commun avec le film de 1949 de mettre en avant les troubles du comportement d'une jeune femme déséquilibrée. Et j'ai toujours soupçonné la hiérarchie établie par les spécialistes des œuvres hitchcockienne d'être légèrement orientée sexuellement (beaucoup d'histoires d'hommes ou de femmes fantasmées et/ou manipulées par des hommes même si c'est souvent plus complexe et tant mieux!) D'autant que "Les Amants du Capricorne" est un mélodrame romanesque en costumes presque dénué d'action, le genre à réserver aux midinettes donc. Sauf que non en fait, il est beaucoup plus que ça. Alfred HITCHCOCK a choisi d'entremêler une caractérisation des personnages empruntée à la littérature romantique, des monologues de théâtre et des techniques d'écriture proprement cinématographiques avec une mise en scène en longs plans séquences proche de "La Corde" (1948). Cette ambition d'art total a pour but d'atteindre la vérité intime des personnages. Et c'est là que le film frappe fort et c'est ce qui fait que c'est l'un de mes Alfred HITCHCOCK préféré, un "chef d'oeuvre inconnu" pour reprendre l'expression de Jean Domarchi des "Cahiers du cinéma". Et ce alors que le film a été mal aimé par ceux-là même qui l'ont fait, Alfred HITCHCOCK et les deux acteurs principaux, Ingrid BERGMAN et Joseph COTTEN.

L'histoire des "Amants du Capricorne" a ceci d'original qu'elle commence bien après là où les mélodrames d'habitude s'arrêtent. D'ordinaire les histoires d'amour impossibles à base de "ver de terre amoureux d'une étoile" (pour reprendre la magnifique réplique de Ruy Blas) s'achèvent avec la mort tragique des amants. Mais le crime d'honneur projeté pour laver dans le sang la mésalliance se retourne contre l'agresseur et le couple survit à l'épreuve même si Sam Flusky le garçon d'écurie qui a épousé une noble écope de 7 ans de bagne en endossant le crime commis par Henrietta. Dix ans ont passé, Sam a été libéré et a même fait fortune en Australie mais lui et son épouse ne sont toujours pas heureux et n'ont toujours pas d'enfants tant le poids du passé pèse sur leurs épaules et les empêche d'aller de l'avant. "Les Amants du Capricorne" est également une des rares œuvres à aborder d'une manière aussi approfondie le problème des souffrances liées aux différences de condition sociale vécues au quotidien. Comme dans la trilogie de Roger Frison-Roche sur le guide de haute montagne Zian et son épouse bourgeoise Brigitte, dès que l'un des membres du couple se retrouve dans son monde, l'autre dépérit, leur entente ne pouvant s'accomplir que hors de tout cadre social (autrement dit dans la nature, "Les Amants du Capricorne" étant également proche de "Lady Chatterley"). Les codes sociaux européens ont rattrapé les Flusky jusqu'en Australie et ceux-ci vivent même une véritable crise de couple sur fond de lutte des classes. D'une part la gouvernante Milly (Margaret LEIGHTON), jalouse et haineuse veut se débarrasser de l'intruse pour accaparer Sam en la poussant vers la folie et le suicide. Elle se sert du déséquilibre d'Henrietta lié aux souffrances de l'exil et à la culpabilité dévorante d'avoir laissé Sam être condamné à sa place. De l'autre le cousin et ami d'enfance de Henrietta, Charles Adare (Michael WILDING) qui fait peu de cas de Sam à cause de son préjugé de classe s'éprend de Henrietta et la drague ouvertement. Situation d'autant plus délicate qu'en sa présence elle se sent revivre ce qui met Sam face à un dilemme cornélien: d'un côté il veut aider sa femme à retrouver la joie de vivre, de l'autre il est fou de jalousie. L'une des scènes que je trouve parmi les plus émouvantes du cinéma de Alfred HITCHCOCK est celle du collier de rubis. Le gros plan sur un objet clé, il l'a fait mainte fois avant, dans "Soupçons" (1941) avec le verre de lait ou "Les Enchaînés" (1946) avec une clé (justement). Mais ici, l'enjeu est tout autre. Sam s'apprête en témoignage de son affection à offrir le collier à Henrietta qui part s'amuser au bal avec Charles. Mais lorsqu'il en évoque l'idée, tous deux lui font comprendre son mauvais goût. Il n'a plus qu'à faire disparaître l'objet et à ravaler une fois de plus son amertume d'être rejeté, une fois de trop sans doute car son explosion ultérieure attisée par Milly s'explique aussi par cette énième petite humiliation. Quant à Charles, il apprend au contact de la grandeur d'âme de ce couple (il a pu mesurer la profondeur de leur amour et leur sens du sacrifice lors du grand monologue de Henrietta) à dépasser ses désirs égoïstes pour se mettre à leur niveau ce qu'il fait par son témoignage final qui est pour eux une délivrance et peut-être un nouveau départ.

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