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Articles avec #thriller tag

Wild Men

Publié le par Rosalie210

Thomas Daneskov (2021)

Wild Men

"Wild men" est une comédie décalée sur la crise du mâle occidental. C'est le deuxième film du réalisateur danois Thomas Daneskov. Martin (Rasmus Bjerg) quadragénaire danois tout ce qu'il y a de plus "normal" mais ne supportant plus le manque de sens à sa vie décide sur un coup de tête de plaquer boulot, famille et confort pour partir vivre seul dans la nature norvégienne et renouer avec le mode de vie de ses ancêtres. A une nuance près. Les vikings vivaient en communauté et la seule que rencontre Martin dans son périple est une reconstitution qui prétend proposer une expérience authentique sauf qu'à l'époque des vikings, on ne payait pas sa nourriture en carte bleue. C'est sur ce genre de décalage entre l'apparence immémoriale des paysages grandioses et sauvages de la Norvège et la réalité d'un monde moderne qui n'a que des ersatz mercantiles à offrir que joue le réalisateur danois tout au long du film. Une règle du jeu que refuse Martin mais comme il ne sait bien évidemment pas non plus chasser et qu'il a faim, il s'improvise hors la loi en "braquant" (à l'arc) une station-essence. Par conséquent il va rencontrer son miroir inversé, lequel s'appelle Musa (Zaki Youssef), un trafiquant de drogue qui a réchappé d'un accident de voiture dans lequel il s'est blessé et pour qui vivre hors la loi n'est pas une lubie de privilégié incapable d'exprimer son mal-être comme Martin mais une question de survie. Le troisième homme important de l'histoire est le policier lancé à leurs trousses. Enfin lancé est un bien grand mot car il s'agit d'un vieil homme fatigué qui ne s'est pas remis de la disparition de son épouse. Les autres policiers semblent tout aussi peu motivés ce qui a provoqué un rapprochement avec "Fargo" dont Thomas Daneskov est fan. "Wild Men" n'a pas la profondeur du film des frères Coen mais il s'en rapproche par l'humour qui se dégage de ses situations absurdes et de ses personnages déphasés. Un agréable moment de cinéma.

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Police

Publié le par Rosalie210

Maurice Pialat (1985)

Police

A première vue, "Police" ne ressemble pas aux autres films de Pialat. D'abord c'est un film de genre (le seul de sa filmographie). Ensuite, il met en scène des acteurs célèbres et populaires. Depardieu pour la deuxième fois après "Loulou" mais aussi Sophie Marceau qui s'était crédibilisée dans le cinéma d'auteur après "L'Amour Braque" et enfin Richard Anconina qui s'était fait reconnaître avec "Tchao Pantin". Enfin, auréolé de son succès avec son précédent film, "A nos amours", Pialat disposait d'un budget confortable (qui n'est pas étranger au fait d'employer autant d'acteurs connus).

Néanmoins, un examen plus approfondi dément cette première impression. Comme dans la plupart de ses films, Pialat mêle des acteurs professionnels et des amateurs qui sont ici des professionnels du milieu. Pour plus de véracité, lui et sa compagne de l'époque, Catherine Breillat qui écrivit l'essentiel du scénario allèrent enquêter auprès d'avocats de la pègre (pour lui) et de voyous (pour elle). Le tournage ne fut pas non plus une partie de plaisir, Pialat et Depardieu menant la vie dure à Richard Anconina et surtout à Sophie Marceau qui en prit plein la figure, au sens propre comme au sens figuré. Pialat n'était pas sadique mais voulait que les acteurs sortent de leur zone de confort et se donnent à fond. Le fait est que Sophie Marceau a donné l'une des meilleures prestations de toute sa carrière.

Mais c'est surtout dans son thème de fond que le film ne peut être signé que par Pialat. En effet de quoi parle-t-il vraiment ce film sinon du brouillage des frontières entre malfrats, flics et avocats au point qu'il devient parfois difficile de démêler les rôles de chacun. Ce brouillage des frontières va de pair avec celui des identités. Les voyous sont tunisiens mais se font appeler avec des prénoms français, Mangin le flic n'a pas de prénom et Noria qui elle porte bien son prénom fait la navette entre tout le monde en restant insaisissable pour chacun. Sophie Marceau est d'ailleurs parfaitement crédible en maghrébine, faisant penser à Isabelle Adjani. La porosité de son personnage énigmatique (comme l'était Suzanne dans "A nos amours") est néanmoins une illusion qui se brise lorsqu'elle cesse de mentir. Pour s'y être laissé prendre ("j'y ai cru, un instant, j'y ai cru"), Mangin finit par se fracasser contre le mur du réel. Son regard perdu dans le vide nous poursuit longtemps. 

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Les nuits de Mashhad (Holy Spider)

Publié le par Rosalie210

Ali Abbasi (2022)

Les nuits de Mashhad (Holy Spider)

Les nuits de Mashhad est le troisième long-métrage du réalisateur irano-danois Ali Abbasi. Il repose sur des faits réels à savoir le parcours d'un tueur en série ayant assassiné 16 prostituées entre 2000 et 2001 dans la ville sainte de Mashhad, deuxième ville la plus peuplée d'Iran (bien que pour des raisons évidentes, le tournage ait eu lieu en Jordanie). La réalisation, très classique repose sur un montage parallèle visant à nous faire prendre conscience des dysfonctionnements de la société iranienne. D'un côté Saeed Haneei (Mehdi Bajestani), un maçon, bon père de famille très croyant et ancien combattant de surcroît (de la guerre Iran-Irak) qui se transforme la nuit en nettoyeur, persuadé de mener une mission divine alors que les autorités ne lèvent pas le petit doigt pour l'arrêter. De l'autre, Rahimi, une journaliste (Zar Amir Ebrahimi, prix d'interprétation féminine au festival de Cannes 2022) enquêtant sur les faits avec pugnacité mais à qui ces mêmes autorités ne cessent de mettre des bâtons dans les roues. Par la suite, la confusion entre le bien et le mal s'accentue encore quand au moment de son procès, Saeed Haneei est acclamé par une partie de la population qui le considère comme un justicier et réclame sa libération. Bénéficiant de complicités jusqu'au sein de la prison où il est enfermé, celui-ci continue donc à penser qu'il est intouchable alors que Rahimi, elle, paraît bien seule dans cette société machiste. Même si elle développe une relation d'estime avec son collègue journaliste, c'est elle qui s'expose et s'exposer en Iran quand on est une femme peut être mortel.

Même si le ton est parfois trop appuyé, le film dresse un portrait saisissant de l'hypocrisie voire de la schizophrénie de tout un pays obsédé par la pureté des moeurs (ou du moins sa façade sociale) au point d'ériger en héros un assassin qui lui-même justifie ses crimes par la religion alors que le film montre frontalement l'ivresse de la toute-puissance et la jouissance sexuelle qu'il en tire. C'est d'ailleurs ce qui finit par lui valoir les foudres d'autorités qui après l'avoir longtemps laissé courir comprennent qu'elles risquent d'être débordées par le désordre qu'il déchaîne sur son passage. Quant aux prostituées, elles représentent évidemment la poussière sous le tapis, métaphore illustrée littéralement par les méthodes du tueur, retranscrites de façon clinique et prêtes à être reproduites à la génération suivante qui n'en perd pas une miette. Rahimi, personnage fictif dérange cet ordre des choses: ni soumise, ni diminuée par la drogue, sa voix ne peut être étouffée en dépit des intimidations dont elle fait l'objet. On comprend le symbole du prix d'interprétation à une actrice obligée de s'exiler en France à la suite d'une affaire de "revenge porn" l'ayant brutalement privée de carrière en Iran.

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House of Gucci

Publié le par Rosalie210

Ridley Scott (2021)

House of Gucci

Le comique est une affaire de tempo. Or, après un début plutôt réjouissant, "House of Gucci" tiré de faits réels traités sur le mode de la pantalonnade relatifs aux turpitudes de la famille à l'origine de la célèbre marque de luxe souffre hélas de sérieuses baisses de rythme dans sa deuxième partie. Le film aurait mérité d'être plus concis, un défaut désormais récurrent chez Ridley Scott qui dilue ses intrigues sur 2h30. A cela il faut ajouter des acteurs américains qui en font des tonnes en singeant outrancièrement l'accent italien (tout en parlant anglais, cherchez l'erreur) et en gesticulant. On ne sait à qui offrir la palme du plus beau cabot entre Jared Leto (grimé et méconnaissable), Al Pacino (pas grimé mais tout aussi méconnaissable depuis la dernière fois où je l'ai vu) et Lady Gaga qui elle au moins a un vrai personnage à défendre en la personne d'une Lady Macbeth de commedia dell'arte sauf qu'après avoir manipulé son époux pour parvenir à mettre la main sur l'empire Gucci, elle se retournera contre lui lorsqu'il lui échappera. L'époux c'est Maurizio Gucci alias Adam Driver jouant sur la sobriété et la discrétion de son personnage qui contraste avec les excès des guignols qui l'entourent. Contrairement à lui qui longtemps ne s'affirme pas et cherche même à fuir son héritage, sa femme Patrizia est une parvenue avide d'argent et de pouvoir qui considère Maurizio comme sa possession. Son père, Rodolfo (Jeremy Irons qui possède la même réserve que Maurizio mais est autrement plus intelligent) essaye bien de contrecarrer ses plans mais il ne fera pas long feu.

"House of Gucci" est donc une tentative intéressante de traiter l'ascension et la chute d'une grande famille sur un mode bouffon, grotesque, farcesque et parodique (Al Pacino dans le rôle d'un patriarche pas net renvoie forcément à "Le Parrain") mais on rit relativement peu tant le rythme est poussif et on voit bien comment un autre réalisateur aurait pu rendre tout cela beaucoup plus vif et percutant. Il en va de même de la musique, bien choisie (une playlist de tubes disco-pop-rock 70-80 et plusieurs extraits d'opéra italiens) mais qui aurait pu être utilisée de façon plus expressive.

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Le Combat dans l'île

Publié le par Rosalie210

Alain Cavalier (1962)

Le Combat dans l'île

"Le Combat dans l'île", premier film de l'ex-assistant de Louis Malle, Alain Cavalier (que personnellement, j'ai découvert avec "Thérèse" dans les années 80) raconte dans un style qui n'est pas sans rappeler "Ascenseur pour l'échafaud" (c'est à dire très fortement influencé par le film noir américain), la dérive criminelle et autodestructrice d'un jeune fasciste, membre d'un groupuscule d'extrême-droite terroriste que le contexte du tournage permet d'identifier comme étant l'OAS. Néanmoins le film se réfère encore davantage à la seconde guerre mondiale et à sa guerre de civilisation entre les valeurs républicaines universalistes et celles des nationalistes identitaires obsédés par "la décadence de l'occident". On voit avec quelle clairvoyance, Alain Cavalier met le doigt sur une fracture française qui perdure aujourd'hui (d'ailleurs le mentor de Clément, Serge n'est pas sans rappeler un certain Eric Zemmour, aussi bien dans son apparence que dans son discours). Parallèlement à cette trame politique, Alain Cavalier se fait le portraitiste de Clément (joué par un Jean-Louis Trintignant glaçant), ce sinistre fils d'industriel psychorigide adepte d'une culture de mort maquillée en code d'honneur. Le meilleur révélateur de la véritable nature de Clément est sa femme, Anne (jouée par Romy Schneider au début de sa carrière française) qu'il détruit à petit feu à force de possessivité et de jalousie. Cela va même au-delà puisqu'il devient violent dès qu'elle manifeste une quelconque spontanéité (qui contraste avec sa rigidité morbide). L'histoire du film est donc autant celle de la folie de Clément que celle de l'émancipation d'Anne qui finit par échapper à son emprise et à se reconstruire, devenant même un modèle pour Cécile (Diane Lepvrier), jeune provinciale encore sous la férule de son père qui travaille comme cuisinière chez Paul, l'ami de jeunesse de Clément à la sensibilité politique opposée à la sienne. Dommage que celui-ci (joué par Henri Serre) censé incarner la résistance face à Clément soit un peu trop en retrait en dépit de la spectaculaire scène de fin qui donne son titre au film. Quelques lourdeurs dans la narration (par exemple la manière dont Clément apprend qu'il a été trahi) sont compensées par la densité du récit qui tient en haleine, une mise en scène épurée et une très belle photographie signée Pierre Lhomme. De plus le narrateur est Jean Topart dont j'adore la voix.

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La Loi de Téhéran (Metri Shesh Va Nim)

Publié le par Rosalie210

Saeed Roustaee (2021)

La Loi de Téhéran (Metri Shesh Va Nim)

J'aurais dû voir "La loi de Téhéran" en avant-première mais manque de chance, je n'avais pas pu me libérer. Manque de chance car c'est le premier film iranien qui m'enthousiasme autant. La mise en scène est brillante mais elle ne fait pas tout. Des thrillers efficaces mais sans âme, on en a vu beaucoup au cinéma. Or celui-ci est au service d'une véritable histoire et de personnages qui existent et ont une résonance universelle tout en s'inscrivant dans le contexte de leur pays d'origine.

"La loi de Téhéran" souligne un paradoxe mainte fois vérifié pourtant: plus une société est puritaine et répressive, plus elle génère de comportements déviants. "L'ordre moral" de la théocratie iranienne cache donc une réalité aux antipodes des buts affichés par les religieux au pouvoir. Ainsi le film montre brillamment que l'Iran est incapable d'endiguer l'addiction de masse de sa population à la drogue et que sa criminalisation n'a aucun effet sur le problème. L'accès aux produits opiacés est facilité par la position géographique du pays par lequel transite l'opium afghan (90% de la production mondiale) et deux très belles scènes qui se répondent au début et à la fin montrent que la chasse aux drogués par la police est inefficace, leur nombre augmentant trois fois plus vite que celui de la population. De plus, le film montre que si les arrestations touchent surtout les hommes, c'est toute la société qui est gangrenée par ce fléau. Des femmes de dealers sont complices en dissimulant sur elles les substances illicites, des pères accusent leurs enfants pour éviter d'aller en prison ou d'être condamné à mort, des amis ou des fiancé(e)s deviennent des traîtres etc.

Ce réalisme documentaire qui innerve le film (de véritables drogués sont venus prêter main-forte en tant que figurants aux acteurs) n'empêche pas celui d'être puissamment romanesque avec le portrait de deux flics tenaces mais ambigus et surtout d'un caïd tout aussi acharné à lutter qu'eux mais qui se retrouve dépassé par les événements, entraînant dans sa chute toute sa famille, idée là encore illustrée à l'aide d'un montage particulièrement expressif. Le personnage de Nasser est de la trempe d'un Tony Montana ou d'un Michael Corleone ou encore d'un Cosmo Vitelli c'est à dire qu'il dépasse le jugement manichéen et ce d'autant plus que tout ce qu'il aura bâti pour sortir de la misère et aider sa famille lui sera brutalement repris. A l'image de la frappante scène d'introduction, le film montre une société d'emmurés vivants dans laquelle ne subsiste aucun espoir (la mort de l'enfant d'Hamid en est une autre illustration).

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Cours, Lola, cours (Lola rennt)

Publié le par Rosalie210

Tom Tykwer (1998)

Cours, Lola, cours (Lola rennt)

« Un film sur les possibilités de la vie, pour moi, c’est aussi forcément un film sur les possibilités du cinéma ». Pour son troisième film qui lui a permis de se faire connaître à l'international (je l'ai d'ailleurs vu au cinéma à sa sortie), Tom Tykwer imagine un récit minimaliste mais à la forme très travaillée, le tout sur un rythme effréné et une musique endiablée. Lola, une jeune fille aux cheveux rouge feu doit trouver en 20 minutes top chrono 100 mille marks et les donner avant l'heure fatidique à Manni, son petit ami qui l'attend à l'autre bout de la ville. Faute de quoi, la mort est au bout du chemin. Mais la magie du cinéma où tout est possible fait que Lola peut revenir au point de départ et retenter sa chance. Elle a droit à trois essais.

Tom Tykwer utilise quatre techniques différentes (photographie, vidéo, animation et cinéma) afin de démultiplier les possibilités de son récit de course contre la montre sans perdre le spectateur. Ainsi l'histoire du couple principal (très fortement identifié par des couleurs primaires flamboyantes, le rouge pour ce qui touche à Lola, le jaune pour ce qui concerne Manni) se joue en format cinéma, les intrigues secondaires qu'ils percutent mais qui n'ont pas de lien direct avec eux (les péripéties sentimentales du père de Lola par exemple) sont tournées en vidéo dans des teintes très ternes, le futur potentiel des passants qu'ils croisent apparaît sous forme de flashs instantanés et fixes qui se succèdent à toute vitesse (on entend même le bruit répétitif de l'appareil photo) alors que les flashbacks sont eux réalisés en noir et blanc. Enfin les séquences impossibles à réaliser en prise de vue réelle sont remplacées par l'animation, notamment la scène de l'escalier au début de chaque partie du triptyque qui s'avère déterminante pour la suite. 

En effet, comme dans la saga "Retour vers le futur", "Cours, Lola, cours" est un film sur le temps ou plutôt la distorsion du temps au cinéma (d'où les accélérations, les split-screen comme dans la série "24h chrono" etc.) Aucune explication rationnelle ne vient éclairer la possibilité qu'a l'héroïne de recommencer trois fois son parcours. On peut donc tout imaginer, y compris une expérience de mort imminente qui conduit à "rembobiner le film" et à proposer une nouvelle version. Comme dans la boucle temporelle de "Un jour sans fin", l'héroïne apprend de ses erreurs ce qui contribue à modifier le récit par des réactions en chaîne (l'effet papillon). On peut également y voir un écho à l'univers du jeu vidéo où on remet les pendules à zéro et on recommence une partie en temps limité en essayant de faire mieux (on constate par exemple que les trajectoires de Lola sur le dallage en plongée ne sont pas les mêmes d'une version à l'autre, d'abord en diagonale, puis en ligne droite). Enfin Lola est aussi le double du réalisateur, deus ex machina qui a un contrôle total sur le film. La scène du casino, totalement irréelle, peut également s'entendre ainsi, d'autant que c'est l'une de celles où les références cinématographiques sont les plus évidentes. Le tableau montrant le chignon d'une femme vue de dos fait penser à "Vertigo" qui faisait justement de Scottie un scénariste et un réalisateur en puissance puisqu'il réorganisait le monde selon ses désirs. De plus le chignon renvoie au motif de la spirale qui est au coeur du film de Alfred Hitchcock mais aussi de Tom Tykwer. Le cri de Lola (la nouvelle Marlène Dietrich?) qui casse le verre et l'aide à gagner à la roulette est une allusion évidente à "Le Tambour" qui lui aussi influait de façon invisible et décisive sur le destin. 

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Fargo

Publié le par Rosalie210

Joel Coen (1996)

Fargo

J'ai suivi fidèlement les frères Coen au cinéma jusqu'à leur cinquième film, "Le Grand saut" (1994). Mais celui-ci m'a tant déçu que j'ai ensuite complètement laisser tomber (jusqu'à récemment) leur filmographie. Résultat, je suis passée à côté d'un de leurs meilleurs films, mon préféré à ce jour qui mérite son statut de film culte.

Entre autres défauts, "Le Grand Saut" était un film assez impersonnel, un mélange désincarné et peu harmonieux de références cinématographiques faisant pourtant partie pour certaines de mes films préférés (de "L Extravagant Mr. Deeds" (1935) de Frank CAPRA à "Brazil" (1985) de Terry GILLIAM). Tirant la conclusion du relatif échec du film, les frères Coen ont décidé de faire l'inverse et de proposer avec "Fargo" un film extrêmement personnel mais qui, contrairement à certains de leurs films ultérieurs parvient à toucher à l'universel.

Film personnel en effet puisque l'action se déroule dans les plaines enneigées du Minnesota, région natale des deux frères au peuplement d'origine scandinave (si l'on en juge par les patronymes très nordiques de la plupart des personnages) et que le ton est complètement décalé. Le générique annonce un drame épique dans un désert blanc avec une musique grandiose (en référence à la mythologie de la conquête de l'ouest ou plutôt du middle ouest) mais la première scène désamorce complètement cette approche et donne à voir un autre visage, peu glorieux, de l'Amérique: on se retrouve dans un ploucland paumé peuplé de personnages minables, dont le niveau de bêtise n'a d'égal que l'inhumanité. Un club de dégénérés sans coeur, sans âme et sans cervelle qu'on imagine bien parmi les foules idôlatres du Führer durant le III° Reich. Mais l'histoire se déroulant aux USA à l'époque du tournage du film, le totem de ces glandus dont le vide intérieur est à la mesure de celui de leur environnement est le rêve américain, autrement dit la réussite par l'argent. Pour l'atteindre, ils imaginent un plan complètement foireux dont l'exécution tourne au jeu de massacre. Leur incapacité à communiquer dû à la pauvreté de leur vocabulaire doublé d'un état d'esprit férocement individualiste (chacun tente d'escroquer l'autre en dissimulant la majeure partie du magot et l'autre réagit bien évidemment par une violence aveugle) joue un rôle déterminant dans la tournure catastrophique que prennent les événements.

Si les trois pieds nickelés de l'histoire (Jerry, le commanditaire pleutre et ses deux hommes de main sanguinaires, l'un mutique et inexpressif, l'autre volubile et agité) sont bien évidemment risibles, leurs actes n'en sont pas moins terrifiants et ouvrent la voie à un vertige proprement métaphysique illustré par le désert glacé dans lequel ils vivent et qui facilite leurs sinistres desseins (le couple d'automobilistes aurait pu leur échapper s'il y avait eu un endroit où se cacher. Mais rien de tel dans ces espaces de plaines arides et monotones). Ce n'est pas un hasard si la policière enceinte jouée par Frances McDORMAND parvient à les confondre. Le fait même qu'elle incarne la fertilité au sein de ce paysage stérile dans lequel aucun lien humain ne semble pouvoir se nouer (les dialogues révèlent la déconnexion totale de Jerry d'avec sa famille et son insensibilité quant à leur sort bien qu'il cherche à sauver les apparences) explique la portée de la célèbre scène dans laquelle elle s'interroge devant l'absurdité tragique des agissements des truands, eux qui ont commis un massacre pour un argent qui en plus leur restera inaccessible. Le regard songeur de Marge devant l'aspect insondable du mal (Pourquoi tant de sang pour quelque chose d'aussi dérisoire?) nous poursuit longtemps.

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Sin City

Publié le par Rosalie210

Robert Rodriguez, Frank Miller, Quentin Tarantino (2005)

Sin City

J'aime beaucoup les oeuvres hybrides et "Sin City" l'est à tous les niveaux: 

- Le style. "Sin City" transpose au cinéma l'esthétique de la bande dessinée de Frank Miller (co-réalisateur du métrage), devenant un semi-film d'animation produit par une filiale de Disney (incroyable mais vrai!). De plus, ce superbe noir et blanc sans nuances de gris est rehaussé par des taches de couleur qui symbolisent le vice et la violence mais qui la mettent également à distance en la stylisant.

- Le genre. L'univers, les personnages, les codes narratifs sont ceux du film noir des années 50 mais la violence grand-guignolesque et les belles filles guerrières, sexy... et interchangeables m'ont fait penser aux vipères assassines de "Kill Bill" d'un certain Quentin Tarantino qui d'ailleurs a également réalisé avec Robert Rodriguez les deux volets de "Grindhouse" ("Boulevard de la mort", lui aussi peuplé de belles pépées sans identité et "Planète terreur") et offre un coup de main sur certaines scènes de "Sin City". 

- Les héros masculins. "Sin City" est un film de mecs "hard boiled", rompus à l'usage de l'ultra-violence (subie comme infligée), arpentant les bas-fonds nauséabonds d'une ville dont toutes les instances (justice, police, clergé, sénat etc.) sont corrompues. Et en même temps, ces hommes possèdent en eux un romantisme noir qui se manifeste notamment par le besoin d'épancher par la parole et/ou par l'écriture leur âme foncièrement mélancolique qui se raccroche à quelques îlots d'amour et de beauté. Si Mickey Rourke, méconnaissable, est absolument impressionnant dans le rôle de la brute Marv attaché au souvenir de la seule femme qui lui a offert une nuit d'amour, c'est Hartigan, campé par un Bruce Willis à son meilleur qui offre la prestation la plus complexe en homme malade et tourmenté par un amour impossible (car frappé de l'interdit d'un inceste symbolique qui, s'il le brave, le ravale au rang du prédateur dont il cherche à protéger la jeune fille qu'il aime depuis l'enfance). Côté méchants, le plus original et stylé est le silencieux mais néanmoins terrifiant cannibale interprété par Elijah Wood (pendant masculin de la découpeuse ninja Miho jouée par Devon Aoki) alors que le plus drôle (à son corps défendant) est Jackie boy (Benicio del Toro) dont la "prestation post-mortem" (réalisée par Tarantino) relève de la comédie d'épouvante.

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La Main au collet (To Catch a Thief)

Publié le par Rosalie210

Alfred Hitchcock (1955)

La Main au collet (To Catch a Thief)

J'avais peu de souvenirs de ce film qui en dépit d'une belle photographie, de costumes splendides, de plans aériens novateurs assez impressionnants pour l'époque et d'une distribution étincelante (après tout, il se déroule sur la Riviera, entre Cannes et Nice!) pâtit d'un scénario assez faible. Alfred Hitchcock a manifestement voulu prendre des vacances avant d'entamer la série de grands films que tout le monde connaît. "La Main au collet" est donc une récréation légère, souvent drôle et ultra glamour avec ses deux grandes stars qui avaient toutes deux déjà tournées deux fois avec Alfred Hitchcock. Cary Grant est un Arsène Lupin repenti plein de charme très proche de sa véritable biographie (il mentionne à un moment son passé d'acrobate) et Grace Kelly incarne une fois de plus la blonde hitchcockienne idéale c'est à dire le feu sous la glace. Les apparences sont en effet trompeuses et la "reine des neiges" ^^ s'avère à la manière des screwball comédies mener la danse, que ce soit pour donner un baiser (et plus si affinités, la métaphore du feu d'artifices vu depuis la fenêtre de sa chambre d'hôtel étant tout aussi explicite que celle du train dans le tunnel de "La Mort aux trousses"), se débarrasser d'une rivale ou bien conduire à tombeau ouvert (et Cary Grant fait alors penser à son personnage de "Allez coucher ailleurs" mais sans la jupe^^). Cela prêterait à sourire si ça ne préfigurait pas sa mort tragique dans un accident de voiture en 1982 sur ces mêmes routes. Nul ne peut ignorer en effet que l'année suivante, elle épousait Rainier de Monaco ce qui la conduisit à arrêter sa carrière, au grand dam de Alfred Hitchcock qui ne parvint jamais à la faire revenir sur sa décision et se vengea de cette frustration sur la plupart des actrices qui furent chargées de la remplacer. 

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