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Articles avec #drame tag

Remorques

Publié le par Rosalie210

Jean Grémillon (1941)

Remorques

"Remorques" de Jean GRÉMILLON se situe à la fois en continuité et en rupture par rapport au courant du réalisme poétique des années 30. En continuité car il reprend le couple vedette de "Le Quai des brumes" (1938), Jean GABIN et Michèle MORGAN tous deux magnétiques ainsi que Jacques PRÉVERT pour le scénario et les dialogues, toujours aussi savoureux à écouter. Mais par ailleurs, il y a beaucoup de choses qui détonent par rapport aux films de Marcel CARNÉ de la même époque. Le caractère naturaliste de la description de la vie des marins sauveteurs brestois mais aussi de la crise de la conjugalité (aussi bien dans l'étude du couple formé par Jean GABIN et Madeleine RENAUD que dans celui de Michèle MORGAN et Jean MARCHAT). La puissance et la modernité des personnages féminins qui savent ce qu'elles veulent (le franc-parler de Catherine-Morgan qui pousse André-Gabin à assumer ses désirs par exemple). A l'inverse, des "effets spéciaux" ratés, ceux des maquettes de navire pris par la tempête et ce d'autant plus qu'ils se raccordent à des scènes d'intérieur qui semblent filmées dans un salon (heureusement que la bande-son puissamment évocatrice façon "bête humaine" pallie en partie le caractère factice des images). Il en va de même avec l'accent d'un acteur censé être breton mais qui donne l'impression de sortir d'un film de Marcel PAGNOL (Charles BLAVETTE). Enfin un tournage perturbé par les débuts de la guerre et qui s'est effectué en partie dans des décors naturels (exemple, la plage du Vougot). Bref "Remorques" est un film de son temps, un film de transition entre le cinéma d'avant-guerre et celui de la nouvelle vague ^^ alors que "Les Visiteurs du soir" (1942) qui date de la même époque en dépit des symboles que l'on peut y relever semble hors du temps.

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Secrets

Publié le par Rosalie210

Frank Borzage (1924)

Secrets

Frank BORZAGE a réalisé deux versions de "Secrets", l'une muette en 1924 avec Norma TALMADGE et l'autre parlante en 1933 avec Mary PICKFORD. Il fait donc partie des cinéastes qui ont fait un auto-remake de l'une de leurs oeuvres notamment dans le but de la moderniser ou de la perfectionner (passage du muet au parlant ou bien du noir et blanc à la couleur ou bien du court au long métrage ou bien du petit au gros budget).

La version muette, passablement abîmée et surtout incomplète (il manque environ une-demi heure de film, remplacé par des photos et/ou un résumé de l'intrigue) est néanmoins suffisamment conservée pour constater qu'il s'agit d'un grand cru de Frank BORZAGE qui traite ici de l'un de ses thèmes favoris: l'amour absolu qui transcende tout sur son passage. Chez Frank BORZAGE, l'amour est une expérience totale à la fois mystique et charnelle qui relève du sacré. Ainsi "Secrets" raconte 60 ans de l'histoire d'une femme, Mary (Norma TALMADGE star du muet dont la carrière n'a pas survécu au parlant mais qui a assuré ses arrières grâce à son mariage avec le producteur Joseph M. SCHENCK) qui a voué sa vie à son grand amour, John Carlton (Eugene O BRIEN). Le film qui repose sur les souvenirs d'une Mary âgée consignés dans son journal intime fonctionne donc en flashbacks situés à différentes périodes de sa vie, de l'adolescence à la maturité. Dans chaque moment relaté, son amour est mis à l'épreuve (par l'opposition de ses parents, par la mort d'un enfant, par l'adultère et enfin par la maladie) ce qui ne rend son triomphe que plus éclatant. La variété de tons et de genres employés (du vaudeville au western, de l'érotisme subtil à la tragédie) ainsi que la performance d'actrice de Norma TALMADGE fait d'autant mieux ressortir la force immuable de cet amour semblable à la foi, capable d'accomplir des miracles et qui semble guider et porter John, même quand celui-ci s'en écarte.

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Crash

Publié le par Rosalie210

David Cronenberg (1996)

Crash

Crash avait fait son petit effet en 1996 sur la Croisette. Il fallait alors choquer le bourgeois avec des codes narratifs porno chic (comme pour "La vie d'Adèle") et des personnages-figurines interchangeables dignes du marquis de Sade c'est à dire tellement blasés que seul le martyre de leur chair pouvait leur faire ressentir quelque chose. Le film n'offre en effet qu'une succession de scènes érotico-morbides répétitives, prévisibles  (deux hommes, trois femmes et autant de possibilités) et qui ne renvoient à rien d'autre qu'aux moeurs échangistes et SM de ce petit club de nantis que seule la tôle froissée et la viande cabossée parvient à exciter. On voit assez bien où David Cronenberg veut en venir avec ses plans de jambes et de cuisses abîmées et gainées par du métal et cette succession de scènes de sexe mécanique. Le film renvoie au fantasme d'un dépassement de l'humain par la technologie, bref au transhumanisme dont Julia Ducournau est de nos jours une héritière. Mais il ne se donne pas les moyens de ses ambitions tant le scénario tourne à vide et tant les personnages sont ectoplasmiques (sauf au niveau des pulsions primaires). Il serait peut-être temps de replacer ces fantasmes de toute-puissance propres aux nantis (comme ceux concernant l'espace) dans la réalité, celle d'une nature que la civilisation occidentale veut dominer et dont elle veut s'affranchir mais qui la rattrape inexorablement. Aujourd'hui un tel film, fruit de son époque fait surtout "Pschitt". On est à des années-lumière de l'érotisme subtil de "La Leçon de Piano" (pour Holly Hunter), de "Sexe, Mensonges et Vidéo" (pour James Spader) ou de "Exotica" (pour Elias Koteas). 

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Grave

Publié le par Rosalie210

Julia Ducournau (2016)

Grave

Une bleue qui découvre le goût du sang et les plaisirs de la chair, voilà le programme du premier étonnant film de Julia Ducournau, qui comme son successeur, "Titane", primé à Cannes "libère les monstres" comme on lâcherait les chiens et interroge la notion de mutation corporelle mais aussi l'organicité (ou non) des liens du sang. En s'inscrivant dans le genre du film initiatique pour adolescents tendance gore (donc interdit aux moins de 16 ans, il ne faut pas craindre les scènes de boucherie et le sang qui coule à flots) "Grave" est cependant mieux structuré que "Titane" qui est plus expérimental. Mais non moins percutant, Julia Ducournau ayant de sacré bonnes idées et une maîtrise assez impressionnante de la mise en scène. Il fallait oser montrer de façon aussi frontale (et littérale!) l'animalité de l'être humain et le caractère dévorant des relations intra-familiales. La famille de Justine tente ainsi de contrôler sa bestialité en étant végétarienne. Mais de façon parfaitement contradictoire, tout le monde y est vétérinaire (pour apprivoiser cette part animale?). Justine (Garance Marillier qui joue aussi dans "Titane"), la fille cadette qui entame ses études découvre donc sa vraie nature, celle de sa famille et par extension, celle de l'homme au travers d'un bizutage musclé plus vrai que nature (sans doute l'une des meilleures représentation du corps médical dans le cinéma français avec "Hippocrate"). Nourriture et sexualité étant liées, elle découvre son féroce appétit pour la viande, et surtout la viande humaine en même temps que son désir pour son colocataire homosexuel, Adrien (Rabah Naït Ouffela) dont les muscles appétissants lui provoquent des saignements de nez (je crois que c'est la première fois que je vois cette manifestation de l'excitation sexuelle dans le cinéma hexagonal alors que les mangas et anime japonais dont je me suis abreuvée à l'adolescence et dans les années qui ont suivi en regorgent!) Mais dans cette course au mâle, elle est concurrencée par sa grande soeur, Alexia (Ella Rumpf qui incarne un personnage au prénom identique à celui de "Titane", est-ce un hasard?), élève-vétérinaire dans la même école qui est à la fois son mentor et sa rivale. Aucune ne sortira indemne de cet affrontement tout en chair et... en poils (autre tabou majeur de l'animalité du corps féminin qui est exhibé frontalement dans le film). 

J'ajoute pour ma part le plaisir de voir Laurent Lucas jouer un père dont le corps recèle bien des secrets après son mémorable rôle dans un autre must du cinéma de genre français: "Harry, un ami qui vous veut du bien" (2000) de Dominik Moll. Oui, on a besoin d'être nourris par ce genre de films et on est loin d'être rassasiés!

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Les Amants du Pont-Neuf

Publié le par Rosalie210

Leos Carax (1991)

Les Amants du Pont-Neuf

J'avais très peu de souvenirs du film de Leos Carax. Tout au plus m'était resté une voix au fort accent étranger dépeignant à Michèle (Juliette Binoche) l'enfer qui attendait les femmes sans-abri, sans doute parce que ça m'avait impressionné à l'époque. Maintenant que je l'ai revu, je considère que c'est l'un de ses plus beaux films. Le plus beau même, à égalité avec "Annette". Parce que comme le dernier film en date de Carax, "Les Amants du Pont-Neuf" est un peu fou (une "folie" qui a d'ailleurs coûté cher au réalisateur, le transformant en "cinéaste maudit" à la suite d'un tournage tumultueux digne de celui du Don Quichotte de Terry Gilliam même si Carax a pu mener son film à terme), généreux, démesuré, opératique même, d'une grande beauté visuelle dans lesquels l'amour se conjugue avec l'absolu. Il est rare de trouver dans l'art d'aujourd'hui plutôt désenchanté ce qui faisait le souffle et la beauté du romantisme du XIX° siècle, romantisme qui s'est prolongé dans le cinéma muet dont Leos Carax est un fervent admirateur. D'ailleurs l'un comme l'autre de ces deux films se sont prolongés bien après leur visionnage par l'écoute d'extraits musicaux. J'avais en effet oublié la chanson des Rita Mitsouko qui clôt le film justement intitulée "Les Amants" que je trouve personnellement superbe et qui s'accompagne d'images faisant penser à "L'Atalante" de Jean Vigo!

Cependant, contrairement à "Annette", le film ne dévoile pas tout de suite sa vraie nature. Il commence comme un documentaire naturaliste sur la vie âpre des SDF. On comprend pourquoi Alex (Denis Lavant) ne pense qu'à une chose: retourner dans sa bulle! Et sa bulle, c'est le Pont-Neuf fermé au public pour travaux mais où il a fait son nid en compagnie d'un autre SDF qui pourrait être son père, Hans (Klaus Michael Grüber). La mise en abyme continue de plus belle après deux premiers films dans lesquels Denis Lavant jouait déjà Alex, le double de Leos Carax (qui dans la réalité s'appelle Alex... Dupont). Elle se poursuivra d'ailleurs jusque dans "Holy Motors" dans lequel par un effet miroir, ce n'est plus la Samaritaine que l'on aperçoit depuis le Pont-Neuf mais le Pont-Neuf que l'on aperçoit depuis le toit de la Samaritaine.

La bulle de Alex n'a plus rien à voir avec la réalité crue des bus de nuits et autres hébergements d'urgence dans lesquels s'entassent les corps suppliciés par la misère la plus sordide. Le Pont-Neuf en dépit de son état de chantier et de la crasse propre à la vie de sans-abri reste un décor somptueux, digne d'un conte de fées (et ce d'autant plus qu'il a été reconstitué... en Camargue). Et c'est bien la recherche de la beauté lui permettant de transcender son statut de paria que recherche Alex (et à travers lui, Leos Carax) dans son huis-clos à ciel ouvert. L'arrivée de Michèle sur le pont en est la principale manifestation. Ce n'est pas seulement à cause de sa beauté délicate ou la promesse amoureuse qu'elle représente mais aussi parce qu'elle est une artiste-peintre talentueuse elle-même amoureuse de la beauté. La rencontre de ces deux éléments contraires, l'eau et le feu fait des étincelles (sublime scène du bicentenaire et non moins féérique scène de noël) jusqu'à embraser la pellicule. Seulement la vue de Michèle est si malade qu'elle ne supporte pas la lumière vive que dégage Alex lorsqu'il crache du feu (sa flamme pour elle) et ne peut portraiturer son corps burlesque rompu aux acrobaties alors même que celui-ci tente d'empêcher qu'elle puisse la retrouver, de peur qu'elle ne le quitte. Une valse-hésitation en forme d'impasse existentielle qui ne peut trouver de ligne de fuite que dans la perte, la renaissance et le recommencement.

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Titane

Publié le par Rosalie210

Julia Ducournau (2020)

Titane

Ira, ira pas? Je me suis posée la question pendant quinze jours. D'un côté un film qui traite de sujets qui m'intéressent et une réalisatrice dont le discours ému à Cannes et les tremblements incontrôlables de son bras tranchaient avec le caractère convenu des autres. De l'autre mon peu d'envie de me confronter à des scènes insoutenables. Finalement, ayant appris que ces scènes étaient brèves, prévisibles, peu nombreuses et concentrées dans la première partie, j'ai pu les gérer en fermant les yeux au moment adéquat. D'ailleurs si ces scènes sont globalement nécessaires dans le parcours du personnage d'Alexia, l'une d'entre elle (la plus longue) me semble limite superflue, comme un sacrifice fait au genre.

Quel genre d'ailleurs? Les scènes de meurtre se rattachent au slasher, celle de violence sur soi et de transformations corporelles au body horror, deux sous-genres du film d'horreur aussi bien occidental que nippon (j'ai personnellement beaucoup pensé à la saga Alien, à certains films de Brian DE PALMA et à "Akira" (1988) en plus des références citées partout à David CRONENBERG et à John CARPENTER). Il faut en passer par là pour que le film comme l'héroïne mue un peu (trop) abruptement vers une seconde partie très différente dans laquelle Alexia, sorte de cyborg qui se comporte à la fois comme une machine à tuer et un animal sauvage ne devienne Adrien, jeune homme transgenre frêle, ravagé et mutique en quête d'amour et d'acceptation. Alexia et Adrien tous deux incarnés par une impressionnante Agathe Rousselle sont en effet constitués d'un alliage d'homme, de femme et de métal*. Une fusion perturbante dont les manifestations marquent le spectateur: la plaque de titane se greffe sur le crâne, l'huile de moteur coule des orifices charnels et un enfant hybride en sort, une jeune femme utilise un long dard de métal sur ses victimes, un jeune homme danse lascivement sur un véhicule de pompiers sous les regards gênés de ses collègues et de son père adoptif. Vincent LINDON qui s'oppose en tous points au père biologique de Alexia (joué par Bertrand BONELLO) occupe en effet une position clé dans le film et il s'agit d'un choix de casting particulièrement judicieux. Car ce n'est pas tant sa quête de masse musculaire voire d'éternelle jeunesse que j'ai trouvé convaincante que le fait que son humanité ressort de façon saisissante dans un univers futuriste nocturne qui en manque cruellement. "On est responsable pour toujours de ce que l'on a apprivoisé" disait le renard dans Le Petit Prince et c'est exactement la ligne de conduite de Vincent (choix du prénom à mon avis non fortuit), prêt à recevoir tous les secrets que renferme le corps d'Adrien. Vraiment tous.

* Alliage qui sert de support réflexif à la déconstruction des stéréotypes de genre. Le lien femme-automobile au coeur de tant de publicités virilistes est par exemple un fil directeur du film de Julia DUCOURNAU sauf que si le point de départ (la scène de lap-dance dans un salon de tuning automobile) est tout à fait conforme aux pires clichés sexistes, la suite leur tord le cou, offrant aux regards masculins du film (et au spectateur) de quoi déranger cette vision caricaturale du monde.

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Happy Together

Publié le par Rosalie210

Wong Kar-Wai (1997)

Happy Together

Qui connaît un peu le cinéma de WONG Kar-Wai sait que le titre de son film ne peut être qu'une antiphrase. C'est l'impossibilité de la relation amoureuse qui est explorée dans "Happy Together", film qui joue admirablement tel l'accordéon argentin sur une alternance entre grands espaces dans lesquels les liens se dissolvent et à l'inverse la promiscuité étouffante du huis-clos d'un appartement délabré. "Ni avec toi ni sans toi" est la devise qui semble guider les agissements de Ho (Leslie CHEUNG) et de Fai (Tony LEUNG Chiu Wai), couple gay composé de deux caractères antinomiques qui ne cessent de se retrouver et de se déchirer. "Happy Together" fonctionne comme une danse de tango entre les deux pôles opposés de la planète, Hong-Kong et Buenos Aires. Pourtant, l'aspect le plus réussi du film ne réside pas dans la dramatisation mais dans l'exploration de l'intimité de ce couple au travers de gestes banals du quotidien criants de vérité qui m'ont fait penser à certains passages de "Mala Noche" (1985). L'ébauche de relation entre Fai et Chang (Chen CHANG) fondée sur le non-dit, les rencontres manquées mais aussi le rêve d'un ailleurs m'a fait penser au film le plus connu de WONG Kar-Wai, "In the Mood for Love" (2000) sans parler d'une esthétique très semblable. Néanmoins en dépit de son prix de la mise en scène à Cannes, j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs dans "Happy Together" et que le fait que WONG Kar-Wai travaille sans scénario préétabli s'y faisait davantage ressentir.

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Rouge

Publié le par Rosalie210

Farid Bentoumi (2020)

Rouge

Après "Gagarine" (2020) en juin, je viens d'assister à ma deuxième avant-première d'un film qui était sélectionné pour l'édition du festival de Cannes annulée en 2020. "Rouge", le deuxième film de Farid BENTOUMI est un thriller écologique prenant qui se situe dans la lignée de "Erin Brockovich, seule contre tous" (2000) et du plus récent "Dark Waters" (2019). L'originalité du film se situe dans le conflit générationnel entre un père (Sami BOUAJILA) et sa fille (Zita HANROT) tous deux employés d'une usine chimique qui malmène l'homme et l'environnement mais qui est protégée par les élus et les employés eux-mêmes au nom de la sacro-sainte préservation de l'emploi. Le film est donc une étude passionnante de ce que le système peut produire d'aliénation au travers de la servitude volontaire de ses bons petits soldats du capitalisme, véritable chair à canon qui sacrifie sa santé et dissimule la vérité par peur du chômage et du déclassement social.* Une logique portée à l'extrême par Slimane, leader syndical qui occupe la place du majordome: chef des larbins au service des puissants, il protège ses troupes avec une logique mafieuse (omerta, loyauté) dont il n'a pas conscience. Cette conscience qui lui manque est porté par sa fille Nour (qui signifie "Lumière") qui incarne la jeune génération qui ne veut plus se taire. Au clivage générationnel s'ajoute aussi un clivage de genre: les lanceuses d'alerte sont des femmes plus sensibles que les hommes aux enjeux sanitaires et environnementaux (la journaliste incarnée par Céline SALLETTE est d'ailleurs enceinte). Dans un entretien du milieu des années 60, l'acteur Michel SIMON déplorait les ravages écologiques des 30 Glorieuses et soulignait que ceux-ci n'auraient pas été aussi graves si les femmes, mieux reliées à la nature que les hommes n'avaient pas été réduites au silence. Et bien en 2020 alors que "notre maison brûle", ce sont elles dont on entend la voix dans le film. Mais comme celui-ci fonctionne à plusieurs échelles, il ne manque pas aussi de souligner combien il est difficile de s'opposer aux siens, même si c'est pour les sauver. La crise de la famille patriarcale est en effet un autre thème majeur du film, sans manichéisme car Slimane s'avère être un père digne d'être aimé. La fin est même presque trop belle mais porteuse d'espoir.

* C'est pourquoi quand certains évoquent la liberté de disposer de notre propre corps, j'ai juste envie de rire face à cette énorme mascarade. Les ouvriers contaminés du film valent bien les soldats et les populations d'outre-mer irradiées au nom de la grandeur de la France et tant d'autres scandales sanitaires qui révèlent que les inégalités de classe sont toujours aussi vivaces (la différence d'espérance de vie entre cadre et ouvrier est d'ailleurs évoquée dans le film).

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Marriage Story

Publié le par Rosalie210

Noah Baumbach (2019)

Marriage Story

C'est le "Blow up" que Laetitia MASSON a consacré à Adam DRIVER qui m'a donné envie de voir "Marriage Story". Car non seulement Adam DRIVER est capable d'humaniser n'importe quel salaud mais il est capable de faire en sorte qu'une femme ressente de l'empathie pour lui. Ce qui montre à quel point Noah BAUMBACH a eu du nez en l'engageant. Car dans cette chronique d'un divorce à l'américaine qui fait penser à la fois à "Kramer contre Kramer" (1979) et à "Annie Hall" (1977) (non seulement "Marriage Story" en reprend les enjeux, notamment au niveau géographique, le couple se déchirant entre New-York et Los Angeles mais on y retrouve dans des seconds rôles quelques acteurs fétiches du cinéaste comme Alan ALDA et Wallace SHAWN) il n'y a qu'une seule chose qui ressort: le sentiment d'un immense gâchis humain. Le patriarcat qui dans une vision superficielle semble contenter les hommes en leur donnant le pouvoir les broie au final autant qu'il broie les femmes. Ceux-ci ne voient pas que ce déséquilibre initial est le ver dans le fruit qui mine lentement mais sûrement tout bonheur durable, la rancoeur s'accumulant jusqu'à finir par tout détruire. Car ce sont les femmes qui demandent majoritairement la séparation, lassées de ce jeu de dupes qui relègue leurs besoins, désirs, aspirations au second plan au profit de ceux du conjoint qui ne se rend même pas compte du fait que ce qu'il croit être un désir commun n'est que le sien, le milieu du spectacle servant de miroir grossissant. De plus, au travers de l'avocate jouée par Laura DERN, l'inégalité de traitement entre l'image que doit donner le père qui a le droit d'être imparfait et la mère qui doit jouer le rôle de la vierge Marie car on ne lui pardonne aucune faiblesse est bien souligné. Le film, d'une grande finesse d'écriture et soutenu par une interprétation remarquable offre une vision si nuancée des personnages et est si près d'eux et de leurs émotions qu'on ne peut que compatir à leur situation et éprouver du dégoût pour les soubassements peu reluisants de l'institution du mariage occidental.

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Mauvais sang

Publié le par Rosalie210

Leos Carax (1986)

Mauvais sang

Poème cinématographique non identifié, "Mauvais sang" est le film le plus culte de Leos CARAX. Les références s'y côtoient pêle-mêle (Arthur Rimbaud, les films noirs américains, "Scarface" (1931) en tête, la nouvelle vague française, Jean-Luc GODARD et Jean-Pierre MELVILLE avec un Serge REGGIANI qui plane physiquement et vocalement sur le film d'ailleurs il travaille dans un aérodrome ^^, Jean COCTEAU, Louise BROOKS, Charles CHAPLIN, Louis-Ferdinand Céline, Ingmar BERGMAN dans son volet expérimental etc.) pour composer une symphonie eighties d'un romantisme aussi sombre que flamboyant. Le mauvais sang évoque le sida, plaie de la décennie qui est évoqué de façon métaphorique pour frapper de plein fouet une jeunesse éprise d'une liberté hors de sa portée. On ne compte plus les courses vers quelque impossible ailleurs, celle de Denis LAVANT sur "Modern Love" de David BOWIE étant passé à la postérité (et ce passage porte aussi la marque de son époque, celle du vidéo-clip qui faisait alors concurrence au cinéma avant que cette opposition ne soit dépassée comme le montre la présence de Mylène FARMER au jury de Cannes en 2021). Course à pied mais aussi en voiture et à moto (ce qui préfigure "Annette" (2021) et son amour dangereux). Mais la mort est au bout du chemin, le piège se referme comme de nombreux plans le suggèrent (la toile d'araignée du parachute, les rayons laser protégeant l'antidote au virus) et c'est un autre texte et un autre clip qui s'impose à moi, postérieur de cinq ans à "Mauvais sang" mais qui préfigure aussi "Holy Motors" (2012), celui de "Osez Joséphine" Alain BASHUNG et son parolier-poète, Jean Fauque. Car si la mort est au bout du chemin, la flamme de la jeunesse et sa quête d'absolu s'incarne à travers l'amour fou mais impossible de Alex le prestidigitateur ventriloque pour Anna (Juliette BINOCHE à l'aube de sa carrière) sous la coupe d'un truand qui pourrait être son père mais qui est aussi un avatar du père d'Alex (joué par Michel PICCOLI) tandis qu'une autre jeune fille s'épuise à courir après Alex (Julie DELPY). Respectivement âgés en 1986 de 25, 22 et 17 ans, Denis LAVANT, Juliette BINOCHE et Julie DELPY font hennir les chevaux du plaisir sans pour autant s'opposer à la nuit.

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