Le Garçon et le Héron (Kimi-tachi wa dō ikiru ka)
Hayao Miyazaki (2023)
Film-somme, "Le Garçon et le Héron" sort dix ans après "Le vent se leve" (2013) qui était annoncé alors comme le dernier film de Hayao MIYAZAKI. Nul aujourd'hui n'oserait pronostiquer la fin de sa carrière car il est peu probable que le maître de l'animation japonaise aujourd'hui octogénaire s'arrête tant qu'il sera en capacité de réaliser des films. "Le Garçon et le Héron" commence comme un récit de guerre réaliste et traumatique quelque part entre "Le vent se leve" (2013) et "Le Tombeau des lucioles" (1988) avant de bifurquer vers un monde parallèle qui synthétise ceux de ses précédents films, de "Le Chateau dans le ciel" (1986) à "Ponyo sur la falaise" (2008) en passant bien sûr par "Le Voyage de Chihiro" (2001) dont il approfondit les thèmes. Un monde parallèle plus que jamais influencé par le roman de Lewis Caroll "Alice au pays des merveilles" et que beaucoup voient comme une métaphore des studios Ghibli eux-mêmes avec à leur tête un vieil homme incapable de passer la main sans faire s'écrouler le domaine. A cette succession patriarcale impossible répond la quête initiatique du jeune Mahito dans les couloirs de l'espace-temps pour faire le deuil de sa mère disparue et retrouver le goût de vivre. Ses aventures constituent un hommage au film-matrice de Miyazaki, "Le Roi et l'Oiseau" (1979) et ne sont pas sans rappeler également l'oeuvre symboliste de Maurice Maeterlinck, "L'Oiseau bleu". Déjà parce que le monde parallèle à multiples dimensions est marin et peuplé d'oiseaux, principalement des pélicans et des perruches géantes, le tout dominé par le guide de Mahito, un héron cendré au plumage blanc et bleu dissimulant dans son gosier un bizarre petit homme disgracieux. Ensuite parce que Mahito est amené à rencontrer les formes primitives des enfants à naître, les warawara qui rappellent les noiraudes et les kodamas. A l'autre bout de la chronologie, il rencontre l'une des vieilles servantes travaillant au service de sa nouvelle famille, redevenue une jeune femme intrépide au pied marin. Les grands-mères plus que jamais jouent le rôle de figures tutélaires protectrices. Enfin il est amené à rencontrer sa propre mère adolescente sous la forme d'une fille du feu ainsi que sa belle-mère laquelle s'avère n'être autre que la petite soeur de sa mère. Celle-ci est sur le point d'accoucher mais une menace plane sur elle et l'enfant à naître que Miyazaki fait ressortir de plusieurs façons, teintant son long-métrage de sentiments contrastés, entre espoir et désespoir.
Mais raconter le film n'en épuise ni le sens (multiple), ni la beauté. Celle-ci est toujours au sommet. Le style artisanal (de la 2D à l'ancienne qui rend ses films intemporels et quelques touches de 3D judicieusement placées pour faire ressortir tel ou tel élément) et perfectionniste de Hayao MIYAZAKI se reconnaît à sa précision, à sa fluidité, à ses mille et un détails enchanteurs et nous offre en prime un prisme extrêmement coloré ou bien par contraste des images de cauchemar comme l'incendie où tout est rouge et noir où les sons sont assourdis et où les traits deviennent informes.
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