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Articles avec #drame tag

Sport de filles

Publié le par Rosalie210

Patricia Mazuy (2011)

Sport de filles

"Sport de filles", titre ironique donne le ton d'un long-métrage ni aimable ni conformiste, filmé de façon parfois approximative mais avec une furieuse énergie. Ironique oui car l'équitation est avec la danse classique une activité cataloguée comme "féminine": en France 85% des licenciées sont des filles. Mais ce que montre le film de Patricia MAZUY c'est un milieu professionnel, celui du dressage, certes dominé par des femmes mais qui ne sont que des héritières. Le milieu est en effet écrasé par des valeurs masculines ancestrales (la compétition, le pedigree, les codes, la hiérarchie sociale) et gangrené par l'argent.

Le personnage surnommé Gracieuse (encore un nom bien ironique) a l'oeil noir, le visage renfrogné, un bandeau de pirate qui lui couvre la moitié du visage, la hargne de sa passion chevillée au corps. Elle est indomptable, entière, perpétuellement en porte-à-faux par rapport à des normes sociales (et genrées) qu'elle méprise et qu'elle bafoue, que ce soit celles de son milieu paysan d'origine ou celui aristocratique dans lequel elle veut s'imposer. Par conséquent elle subit la pression de son père qui veut la caser avec Jacky ("Il est du pays et il travaille, c'est important"), un palefrenier qui a déjà un projet de vie clés en mains pour elle et que son refus pousse à des jugements à l'emporte-pièce tels que "une vraie fille, ça a besoin d'un homme" ou "tu n'aimes que les chevaux, pas les hommes". Il est d'ailleurs intéressant de constater les écarts considérables que les critiques du film manifestent dans leur vision du personnage. Pour "Benzine Magazine", "Revêche et imprévisible, Gracieuse n’attise en rien la sympathie et son comportement nous parait puéril ou à peu près incompréhensible." alors que dans "Causeur", elle a juste le puissant désir de s'en sortir "Pour qui ne connaît pas la province, la scène du supermarché donne envie de faire des études supérieures à tout prix. Ou bien de dresser des chevaux au mépris du scénario social déjà écrit". Quant aux aristos du haras où elle travaille comme palefrenière, ils lui aboient dessus dès qu'elle tente de monter sur un cheval (un paysan c'est fait pour patauger dans la gadoue). Marina HANDS trouve là un rôle qui prolonge l'histoire de sa propre vie (elle voulait devenir cavalière professionnelle) et celui de "Lady Chatterley" (2006) dans lequel elle subvertissait déjà les barrières sociales pour renouer avec sa puissance vitale.

Le film narre sa rencontre avec un autre déclassé, Franz Mann qui est un entraîneur de renom mais qui à cause de ses origines modestes s'est enfermé dans le rôle d'un "sex toy" (pour reprendre l'expression de Patricia MAZUY) pour un petit club de dames fortunées qui exploitent son nom, son savoir et son corps, un petit business florissant tenu d'une main de fer par sa régulière, un véritable dragon dont la préoccupation principale est de faire tourner la machine à cash (Josiane BALASKO est parfaite dans le rôle). Comme elle le dit à Gracieuse en empochant les billets, "Franz Mann ça vaut de l'or". Lui-même est formidable d'ambiguïté entre le cynisme du gigolo sur le retour, la lassitude de l'homme meurtri et les coups de colère du type qui étouffe et qui voudrait prendre un bol d'air. Normal, c'est Bruno GANZ qui l'interprète, d'ailleurs le fait qu'il doive se colleter à une langue étrangère (un parler français plutôt cru) accentue l'impression de décalage et d'étrangeté du personnage par rapport au milieu où il évolue. Comme son personnage, Bruno GANZ aurait bien aimé faire de l'équitation dans sa jeunesse mais il n'avait pas pu réaliser son désir à cause de ses origines modestes (son père était ouvrier d'usine). Quand la réalité rejoint la fiction...

Il est clair que la rencontre entre Gracieuse et Franz Mann représente un espoir pour elle de gravir les échelons et pour lui de sortir de son marasme. Mais cette rencontre n'échappe pas elle non plus aux réalités sociales. Si sur le plan instinctif, les deux âmes s'accordent parfaitement, les compromissions de Franz face au caractère entier de Gracieuse font des étincelles et on ne sait exactement si leur collaboration relève d'une élévation (à tous les sens du terme) ou d'une nouvelle domestication.

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The Tree of life: L'Arbre de vie (The Tree of life)

Publié le par Rosalie210

Terrence Malick (2011)

The Tree of life: L'Arbre de vie (The Tree of life)

Quel film étrange que ce "The Tree of life" qu'on croirait conçu pour la division tant s'y côtoient la beauté et la laideur, le génie et le grotesque, l'inspiration divine et la boursouflure prétentieuse. Peut-être faut-il l'un pour avoir l'autre après tout, la vie n'est faite que de contradictions. Toujours est-il que le film est traversé de véritables moments de plénitude où les images, la lumière et la musique s'accordent tellement bien qu'on croirait assister à une symphonie de couleurs, de sons et de lumières. Cette expérience sensorielle formidablement intense rejoint l'aspect le plus intéressant du film: la chronique de l'enfance de Jack à Waco dans les années 50 entre son père tyrannique (Brad PITT), sa mère soumise (Jessica CHASTAIN) et ses deux frères. La contradiction se joue entre les explosions de vie de l'enfance partagées par la mère et la répression de ces pulsions par le père psychorigide qui veut "civiliser" ses enfants en leur inculquant le bourrage de crâne de la réussite capitaliste, quitte à les briser par la terreur. Deux formes de religiosité antinomiques, celle qui célèbre la nature et celle qui la réprime dans la lignée du film de Michael HANEKE, "Le Ruban blanc (2009)". Là où cela se gâte, c'est que Terrence MALICK a voulu relier l'échelle humaine à d'autres dimensions spatio-temporelles. Le film n'arrête donc pas de faire des digressions, se situant tantôt à l'échelle macrocosmique, tantôt à l'échelle microcosmique, tantôt à l'ère du big-bang et des dinosaures, tantôt dans les années 2000 avec un Jack adulte (Sean PENN) vivant au milieu de buildings de verre et d'acier très éloignés de la banlieue de son enfance avant qu'il ne se réconcilie avec les siens convoqués sur une plage dans une sorte d'œcuménisme désarmant de naïveté. Terrence MALICK donne parfois l'impression de se prendre pour dieu ce qui est d'une prétention incommensurable. Son propos apparaît d'autant plus déshumanisé que ses images antédiluviennes sont recrées par ordinateur (la plaie de notre époque). On a beaucoup comparé le film à "2001, l'odyssée de l espace" (1968). Mais le film de Stanley KUBRICK est géométrique, dépouillé et rigoureux (on va du point A la préhistoire au point C Jupiter en passant par le point B, la Lune avec des sas de progression représentés par le monolithe) là où celui de Terrence MALICK ressemble à la mutation informe et monstrueuse de "Akira" (1988).

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Nuages flottants (Ukigumo)

Publié le par Rosalie210

Mikio Naruse (1955)

Nuages flottants (Ukigumo)

"Nuages flottants" est encore plus aride et pessimiste si possible que "Le Repas (1951)", du moins dans ses deux premiers tiers. C'est l'histoire d'un amour chaotique et asymétrique au long cours entre une jeune japonaise et un homme marié dans le Japon en guerre puis de l'après-guerre. A l'aide d'une superbe photographie et d'une narration dont la linéarité est entrecoupée de flashbacks, Mikio NARUSE raconte l'éclosion d'une passion dans une "parenthèse enchantée", celle qui voit se rencontrer les deux protagonistes en Indochine alors occupée par le Japon. Mais le retour à la dure réalité ne concerne pas que la survie dans les taudis du Tokyo d'après-guerre, il dissipe également drastiquement l'illusion amoureuse. Comme dans "Le Repas" (1951), le grand amour apparaît comme une chimère que le temps use jusqu'à la corde. A sa place, on voit naître dans la plus pure tradition du mélodrame une relation fondée sur une dépendance toxique. Yukiko (Hideko TAKAMINE) est une femme qui "aime trop" face à Tomioka (Masayuki MORI) qui lui "n'aime pas assez" pour reprendre la terminologie de la psychotérapeuthe Robin Norwood qui s'est penchée sur le problème des addictions amoureuses. Yukiko a commencé sa vie sexuelle par un viol incestueux qu'elle n'a jamais ouvertement dénoncé même si elle passe sa vie à faire "payer" son beau-frère en lui volant des biens puis de l'argent. Ayant intégré cette soumission à la loi masculine, elle accepte de subir les avanies de son amant dont la lâcheté et l'égoïsme se combine avec la muflerie. Séducteur et manipulateur, celui-ci rafle toutes les jolies filles qui passent à sa portée sans jamais se sentir responsable des conséquences désastreuses de son comportement irresponsable que ce soit le dépérissement de son épouse, la déchéance de Yukiko dans la misère et la prostitution, son avortement (dont on comprend qu'il a des conséquences irréversibles sur sa santé) ou l'assassinat d'Osei (Mariko OKADA) par son mari parce qu'elle était devenue sa maîtresse et avait fui pour le rejoindre. Tomioka ne revient vers Yukiko que lorsqu'il a besoin d'elle (pour lui demander de l'argent par exemple). Yukiko endure tout (ce qui entraîne quelques répétitions et longueurs) au point d'aller jusqu'au bout du sacrifice, c'est à dire suivre Tomioka dans ses déplacements jusqu'à la mort. Si la dernière demi-heure paraît plus apaisée, Tomioka acceptant qu'elle vive à ses côtés et prenant enfin soin d'elle, lui manifestant de l'attention et de la tendresse, il n'en reste pas moins qu'elle meurt seule. On peut même s'interroger sur la réalité de ce que l'on a vu car les hommes qui "n'aiment pas assez" sont des handicapés du sentiment incapables de changer. On peut donc penser qu'elle a fantasmé la sollicitude dont il fait soudain preuve à son égard. A moins que, comme dans "Breaking the waves" (1996) de Lars von TRIER son sacrifice masochiste ne fasse des miracles.

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Le Repas (Meshi)

Publié le par Rosalie210

Mikio Naruse (1951)

Le Repas (Meshi)


"Mes rêves de jeune mariée où sont-ils. Je vis les mêmes matins et les mêmes soirs, 365 jours par an. Entre cuisine et salon, ma vie de femme se consumera-t-elle en silence et sans espoir ?" "Le Repas" aurait tout aussi bien pu s'appeler "Avec le temps", celui des désillusions et de l'usure d'un couple qu'une visite impromptue va faire basculer dans une crise ouverte. Le mari, Hatsunosuke Okamoto (Ken Uehara), un homme apathique qui semble se complaire dans une petite vie sans histoires ne voit rien venir, ou plutôt ne veut rien voir. Il est dans le déni, sourd et aveugle aux signes de plus en plus évidents de lassitude, d'exaspération, d'amertume que lui envoie son épouse Michiyo (interprétée par la formidable Setsuko HARA actrice fétiche de Yasujiro OZU). Avec cette chronique pleine de finesse et de sensibilité d'un amour qui se délite dans le Japon d'après-guerre, Mikio NARUSE, pourtant moins connu que ses confrères japonais de la même génération atteint une dimension universelle (d'où mon allusion à la chanson de Léo Ferré à laquelle on peut tout à fait comparer le film). En effet il est précisé dès le début que contrairement aux usages du Japon, Michiyo et Hatsunosuke ont fait un mariage d'amour contre l'avis de leur famille. Il s'agit donc d'une union romantique telle qu'on en rêvait autrefois en occident (et dont beaucoup continuent de rêver en secret). Cinq ans plus tard, au moment où commence le film, la réalité qui s'impose sous nos yeux est celle d'un couple qui ne parvient pas à communiquer avec un mari indifférent qui se fait servir par sa femme qu'il confond avec la bonne à tout faire. Celle-ci, frustrée par le manque d'attention et d'affection de son mari et amère de s'être enfermée dans la routine aliénante de la femme au foyer s'enfonce peu à peu sans bruit dans la dépression. L'arrivée dans leur foyer de Satoko (Yukiko SHIMAZAKI), une nièce délurée qui semble réveiller quelque peu la libido en berne de Hatsunosuke met le feu aux poudres. Michiyo décide de quitter son mari pour retourner à Tokyo chez sa mère afin de faire le point.

La suite du film est tout aussi juste. En effet, une fois chez sa mère, Michiyo voit s'ouvrir devant elle des perspectives nouvelles. Celle d'un travail voire même d'un nouvel amour. Son cousin lui manifeste en effet un vif intérêt et il est le seul à remarquer sa tristesse même s'il le lui exprime d'une manière qui la vexe. Hélas, le manque de caractère d'Hatsunosuke semble avoir déteint sur son épouse. Michiyo semble terrifiée à l'idée de prendre une décision qui pourrait changer sa vie. Pour elle comme pour beaucoup d'autres, il vaut mieux rester dans une vie insatisfaisante mais rassurante que se lancer dans l'inconnu avec tous les risques que cela comporte. De plus, Michiyo subit la pression sociale de la famille et de l'entourage pour qui sa vraie place est avec son mari. Alors elle finit par se résigner à retourner auprès de lui, alors que rien n'a changé entre eux comme le montre le moment où elle essaye de lui parler avant de se rendre compte qu'il s'est endormi.

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Muriel ou le temps d'un retour

Publié le par Rosalie210

Alain Resnais (1963)

Muriel ou le temps d'un retour


"Tu veux raconter Muriel. Muriel, ça ne se raconte pas". Comment parler et montrer, comment témoigner et transmettre ce qui relève d'une expérience traumatique indicible et infilmable, une expérience du passé qui infuse tellement le présent qu'elle l'empêche d'advenir en suspendant le cours du temps, en mettant la vie entre parenthèses. Voilà le défi auquel le réalisateur Alain RESNAIS et le scénariste Jean CAYROL se sont confrontés en tentant de représenter par le biais de l'art le "passé qui ne passe pas" par la voie du documentaire avec "Nuit et brouillard" (1956) et de la fiction avec "Muriel ou le temps d'un retour" (1963). Il faut dire que les deux hommes sont contemporains de la seconde guerre mondiale et de la guerre d'Algérie, deux événements traumatiques ayant accouchés de mémoires douloureuses et conflictuelles qui ont été pour la plupart longtemps étouffées par la censure (celle de l'Etat mais aussi celle de la conscience qui pour continuer à vivre s'est scindée en refoulant ce qui était insupportable).

C'est pourquoi la linéarité de "Muriel ou le temps d'un retour" est trompeuse. La vérité du temps de "Muriel" est dans le titre. Il s'agit d'un récit au présent sans cesse haché, traversé, fragmenté, interrompu, dissocié par les éclats du passé non digéré qui "fait retour" à la manière d'un gigantesque palimpseste. Ce passé fragmentaire se manifeste par tous les moyens que le cinéma peut produire: des images (d'archive notamment, photos ou films), des mots, des sons, de la musique. Leur intervention dans le récit est conçue pour créer des effets de dissonance. La science du montage de Alain RESNAIS en particulier joue un rôle déterminant. Il isole de tous petits moments qu'il insère dans le récit et qui par des effets de correspondance font sens. Par exemple, Alphonse Noyard (Jean-Pierre KÉRIEN), l'amant de Hélène Aughain (Delphine SEYRIG) évanoui pendant la guerre qui revient dans sa vie à sa demande est un homme opaque et fuyant, un homme de secrets et de mensonges dont l'art de la dissimulation est mis en parallèle avec le refoulé des anciens tortionnaires de la guerre d'Algérie. Lorsqu'il écrase une cigarette, lorsqu'il prononce une phrase anodine en apparence mais qui isolée devient lourde de sens ("Il y a des gens qui prennent mieux les taches que d'autres. Moi par exemple"), lorsqu'il déclare qu'il aime toutes les races mais qu'il hait les arabes. Il en va de même avec Bernard et Robert (Jean-Baptiste Thierrée et Philippe LAUDENBACH) , deux anciens appelés d'Algérie qui ont été témoins et acteurs du calvaire de "Muriel", un surnom donné à une jeune combattante algérienne torturée à mort pendant la guerre (ou plutôt les "événements" comme on disait à l'époque, le terme de guerre étant tabou). Lorsqu'ils en parlent, c'est toujours à mots couverts et comme par hasard un policier se tient systématiquement derrière eux pour veiller au grain (juste retour de bâton du policier censuré de "Nuit et brouillard" (1956)). L'évocation du traumatisme lui-même se situe sous la forme d'un récit situé au milieu du film accompagné par des images d'archives parfaitement anodines qui soulignent justement l'absence d'images du crime. Elles renvoient aux images manquantes de la Shoah (bien évidemment) mais aussi aux vides laissés par les destructions matérielles. La ville de Boulogne-sur-Mer en dépit de sa reconstruction en porte les stigmates. "C'est où le centre-ville?"; "Mais vous y êtes!" L'air égaré du jeune homme parle pour lui: l'espace comme le temps ont été irrémédiablement modifiés par la guerre.

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Key Largo

Publié le par Rosalie210

John Huston (1948)

Key Largo

"Key Largo" est un film insulaire. Il ne se déroule que dans des lieux clos et coupés du monde. L’hôtel de l’île de Key Largo frappé par la tempête est le principal théâtre de l’action (mot qui se justifie d’autant plus que le film est l’adaptation d’une pièce de théâtre) mais il ne faut pas oublier le dernier quart d’heure sur un bateau entre Key Largo et Cuba. Ce contexte de huis-clos dans des espaces de plus en plus exigus créé une atmosphère particulière, confinée, étouffante et oppressante et donc propice aux tensions exacerbées (les émissions de téléréalité reposent sur le même principe repris as nauseam). Bien qu’une dizaine de personnages se retrouvent enfermés dans l’hôtel et une demi-douzaine sur le bateau, le film est en réalité un duel entre deux hommes qui sortent de mondes révolus ravagés par la violence mais dont les choix vont s’avérer être aux antipodes. D’un côté le commandant Frank McCloud (Humphrey BOGART), vétéran de la seconde guerre mondiale désabusé et sans attaches, de l’autre le gangster Johnny Rocco (Edward G. ROBINSON) tout droit sorti des années de Prohibition qui rêve de devenir le nouveau Al Capone. Parce que Frank a trop fait l’expérience de la violence, il refuse de s’y laisser entraîner de nouveau, quitte à passer pour un lâche. Néanmoins sa relative indifférence cède progressivement le pas à de la compassion pour les victimes du gang dont il partage le sort que ce soit James Temple, le propriétaire infirme (Lionel BARRYMORE), Gaye Dawn la compagne alcoolique de Johnny (Claire TREVOR) ou un groupe d’indiens dont deux sont recherchés par la police. La belle-fille de Temple, Nora, objet de la convoitise de Johnny Rocco, représente évidemment l’espoir d’une renaissance ce que souligne sans ambiguïté l’un des derniers plans du film (Humphrey BOGART et Lauren BACALL rejouent ainsi devant John HUSTON leur rencontre quatre ans auparavant dans le « Le Port de l'angoisse (1944) » où la deuxième réussissait à ferrer un poisson particulièrement glissant). A l’inverse, Johnny Rocco qui est fermé à tout sentiment d’humanité apparaît au final comme un faible qui ne sait pas contrôler ses nerfs que ce soit sous l’effet de l’insulte ou des coups de boutoir de la nature contre laquelle il est impuissant en dépit de son flingue.

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Le Faucon maltais (The Maltese Falcon)

Publié le par Rosalie210

John Huston (1941)

Le Faucon maltais (The Maltese Falcon)

Le premier film de John HUSTON est aussi l'un des premiers grands classiques du film noir, il a d'ailleurs contribué à fixer les règles du genre (le privé, la femme fatale, l'intrigue tortueuse, l'esthétique expressionniste etc.) et fait de Humphrey BOGART une star. Néanmoins en dépit de sa remarquable interprétation et de la qualité de la mise en scène, le film manque d'épaisseur et de subtilité. Sur le thème de la course à l'étoffe "dont sont faits les rêves", John HUSTON est allé beaucoup plus loin humainement avec ses films suivants tels que "Le Trésor de la Sierra Madre" (1948) ou "Quand la ville dort" (1950). Non seulement "Le Faucon maltais" est sec, squelettique mais son apologie du virilisme est tellement grossière qu'elle me fait rire (ce qui pour un film noir est tout de même gênant). Sam Spade (Humphrey BOGART) a bien raison de dire qu'il ne "connaît rien aux femmes" ou plutôt au monde féminin. Plutôt qu'un "redresseur de torts" il s'agit surtout d'un beau mufle. D'abord, comme tout macho qui se respecte, il remet à sa place quelques garces coupables d'avoir le feu aux fesses. Admirons la subtilité de la scène où Brigid O'Shaughnessy (Mary ASTOR), cette menteuse congénitale diablement attirante remue les tisons dans la cheminée pour mieux l'allumer peu après que notre ami qui a deux fers au feu soit pris en flagrant délit de fricotage avec Iva, la veuve de feu son associé (Gladys GEORGE). Toutes deux après être tombées aux pieds de l'irrésistible privé subissent le châtiment qu'elles méritent, l'une en voyant son amant filer dans les bras de celle qui a tué son mari, l'autre en étant envoyée en prison par mister justicier Spade qui lui envoie une punchline d'anthologie "si tu prends vingt ans je t'attendrai, si tu prends perpétuité je garderai un beau souvenir de toi". Mais comme se valoriser auprès du "sexe faible" ne suffit pas à son ego surdimensionné, il faut encore qu'il écrase de sa supériorité les autres hommes. Son associé Miles Archer (Jerome COWAN) qu'il supplante auprès de la gent féminine et les bandits, des "lopettes" qu'il prend plaisir à tabasser et humilier. Cela commence avec Joël Cairo (Peter LORRE) dont le mouchoir parfumé au gardénia et les manières précieuses nous indiquent sans ambiguïté les tendances homosexuelles. Avec une jouissance non feinte, Sam Spade lui donne à deux reprises la raclée qu'il mérite et lui vole son flingue (histoire de rappeler que le seul homme dans la pièce, c'est lui!). Spade inflige un traitement pire encore à l'homme de main, Wilmer Cook (Elisha COOK Jr.), le ridiculisant, le désarmant lui aussi avec une facilité déconcertante et après l'avoir poussé à bout, lui donnant la raclée qu'il mérite (il est trop fort ce Sam Spade). Lui aussi a droit à sa punchline assassine adressée à son patron Kasper Gutman (Sydney GREENSTREET) qui au vu de ses manières est vraisemblablement aussi de la jaquette "Ne le laissez pas se balader avec ça [un flingue], il peut se blesser. Je les ai pris à un cul de jatte qui les lui avait chipés". J'avoue avoir éclaté de rire, surtout que Elisha COOK Jr. a remis le couvert dans le rôle du souffre-douleur avec "L'Ultime razzia" (1956) de Stanley KUBRICK. Bref, le "Faucon maltais" a beau se présenter comme un film "moral" à l'image de son héros "moins pourri qu'il n'en a l'air", il n'en reste pas moins qu'il véhicule des valeurs aussi discutables que celles qu'il est censé combattre.

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Junon et le Paon (Juno and the Paycock)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1930)

Junon et le Paon (Juno and the Paycock)

"Junon et le paon" souffre d'un double défaut: c'est l'adaptation d'une pièce de théâtre et il a été réalisé au début du parlant c'est à dire à une époque où la mobilité de la caméra était limitée. Le résultat ressemble à du théâtre filmé avec des longueurs et des acteurs qui parfois surjouent. Alfred HITCHCOCK n'aimait d'ailleurs pas ce film et avoue dans son entretien avec François TRUFFAUT (qui ne l'aimait pas non plus) que la pièce ne se prêtait pas à une transposition cinématographique. Si le film reçut à sa sortie d'excellentes critiques, c'est pour la qualité littéraire de la pièce et non pour sa qualité cinématographique. Le cinéma parlant était sans doute alors trop neuf pour permettre des critiques vraiment pertinentes. Si l'on ajoute que le son et l'image sont passablement altérés dans l'unique copie restante du film et qu'il n'est proposé (en version non restaurée) qu'en bonus de DVD, on comprend encore mieux qu'il fasse figure de vilain petit canard dans la filmographie de sir Alfred.

Mais en dépit du fait qu'il s'agit d'une oeuvre mineure et inaboutie elle mérite quand même d'être vue. Tout d'abord la pièce d'origine est une étude intéressante de la déréliction des liens familiaux sous l'effet de la misère et du malheur, l'histoire évoluant de la comédie vers une sombre tragédie. De ce fait, si j'ai eu du mal à entrer dans le film, celui-ci a fini par me captiver. Ensuite, Alfred HITCHCOCK s'est plus approprié la pièce qu'on ne le dit que ce soit dans le portrait d'une famille repliée sur elle-même et dysfonctionnelle, chaque personnage possédant son infirmité propre (le père mythomane, la mère abusive, le fils estropié, la fille perdue) ou dans son aspect métaphysique, la croyance en un dieu-sauveur débouchant sur un déluge de malheurs. D'ailleurs Alfred HITCHCOCK reconnaissait avoir réutilisé l'un des personnages de la pièce dans "Les Oiseaux" (1962) qui a une filiation certaine avec "Junon et le Paon" (mais on reconnaît également des aspects de "Psychose" (1960), "Fenêtre sur cour" (1954) ou "La Loi du silence) (1953)". Ensuite bien que trop rares, il y a tout de même quelques éclats cinématographiques de toute beauté au milieu de cet ensemble de scènes dialoguées statiques. Le film est ainsi ponctué d'entrées dans le champ ou de travellings sur le personnage de Johnny qui soulignent sa culpabilité dans une affaire de meurtre qui est plusieurs fois évoquée et qui est un ingrédient essentiel du drame. Parfois, ces mouvements du personnage ou de la caméra sont suivis du bruit de rafales de balles et d'un fondu au noir tout à fait éloquent.

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La Bataille (The Battle)

Publié le par Rosalie210

D.W. Griffith (1911)

La Bataille (The Battle)

"La Bataille" est le dernier des sept courts-métrages que D.W. GRIFFITH a consacré à la guerre de Sécession entre 1910 et 1911, quelques années avant son célèbre long-métrage "Naissance d'une Nation" (1915). Il s'agit d'un récit édifiant dont le patriotisme convaincu pourrait tout à fait faire office de document de propagande militariste. Comme toujours en pareil cas, c'est la lâcheté qui est montrée du doigt avec un soldat qui panique dès le premier accrochage et part se cacher chez sa fiancée. Bien évidemment celle-ci lui rit au nez et lui demande de se comporter en homme. Transcendé par ce remontage de bretelles en bonne et due forme, le soldat devient soudainement un héros qui risque sa vie pour ramener à son camp en panne sèche de munitions un chariot de poudre (conduit par Lionel BARRYMORE!). Stanley KUBRICK qui était profondément antimilitariste a brillamment démontré dans "Les Sentiers de la gloire" (1957) comment la lâcheté et le courage étaient habilement exploités par les généraux pour manipuler leurs soldats. Il n'y a bien évidemment pas ce recul chez D.W. GRIFFITH qui reste béat d'admiration devant les uniformes rutilants tels que celui qu'avait porté son papa (colonel de l'armée des confédérés pendant la "Civil war" comme l'appellent les américains et qui avait eu un comportement héroïque en menant une charge victorieuse alors qu'il était blessé). A défaut de tuer le père, D.W. GRIFFITH livre néanmoins un film déjà très ambitieux pour son époque et son format avec des reconstitutions de bataille spectaculaires et un grand nombre de figurants.

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L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1934)

L'Homme qui en savait trop (The Man who knew too much)

Alfred HITCHCOCK fait partie des quelques cinéastes qui ont réalisé un remake de l'un de leur propres films. "L'homme qui en savait trop" existe donc en deux versions, l'une anglaise datée de 1934 et l'autre américaine, réalisée 22 ans plus tard. La première version, inégale, ressemble à une ébauche du film de 1956. Les éléments essentiels du puzzle sont déjà en place (thriller d'espionnage sur fond de crise de couple) mais ils ne sont pas aussi développés que dans le remake américain, notamment en ce qui concerne les scènes intimistes, trop rapidement traitées. L'identité européenne du film est en revanche plus forte et en phase avec le contexte historique de l'époque. Outre le Royal Albert Hall de Londres et l'espion français (interprété dans la version de 1934 par Pierre FRESNAY), le film commence dans les Alpes suisses et fait un détour symbolique par l'Allemagne au travers du personnage joué par Peter LORRE qui s'est exilé en Angleterre après l'arrivée de Hitler au pouvoir à l'instar de Fritz LANG qui est alors en France et à qui Alfred HITCHCOCK rend ainsi hommage (en plus d'évidents emprunts à l'expressionnisme). Et si la crise du couple Lawrence n'est pas aussi approfondie que celle du couple McKenna, elle est évoquée avec moins de puritanisme. Louis Bernard est un séducteur qui tourne autour de Jill Lawrence (Edna BEST) au grand dam de son mari jaloux (Leslie BANKS), lequel espère redorer son blason viril en menant seul l'enquête et obligeant sa femme à l'attendre. Sauf qu'au final, non seulement l'attentat est déjoué par le cri de Jill (comme dans la version américaine) mais celle-ci est une championne de tir qui parvient à abattre le tueur au moment où il allait s'emparer de leur fille.

En dépit de ses imperfections, "L'homme qui en savait trop" marque un tournant dans la filmographie hitchcockienne de par sa maîtrise technique des effets de suspense et dans la manière dont il s'en sert pour jouer avec le spectateur. Le film regorge de scènes de bravoure très réussies (le meurtre de l'espion, la scène chez le dentiste, la bagarre dans l'église, le concert, le siège et l'assaut final). Reste à les lier ensemble de façon plus convaincante pour construire un récit cohérent qui fasse sens. 

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